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N° RG 21/03888 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4WM
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 14 Septembre 2021
APPELANT :
Monsieur [T] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD OGEL HAUSSETETE, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMÉE :
Société TRANSCAT FRANCE venant aux droit de la Société TRANSCAT CENTRE (anciennement UNIROUTE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cédric GUYADER de la SELARL INTERVISTA, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alexandre MERDASSI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 09 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame ALVARADE, Présidente, rédactrice
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 09 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 septembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 14 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [T] [B] a été engagé par la SA UNIROUTE, devenue société Transcat Centre, aux droits de laquelle vient la société Transcat France, en qualité de conducteur grand routier suivant contrat de travail à durée indéterminée du 26 juin 2000, moyennant un salaire mensuel brut qui était en dernier lieu de 2 140,41 euros.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du teansport.
Le 14 avril 2016, le salarié s’est rompu le tendon au bras droit en manipulant un véhicule et a été placé en arrêt de travail jusqu’au 2 novembre 2016.
Après plusieurs arrêts de travail du 10 mai 2017 au 8 janvier 2018, du 21 juin au 15 juillet 2018, du 30 novembre 2018 au 7 octobre 2019, il sera déclaré inapte en une seule visite le 14 octobre 2019.
Il a entre-temps, le 29 mai 2018, fait l’objet d’une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé avec effet au 1er février 2018.
Les recherches menées par l’employeur lui ont permis d’identifier deux postes de reclassement, sur lesquels le comité social et économique, consulté le 29 janvier 2020, a rendu un avis favorable à l’unanimité de ses membres. Des propositions de reclassement ont donc été formulées par lettre du 31 janvier 2020. Par lettre du 18 février 2020, l’employeur a répondu à la demande de précisions formulée par le salarié, lequel n’a donné aucune suite;
Le 16 mars 2020, il lui a été notifié son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée ainsi libellée : « A l’issue de votre visite médicale de reprise le 14 octobre 2019, le Médecin du Travail vous a déclaré « inapte au poste de chauffeur PL. serait apte à un poste sans manutention ni gestes de force des membres supérieurs.
Nous avons en conséquence procédé à des recherches de reclassement au sein de la Société et du groupe CAT auquel nous appartenons, et nous avons consulté les membres du Comité Social et Economique afin d’aborder votre situation lors de la réunion du 29 janvier 2020.
Les recherches de reclassement effectuées nous ont permis de vous proposer, par courrier recommandé du 31 janvier dernier, le poste d’Opérateur Parc sur le site CAT de [Localité 6] (78) et d’Opérateur Parc Polyvalent sur le site d'[Localité 5] (93).
Nous vous avons demandé de nous faire part de votre réponse avant le 17 février 2020, sans quoi nous considérions votre absence de réponse comme un refus de la proposition faite.
Par courrier du 14 février 2020, vous accusez réception des propositions et demandez des précisions que nous vous apportons en réponse par courrier du 18 février 2020. Dans ce même courrier, nous vous demandons de nous faire part de votre réponse définitive avant le 24 février, sans quoi nous considérions votre absence de réponse comme un refus de la proposition faite.
N’ayant reçu aucun retour de votre part, nous avons donc considéré que vous décliniez ces propositions. Lors de l’entretien préalable, qui s’est tenu le 9 courant en présence de [G] [E], Responsable d’Agence, et au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [P], nous avons à nouveau évoqué votre situation et renouvelé nos propositions :
vous nous avez confirmé votre refus de les accepter dans la mesure où ils sont beaucoup trop éloignés de votre domicile.
En conséquence, nous vous avons confirmé notre impossibilité à vous reclasser.
Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement qui prendra effet dès la date de première présentation de la présente. Vous êtes dispensé d’effectuer tout préavis, n’étant pas en mesure de l’exécuter. ».
Suivant requête du 3 août 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappel de salaire, d’indemnités et de dommages et intérêts.
Par jugement du 14 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de M. [T] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse, condamné la SA Uniroute à lui payer la somme de 1 081,04 euros au titre du solde de congés payés, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du solde d’indemnité de licenciement, de l’indemnité pour frais irrépétibles et l’a condamné aux dépens de l’instance.
Le salarié a interjeté appel le 8 octobre 2021.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 11 mai 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions remises le 23 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de voir :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 43 534,35 euros, de sa demande de solde d’indemnité de licenciement à hauteur de 861,32 euros et de sa demande de paiement d’un article 700 à hauteur de 1 500 euros,
statuant à nouveau,
– dire que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 43 534,35 euros,
solde d’indemnité de licenciement : 861,32 euros,
indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance: 1500 euros,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui verser la somme de 1 081,04 euros au titre de solde de congés payés,
y ajoutant,
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, dès lors que le comportement de l’employeur, qui a manqué à son obligation de sécurité, est à l’origine de la dégradation de son état de santé ayant conduit à son inaptitude professionnelle prononcée le 14 octobre 2019 par le médecin du travail,
que subsidiairement, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison d’un manquement de l’employeur à l’obligation préalable de reclassement.
Par conclusions remises le 9 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de voir :
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [T] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse, l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du solde d’indemnité de licenciement et de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement pour le surplus et,
statuant à nouveau,
– débouter M. [T] [B] de sa demande de solde d’indemnité de licenciement,
– condamner M. [T] [B] à rembourser les sommes versées en exécution du jugement de première instance,
– débouter M. [T] [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formée devant la cour,
– condamner M. [T] [B] au paiement de la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’employeur affirme que le licenciement a bien une cause réelle et sérieuse, car, contrairement à ce que prétend le salarié, il n’a commis aucun manquement dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, respectant les recommandations de la médecine du travail et procédant à des recherches sérieuses et loyales de postes de reclassement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur le manquement à l’obligation de sécurité
L’article L.4121-1 du code de la sécurité sociale dispose :’L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1º Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2º Des actions d’information et de formation,
3º La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
L’article L. 4624-6 du code du travail énonce : ‘L’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l’employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
Il ressort du dossier,
que le 14 avril 2016, le salarié s’est rompu le tendon au bras droit en manipulant un véhicule et a été placé en arrêt de travail jusqu’au 2 novembre 2016,
qu’au terme de la visite médicale du 13 octobre 2016, il était dirigé vers un spécialiste en raison des spécificités de son métier de chauffeur poids-lourd porte char nécessitant des chargements et déchargements avec sanglage, c’est-à-dire des gestes de traction et des ports de charges sous forme de sortie de rampes de chargement,
que lors d’une seconde visite le 3 novembre 2016, il était émis l’avis suivant : ‘apte à la reprise avec limitation des chargements, déchargements en privilégiant les longs trajets. A revoir dans trois mois.’, cet avis ayant été réitéré dans les mêmes termes le 2 février 2017,
qu’il était par suite placé en arrêt maladie du 13 mai 2017 au 8 janvier 2018,
que le 5 mars 2018, il était organisé une visite ergonomique du poste à la demande du médecin du travail,
que ce spécialiste après avoir analysé les impacts positifs des aménagements et modifications réalisés, s’est attaché à identifier les contraintes dans les situations de travail et les pistes de solution envisageables,
qu’à la suite de la visite médicale organisée le 6 mars 2018, le médecin du travail a conclu en ces termes : « limitation des chargements, déchargements en privilégiant les longs trajets à revoir dans six mois »,
qu’il a été victime d’une rechute le 21 juin 2018 et placé en arrêt de travail jusqu’au 15 juillet 2018,
que lors de la visite du 13 septembre 2018, le médecin du travail réitérera son avis précédent,
que le salarié a par suite été victime d’une nouvelle rechute le 30 novembre 2018 et sera arrêté jusqu’au 7 octobre 2019, cet accident ayant été reconnu par la caisse primaire d’assurance-maladie au titre de l’accident du travail le 27 février 2019,
que le 14 octobre 2019, après une étude de poste réalisée le 28 mars 2019, il a été déclaré inapte en une seule visite, le médecin du travail ayant précisé : «Inapte au poste de chauffeur PL. Serait apte à un poste sans manutention ni geste de force des membres supérieurs. ».
Le salarié fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en n’adaptant pas son poste de travail,
qu’il est constant que son inaptitude est en lien de causalité direct avec le fait que ce dernier, avisé notamment par la médecine du travail les 13 octobre et 3 novembre 2016, 2 février 2017, 6 mars et 13 septembre 2018 et par les conclusions de l’ergonome du 5 mars 2018, de la nécessité d’aménager le poste, n’a pris aucune mesure à cet égard,
qu’il est recevable à demander des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur rappelle qu’en application de l’article L. 1226-8 du code du travail, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail liées à un accident du travail, le salarié doit être réintégré dans son emploi, de sorte que le salarié doit être maintenu à son poste de travail, à l’identique ou après prise en compte des préconisations formulées par le médecin du travail s’il rend un avis d’aptitude avec réserves,
que seul le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail peut priver le licenciement de cause réelle et sérieuse en raison d’un manquement à son obligation de sécurité, et dans ce cas, encore faut-il que ce manquement ait participé à l’inaptitude et ait un lien de cause à effet avec celle-ci,
que le dossier médical produit par le salarié démontre qu’il a bénéficié d’un suivi médical régulier depuis son embauche,
que s’il a été victime d’un accident du travail le 14 avril 2016, il a été déclaré apte à son poste à la suite de chacune des visites médicales avec limitation des chargements, déchargements en privilégiant les longs trajets,
qu’ainsi, jusqu’à sa déclaration d’inaptitude du 14 octobre 2019, la seule recommandation de la médecine du travail était de limiter, et non d’interdire, les chargements et déchargements en privilégiant les longs trajets.
La société produit la synthèse de l’organisation de l’activité de la flotte de la société et celle de l’activité du salarié, au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, démontrant qu’il avait un nombre de cycles de chargements et de déchargements inférieur aux autres conducteurs, ces éléments étant confirmés aux termes du compte rendu établi par l’ergonome suite à la visite du 5 mars 2018.
Ledit compte-rendu relève ainsi,
au titre des impacts positifs des aménagements et modifications réalisés,
– que le salarié dans le cadre de son activité réalise essentiellement des trajets nationaux qui présentent l’avantage de limiter le nombre de cycles de chargement/ déchargement à réaliser par les chauffeurs (estimé à environ 2,7 chargements et déchargements en moyenne) comparativement aux trajets régionaux ou locaux, réduisant par la même les contraintes associées, qu’il serait souhaitable de continuer à privilégier ce type de trajet pour le salarié concerné par l’étude,
– que le véhicule est pourvu d’une boîte de vitesses automatique, ce qui permet de limiter les sollicitations au niveau des membres supérieurs et inférieurs lors des phases de conduite,
– que la cabine et le poste de conduite possèdent des caractéristiques et des équipements qui semblent plutôt bien adaptés aux besoins du salarié,
– que la structure porte-voiture possède des caractéristiques et des équipements (…) permettant de simplifier les opérations de chargement/déchargement et de limiter les contraintes pour les membres supérieurs et le tronc, qu’aucune gêne ne semble être ressentie à l’utilisation des postes de contrôle de la structure.
quant aux contraintes identifiées dans les situations de travail et aux pistes de solution envisageables,
– que les manipulations semblent être particulièrement problématiques pour le salarié …les postures adoptées lors de l’accompagnement et de la mise en place/retrait des rampes peuvent être contraignantes pour les membres supérieurs… ces contraintes sont couplées à la manutention d’une partie du poids des rampes une fois ces dernières sorties de leurs logements…
– qu’il serait souhaitable d’étudier la possibilité avec le fournisseur de la structure d’adapter sur le véhicule du salarié des rampes de liaison au sol entraînées mécaniquement,
– que concernant l’arrimage des véhicules, la mise en place des sangles de calage implique pour au moins une des plates-formes de la structure porte-voitures, des contraintes posturales pour.. les membres supérieurs (…) Ces contraintes posturales sont couplées à l’effort répétitif à fournir lors de l’actionnement des tendeurs à clicquet des sangles,
– qu’au titre des solutions, l’actionnement des tendeurs restant contraignants pour les membres supérieurs… si une gêne devait apparaître à terme il serait souhaitable de revoir l’interface de serrage des sangles… la recherche de solutions adaptées devrait se faire avec la participation des salariés concernés (…).
Si l’ergonome a identifié deux points négatifs relatifs aux manipulations et à l’arrimage des véhicules alors que l’étude en cause avait été sollicitée par le médecin du travail dans le but de faire un bilan des aménagements sur le poste de chauffeur poids-lourd, de mettre en évidence d’éventuelles contraintes et de proposer des pistes de solutions adaptées respectant les préconisations médicales, pour autant, il ne peut être considéré, au vu de ce qui précède, que l’employeur n’a pas respecté les préconisations médicales qui lui recommandaient alors de ‘limiter les chargements et déchargements en privilégiant les longs trajets’, alors que le médecin du travail réitérait son avis dans les mêmes termes le 13 septembre 2018, le fait que le salarié ait en définitive été déclaré inapte à son poste de travail le 14 octobre 2019, ne valant pas preuve d’un quelconque manquement de l’employeur.
Il n’est en conséquence caractérisé aucun comportement fautif de ce dernier à l’origine de l’inaptitude du salarié ayant conduit à la rupture de son contrat de travail.
2 – Sur l’obligation de reclassement
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que l’employeur avait respecté son obligation de reclassement, le salarié fait valoir que la recherche de reclassement n’est ni loyale ni sérieuse dans la mesure où l’employeur n’ignorait pas que les propositions formulées seraient refusées, dès lors que les frais de déplacement engendrés par ces nouveaux postes auraient considérablement diminué son train de vie et que l’employeur sur sa demande quant à leur prise en charge lui a répondu ‘il n’est à ce jour rien de prévu de particulier’ et qu’il ne lui a été communiqué aucun élément permettant de vérifier que son expérience le dispensait effectivement des formations aux postes, au risque de se voir par suite licencier pour insuffisance professionnelle.
Aux termes de l’article L.1226-10 du code du travail : ‘Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.’
L’article L1226-12, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, ajoute : Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
La charge de la preuve du reclassement incombe à l’employeur.
L’emploi doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagement, adaptation ou transformation de postes existants ou aménagement du temps de travail.
L’obligation de reclassement est par ailleurs une obligation de moyens, qui trouve ses limites dans l’existence de postes disponibles et compatibles avec les aptitudes et compétences du salarié.
Il résulte des pièces du dossier que le 15 octobre 2019, la société a adressé au salarié un questionnaire de reclassement que l’intéressé a retourné le 17 octobre 2019 indiquant accepter une mobilité géographique, que deux propositions ont été formulées par lettre du 31 janvier 2020, les postes étant à pourvoir à [Localité 6] (78) (opérateur parc sur le site CAT) et à [Localité 5] (93) (opérateur parc polyvalent).
Il est justifié du fait que les sociétés du groupe ont été interrogées sur l’existence de postes disponibles, l’employeur ayant indiqué au surplus aux directeurs des ressources humaines vouloir examiner tout poste susceptible d’être proposé, même ne correspondant pas tout à fait au profil professionnel du collaborateur et étudier toutes les possibilités de formation qui lui permettraient d’occuper le ou les postes disponibles.
Il est également justifié de la formulation de deux propositions de postes de reclassement conformes aux restrictions médicales et correspondant aux souhaits exprimés du salarié, lequel n’était pas opposé à une éventuelle mobilité géographique dans un rayon de « 150 kms voire plus selon le poste proposé» et a déclaré accepter les déplacements professionnels, la question de la prise en charge des frais de déplacement étant indépendante de l’obligation de reclassement, l’employeur ayant en outre répondu à la demande du salarié quant à la formation, qui compte tenu de son expérience, ne s’avérait pas nécessaire.
La cour observe en outre que bien que le salarié n’ait pas répondu dans le délai imparti, soit jusqu’au 24 février 2020, après avoir obtenu les précisions sollicitées le 18 février 2020, l’employeur a maintenu ces propositions lors de l’entretien préalable.
Il est établi par l’employeur qu’il a effectué des recherches de postes de reclassement au sein de l’entreprise et des entreprises du groupe, outre que les postes disponibles au sein de l’entreprise pendant la période de reclassement étaient incompatibles avec l’état de santé du salarié, aucune transformation de poste n’était possible en sorte que l’employeur a exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement. Le licenciement du salarié pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement est en conséquence justifié par une cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef et en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire subséquente.
3 – Sur la demande au titre du solde de tout compte
3-1 Sur l’indemnité de licenciement :
Le salarié fait valoir qu’il dispose d’une ancienneté de 19 ans 11 mois 21 jours, décomptée du 26 juin 2000 au 17 mai 2020, soit à la fin du préavis, que selon l’attestation pôle emploi, l’assiette des salaires se fixe à 34.827,56 euros soit, en moyenne, 2 902,29 euros par mois (salaires + IJSS + primes et indemnités), qu’il lui est donc dû à titre d’indemnité de licenciement un solde de 861,32 euros (33.811,66 euros – 32.950,44 euros).
Il est constant que l’indemnité prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l’employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5 du code du travail, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et que le paiement de cette indemnité par l’employeur n’a pas pour effet de reculer la date de la cessation du contrat de travail.
La durée du préavis devant être déduite, le salarié bénéficiait donc d’une ancienneté de 19 ans et 8 mois et demi au 16 mars 2020 (soit 19,73972 ans).
Le salarié a par ailleurs été placé en arrêt de travail du 10 mai 2017 au 8 janvier 2018, soit 244 jours (7,9 mois ou 0,66027 an), puis du 30 novembre 2018 au 14 octobre 2019, date de déclaration de son inaptitude. Les périodes de suspension du contrat de travail seront prises en compte dans la limite d’un an, n’étant pas discuté que lesdites périodes sont en lien avec un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Ladite indemnité se détermine comme suit, selon le décompte de l’employeur :
2 x [(1/4 x 10 x 2 981,14) + (1/3 x 9,07945 x 2 981,14)]= 16 475,22 euros
2 x 16 475,22 euros= 32 950,44 euros.
Le salarié n’est donc pas fondé à solliciter un rappel d’indemnité spéciale.
3-2 Sur le rappel au titre des congés payés
Le salarié fait valoir que le solde de tout compte mentionne qu’il lui est dû 75 jours ouvrables de congés payés, soit 8 706,87 euros (75/25 x 2 902,29 euros), que n’ayant reçu qu’une somme de 7 625,83 euros, l’employeur est redevable de la somme de 1 081,04 euros.
La société indique qu’à la date de son licenciement, le solde de congés payés du salarié se déterminait comme suit :
– 35 jours ouvrés de congés payés restant à prendre sur la période de référence 2017 / 2019 ;
– 19 jours ouvrés de congés payés restant à prendre sur la période de référence 2020 ;
– 9 jours ouvrés de congés payés d’ancienneté
soit 63 jours, correspondant à une indemnité compensatrice de congés payés totale de 7 625,83 euros qui lui a été réglée,
qu’au sein de l’entreprise, les congés étaient comptabilisés en jours ouvrés, soit 5 jours par semaine, alors que l’attestation pôle emploi prévoit que le nombre de jours correspondant à l’indemnité compensatrice de congés payés doit être mentionné en jours ouvrables, soit 6 jours par semaine.
Au vu des explications et justifications fournies par l’employeur non utilement contredites par le salarié le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1500 euros pour l’ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne le montant alloué au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Déboute M. [T] [B] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
Condamne la société Transcat France, venant aux droits de la société Transcat Centre, anciennement Uniroute à payer à M. [T] [B] une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Transcat France, venant aux droits de la société Transcat Centre, anciennement Uniroute aux dépens de première instance et d’appel,
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente