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AFFAIRE : N° RG 20/01835 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FN5D
Code Aff. :
ARRÊT N° PB
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT PIERRE en date du 16 Septembre 2020, rg n° F19/00178
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 JUILLET 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. BUREAU D’ETUDES TECHNIQUES CONCEPTION ET REALISATI ON
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Monsieur [H] [L] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Bruno RAFFI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006870 du 25/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)
Clôture : 7 mars 2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2022 en audience publique, devant Philippe BRICOGNE, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 5 Juillet 2022 prorogé au 13 juillet 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Philippe BRICOGNE
Conseiller:Laurent CALBO
Conseiller :Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 13 JUILLET 2022
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LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
1. Monsieur [H] [L] [W] a été embauché par la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation selon contrat de travail à durée indéterminée de chantier du 20 avril 2017 pour un salaire de 1.788,19 € brut et un taux horaire de 35 heures par semaine en qualité de chauffeur poids lourd.
2. Le 15 mai 2019, il a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave.
3. Par requête du 17 juillet 2019, Monsieur [H] [L] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre en contestation de son licenciement.
4. Par jugement du 16 septembre 2020, le conseil a condamné la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation à payer à Monsieur [H] [L] [W], sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la somme de 5.364,75 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la somme de 1.200,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
5. Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion du 16 octobre 2020, la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation a interjeté appel de cette décision.
6. Par ordonnance du 5 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté Monsieur [H] [L] [W] de sa demande de radiation, les causes du jugement ayant été exécutées.
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7. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 7 février 2022, la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– statuant à nouveau,
– juger que le licenciement de Monsieur [H] [L] [W] est justifié au regard de la gravité de la faute commise par le salarié,
– constater que les griefs reprochés à Monsieur [H] [L] [W] sont constitutifs d’une faute grave,
– juger que les demandes formulées par Monsieur [H] [L] [W] sont mal fondées,
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées par Monsieur [H] [L] [W],
– condamner Monsieur [H] [L] [W] à lui payer la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
8. À l’appui de ses prétentions, la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation fait en effet valoir :
– que l’usage abusif de son téléphone professionnel et l’utilisation du camion de la société à des fins personnelles sont des fautes suffisamment graves ayant pu conduire au licenciement de Monsieur [H] [L] [W], d’autant plus que ce dernier était coutumier de ce dernier fait,
– qu’en revendant de sa propre initiative des déblais à des particuliers à l’insu de la société, il a mis en péril les intérêts de son employeur au regard de la législation applicable aux déchets inertes, de chantier et déblais, qui plus est en sollicitant l’aide d’un engin qui n’était pas homologué pour la circulation sur la route afin de le sortir de son enlisement,
– que Monsieur [H] [L] [W] produit des attestations de complaisance sans contester celle du chef d’équipe.
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9. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 11 mars 2021, Monsieur [H] [L] [W] demande à la cour de :
– confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
– condamner la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
10. À l’appui de ses prétentions, Monsieur [H] [L] [W] fait en effet valoir :
– qu’il n’a jamais reçu de téléphone professionnel,
– que c’est à la demande de son employeur qu’il s’est débarrassé de remblais qui intéressaient des particuliers,
– que la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation ne produit aucune pièce pertinente alors que la charge de la preuve lui incombe.
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11. L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2022.
12. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
13. L’article L. 1232-1 du code du travail prévoit que ‘tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse’.
14. L’article L. 1232-6 dispose que, ‘lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur’.
15. La faute grave est caractérisée par des faits imputables personnellement au salarié, qui constituent un non-respect des obligations de son contrat de travail ou des relations au travail et qui est d’une telle importance qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée de son préavis. La charge de la preuve de la faute grave du salarié incombe à l’employeur.
16. En l’espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [H] [L] [W] est ainsi motivée :
‘Nous faisons suite à l’entretien préalable du vendredi 10 mai 2019 effectué en présence de votre conseiller.
Vous avez eu une conduite constitutive d’une faute grave suite aux faits suivants :
– Usage abusif du téléphone professionnel
– Utilisation du camion de la société immatriculé EM 376 RM à des fins personnelles pour acheminer à votre initiative des déblais issus de nos chantiers chez un particulier et que ces faits s’avèrent récurrents. De plus, à votre propre initiative vous avez fait déplacer un chauffeur de pelle et son engin en le faisant rouler sur la chaussée aux fins de vous dépanner suite à votre enlisement chez un particulier.
Ces faits représentent un manquement grave de votre part. C’est pourquoi compte tenu de leur gravité et malgré vos explications lors de notre entretien, nous sommes au regret de devoir procéder à votre licenciement pour faute grave’.
17. En premier lieu, il sera relevé que la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation ne produit aucune pièce permettant de démontrer un usage abusif de son téléphone professionnel par Monsieur [H] [L] [W], étant observé que l’employeur n’a pas entendu contester l’assertion de son salarié selon laquelle aucun téléphone à usage professionnel ne lui aurait été remis.
18. En deuxième lieu, concernant l’acheminement de déblais chez des particuliers de sa propre initiative et à des fins personnelles, ce reproche est principalement fondé sur :
– une attestation de Monsieur [X] [N] indiquant avoir entendu une conversation téléphonique entre Monsieur [Y] [O] et Monsieur [H] [L] [W] dans laquelle ce dernier demandait au premier ‘de se rendre à [Localité 5] pour le décoincer sans en informer le chef de chantier’,
– une attestation dudit chef de chantier, Monsieur [F] [R], qui a constaté l’absence sur le chantier tant de Monsieur [H] [L] [W] que de Monsieur [Y] [O] avant de s’entendre dire du premier qu’il était allé déposer des déblais à la demande d’un particulier et confirmer par le second qu’il était parti avec la pelle pour aider Monsieur [H] [L] [W] à sortir de son enlisement.
19. La matérialité du fait reproché, bien que non datée et fondée sur des attestations non conformes aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile, n’est pas contestée par Monsieur [H] [L] [W] qui affirme ne pas l’avoir fait de sa propre initiative mais à la demande du client, formée directement auprès de Monsieur [V] [J], gérant de la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation.
20. C’est effectivement ce qui ressort de l’attestation de Monsieur [C] [U], qui précise que la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation ‘n’a pas reçu de contrepartie d’argent ou autre’.
21. Il n’est pas possible, faute de date dans les diverses attestations comme dans la lettre de licenciement, de savoir si le transport fait auprès de Monsieur [C] [U] était celui reproché dans la lettre de licenciement, Monsieur [H] [L] [W] produisant d’autres attestations, comme celle de Monsieur [F] [K], de Monsieur [T] [A] ou de Monsieur [D] [P] relatant avoir bénéficié de la livraison de déblais de la part du salarié sans contrepartie financière.
22. L’employeur se contente de discréditer des ‘attestations de complaisance’ sans davantage expliciter son propos. Il doit être considéré comme ne rapportant pas la preuve des griefs énoncés dans la lettre de licenciement.
23. Il conviendra donc de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [H] [L] [W] avait été prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
24. L’article L. 1235-3 du code du travail dispose que, ‘si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge (…) octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre (des) montants minimaux et maximaux’, soit entre 3 mois et 3,5 mois de salaire brut pour des salariés comptant deux années d’ancienneté dans les entreprises d’au moins 11 salariés.
25. En l’espèce, le conseil, tenant compte du fait que Monsieur [H] [L] [W] a subi un préjudice particulier ‘puisqu’il s’est retrouvé du jour au lendemain sans situation professionnelle, sans salaire’, a pu à bon droit arbitrer à 3 mois de salaire brut l’indemnité due au salarié.
Sur le remboursement à Pôle Emploi
26. En application des dispositions des articles L.1235-4 et L.1235-5 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement à Pôle Emploi par la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation des indemnités de chômage versées à Monsieur [H] [L] [W], dans la limite de six mois.
27. Il conviendra sur ce point d’ajouter au jugement qui ne l’avait pas mentionné.
Sur les dépens
28. La S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
29. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.
30. En l’espèce, il ne sera pas fait application de ces dispositions, Monsieur [H] [L] [W] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale et la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation étant la partie condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Ordonne d’office le remboursement à Pôle Emploi par la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation des indemnités de chômage versées à Monsieur [H] [L] [W], dans la limite de six mois,
Condamne la S.A.R.L. Bureau d’Études Techniques Conception et Réalisation aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre, et par Mme Delphine GRONDIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président