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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 01 DECEMBRE 2020
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08036 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B56M5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 15/00356
APPELANT
Monsieur [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me David VAN DER VLIST, avocat au barreau de PARIS, toque : W04
INTIMÉE
SAS SOFT MARKETING
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre
Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre
Mme Laurence DELARBRE, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Anne HARTMANN, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. [W] [X], né en 1962, a été engagé par la SAS Soft Marketing selon un contrat de travail à durée déterminée, à compter du 11 octobre 2004 jusqu’au 11 janvier 2005, puis prolongé jusqu’au 10 avril 2005 en raison d’un surcroît d’activité, en qualité de préparateur de commandes, coefficient 118.
Selon un avenant au contrat de travail en date du 7 avril 2005, les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, pour un poste de cariste, préparateur de commandes et chauffeur PL occasionnel. En 2009, il sera attribué à M. [X] une prime d’entretien de 106,71 euros en raison de son utilisation selon les besoins du service Air Presse d’un véhicule poids lourds pour effectuer les livraisons.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de logistiques de communication écrite directe.
Par lettre datée du 27 août 2014, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 septembre 2014.
M. [X] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 24 septembre 2014 motifs pris :
– de manquement grave à la sûreté lors d’une livraison du 6 août 2014
– d’erreur de préparation de commandes le 25 août 2014
– de retards fréquents et répétés lors de la prise de poste en juin, juillet et août 2014.
À la date du licenciement, M. [X] avait une ancienneté de 9 ans et 11 mois, et la SAS Soft Marketing occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [X] a saisi le 27 avril 2015 le conseil de prud’hommes de Longjumeau qui, par jugement du 22 novembre 2017 a statué comme suit :
– DIT que le licenciement pour faute grave de M. [X] est justifié ;
-DIT que la SAS Soft Marketing n’a pas respecté l’application des minima de salaire conventionnel ;
– DIT que le retrait de la prime d’entretien constitue une double sanction avec la mise à pied disciplinaire ainsi qu’une sanction pécuniaire illicite ;
– CONDAMNE la SAS Soft Marketing, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [X] les sommes suivantes :
* 1.597,89 € bruts au titre du rappel de salaire lié à l’application des minima de salaire conventionnel ;
* 159,79 € bruts au titre des congés payés afférents ;
* 106,71 € au titre de la prime d’entretien ;
– DIT qu’en application de l’article 1153 du code civil, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, date de la présentation à l’employeur de sa convocation au bureau de conciliation ;
-RAPPELLE l’exécution provisoire de droit, en application de l’article R. 1454-28 du code du travail ;
– ENJOINT la SAS Soft Marketing, prise en la personne de son représentant légal, à régulariser la situation de la partie demanderesse auprès des organismes sociaux ;
– CONDAMNE la SAS Soft Marketing, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [X] la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT qu’en application de l’article 1153-1 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2017, date du prononcé du présent jugement ;
– PRONONCE l’exécution provisoire conformément à l’application de l’article 515 du code de procédure civile ;
– REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;
– MET les entiers dépens à la charge de la SAS Soft Marketing, y compris ceux afférents aux éventuels actes de procédure d’exécution forcée de la présente décision par voie d’huissier de justice comprenant les frais visés par les dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996.
Par déclaration du 22 juin 2018, M. [X] a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats, M. [X] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes au titre du licenciement et de la classification III E ;
– rejeter l’appel incident de la société Soft Marketing ;
statuant de nouveau et y ajoutant :
– annuler la double sanction d’avertissement et de mise à pied prononcée le 7 mars 2013 ;
– annuler l’avertissement du 20 septembre 2013 et la société Soft Marketing à verser à M. [X] la somme de € à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la société Soft Marketing à verser à M. [X] :
* à titre de rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel pour la période du 1er avril 2010 au 24 septembre 2014, la somme de 7.840 € et celle de € au titre des congés payés afférents ;
* au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 33.135 € ;
* au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 3 .639,81 € et celle de 363,98 € au titre des congés payés afférents ;
* au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 5.760,29 € ;
* au titre des heures supplémentaires, du 1er avril 2010 au 24 septembre 2014 :
‘ 10.107 € à titre de rappel de salaire
‘ 1 011 € au titre des congés payés
‘ 842 € au titre du 13e mois
* au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé la somme de 11.046 € ;
– condamner la société Soft Marketing à verser à Maître [J] [C] la somme de 3.000 € au titre des articles 700 alinéa 2 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Selon ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats, la SAS Soft Marketing demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que le licenciement pour faute grave de M. [X] était fondé et débouté M. [X] de ses demandes de préavis en congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [X] de sa revendication de la qualification de chauffeur poids-lourds et du positionnement niveau II E de la grille conventionnelle des métiers ;
– réformer pour le surplus le jugement déféré ;
en conséquence,
– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société Soft Marketing y compris les demandes nouvelles formées en cause d’appel et celle au titre de l’article 700 du CPC ;
– donner acte à la société Soft Marketing de ce qu’elle s’engage à régulariser un rappel de salaire au regard du taux horaire conventionnel pour la somme brute de 192,57 € avec bulletin de salaire correspondant ;
à titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire il était décidé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,
– constater que la moyenne de salaire de M. [X] la plus favorable s’élève à 1.597,89 € ;
– limiter en conséquence le préavis à la somme de 3.195,78 € outre 319,57 € au titre des congés payés afférents ;
– limiter l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 4.440,79 € ;
– réduire au minimum légal prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail la somme réclamée à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de l’absence de preuve de préjudice ;
– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes de rappels de salaires au titre d’une qualification de chauffeur poids lourd (classification II E), au titre d’heures supplémentaires, à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et à titre d’annulation de l’avertissement du 20 septembre 2013 ;
– condamner M. [X] à payer à la société Soft Marketing la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ;
– condamner M. [X] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2020 avant l’ouverture des débats.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR:
Sur l’annulation des sanctions disciplinaires
A hauteur de cour et pour la première fois, M. [X] réclame l’annulation des sanctions disciplinaires ayant précédé le licenciement.
Ces demandes nouvelles au regard d’une saisine du conseil de prud’hommes antérieure au 1er août 2016, sont recevables.
Par application de l’article L1333-1 du code du travail en cas de litige, le juge du contrat de travail apprécie au vu des éléments retenus par l’employeur et de ceux fournis par le salarié si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Sur la sanction du 7 mars 2013
M. [X] soutient avoir fait l’objet, le 7 mars 2013, de deux sanctions simultanées, un avertissement et une mise à pied disciplinaire de trois jours avec retenue salariale pour un même fait à savoir l’endommagement de son camion lorsqu’il s’est engagé par inadvertance dans un tunnel d’une hauteur insuffisante. Il souligne que l’employeur a dû renoncer à une troisième sanction la suppression pendant 6 mois de sa prime d’entretien. Il précise qu’un tel incident ne s’est pas reproduit.
La société Soft Marketing oppose que la contestation de M. [X] est prescrite. Elle ajoute qu’elle a été contrainte en raison de la gravité de l’accident causé de notifier cette mise à pied disciplinaire, observant par ailleurs que M. [X] ne l’avait alors pas contestée et qu’il sera en arrêt de maladie pendant cette période.
Sur la prescription
Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent le même contrat de travail, de sorte qu’en l’espèce, la prescription de l’action en contestation des sanctions disciplinaires a été interrompue par la saisine du conseil des prud’hommes.
Le délai de prescription de 5 ans a été réduit à 2 ans par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui a introduit l’article L. 1471-1 du code du travail aux termes duquel toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
L’article 21 V de la même loi prévoyait que «Les dispositions du code du travail prévues aux paragraphes III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et que lorsqu’une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ».
A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de contestation de la sanction disciplinaire n’était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 2 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure.
Il en résulte que la demande de M. [X] n’est pas prescrite du fait de l’interruption de la prescription par la saisine, le 27 avril 2015, du conseil des prud’hommes, et que par conséquent elle est recevable.
Sur le fond
La sanction délivrée à M. [X] le 7 mars 2013 portant pour objet : avertissement, concerne un accident provoqué par le salarié le 27 février 2013, à bord de son camion de livraison de 3,30 mètres de haut, lorsqu’il s’est engagé dans un tunnel dont la hauteur était limitée à 2,50 mètres. Elle est notamment ainsi libellée « (‘) Comme vous avez pu le constater le camion est totalement détruit et irréparable. Notre responsabilité étant engagée pour non-respect des signalisations routières(…).Pour le motif invoqué ci-dessus, nous vous notifions un avertissement pour manquement professionnel avec une mise à pied de 3 jours les 11, 12 et 13 mars 2013, avec retenue correspondante de salaire.(…) ».
Il résulte des courriers échangés par la suite entre les parties de première part que M. [X] n’a jamais contesté sa responsabilité dans l’accident causé et de seconde part qu’il était clair entre elles que seule une mise à pied disciplinaire a été délivrée à M. [X] malgré la maladresse de formulation de la lettre de sanction et que le salarié n’a pas fait l’objet d’une double sanction. M. [X] sera débouté de sa demande d’annulation.
Sur l’annulation de la sanction du 20 septembre 2013
Pour annulation de l’avertissement qui lui a été délivré le 20 septembre 2013, M. [X] soutient qu’en réalité la société intimée faisait preuve d’une totale incurie en matière de sécurité et qu’elle est malvenue de lui reprocher d’avoir le 10 septembre 2013 laissé l’armoire de rangement des fournitures de sûreté ouverte et les certificats de sûreté dehors, ce dont il n’a au demeurant aucun souvenir.
La société réplique que M. [F] dans son courrier du 27 septembre 2013 a reconnu son erreur et qu’au demeurant cette demande était prescrite depuis le 25 septembre 2015.
Même si M. [X] n’a présenté sa demande d’annulation que dans ses conclusions à hauteur de cour, il convient de rappeler au vu des explications données ci-avant, qu’en considération de sa saisine du conseil de prud’hommes le 27 avril 2015 et de la date de l’avertissement contesté relevant de la prescription biennale, cette demande ne saurait être prescrite.
Sur le fond, la cour retient que l’employeur verse aux débats le rapport d’incident établi par le responsable sûreté de la société le 10 septembre 2013, pour un non-respect de la procédure de sûreté par M. [X], évalué comme incident majeur avec demande de sanction et rappel des mesures de sûreté, pour les faits évoqués ci-avant.
Les dénégations de M. [X] qui répliquait dans son courrier du 27 septembre 2013 que s’il avait commis une erreur, la société avait aussi sa responsabilité puisque les faits n’avaient été constatés qu’en fin de matinée et qui produit des photographies non datées ni circonstanciées de clefs traînant sur un bureau, ne sont pas convaincantes.
La cour en déduit que la sanction délivrée était justifiée et n’encourt pas l’annulation. M. [X] sera débouté de ses prétentions de ce chef.
Sur la qualification professionnelle et les réclamations salariales
Pour infirmation du jugement déféré, M. [X] réclame à hauteur de cour une classification d’employé III E de la convention collective des entreprises de logistique de communication au titre de ses fonctions de conducteur confirmé et de chauffeur poids lourds, estimant que celle-ci n’a jamais été prise en considération au titre de sa rémunération. Il conteste le caractère occasionnel de cette activité en précisant qu’il était le seul conducteur poids lourds de la société hors les intérimaires et qu’il faisait la quasi totalité des livraisons. Il réclame pour la période allant du 1er avril 2010 au 24 septembre 2014, dans les limites de la prescription, un rappel de salaire de 7.840 euros.
La société intimée conclut à la confirmation du jugement déféré qui n’a pas retenu la qualification réclamée par l’appelant mais à son infirmation sur le quantum alloué en raison d’une erreur de calcul, reconnaissant un différentiel de 192,57 euros qu’elle s’est déclarée disposée à régulariser.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification.
Il ressort du contrat de travail que M. [X] a été engagé en qualité de cariste, préparateur de commande, chauffeur poids lourds occasionnel, dès 2005 et que ce n’est qu’en 2009 qu’il s’est vu attribué une prime d’entretien en raison de l’usage d’un camion pour ses livraisons.
La classification revendiquée par M. [X] de conducteur confirmé, III E, relevant de la famille technique est définie dans la convention collective applicable, comme suit: « Règle et conduit différents matériels comprenant des réglages de type mécanique, hydraulique et informatique et ce conformément au dossier de réalisation. Il est responsable de la qualité et des délais de réalisation. ».
La cour observe de première part que la catégorie de conducteur ainsi évoquée par la convention collective ne vise pas expressément l’activité de chauffeur poids-lourds et de seconde part que M. [X] qui admet lui-même dans ses écritures avoir une certaine polyvalence ainsi que le mentionnent ses fiches de paye visant une activité de « cariste, préparateur de commandes, chauffeur poids lourds », n’établit pas que son activité de chauffeur poids lourds était prépondérante, de nature à justifier ce changement de classification.
La cour, par confirmation des premiers juges, déboute M. [X] de sa demande de ce chef.
La rémunération de M. [X] en considération de sa classification III G, agent de planning,pour la période de septembre 2013 à septembre 2014 était fixée à 9,60 euros à compter de septembre 2013 et 9,67 euros à partir de mars 2014.
Au regard de ce qui lui a été versé, M. [X] est en droit de prétendre à la somme de 192,57 euros majorée de 19,25 euros au titre des congés payés que l’employeur s’est engagé à payer et au paiement de laquelle par infirmation du jugement déféré, il sera condamné en tant que de besoin.
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
M. [X] s’appuie sur la pièce 24 produite par l’employeur, qui est un relevé de pointage individuel le concernant édité le 4 septembre 2014, pour revendiquer des heures supplémentaires faisant observer qu’il a fait sommation à la société de produire les relevés de pointage et les disques chronotachygraphes sur la période du 1er avril 2010 au 24 septembre 2014. Il soutient que jusqu’à l’avertissement du 23 septembre 2013, il réalisait au moins 40 heures de travail par semaine, arrivant avant 9 heures et quittant son travail après 17 heures. Il précise être dans l’incapacité de reconstituer les horaires au-delà de cette date mais que suite à ce deuxième avertissement, démotivé, il a limité son temps de présence et sa demande en conséquence à une heure de présence supplémentaire par semaine, selon un décompte rectifié produit en pièce 35. Il réclame par conséquent un rappel de salaire en fonction du minimum conventionnel retenu.
La société intimée oppose la prescription de la demande s’agissant de prétentions formulées pour la première fois lors des conclusions datées du 21 septembre 2018.
Sur la prescription
La cour renvoie s’agissant de la recevabilité de la demande aux développements effectués ci-avant, et s’agissant de la prescription que la demande ne peut porter s’agissant de réclamations salariales sur des prétentions antérieures au mois d’avril 2010, de sorte que les prétentions telles que formulées par M. [X] ne sont pas prescrites.
Sur le fond
L’examen des pièces produites ne permet pas de considérer que le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées, d’autant qu’à compter de septembre 2013 de son propre aveu, il explique ne comptabiliser qu’une heure supplémentaire par semaine.
Pour la période antérieure, la cour relève que le décompte produit n’est corroboré d’aucune pièce témoignage ou relevé chronotachygraphe établissant qu’il commençait avant 9 heures et achevait son travail au delà de 17 heures 30 comme il l’affirme.
La cour rappelle que les disques chronotachygraphes des véhicules conduits doivent être conservés pendant cinq ans par l’employeur pour les salaires antérieurs au 16 juin 2013 et trois ans pour les salaires postérieurs au 16 juin 2013.
Il ne peut donc être reproché à l’employeur de n’avoir pu déférer à la sommation de verser aux débats ceux concernant M. [X], au regard de la présentation tardive de sa demande relative aux heures supplémentaires.
En considération de ce qui précède, M. [X] sera débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires.
Le rejet de cette demande entraîne le débouté de celle relative à l’indemnité de travail dissimulé.
Sur le licenciement pour faute grave
La lettre de licenciement était ainsi libellée:
« « (‘) Le mercredi 6 août 2014 vous avez effectué une livraison chez notre client AVICLEAN qui se situe sur la zone aéroportuaire d'[Localité 5], « coté piste », en zone sûreté.
Alors que vous êtes formé et sensibilisé aux règles de sûreté régissant ces zones particulières, vous avez déposé la marchandise à l’extérieur des entrepôts et vous êtes reparti sans avertir notre client de votre présence afin qu’il ouvre le rideau du quai pour réceptionner la marchandise à l’intérieur de l’entrepôt, comme le prévoit le protocole de sûreté.
Nous avons été prévenus de cet incident le jour même par notre client AVICLEAN, très mécontent de ce manquement grave à la sûreté ; il nous a fait part de ce qu’il avait reçu un avertissement d’Aéroport de [Localité 6] ainsi que du Poste de Contrôle Air (PC Air) lui précisant que cet incident pourrait avoir des répercussions graves quant à son agrément.
La société AVICLEAN nous a notifié par lettre recommandée ce manquement grave à la sûreté, en nous informant qu’elle ne pouvait accepter un tel comportement et qu’elle serait dans l’obligation de mettre fin à toute collaboration avec Soft Marketing si ce type d’incident venait à se reproduire.
Ce type de manquement qualifié de « manquement grave à la sûreté » dans la chaîne de sûreté que nous devons respecter en tant que détenteur d’un Agrément, constitue une violation nous contraignant à établir un rapport « compte rendu d’incident sûreté de niveau majeur ».
Lors de l’entretien préalable, contre l’évidence, vous n’avez pas craint de soutenir « ce n’est pas moi qui ai effectué cette livraison » alors que les vérifications que nous avons faites ont confirmé que vous aviez bien rédigé le certificat de sûreté permettant l’acheminement des marchandises dans la zone « piste ».
D’ailleurs, l’exemplaire du certificat devant être remis au client au moment du transfert n’a pas été transmis puisqu’il est revenu avec notre exemplaire, ce qui prouve bien si besoin en était que vous n’aviez pas averti le client de cette livraison.
À ces faits, qui constituent à eux seuls une faute grave justifiant votre licenciement immédiat, viennent s’ajouter les manquements suivants :
– le 25 août 2014, vous avez effectué une préparation qui se composait de deux magazines ; cependant, lors de l’enlèvement par le transporteur, il manquait un des deux magazines. [P] [E] qui est en charge de la gestion administrative de ce dossier, vous a demandé pourquoi il manquait un titre, ce à quoi vous avez répondu « c’est un oubli, une erreur de production ». Lors de l’entretien, vous avez reconnu cette erreur, cherchant à en minimiser les conséquences.
– comme il ressort des pointages des mois de juin, juillet et août 2014 que nous vous avons présentés lors de l’entretien, nous déplorons vos retards fréquents et répétés lors de votre prise de poste, malgré les multiples avertissements verbaux que vous aviez déjà reçus de votre hiérarchie pour le non-respect des horaires de travail ; en dépit de cela, vous n’avez pas cherché à modifier votre comportement. En guise de réponse, vous nous avez indiqué que ces retards provenaient d’un état maladif, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Nous sommes au regret de constater que depuis environ 1 an et demi, tant les diverses mises en garde verbales que les sanctions qui vous ont été notifiées par courrier sur de multiples incidents n’ont pas été entendues ni suivies d’effets.
Bien au contraire,au lieu de vous ressaisir et d’adopter un comportement professionnel et responsable, vous multipliez les fautes et erreurs et nous estimons avoir fait preuve de suffisamment de patience à votre égard.
Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien du 4 septembre 2014, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. (…) ».
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être suffisamment motivée et viser des faits et des griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire et qui exige que soient identifiés des faits précis survenus au cours de la période de prescription de deux mois est celle qui empêche la poursuite du contrat de travail et il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.
Au soutien de la réalité des faits reprochés, s’agissant du premier grief, l’employeur se rapporte au courrier de réclamation (pièce 18-1) doublé d’un courriel du même jour (pièce 20) que lui a adressés la société Aviclean Services le 11 août 2014, se plaignant de ce que le chauffeur de la société Soft Marketing avait livré de la marchandise le 6 août 2014 en la laissant sans avertir quiconque à l’extérieur devant l’entrepôt au mépris des règles applicables en zone de sûreté de l’aéroport, l’exposant à la perte de son agrément et menaçant en cas de renouvellement de mettre fin à la collaboration ainsi que le bon de livraison correspondant identifiant clairement « [W] [[X]]» comme chauffeur (pièce 21).
Les dénégations de M. [X] qui réplique qu’il n’avait pas de moyen de prévenir la société de sa présence autrement que par l’usage de klaxon faute de sonnette ou de disposer d’un téléphone professionnel, que la société Aviclean entreposait de façon habituelle du linge devant ses locaux ou qu’il était habituel que le bon de livraison ne soit remis que lors de la livraison suivante, ne sont pas de nature à justifier son comportement ou à établir que celui-ci était habituel s’agissant ainsi qu’il est rappelé d’une zone de sureté sous le contrôle permanent du PC Air. La thèse qu’il développe selon laquelle cet incident aura été l’occasion non seulement pour la société Aviclean de se défausser sur son fournisseur face aux reproche d’ADP et du PC Air pour une pratique habituelle de sa part mais aussi pour son employeur de se débarrasser de lui, ne procède que de ses affirmations. Ce grief est par conséquent établi.
S’agissant du second avertissement relatif à la préparation de la livraison du 25 août 2014 dans laquelle il s’est avéré qu’il manquait l’un des deux magazines, M. [X] ne conteste pas son oubli mais estime s’agissant d’un comportement non volontaire qu’il ne saurait motiver un licenciement disciplinaire.
Contrairement à ce que M. [X] soutient, un oubli, même si celui-ci n’est pas intentionnel, relevant à tout le moins d’une négligence, peut être sanctionné disciplinairement.
Par conséquent, la cour retient ce grief dont l’existence n’est pas contestée.
Il en va de même s’agissant du grief relatif aux retards, M. [X] ne les contestant pas mais les minimisant, les estimant de 1 à 10 minutes tandis que l’employeur les évalue entre 19 et 56 minutes au terme de sa pièce 24. Les tentatives de justification de M. [X] qui rappelle que l’employeur ne lui payait pas les heures supplémentaires et en soulignant qu’il n’a jamais eu de rappel sur ce point ne sont pas recevables.
Les données du débat permettent de retenir de par le passé disciplinaire de M. [X] et de par la nature et le cumul des manquements relevés, le salarié reconnaissant de surcroît lui-même un contexte de démotivation le concernant, que la poursuite des relations contractuelles n’était pas envisageable et, par confirmation du jugement déféré que le licenciement repose sur une faute grave. En conséquence les demandes de M. [X] seront rejetées.
Sur les autres dispositions
Partie perdante, M. [X] est condamné aux dépens d’instance et d’appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
L’équité ne commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rappel de salaire.
Et statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
DONNE acte à la SAS Soft Marketing de ce qu’elle reconnaît devoir à M. [W] [X] une somme de 192,57 euros à titre de rappel de salaire majorée de 19,25 euros au titre des congés payés et, en tant que de besoin, la condamne à ce paiement.
DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. [W] [X].
DÉBOUTE M. [W] [X] de ses demandes d’annulation des sanctions disciplinaires.
DÉBOUTE M. [W] [X] de ses demandes d’heures supplémentaires.
REJETTE la demande d’indemnité pour travail dissimulé.
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties.
CONDAMNE M. [W] [X] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT