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C3
N° RG 19/04647
N° Portalis DBVM-V-B7D-KHYC
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 13 OCTOBRE 2023
Appel d’une décision (N° RG 17/0016)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence
en date du 25 octobre 2019
suivant déclaration d’appel du 12 novembre 2019
APPELANT :
Monsieur [L] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [O] [Z] (Service conseil et défense de la FNATH) régulièrement muni d’un pouvoir
INTIMEES :
SAS [7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Antony VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON
Organisme CPAM DE LA DROME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6],
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [Y] [B] , régulièrement munie d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 juin 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistés de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, et en présence de Mme Laétitia-Virginie CHAUVEAU, Juriste assistant, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 13 octobre 2023.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 19 septembre 2013, M. [L] [G], employé en qualité de chauffeur poids lourd par la société [7] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une tendinopathie chronique de l’épaule gauche.
La caisse ayant estimé que la condition relative à la durée des travaux du tableau 57 n’était pas satisfaite, a saisi le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de [Localité 8] qui, dans son avis du 23 juin 2014, a retenu un lien direct entre la maladie et l’activité professionnelle.
Au vu de cet avis, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Drôme a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée selon décision du 22 juillet 2014
L’état de santé de M. [G] a été déclaré consolidé à la date du 31 janvier 2016 avec attribution d’un taux d’IPP finalement fixé à 21 % par la caisse primaire dont 7 % de taux socio-professionnel.
Suite à la contestation de ce taux par l’employeur, le taux opposable d’abord fixé à 14 % a été ramené à 10 % par arrêt de la CNITAAT du 30 septembre 2021, confirmant le jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité du 5 mai 2017. Un pourvoi en cassation a été formé par l’employeur à l’encontre de cet arrêt.
Le 27 décembre 2016, suite à la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur présentée par M. [G], la CPAM de Valence a établi un procès-verbal de non-conciliation.
Le 9 janvier 2017, M. [G] a saisi l’ex tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence aux mêmes fins.
Par jugement du 25 octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Valence a :
– débouté M. [G] de ses demandes,
– débouté la société [7] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [G] aux éventuels dépens nés à compter du 1er janvier 2019.
Le 12 novembre 2019, M. [G] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt avant dire droit du 30 novembre 2021, la présente cour, considérant que l’employeur contestait l’origine professionnelle de la maladie en défense à l’action en reconnaissance de faute inexcusable a d’initiative :
– Ordonné la transmission du dossier, à la diligence de la CPAM de la Drôme, au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 9] qui donnera son avis sur la question de savoir si la pathologie déclarée par M. [L] [G] le 20 juillet 2013 a été directement causée par son travail habituel de chauffeur poids lourds ;
– Dit que lorsque le CRRMP de [Localité 9] aura donné son avis, l’instance sera reprise à la demande de la partie la plus diligente qui déposera des conclusions;
– Réservé les dépens.
Suivant avis du 15 décembre 2022, le CRRMP de [Localité 9] a également estimé que la pathologie déclarée par M. [G] le 20 juillet 2013 a été directement causée par son travail habituel de chauffeur poids lourd.
Le comité a considéré qu’au cours de sa carrière professionnelle, « les travaux effectués par M. [G] ont nécessité des mouvements des épaules impliquant notamment de l’abduction associée à des forces appliquées importantes. Les contraintes cumulées sur l’ensemble de sa carrière sont de nature à justifier le caractère professionnel des lésions observées ».
Après obtention de cet avis l’instance a été reprise, les débats ont eu lieu à l’audience du 27 juin 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 13 octobre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [L] [G] selon ses conclusions parvenues au greffe le 24 janvier 2023 reprises à l’audience, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré,
– juger que la maladie professionnelle du 20 juillet 2013 est due à la faute inexcusable de la société [7],
– ordonner la majoration de la rente versée par la CPAM de Valence,
– ordonner une expertise médicale avec mission pour l’expert d’apprécier les préjudices suivants :
– souffrances physiques et morales,
– préjudice esthétique temporaire et permanent,
– préjudice d’agrément,
– préjudice de déficit fonctionnel temporaire total et partiel,
– condamner la CPAM de Valence à la prise en charge des frais d’expertise en vertu des articles L. 442-8 et R. 141-7 du code de la sécurité sociale ,
– juger que la CPAM de Valence fera l’avance de l’indemnisation et en récupérera le montant auprès de la société [7],
– condamner la société [7] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile.
Il soutient que l’existence d’une faute inexcusable est caractérisée dès lors que l’employeur ne pouvait ignorer le risque encouru lors des manipulations manuelles de charges lourdes et qu’il n’a pris aucune mesure de sécurité, appropriée et effective pour préserver ou garantir la santé de son salarié, ni établi de document unique d’évaluation des risques.
Sur la conscience du danger, il fait valoir que la SAS [7] ne démontre pas avoir respecté les restrictions émises par la médecine du travail dans ses avis :
– Avis du 18/01/2011 : Apte. Limiter le plus possible le port de charges lourdes ;
– Avis du 24/02/2011 : Apte avec restrictions. Limiter le plus possible les manutentions et port de charges ;
– Avis du 9/01/2013 : Apte. Nécessité d’adapter le poste de travail (crochet et chaîne trop lourdes). Un poste de chauffeur sans manutentions serait souhaitable.
Sur l’absence de mesures, il observe que par courrier du 27 novembre 2017, la DIRECCTE 38 indique ne pas avoir reçu de document autre que celui de 2004, lequel ne fait apparaître comme seul moyen d’évaluation et de prévention des risques liés aux manutentions manuelles, que des formations gestes et postures organisées en 2004.
La SASU [7] au terme de ses conclusions récapitulatives du 19 juin 2023 reprises oralement à l’audience, demande à la cour de :
– juger l’appel interjeté par M. [G] recevable mais mal fondé,
A titre principal,
– confirmer le jugement du 25 octobre 2019 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs,
A titre subsidiaire,
– surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation et le cas échéant, de la décision intervenir de la juridiction qui serait saisie sur renvoi après cassation dans le cadre de la contestation de la concluante du taux d’IPP attribué par la caisse primaire à M. [G] en indemnisation des séquelles de la maladie professionnelle,
– à tout le moins à titre partiel dans le cadre de l’action récursoire de la CPAM à son encontre (ndr : quant à la majoration de la rente),
– débouter M. [G] et toutes autres parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause et y ajoutant,
– condamner M. [G] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner M. [G] aux dépens d’instance.
La société [7] soutient que, comme en première instance et sans aucun élément nouveau ni nouvelles pièces, M. [G] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, à savoir qu’elle l’a exposé au risque d’affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail mais également qu’elle avait conscience du danger et qu’elle n’a pas pris de mesures pour l’en préserver.
Elle fait valoir que le tableau des maladies 57 sur lequel M. [G] fonde sa demande de reconnaissance de faute inexcusable ne concerne en aucun cas le port de charges lourdes.
Elle affirme en outre que M. [G] a bénéficié de formations notamment CACES et concernant l’utilisation de grue de chargement et bras auxiliaire afin précisément d’éviter le port de charges lourdes et plus encore, des gestuelles l’exposant à des contraintes posturales.
Sur l’absence de document unique d’évaluation des risques professionnels elle répond que l’entreprise en disposait bien d’un de 2004.
En tout état de cause elle conteste le caractère professionnel de la maladie.
Elle fait valoir que la date de première constatation de la maladie permettant de vérifier le respect du délai de prise en charge est contradictoire selon les documents et n’est pas vérifiable.
Elle observe que dans son avis du 15 décembre 2022, le CRRMP de [Localité 9] ne se prononce pas sur le débat relatif au non respect du délai de prise en charge et à l’absence de document médical corroborant la date de première constatation médicale, selon elle fictive et finalement retenue.
Sur la désignation de la pathologie, elle estime que cette condition fait également défaut dès lors que le certificat médical et la déclaration ne visent pas la pathologie telle que mentionnée au tableau 57A des maladies professionnelles. Elle prétend que la CPAM de la Drôme a requalifié la pathologie déclarée de sorte qu’il n’existe aucune cohérence médicale entre ce qui est déclaré, ce qui est visé par le tableau retenu par la caisse primaire, et ce qui a été pris en charge.
Enfin sur l’absence d’exposition au risque, tout en rappelant la problématique liée à la désignation de la pathologie, elle soutient que M. [G] n’a jamais accompli les tâches de travail l’exposant aux mouvements et gestes prévus au tableau 57A et conteste l’avoir admis lors de l’enquête administrative de la CPAM de la Drôme. Elle précise qu’en tant que conducteur poids lourd, M. [G] n’est pas affecté à des travaux de force et n’a pas non plus de tâches de travail manuel.
Enfin elle remet en cause le second avis du CRRMP de [Localité 9] et fait valoir que la tendinite de l’épaule gauche déclarée par M. [G] trouve son origine dans une pathologie étrangère à sa profession puisque ce dernier semble souffrir, d’après elle, d’une arthrose généralisée et donc d’un état antérieur comme a pu le conclure, le docteur [R], son médecin conseil le 18 avril 2017.
La caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme selon ses conclusions déposées le 26 juin 2023 s’en est rapportée à justice sur la demande de faute inexcusable et, dans l’affirmative, sollicite condamnation de l’employeur à lui rembourser toute somme dont elle devrait faire l’avance.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.
La conscience du danger doit s’apprécier compte-tenu de l’importance de l’entreprise considérée, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté son salarié.
Il appartient au salarié, demandeur à l’instance en reconnaissance de faute inexcusable, de rapporter la preuve que son employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Cette preuve n’est pas rapportée lorsque les circonstances de l’accident dont il a été victime demeurent indéterminées, en considération des pièces versées aux débats par l’appelant à qui incombe cette preuve.
Enfin l’employeur en défense à l’action en reconnaissance de faute inexcusable du salarié reste en droit de contester le caractère professionnel de la maladie prise en charge par la caisse à titre professionnel dans ses rapports avec l’assuré.
À ce titre l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dispose : ‘est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles’.
M. [G] a déclaré le 19 septembre 2013 une pathologie relevant du tableau 57 A reproduit ci-dessous.
Désignation de la maladie
Délai de prise en charge
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie
Tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs.
30 jours
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3 h 30 par jour en cumulé
Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
6 mois (sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois)
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) :
– avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
– avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
1 an (sous réserve d’une durée d’exposition d’un an)
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) :
– avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
– avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
(*) Ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM.
(**) Les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps.
1. En premier lieu la SAS [7] estime que la date de première constatation de la maladie n’est pas certaine, qu’aucun élément médical ne permet à l’employeur de vérifier à quoi elle correspond ni par conséquent le respect de la condition tenant au délai de prise en charge en ce que :
– la déclaration de maladie professionnelle du 19 mai 2013 ne fait pas mention de la date de première constatation ;
– le certificat médical initial (ndr : commun à trois autres pathologies : épaule droite , coudes gauche et droit) fait état du 3 décembre 2005 ;
– le premier comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi a lui retenu le 28 février 2011.
La date de première constatation médicale de la maladie est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin, avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle correspond au document médical le plus ancien attestant des débuts de la maladie, tel qu’un certificat médical ou un examen médical ou un arrêt de travail en lien avec les premiers symptômes et peut donc différer de celle du certificat médical initial constatant la lésion. Elle est fixée par le médecin conseil.
Elle a donc été fixée par ce médecin conseil au 28 février 2011 pour que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 8], saisi par la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme, retienne cette date dans son avis sur la base des éléments figurant dans sa saisine par la caisse et sur lesquels il n’a pas de pouvoir d’appréciation, en dehors de la question posée du lien possible entre la maladie décrite au colloque médico administratif et le travail.
Cette date correspond selon le rapport médical d’évaluation des séquelles du 30 janvier 2016 versé aux débats par M. [G] (pièce n° 6 page 2) à une IRM de l’épaule gauche du 28 février 2011 du docteur [T] ayant constaté (une) ‘tendinopathie sans véritable rupture du tendon supra épineux. Pas d’autre anomalie par ailleurs…’.
Contrairement à ce qui est soutenu par l’intimée, la date de première constatation de la maladie est donc bien établie, sans équivoque, par les éléments de l’espèce.
La SAS [7] a par ailleurs été en mesure d’avoir connaissance de la nature de l’événement ayant permis de retenir une date de première constatation médicale antérieure au certificat médical initial.
Enfin en tout état de cause, qu’il s’agisse du 28 février 2011 ou du 3 mai 2005, le délai de prise en charge de six mois, sous réserve d’une durée d’exposition de six mois, est de toutes façons respecté puisque M. [G] est salarié depuis le 24 mars 2003 de la société [7] et n’a été placé en arrêt de travail qu’à partir du 30 septembre 2013.
En conséquence ce moyen ne peut être accueilli.
2. En second lieu, la SAS [7] conteste la désignation de la maladie estimant qu’elle ne correspond pas au tableau 57 A et relevant que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne s’est pas prononcé sur cette question.
Pareillement, la désignation de la maladie est faite par le médecin conseil au terme de l’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle sans être lié par les seuls termes employés au certificat médical initial.
En effet, l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale dispose que le contrôle médical porte sur tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations de l’assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles, tandis que l’article L. 315-2 prévoit que ses avis s’imposent à l’organisme de prise en charge.
La déclaration de maladie professionnelle du 19 septembre 2013 a été faite pour une ‘tendinite récidivante de l’épaule gauche’ tandis que le certificat médical initial du 20 juillet 2013 commun à quatre pathologies décrit des ‘tendinites récidivantes des épaules droite et gauche, des coudes droit et gauche’.
Au terme de l’instruction, la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’une demande d’avis se rapportant à une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs non rompue, non calcifiante, objectivée par IRM (avec ou sans enthésopathies) gauche, soit par conséquent la pathologie retenue au terme du colloque par le médecin conseil correspondant à l’une des trois décrites au tableau 57 A des maladies professionnelles reproduit supra.
D’une part, l’association de la tendinopathie à des enthésopathies ne doit être mentionnée que si ce syndrome existe et son absence ne caractérise donc pas une désignation impropre de la maladie qui ne correspondrait pas au tableau 57 A.
D’autre part, la SAS [7] estime que la condition d’objectivation par IRM n’est pas satisfaite.
Elle l’est pourtant, ce qui ressort de la pièce n° 24 produite par l’intimée elle-même, soit le jugement du 5 mai 2017 du tribunal du contentieux de l’incapacité de Paris qu’elle avait saisi de sa contestation du taux de 14 % d’incapacité permanente partielle attribué à M. [L] [G] et des annexes à ce jugement, notamment le rapport médical du 18 avril 2017 du médecin consultant (le docteur [H] [R]) mandaté à l’occasion de cette instance par la société [7], rappelant en page 2 les faits médicaux dans les termes suivants:
‘le 20.07.13 une IRM de l’épaule gauche retrouvait : coiffe des rotateurs : tendinopathie chronique non rompue non calcifiante’, étant observé que le 20 juillet 2013 correspond à la date du certificat médical initial du médecin sur la base duquel la déclaration de maladie professionnelle a été faite.
En conséquence, la désignation de la pathologie objet du débat de M. [G] correspond bien au tableau 57 A et la contestation élevée par la SAS [7] est sans portée.
3. Enfin la SAS [7] conteste la condition d’exposition au risque, rappelant que les avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne s’imposent pas à la cour.
La liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la pathologie litigieuse concerne :
les Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) :
– avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
– avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
M. [G] présente en effet une pathologie de l’épaule relevant du tableau 57 mais non une pathologie du rachis lombaire relevant du tableau 98 des maladies professionnelles causée par les travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués dans divers secteurs d’activités professionnelles énumérés limitativement.
Il était affecté comme chauffeur d’un camion à benne comportant une grue auxiliaire au sein de l’entreprise de travaux publics [7], effectuant des rotations pour l’approvisionnement et l’enlèvement de matériels et de matériaux sur les chantiers.
En dehors de ses temps de conduite il était amené selon ses déclarations à :
– monter descendre du camion en se servant de son bras pour se hisser, étant observé qu’il est plus naturel de se servir de son bras droit pour se hisser dans un véhicule dont le poste de conduite est situé à gauche ;
– manipuler et mettre en place les accessoires de levage de la grue à chaque utilisation (chaînes à 4 brins d’un poids d’environ 30 kilos et crochet de levage) ;
– entourer les charges de sangles à cliquets et les tendre par un mouvement de bas en haut ;
– accrocher / décrocher les charges levées par la grue ;
– ramasser à la main divers matériaux éparpillés sur le chantier et les soulever jusque dans la benne du camion.
Au terme de son instruction contradictoire, l’enquêteur de la caisse avait estimé que les éléments apportés par l’assuré et l’employeur ne permettaient pas de retenir que la condition de durée minimum d’une heure en cumulé pour les mouvements d’abduction à l’horizontale ou de deux heures pour ceux à 60 degrés était remplie, d’où la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et d’un second par la présente cour, en l’état de la contestation par l’employeur du lien entre la maladie et le travail.
M. [G] n’a pas apporté d’autres éléments aux débats que ceux sur lesquels la caisse a fondé sa conclusion, tandis que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a estimé que ‘au cours de sa carrière professionnelle, les travaux effectués par Monsieur [G] [L] ont nécessité des mouvements des épaules impliquant notamment de l’abduction associée à des forces appliquées importantes. Les contraintes cumulées sur l’ensemble de sa carrière sont de nature à justifier le caractère professionnel des lésions observées’.
Cet avis établit effectivement un lien entre la pathologie de l’épaule gauche et la carrière de M. [G] de chauffeur poids lourds débutée en 1981 mais, pour autant, faute d’autres précisions, n’établit pas que la condition de temps requise au tableau 57 était atteinte ou dépassée à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au sein de la SAS [7].
La preuve n’est donc déjà pas rapportée que la SAS [7] aurait pu avoir conscience d’exposer son salarié au risque de développer une pathologie de l’épaule en l’exposant à des mouvements d’abduction d’une durée quotidienne excessive.
Par ailleurs les restrictions figurant dans les avis du service de santé au travail à l’occasion de visites périodiques ou de reprise du travail ( Avis du 18/01/2011 : Apte. Limiter le plus possible le port de charges lourdes / Avis du 24/02/2011 : Apte avec restrictions. Limiter le plus possible les manutentions et port de charges / Avis du 9/01/2013 : Apte. Nécessité d’adapter le poste de travail (crochet et chaîne trop lourdes). Un poste de chauffeur sans manutentions serait souhaitable), ne sont pas non plus de nature à rapporter la preuve qui incombait à l’appelant que ces ports de charges l’amenaient à réaliser des mouvements d’abduction des bras pour des durées cumulées journalières supérieures à celles minimales prévues au tableau 57.
Il n’a au demeurant pas été démontré non plus que ces restrictions n’auraient pas été suivies d’effet, ce qui ne ressort pas de la formulation de ces avis.
En tout état de cause, la pathologie du rachis lombaire du tableau 98 et celle de l’épaule du tableau 57 A relèvent de conditions distinctes et les ports de charges lourdes ne font pas partie de la liste limitative des travaux susceptibles de causer une tendinopathie, sauf à être effectués en abduction et pour les durées de temps quotidiennes minimales prévues par ce tableau.
Dès lors le fait que la SAS [7] n’ait pas pris de mesures spécifiques pour éviter le recours aux manutentions manuelles et qu’à ce sujet le document unique d’évaluation des risques professionnels de l’entreprise datant de 2004 ne prévoyait qu’une formation aux gestes et postures, est sans lien de causalité direct avec l’apparition de la pathologie de l’épaule gauche chez M. [G], étant observé qu’il a aussi déclaré une pathologie identique de l’épaule droite ayant fait l’objet le 18 décembre 2013 d’un refus de prise en charge pour motif administratif (cf pièce [7] n° 6).
En conséquence, les éléments du dossier soumis à la cour ne permettent pas de retenir l’existence de la première condition nécessaire à une reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur, à savoir sa conscience du danger auquel était exposé son salarié, de sorte qu’il n’y lieu d’examiner la seconde condition tenant aux mesures qui auraient dû être prises pour éviter ce risque.
Le jugement déféré ayant débouté M. [G] de ses demandes en reconnaissance de faute inexcusable et subséquentes sera donc confirmé.
4. L’appelant succombant supportera les dépens.
Il serait inéquitable de faire supporter à M. [G] la charge des frais irrépétibles d’instance exposés par la SAS [7].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 17/00016 rendu le 25 octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Valence.
Y ajoutant,
Condamne M. [G] aux dépens d’appel.
Déboute la SAS [7] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président