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MINUTE N° 23/367
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
– avocats
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB
ARRET DU 11 Mai 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/03820 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HVD2
Décision déférée à la Cour : 29 Juillet 2021 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A. [8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Tanguy GERARD, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme HERBO, Président de chambre,
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre,
– signé par Mme HERBO, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCEDURE
Le 11 décembre 2015, M. [Y] [F], salarié de la société [8] en qualité de chauffeur poids-lourd depuis 2011, a complété un formulaire de déclaration de maladie professionnelle au titre d’une « tendinopathie », « voire rupture de la coiffe des rotateurs » accompagné d’un certificat médical initial établi par le docteur [X] le 8 octobre 2015.
Le 15 janvier 2016, M. [F] a renseigné un nouveau formulaire de demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d’une « tendinopathie, arthropatie, lésions de la coiffe des rotateurs ».
Il indiquait sur les deux formulaires que la date de la première constatation médicale était le 22 avril 2014, date de début de son arrêt de travail.
Le médecin-conseil de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin ayant constaté que les travaux effectués par M. [F] dans le cadre de son activité professionnelle n’entraient pas dans la liste du tableau n° 57A des maladies professionnelles, le dossier a été transmis au [5] ([5]) de la région de [Localité 7].
Le 15 juin 2017, le [6] a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [F], estimant qu’il existait un lien direct entre cette maladie et le travail habituel de la victime.
Par courrier du 27 juin 2017, la CPAM du Haut-Rhin a informé l’employeur de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie du 8 octobre 2015.
Par courrier du 28 août 2017, la société [8] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Haut-Rhin d’une contestation de cette décision.
La société a, le 10 novembre 2017, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales du Haut-Rhin d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission.
Par jugement avant dire-droit du 27 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Mulhouse, lequel est devenu compétent pour connaître du litige, a ordonné la saisine d’un second [5].
Le 3 mars 2020, le [6] a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée au motif qu’un lien direct ne pouvait pas être établi entre la pathologie présentée et l’activité professionnelle exercée par M. [F].
Par jugement du 29 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse a :
– constaté que la CPAM du Haut-Rhin a respecté le principe du contradictoire,
– constaté que le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [Y] [F] le 15 janvier 2016 est établi,
– confirmé en conséquence la décision de la CPAM du Haut-Rhin du 27 juin 2019 de prise en charge de la maladie de M. [F] au titre de la législation sur les risques professionnels,
– déclaré la décision de la CPAM du Haut-Rhin du 27 juin 2017 de prise en charge de la maladie de M. [F] opposable à la société [8],
– rejeté la demande de la société [8] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société [8] aux dépens.
La SA Transports Sateg a interjeté appel du jugement entrepris par déclaration du 16 août 2021.
Dans ses conclusions visées à la date du 5 janvier 2022, reprises oralement à l’audience, la SA Transports Sateg demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
A titre principal,
– déclarer la décision de la CPAM du Haut-Rhin du 27 juin 2017 de prise en charge de la maladie de M. [F] inopposable,
Subsidiairement,
– déclarer qu’il n’existe aucun lien entre la maladie déclarée par M. [F] et son activité professionnelle exercée au sein de la SA Transports Sateg,
– déclarer qu’elle n’a aucune implication dans la maladie de M. [F],
– déclarer la décision de la CPAM du Haut-Rhin du 27 juin 2017 de prise en charge de la maladie de M. [F] inopposable,
– infirmer la décision de la CPAM du Haut-Rhin du 27 juin 2017 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de M. [F],
En tout état de cause,
– débouter la CPAM du Haut-Rhin de l’ensemble de ses fins, moyens et conclusions, y compris de son éventuel appel incident,
– condamner la CPAM du Haut-Rhin à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance sur fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la CPAM du Haut-Rhin à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel, sur le même fondement,
– condamner la CPAM du Haut-Rhin aux entiers frais et dépens des procédures d’appel et de première instance.
Par conclusions réceptionnées au greffe de la cour le 28 avril 2022, reprises oralement à l’audience, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
– dire et juger que la décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l’affection déclarée par M. [F] le 15 janvier 2016 est opposable à la société [8],
– débouter la société Transports Sateg de l’intégralité de ses prétentions.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l’appel est recevable.
Sur le caractère contradictoire de la procédure d’instruction de la Caisse
L’article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dispose qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
Aux termes de l’article R. 441-14 du même code, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.
En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s’impute sur les délais prévus à l’alinéa qui précède.
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.
Le médecin traitant est informé de cette décision.
L’article D. 461-30 du code précité énonce que lorsque la maladie n’a pas été reconnue d’origine professionnelle dans les conditions du deuxième alinéa de l’article L461-1 ou en cas de saisine directe par la victime au titre des troisième et quatrième alinéas du même article, la caisse primaire saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier mentionné à l’article D. 461-29 et, après avoir statué, le cas échéant, sur l’incapacité permanente de la victime.
Elle en avise la victime ou ses ayants droit ainsi que l’employeur.
En l’espèce, la CPAM du Haut-Rhin justifie avoir informé l’employeur, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juillet 2016, de la clôture de l’instruction du dossier de la maladie professionnelle de M. [F], de l’intervention de la décision de la caisse le 4 août 2016 et de la possibilité pour l’employeur de venir consulter les pièces constitutives du dossier (pièce n°11 de la caisse).
Par ailleurs, la cour rappelle que l’avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est rendu à la caisse primaire, à charge pour cette dernière de notifier immédiatement à la victime ou à ses ayants droit la décision de reconnaissance ou de rejet de l’origine professionnelle de la maladie qui en résulte.
Cette notification est envoyée à l’employeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception lorsqu’elle lui fait grief.
Il en résulte que la caisse n’est pas tenue de notifier l’avis du comité avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l’origine professionnelle de la maladie, mais seulement de notifier immédiatement cette décision.
Cependant, antérieurement à la saisine dudit comité, si les textes n’imposent pas de formalisme particulier à la caisse lorsque celle-ci est tenue d’aviser l’employeur de la transmission du dossier du salarié au [5], encore convient-il que l’organisme justifie avoir procédé à l’information effective de l’employeur, ce par tout moyen s’agissant d’un fait juridique.
Or, au cas d’espèce, la caisse se contente de produire un courrier daté du 1er décembre 2016 (pièce n°12 de la caisse). Si ce document vise en en-tête le numéro de dossier de M. [F], son corps est dépourvu de tout lien avec la pathologie indiquée en référence et ne porte manifestement pas sur le dossier de M. [F]. En effet, ce document vise la maladie professionnelle déclarée par un autre salarié, M. [U] [J], le 11 mars 2014, l’indication de la transmission dudit dossier au [5] et la possibilité pour l’employeur de venir consulter les pièces du dossier jusqu’au 15 décembre 2014.
Cette information est préjudiciable pour l’employeur, d’autant plus que celui-ci avait été informé, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juillet 2016, de la fin de l’instruction du dossier.
En outre, il n’est pas débattu que le courrier du 1er décembre 2016 n’a pas été envoyé par la caisse en LRAR, mais en lettre simple selon les propres conclusions de l’intimée, laquelle n’est, en tout état de cause, pas en mesure de justifier de son envoi ni, a fortiori, de sa réception par l’employeur.
Faute pour la caisse de justifier avoir avisé l’employeur de la saisine du [5] et ainsi d’avoir respecté le caractère contradictoire de la procédure, la décision de prise en charge de la maladie du 8 octobre 2015 déclarée par M. [F] doit être déclarée inopposable à la SA Transports Sateg.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement du 29 juillet 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE la décision de prise en charge de la maladie du 8 octobre 2015 déclarée par M. [F] inopposable à la SA Transports Sateg,
CONDAMNE la CPAM aux frais et dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, Le Président,