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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00414 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIJL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 18/00700
APPELANT
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188
INTIMÉE
SASU PAPREC GRAND ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0521
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, rédactrice
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente
Madame Véronique BOST, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Madame Camille BESSON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Nicolette GUILLAUME, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [Y] a été embauché en qualité de chauffeur poids lourd par la SAS Paprec Ile-de-France suivant contrat à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2010, avec reprise d’ancienneté au 1er mars 2009.
La convention collective applicable est celle des industries et commerces de la récupération et du recyclage.
Victime d’un accident du travail, M. [Y] a été arrêté à compter du 30 avril 2014 en raison d’un lumbago post-traumatique. Il a repris son travail le 23 juin 2014 après avoir été autorisé le même jour par le docteur [C] à une ‘reprise d’un travail léger pour raison médicale’.
Par avis du 1er juillet 2014, le médecin du travail a déclaré M. [Y] apte à la reprise de son poste.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juillet 2014, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 juillet 2014.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2014, la société Paprec a notifié à M. [Y] son licenciement pour cause réelle et sérieuse, lui reprochant de ne pas respecter les consignes qui lui ont été données.
La relation de travail a pris fin le 18 novembre 2014.
Saisi le 6 mars 2018 par M. [Y], le conseil de prud’hommes de Bobigny, par jugement rendu en formation de départage le 4 octobre 2019, notifié aux parties le 19 décembre 2019, a :
– débouté M. [Y] de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [Y] aux dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 9 janvier 2020, M. [Y] a interjeté appel du jugement en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, à savoir juger son licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Paprec au paiement d’une indemnité pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse assortie de l’intérêt au taux légal d’un montant de 28 125,12 euros.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 20 mars 2020, M. [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré
– dire le licenciement nul et subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, condamner la société Paprec Grand Ile-de-France (anciennement dénommée Paprec Ile-de-France) au paiement d’une indemnité pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse assortie de l’intérêt au taux légal d’un montant de 28 125,12 euros
– de condamner encore la société Paprec Grand Ile-de-France (anciennement dénommée Paprec Ile-de-France) au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 18 juin 2020, la société Paprec Grand Ile- de-France demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris,
– dire que M. [Y] n’est pas fondé à solliciter la nullité de son licenciement,
– dire que le licenciement de M. [Y] est parfaitement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– débouter M. [Y] de toutes ses demandes,
– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens,
à titre subsidiaire,
– dire que M. [Y] n’est pas fondé à solliciter une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à la somme de 9 533,04 euros, soit 6 mois de salaire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 mars 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 26 mai 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L’ARRÊT
I. Sur la nullité du licenciement
M. [Y] sollicitant la nullité de son licenciement, reproche à son employeur un manquement à son obligation de sécurité et l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail alors que son état de santé nécessitait une surveillance particulière. De fait, il lui reproche de n’avoir au retour de son congé maladie le 23 juin 2014, bénéficié d’aucun allègement de ses tâches, d’aucune aide ni d’aucune restriction, ni de l’intervention d’un ripper ni d’un allègement de sa tournée, précisant que ce n’est que le 1er juillet 2014 qu’il a été déclaré apte à la reprise de son poste par la médecine du travail.
L’employeur indique que rien ne justifie la nullité du licenciement et que M. [Y] ne peut pas plus évoquer l’article L. 4121-1 du code du travail dès lors qu’il n’a pas été licencié pour inaptitude et qu’il ne produit aucune pièce à l’appui de cette prétention.
Il prétend que seul le médecin du travail peut décider si le salarié est apte à reprendre son poste avec ou sans réserve et qu’aucun manquement à son obligation de sécurité ne peut lui être reproché, précisant qu’il avait 8 jours pour organiser la visite de reprise, intervenue finalement le 9ème jour, le médecin du travail ayant déclaré M. [Y] apte sans aucune réserve.
Sur ce,
À supposer établi le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, aucune nullité du licenciement, lequel est intervenu pour faute et sans que soit invoqué un quelconque harcèlement moral ou manquement de l’employeur à le prévenir ou à le faire cesser, ni même une quelconque inaptitude non valablement constatée ou laissant suspecter une discrimination à raison de la santé du salarié, ne peut en résulter, de sorte cette prétention sera rejetée.
II – Sur le bien fondé du licenciement
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Il demeure que le licenciement peut être dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que les manquements reprochés au salarié sont consécutifs à un manquement préalable de l’employeur qui les a provoqués. Ce manquement peut être un manquement à l’obligation de sécurité.
Le salarié conteste en effet que les manquements qui lui sont reprochés, lui soient imputables.
La lettre de licenciement est rédigée dans les termes qui suivent :
« Monsieur,
Nous vous avons reçu le vendredi 18 juillet 2014, pour un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre, entretien auquel vous avez choisi de venir assisté de M [Z] [Y], représentant du personnel.
Ainsi que cela vous a été exposé lors de l’entretien, les griefs que nous sommes amenés à formuler à votre égard sont les suivants : non-respect des consignes de travail, irrespect et manquements à vos obligations professionnelles.
Les faits que nous vous avons exposés à l’appui de ces griefs sont les suivants :
Nous déplorons de votre part un manque de respect des consignes de travail données. En effet, plusieurs prestations qui vous sont confiées ne sont pas réalisées, entre autres exemples :
– Le lundi 23 juin 2014 vous n’avez pas collecté le client la CB COROSA à [Localité 4] ;
– Le mardi 24 juin 2014, alors que cette même collecte avait été reportée de votre fait, vous ne l’avez pas réalisée non plus ;
– Le mardi 24 juin 2014, vous n’avez pas collecté la CB ARIANE C/O à [Localité 4].
De même, chaque jour vous devez collecter les conteneurs de la cantine PAPREC LE [Localité 3], or par un simple contrôle visuel, nous constatons que ceci n’est pas fait quotidiennement, notamment le 27 juin dernier.
Ce comportement n’est pas acceptable. En ne suivant pas les consignes de travail qui vous sont données, vous nous mettez dans une situation litigieuse vis-à-vis de nos clients. En effet, ces derniers n’hésitent pas à nous appeler régulièrement, voire nous adresser des plaintes écrites.
De plus, vous n’avez pas informé le service planning que vous n’aviez pas réalisé les prestations définies ci-avant. Ce sont les clients eux-mêmes qui nous ont informés que leurs demandes n’avaient pas été honorées. Votre manque de communication porte donc préjudice à la bonne organisation de notre service, car les prestations doivent être réalisées en urgence ou bien reportées dans le temps. Nous vous rappelons que vous devez informer le service planning de toute difficulté rencontrée dans la réalisation de vos tournées, afin que ce dernier puisse vous apporter une solution sans perturber ni votre travail ni celui de vos collègues et surtout pas nos clients.
Pire, vous n’hésitez pas à faire preuve d’insubordination envers le service planning. En effet, le mardi 24 juin 2014 lorsque monsieur [P] [G] s’est étonné de la non-collecte des bacs de nos clients de [Localité 4] pour la seconde fois, vous lui avez rétorqué que vous jugiez « [Localité 4], c’est trop loin pour moi ».
Nous ne pouvons tolérer que vous preniez autant de liberté dans l’exécution de vos tournées, en choisissant les prestations que vous réalisez. Nous vous rappelons que ces dernières sont préparées de telle sorte à respecter les obligations légales, notamment la durée du travail et à faciliter et optimiser les trajets notamment par un regroupement géographique de nos clients à collecter. Une nouvelle fois, nous vous rappelons que si tant est que vous rencontriez des soucis sur votre trajet (bouchons par exemple), vous devez en informer votre hiérarchie pour qu’elle vous dise quelle action mener. Nous ne pouvons pas tolérer que vous décidiez seul de ne pas réaliser certaines prestations, ni que vous entraviez le bon fonctionnement du service.
Cette attitude est d’autant plus inadmissible que ce n’est pas la première fois que nous sommes amenés à vous faire de tels reproches. En effet, en juin 2013, une mise à pied vous avait été notifiée pour des faits similaires. Force est de constater à la lumière de ces nouveaux incidents, que vous n’avez nullement pris en compte nos remarques et que vous continuez vos agissements fautifs et perturbateurs, malgré notre mise en garde.
Pendant l’entretien vous avez reconnu ne pas collecter chaque jour les bacs de notre cantine du [Localité 3] en vous justifiant ainsi : « parfois j’oublie ». Puis vous nous avez dit « ne pas vouloir collecter les clients de [Localité 4] car c’est trop loin » et que par ce fait vous ne pouviez pas respecter la durée maximale de votre temps de travail quotidienne.
Votre laxisme et vos réactions frôlant la défiance de votre direction ne sont absolument pas acceptables.
Pendant l’entretien vous avez également prétendu avoir été surpris par les sept nouveaux clients ajoutés sur votre tournée. Puis vous nous avez affirmé avoir prévenu le service planning de la non-réalisation des collectes de [Localité 4] pour les motifs rappelés ci-avant. Enfin, vous nous avez présenté un document médical précisant que vous deviez impérativement être libéré à 14 heures pour pouvoir vous occuper de votre enfant et avez de nouveau exigé la présence d’un agent de collecte à vos côtés pour la réalisation de vos tournées.
Encore une fois, les justifications que vous apportez à votre manquement ne sont pas acceptables et démontrent une profonde mauvaise foi de votre part.
En effet, seuls deux clients situés à [Localité 4] situés à 100 mètres l’un de l’autre ont été ajoutés à votre tournée. La collecte de leurs bacs est donc parfaitement réalisable et surtout s’impose à vous. En outre, cette même tournée a été confiée récemment à un intérimaire et ce dernier l’a exécuté sans problème tout en respectant les durées légales quotidiennes de travail. Aussi, sauf en cas de perturbation routière, cette collecte ne vous prend pas plus de 30 minutes sur votre tournée.
Après échange avec le service planning, nous avons eu la confirmation que vous ne l’aviez nullement prévenu de la non-réalisation des prestations de collecte à [Localité 4] et que ces derniers l’ont appris via notre client et via l’absence de bon de pesée de collecte, ce qui est souvent le cas vous concernant.
Enfin, nous vous rappelons une nouvelle fois que vos tournées ne nécessitent nullement la présence d’un agent de collecte. D’ailleurs, nos tournées ne sont jamais réalisées avec un agent de collecte sauf quelques cas dûment justifiés par des raisons médicales. Vos exigences en la matière sont inappropriées et sont une nouvelle illustration de votre mauvaise foi et de votre refus de réaliser les prestations demandées. Concernant la présentation du document médical relatif à la garde de votre enfant, vous ne nous avez nullement fait part de cette obligation médicale avant l’entretien. De plus, nous vous rappelons que votre tournée de bonne heure, vous quittez votre poste de travail au plus tard à 14 heures, ce qui ne vous pénalise nullement pour satisfaire à vos obligations familiales.
Encore une fois, votre attitude est incompréhensible et inappropriée.
Votre non-respect réitéré à suivre les consignes de travail, votre attitude défiante envers le service planning et votre direction, répétée notamment durant l’entretien et votre mauvaise foi manifeste nous amène à penser que vous ne vous remettrez nullement en cause et surtout que vous ne souhaitez pas le faire non plus à l’avenir. D’ailleurs, vous ne vous êtes pas engagé à changer de comportement.
Votre non-respect des consignes de travail porte préjudice à l’entreprise, les clients faisant part de leur insatisfaction et perturbe le service planning et par défaut le travail de vos collègues.
Nous ne pouvons plus prendre le risque que vous portiez une nouvelle fois atteinte à l’image de l’entreprise et que vous entraviez le bon fonctionnement de nos prestations auprès de nos clients. C’est pourquoi nous nous voyons dans l’obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise.
Nous avons décidé de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et
sérieuse (…) ».
L’employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. Repose sur l’employeur la charge de la preuve.
Sur l’obligation de sécurité, l’article L. 4121-1 du code du travail dispose que :
‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
L’article L. 4121-2 du même code dispose que :
‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des
principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’
Rappelons qu’il est constant que victime d’un accident du travail, M. [Y] a été arrêté à compter du 30 avril 2014 en raison d’un lumbago post-traumatique. Il a repris son travail le 23 juin 2014 après avoir été autorisé le même jour par le docteur [C] à une “reprise d’un travail léger pour raison médicale”. Par avis du 1er juillet 2014, le médecin du travail a déclaré M. [Y] apte à la reprise de son poste.
Les faits récents reprochés à M. [Y] (absence de collecte, consignes de travail non suivies, insubordination) se situent sur la période comprise entre le lundi 23 juin 2014 et le mardi 24 juin 2014 pour le client la CB Corosa à [Localité 4], le mardi 24 juin 2014, pour la CB Ariane C/O à [Localité 4], jusqu’au 27 juin 2014 pour les conteneurs de la cantine Paprec le [Localité 3].
Il n’est pas discuté que sur cette période, M. [Y] a effectué seul ses tournées de ramassage des ordures, comme auparavant, ainsi qu’en atteste le mail d’un client de la société datant du 30 avril 2013 que M. [Y] produit, rédigé dans les termes qui suivent : « suite à la suppression de la deuxième personne a bord du camion, et après avoir moi-même vidé nos containers pour permettre leur chargement, cause des conditions de travail difficile pour votre chauffeur et surtout des désagréments et un service déplorable à vos clients. j’en tire la conclusion que le seul avantage de cette réorganisation est financiers pour Paprec ». Ce mail tend à prouver les difficultés d’exécution de ses tâches par M. [Y] dès avant son arrêt maladie.
Par ailleurs en communiquant son certificat de reprise du travail le 23 juin 2014, M. [Y] apporte des éléments suffisants de la nécessité pour l’employeur à son retour de congé, au moins de procéder à une réévaluation de ses tâches pour qu’elles soient éventuellement mieux adaptées à son état de santé. Il est observé en effet que ce n’est qu’à l’issue de cette période et seulement le 9ème jour de la reprise du travail, alors que l’employeur n’avait au surplus que 8 jours pour organiser cette visite, que le médecin du travail a déclaré ce salarié apte.
Or l’employeur n’apporte de preuve ni d’un allègement de ses tâches, ni même d’une évaluation de la charge de travail au regard de l’état de santé de son salarié, au contraire puisqu’il reconnaît expressément dans la lettre de licenciement lui avoir rajouté deux clients à sa tournée. Il n’apporte donc pas de preuve d’avoir pris ‘les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié’.
Dès lors n’est pas caractérisée une cause réelle et sérieuse de licenciement puisqu’il est démontré qu’en réalité, les manquements reprochés au salarié sont consécutifs à un manquement préalable de l’employeur qui par sa carence, les a donc rendus possibles. Il sera ajouté qu’au regard de ces observations, l’existence d’avertissements antérieurs n’a pas d’incidence sur la solution du litige.
Il est constant que la société comptait plus de 11 salariés au moment des faits.
Selon l’article L. 1235-3 du code du travail applicable au cas d’espèce : ‘Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.’
Il convient d’accorder à M. [Y] qui a une ancienneté de 5 ans et 8 mois, toujours inscrit à Pôle Emploi le 27 octobre 2015 (sa pièce 9) une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 14 100 euros, le salaire de référence étant fixé sans être discuté à 2 343,75 euros. Le jugement sera réformé en ce sens.
III- Sur le remboursement des indemnités de chômage
Les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d’espèce, le licenciement de M. [Y] étant sans cause réelle et sérieuse, d’ordonner le remboursement par la SAS Paprec Grand Ile-de-France des indemnités chômage perçues par l’intéressé, dans la limite de six mois d’indemnités.
Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
IV – Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la SAS Paprec Grand Ile-de-France doit être tenue aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel. Elle ne peut prétendre au remboursement de ses frais irrépétibles.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer à M. [Y] à ce titre la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré en ses chefs critiqués sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande de nullité du licenciement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Y],
CONDAMNE la SAS Paprec Grand Ile-de-France à payer à M. [Y] les sommes de
– 14 100 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par la SAS Paprec Grand Ile-de-France aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [Y] dans la limite de six mois,
ORDONNE l’envoi par le greffe d’une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la SAS Paprec Grand Ile-de-France aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE