Chauffeur de Car : 17 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00155

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Chauffeur de Car : 17 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00155
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 17 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/00155 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O2LQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

APPELANT :

Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me DELORME avocat pourMe Olivier TRILLES de la SELARL OLIVIER TRILLES, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEE :

SARL [C] ET FILS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christophe BRINGER de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, avocat au barreau d’AVEYRON

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 14 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Président en l’absence du Président empêché

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, en l’absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [E] [S] a été embauché par la Sarl [C] et Fils à compter du 1er septembre 2016 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel à raison de 770 heures annuelles, en qualité de conducteur-receveur, coefficient 140V de la convention collective des transports routiers de voyageurs.

Par avenant du 30 septembre 2017, sa durée du travail a été portée à 1430 heures sur 11 mois à compter du 1er octobre 2017.

Par courriel du 20 novembre 2017, le salarié a demandé à son employeur de mentionner sur ses bulletins de paie les heures complémentaires accomplies mensuellement, qui selon lui n’apparaissaient plus à compter du mois d’octobre 2017.

Le 13 décembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 2 janvier 2018, en vue de son éventuel licenciement.

Le 8 janvier 2018, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et sollicitant diverses sommes salariales et indemnitaires, le salarié a saisi au fond, le conseil de prud’hommes de Carcassonne le 10 mai 2019 lequel, par jugement du 8 décembre 2020, a :

– condamné la Sarl [C] et Fils à verser à M. [S] la somme de 155,97€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

– débouté M. [S] de toutes ses autres demandes ;

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les parties supporteront chacune les entiers dépens.

C’est le jugement dont M. [E] [S] a régulièrement interjeté appel partiel le 15 décembre 2020.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 5 octobre 2022, Monsieur [E] [S] demande à la Cour de :

– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Carcassonne en toutes ses dispositions sauf celle condamnant la Sarl [C] et Fils à lui verser la somme de 393,16€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Statuant à nouveau,

Requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet,

Condamner la Sarl [C] et Fils au paiement des sommes suivantes:

– 1500€ de dommages et intérêts pour l’absence d’examen médical d’embauche obligatoire ;

– 614,88€ au titre des heures complémentaires effectuées de septembre 2016 à novembre 2016 au-delà de la limite légale fixée à 1/3, en plus de la durée du travail prévue ;

-1500€ de dommages et intérêts au titre du préjudice subi lié au dépassement des heures de travail complémentaires ;

– 3.441,69€ à titre de rappel de salaire de janvier 2017 à décembre 2017 en raison du dépassement de la durée légale de travail à temps complet outre la somme de 737,60€ au titre du rappel de congés payés ;

– 2500€ de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du non respect des temps de repos journaliers minimums ;

– 5000€ de dommages et intérêts au titre du non- respect du repos compensateur obligatoire ;

– 9358,02€ au titre du travail dissimulé ;

– 3000€ de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 525,80€ au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 1559,67€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 155,97€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– 5000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 30 juin 2021, la Sarl [C] et Fils, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes ;

– le condamner à payer à la Sarl [C] et Fils la somme de 3000€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 12 octobre 2022 fixant la date d’audience au 7 mars 2023.

SUR CE

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur l’absence de visite médicale à l’embauche

Le salarié fait grief à son employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale lors de son embauche en septembre 2016. Il sollicite la somme de 1500€ de dommages et intérêts à ce titre.

En vertu de l’article R. 4624-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’espèce, sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies:

1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition;

2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application de l’article R. 4624-47;

3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :

a) Soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;

b) Soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise.

En l’espèce, l’employeur produit une fiche d’aptitude médicale en date du 11 mai 2016, pour un poste de chauffeur de ramassage de personnes que le salarié avait précédemment occupé dans une autre entreprise. Le salarié a donc été déclaré apte par le médecin du travail 3 mois et demi avant son embauche sur un emploi identique, présentant les mêmes risques d’exposition.

Au demeurant, le salarié ne justifie d’aucun préjudice consécutif à l’absence de nouvelle visite médicale.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement qui a debouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la requalification du temps partiel modulé en temps complet

M. [S] sollicite la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein à compter du mois de janvier 2017. Il réclame la somme de 3.441,69€ à titre de rappel de salaire de janvier 2017 à décembre 2017 outre la somme de 737,60€ au titre des congés payés afférents. Il fait valoir qu’il a travaillé 165 heures au mois de janvier 2017, ce qui a eu pour effet de porter sa durée du travail au delà de la durée légale de travail.

L’article L.3123-9 du code du travail, dans sa version en vigueur à compter du 10 août 2016, dispose que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.

En vertu de l’article précité, la durée hebdomadaire d’un salarié à temps partiel ne peut atteindre 35 heures au cours d’une même semaine, y compris lorsque la durée du travail est répartie sur l’année. A défaut, le contrat doit être requalifié en contrat à temps plein, à compter de la première irrégularité constatée.

En l’espèce, il résulte des relevés d’heures produits que le salarié a travaillé 43 heures16 du 9 au 15 janvier 2017.

Il est par conséquent démontré que les heures effectuées en janvier 2017 ont eu pour effet de porter la durée du travail accomplie à hauteur de la durée légale du travail, en sorte que le contrat doit être requalifié en contrat de travail à temps complet à compter du 9 janvier 2017.

Sur le rappel de salaire afférent à la requalification

Le salarié est fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant à la différence entre le nombre d’heures payées par l’employeur et le nombre d’heures correspondant à un emploi à temps complet.

Compte tenu du taux horaire applicable, des sommes versées à titre de salaire par l’employeur au titre du temps partiel, la somme due au titre du rappel de salaire s’élève à 3361,12€ et la somme due au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents s’élève à 336,11€.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires

Le salarié sollicite une somme de 285,08€ à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires sur les mois de janvier, mars, mai et octobre 2017. Il fait valoir qu’il a effectué un total de 20,71 heures supplémentaires au cours de cette période.

Dès lors que la durée du travail du salarié a été annualisée, le volume des heures supplémentaires effectuées doit être apprécié à l’issue de la période de référence, au 31 septembre 2017.

Du 1er septembre 2016 au 31 septembre 2017, le salarié a effectué un total de 1495,05 heures, soit un volume d’heures inférieur au seuil de 1607 heures.

En conséquence, il convient de débouter le salarié de sa demande à titre d’heures supplémentaires.

Sur le moyen tiré du dépassement du plafond conventionnel d’heures complémentaires

Sur la demande de rappel de salaire à titre d’heures complémentaires effectuées au delà du plafond conventionnel

Le salarié sollicite la somme de 614,88€ à titre de rappel de salaire correspondant aux heures complémentaires accomplies de septembre 2016 à novembre 2016 au delà du plafond conventionnel d’heures complémentaires.

Dès lors que la durée du travail du salarié était répartie sur l’année, les heures complémentaires dues doivent être calculées à l’issue de la période de référence au 31 septembre 2017 et non sur les seuls mois précités. Par ailleurs, le contrat à temps partiel modulé ayant été requalifié à temps plein à compter du mois de janvier 2017, il n’y a pas lieu au paiement d’heures complémentaires.

Il convient de débouter le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du dépassement du plafond conventionnel d’heures complémentaires

L’article L. 3123-20 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoit qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu, peut porter la limite dans laquelle peuvent être accomplies des heures complémentaires jusqu’au tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat du salarié à temps partiel et calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif d’aménagement du temps de travail.

L’article 23 de l’accord du 18 avril 2002 relatif à l’aménagement à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport routier de voyageurs dispose que, dans le cadre du temps partiel modulé, ‘la limite hebdomadaire ou mensuelle du temps partiel modulé est fixée en fonction de la durée déterminée au contrat de travail et peut être minorée ou majorée du tiers de cette durée, sans pouvoir atteindre l’horaire d’un temps complet’.

En l’espèce, le contrat de travail stipule que la durée est de 770 heures sur 12 mois, la période de référence étant fixée du 1er septembre 2016 au 31 septembre 2017.

Une disposition conventionnelle autorise l’accomplissement d’heures complémentaires dans la limite du tiers de cette durée. Le salarié pouvait donc effectuer 256,67 heures complémentaires au maximum, soit un plafond de 1026,67 heures sur l’année.

Il résulte des décomptes produits par le salarié, non contredits par l’employeur, que le salarié a accompli 1495,05 heures de septembre 2016 à septembre 2017. Le salarié a donc accompli 468,38 heures complémentaires au delà du plafond conventionnel.

Il y a lieu d’accorder au salarié la somme de 500€ de dommages et intérêts au titre du préjudice subi.

Sur les dommages et intérêts au titre du non respect des temps de repos journaliers

M. [S], qui a été débouté par le premier juge de sa demande indemnitaire de 2500€ au titre des manquements de l’employeur aux durées minimales de repos journalier, demande à la cour de faire droit à cette prétention.

Il fait valoir qu’il a été contraint de réduire son temps de repos journalier entre 11h et 9h à plusieurs reprises entre le mois de janvier 2017 et le mois d’octobre 2017, sans que cette réduction n’ait fait l’objet d’une compensation. Il précise qu’il prenait généralement son poste à 5h30 et finissait à plusieurs reprises après 20h00 de sorte qu’il était privé du temps de repos journalier minimum. Il ajoute que l’absence de repos journalier suffisant a engendré une fatigue importante et une tension anormale dont son entourage a également souffert.

Il produit aux débats l’ensemble des tickets d’activité issus du chronotachygraphe pour la période de janvier 2017 à décembre 2017.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point. Elle fait valoir que le salarié n’établit ni la matérialité ni l’étendue de son préjudice.

En vertu des dispositions de l’article 8 du règlement européen 561/2006 du 15 mars 2006, un conducteur peut prendre un temps de repos journalier réduit entre deux temps de repos hebdomadaire, de neuf heures au moins et de moins de onze heures, à raison d’un maximum de trois temps de repos journaliers réduits.

Il résulte du texte précité que la durée d’un repos journalier peut être réduite à neuf heures dans la limite de trois fois entre deux repos hebdomadaires.

Il ressort des données issues du chronotachygraphe que le salarié a pris, à plusieurs reprises, des temps de repos journaliers réduits (de 9 heures 27 entre le 12 et le 13 janvier 2017 ; de 9 heures 09 entre le 30 et le 31 janvier 2017 ; de 9 heures 09 entre le 27 février et le 28 février 2017 etc). Cependant, le salarié ne démontre pas avoir pris plus de trois temps de repos journaliers réduits entre deux temps de repos hebdomadaires.

Les éléments fournis par le salarié ne permettent donc pas de démontrer une quelconque atteinte à ses droits au temps de repos journalier ni a fortiori d’un préjudice en résultant.

Il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.

Sur les dommages et intérêts au titre du non respect du repos compensateur obligatoire

M. [S] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire de 5000 € au titre du non-respect du repos compensateur obligatoire et demande à la cour de faire droit à sa prétention.

Il fait valoir qu’il a pris, à plusieurs reprises, des temps de repos hebdomadaire réduits et n’a pas bénéficié de périodes de repos équivalentes.

En vertu de l’article 8 6°du règlement européen 561/2006 du 15 mars 2006, au cours de deux semaines consécutives, un conducteur prend au moins deux temps de repos hebdomadaires normaux de 45 heures minimum ou un temps de repos hebdomadaire normal et un temps de repos hebdomadaire réduit d’au moins vingt-quatre heures. La réduction du temps de repos est compensée par une période de repos équivalente prise en bloc de la troisième semaine suivant la semaine en question.

En l’espèce, il ressort des données issues du chronotachygraphe que le salarié alternait, selon les semaines, des temps de repos hebdomadaire normaux lorsqu’il bénéficiait de deux jours consécutifs et des temps de repos hebdomadaire réduits lorsqu’il travaillait le samedi.

Or, il résulte de l’analyse des relevés d’activité que le salarié n’a pas bénéficié d’au moins un repos hebdomadaire normal au cours de deux semaines consécutives du lundi 2 janvier au dimanche 15 janvier 2017 et du lundi 15 mai 2017 au dimanche 28 mai 2017.

Par ailleurs, il n’a pas bénéficié de périodes de repos équivalentes sur la semaine n°3 du 6 mars 2017 alors qu’il avait pris un repos hebdomadaire réduit sur la semaine du 20 février 2017 de 33 heures et un temps de repos hebdomadaire normal sur la semaine du 27 février 2017 de 57 heures.

En conséquence, le salarié n’a pu bénéficier des temps de repos minimum sur ces périodes, en infraction avec le règlement communautaire du 15 mars 2006.

Le non-respect de la réglementation ayant été constaté sur les périodes précitées, il convient de limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 300€.

Sur le travail dissimulé

M. [S] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire de 9358,02€ au titre du travail dissimulé et demande à la cour de faire droit à sa prétention.

Il fait valoir que le nombre d’heures de travail figurant sur le bulletin de paie et rémunérées ne correspond pas à la réalité du nombre d’heures réalisées.

L’employeur réplique que la mention sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli résulte de l’application du dispositif d’annualisation du temps de travail.

L’article L. 8221-5 du code du travail prévoit qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.

Il résulte des bulletins de paie que le salarié a été rémunéré sur la base de 1461,28 heures du mois de septembre 2016 au mois de septembre 2017 alors que les données issues du chronotachygraphe démontre qu’il a travaillé 1495,05 heures sur cette période, soit une différence de 33 heures. Cet élément ne suffit pas à caractériser une intention frauduleuse de l’employeur de mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli sur les bulletins de paie.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le bien fondé du licenciement

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 8 janvier 2018, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée:

‘ Nous rappelons que nous vous avons engagé en qualité de conducteur receveur de car Groupe 9 coefficient 140V en CDI depuis le 1er septembre 2016.

Nous avons à vous reprocher des manquements graves à vos obligations professionnelles lors d’un accrochage que vous avez eu le 8 décembre 2017 avec le car de l’entreprise à la suite duquel vous avez fait un délit de fuite puisque vous ne vous êtes pas arrêté, vous n’avez pas établi de constat, et vous n’avez pas immédiatement prévenu votre employeur.

Compte tenu des dégâts occasionnés sur le car de l’entreprise, vous ne pouviez pas ignorer avoir percuté un véhicule, lequel était à l’arrêt. Vous avez pourtant marqué un temps d’arrêt et vous êtes reparti immédiatement.

Ce sont les agents de la Police municipale, grâce aux caméras de vidéosurveillance, qui sont remontés jusqu’à vous. Ce n’est que lorsque vous avez été informé de leurs investigations que vous vous êtes soucié de nous prévenir en nous adressant un mail le 11 décembre 2017.

Lors de votre passage à la Police un constat a été établi et nous a été transmis par la partie adverse le 28 décembre 2017. Une fois de plus, vous ne nous avez aucunement tenu informé de ces faits, ni transmis le constat.

L’ensemble de ces faits sont tout à fait inadmissibles. Nous ne pouvons pas tolérer de tels agissements de la part de nos salariés. Malgré les multiples rappels à l’ordre que nous avons fait à l’ensemble du personnel quant aux règles à respecter en cas d’accident, vous n’avez pas daigné les respecter.

En plus de votre obligation de faire preuve de vigilance lorsque vous conduisez le car de l’entreprise, dans lequel vous transportez des personnes, il relève de vos obligations de vous arrêter, d’établir un constat et d’en informer immédiatement votre employeur. Or, vous êtes allé à l’encontre de l’ensemble de ces principes.

De tels faits portent également gravement préjudice à notre image et causent un préjudice financier pour l’entreprise, ce que nous ne pouvons tolérer.

Il nous paraît inadmissible d’accepter de la part d’un conducteur de car de tels faits. Par vos agissements, vous êtes allé à l’encontre de vos obligations à l’égard de l’entreprise. Ce comportement de votre part est totalement inadmissible et intolérable dans l’exercice de vos fonctions. En tant que salarié de l’entreprise, vous vous devez d’adopter un comportement professionnel.

Vous êtes également tenu par une obligation de loyauté et de bonne foi qui découlent de votre contrat de travail et qui permet à votre employeur de vous demander de lui rendre des comptes. Ce que vous n’avez aucunement pris en compte, ni respecté en agissant de la sorte.

Vos agissements s’analysent comme des fautes professionnelles d’une extrême gravité, et nous ne pouvons admettre cette situation.

Outre la perte de confiance nécessaire à notre bonne relation professionnelle, ces faits constituent une faute grave. Vous comprendrez que nous ne pouvons admettre de tels incidents et que votre attitude est incompatible avec le fonctionnement de l’entreprise et particulièrement préjudiciable à ses intérêts.

En l’état, l’accomplissement de votre tâche professionnelle ne peut donc perdurer au vu de la gravité des faits qui vous sont reprochés. Par le présent courrier, vous vous notifions votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement dès la date de 1ère présentation de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.’

L’employeur fait grief au salarié d’avoir manqué à son exécution loyale du contrat en ne lui signalant pas immédiatement avoir eu un accrochage avec son véhicule de service, et en commettant un délit de fuite en ne lui transmettant pas directement un constat.

Pour démontrer la matérialité des faits reprochés au salarié, l’employeur produit:

– un courriel adressé par le salarié à son employeur le 11 décembre 2017 à 19h46, intitulé ‘incident’ rédigé en ces termes : ‘Bonjour, j’ai noté un petit choc sur la carrosserie du car 274, au niveau des portes arrières. Un peu de peinture écaillée et un feu de position latéral détérioré. Je ne sais pas si je suis en cause (je pense que oui), je ne me souviens pas avoir touché quoique ce soit. Mais j’avoue être un peu déboussolé par mes problèmes personnels et je n’ai pas ma concentration habituelle. Je vous joins les photos. Cordialement’ ;

– le compte-rendu d’entretien préalable au licenciement du 2 janvier 2018 au cours duquel le salarié a reconnu avoir percuté un véhicule à l’arrêt sans sentir d’impact ainsi qu’avoir immédiatement rempli un constat sans la présence de la propriétaire du véhicule impliqué et avoir transmis ce constat à un policier municipal, M. [M] ;

– le constat amiable d’accident ayant eu lieu le 8 décembre 2017 à 9h55 à [Localité 2]. M. [S] y indique avoir percuté un véhicule à l’arrêt alors qu’il manoeuvrait pour se garer, ce qui a endommagé les deux véhicules impliqués ;

– un courrier du Maire de [Localité 3] du 16 octobre 2017 adressé à M. [C], gérant de la société, qui rapporte que M. [S] a invectivé deux chauffeurs le vendredi 13 octobre 2017 alors qu’il manoeuvrait ;

En réplique, le salarié conteste la matérialité du délit de fuite qui lui est reproché. Il soutient s’être arrêté à la suite de l’accrochage, avoir rédigé un constat immédiatement à l’arrivée des forces de l’ordre, sans la présence de la propriétaire du véhicule impliqué et l’avoir transmis à M. [M], policier municipal. Il ajoute que son licenciement est injustifié dès lors qu’il a prévenu son employeur le premier jour ouvrable suivant l’accrochage, le lundi 11 décembre 2017, qu’aucune poursuite n’a été entreprise à son encontre pour délit de fuite, que ces faits n’ont engendré aucun dysfonctionnement pour la société qui était assurée pour tout accident et que ce licenciement est la conséquence d’une politique de mise au placard du salarié faisant suite à ses demandes de régularisation de ses bulletins de paie.

Il est établi que M. [S] a percuté un véhicule en stationnement, le vendredi 8 décembre 2017 à 9h55, alors qu’il était au volant de son véhicule de service. Il est tout aussi acquis que le salarié n’a prévenu son employeur de cet incident que le lundi 11 décembre 2017 à 19h46 par courriel. En revanche, les éléments versés aux débats ne suffisent pas à établir le délit de fuite reproché au salarié, ce dernier n’ayant en outre fait l’objet d’aucune condamnation à ce titre.

En ne prévenant pas immédiatement son employeur de l’incident survenu avec le véhicule de service, le salarié a manqué à son obligation de bonne foi qui découle de son contrat de travail. Cependant, ce seul fait, qui n’a fait l’objet d’aucun avertissement préalable ni mise à pied conservatoire, ne constitue ni une faute grave empêchant le maintien du salarié dans l’entreprise ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le licenciement est par conséquent sans cause réelle et sérieuse.

A la date de la rupture, le salarié avait une ancienneté d’un an et quatre mois dans une entreprise employant plus de onze salariés. Le salarié était âgé de 45 ans et percevait, sur la base d’un contrat de travail à temps plein une rémunération mensuelle brute de 1559,67€. A défaut d’élément sur l’évolution de sa situation professionnelle, il y a lieu de lui allouer la somme de 1559,67€ correspondant à un mois de salaire brut.

La perte injustifiée de l’emploi ouvre également droit pour le salarié aux indemnités de rupture.

P

artant, il y a lieu, de faire droit à la demande d’indemnité légale de licenciement formé par le salarié pour un montant de 525,80€ ainsi qu’à sa demande d’indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 1559,67€, outre 155,97€ de congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, il est équitable de condamner la Sarl [C] et Fils à payer à M. [S] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Carcassonne le 8 décembre 2020 sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [S] de ses demandes de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein ainsi que de ses demandes au titre du dépassement du plafond conventionnel d’heures complémentaires, de l’absence de repos compensateurs et de la rupture du contrat.

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la Sarl [C] et Fils au paiement des sommes suivantes :

-3361,12€ à titre de rappel de salaire de janvier 2017 à décembre 2017, outre la somme de 336,11€ de congés payés afférents,

-500€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi lié au dépassement du plafond conventionnel d’heures complémentaires,

– 300€ à titre de dommages et intérêts pour le non- respect du repos compensateur obligatoire

– 1559,67€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 525,80€ au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1559,67€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 155,97€ au titre des congés payés afférents.

Condamne la Sarl [C] et Fils à verser à Monsieur [E] [S] la somme de 1500€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE

 


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