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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 11 Septembre 2019
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 16/10064 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZLLS
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/04676
APPELANTES
Me [P] [V] – Liquidateur amiable de la SNC AIRELLE
[Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190 substitué par Me Audrey DAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027
SAS FLYBUS
[Adresse 3]
[Localité 7]
N° SIRET : 447 916 669
représentée par Me Catherine VISY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1306
SNC AIRELLE
[Adresse 2]
[Localité 9]
N° SIRET : 384 225 389
représentée par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190 substitué par Me Audrey DAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027
INTIME
Monsieur [F] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 8] / France
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 10]
représenté par Me Emmanuel GAYAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Airelle, filiale du groupe de transports routiers Keolis, effectuait jusqu’au printemps 2010, pour le compte des compagnies aériennes, les navettes en autobus destinées au transport des équipages et des passagers, entre les terminaux et les avions sur l’aéroport de [12]. Elle appliquait à son personnel, comme toutes les sociétés du groupe, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires des transports, ce personnel au nombre de 74 salariés étant majoritairement composé de chauffeurs d’autobus.
Estimant cette activité structurellement déficitaire, la société Airelle a engagé en septembre 2009 une procédure de licenciement collectif pour motif économique avec mise en ‘uvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Lors de la première réunion du comité d’entreprise, le 14 septembre 2009, la direction a exposé les difficultés créées par la concurrence accrue, notamment de la société Flybus qui avait repris certains de ses contrats commerciaux avec les compagnies aériennes, puis expliqué que l’absence de reprise par ses concurrents des contrats des salariés de la société Airelle concernée par la perte de ses contrats commerciaux résultait notamment du fait que la société Flybus n’appliquait pas la même convention collective qu’elle-même.
La société Airelle a résilié en conséquence les contrats commerciaux qui la liaient aux compagnies aériennes, en adaptant la date d’échéance de ses contrats au rythme des reclassements opérés. Au 31 mars 2010, la société Airelle a complètement cessé son activité précédente de navettes.
Dans l’intervalle des négociations sont intervenues entre la société Airelle et ses concurrentes, dont la société Flybus, afin que celles-ci reprennent certains des salariés non reclassés de la société Airelle. La société Flybus qui ne s’estimait tenue à aucune obligation de reprise, légale ou conventionnelle, n’a finalement repris aucun des contrats des anciens salariés de la société Airelle.
Le comité d’entreprise de la société Airelle et le syndicat Union locale CGT de la zone aéroportuaire de [12] ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny de afin de voir juger que la société Airelle, soumise aux dispositions de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien, et la société Flybus ayant repris l’activité de prestation assurée précédemment par la société Airelle sur l’aéroport de [12], devaient mettre en ‘uvre les dispositions de l’annexe VI de cette convention collective instaurant un transfert de personnel entre entreprises d’assistance en escale.
Par jugement du 18 novembre 2010, cette juridiction a déclaré irrecevable l’action du comité d’entreprise de la société Airelle et rejeté les demandes du syndicat.
Par arrêt du 5 janvier 2012, la cour d’appel de Paris a :
‘confirmé le jugement en ce qu’il avait déclaré l’action du comité d’entreprise d’Airelle irrecevable ;
‘l’a infirmé pour le surplus, jugeant que lors de la résiliation de ses divers contrats marchés passés avec les compagnies aériennes au cours de l’année 2010, la société Airelle était de droit soumise aux dispositions de la collective des transports aériens personnel au sol et son Annexe IV (en réalité VI) relative au transfert de personnel entre les entreprises d’assistance en escale, résultant de l’avenant conclu le 11 juin 2002 ;
‘dit, en conséquence, que la procédure de transfert conventionnel était applicable aux contrats de travail des salariés d’Airelle affectés sur les marchés de celle-ci à la date d’expiration des relations contractuelles entre la société Airelle et les compagnies aériennes ;
‘dit qu’ayant repris à tout le moins certains de ces marchés, la société Flybus, devait reprendre dans les conditions définies par l’Annexe IV, les contrats de travail des personnels de la société Airelle affectés aux marchés repris ;
‘ordonné à la société Airelle sous astreinte d’adresser à Flybus la liste des divers marchés passés par elle avec les compagnies aériennes et résiliés à son initiative en 2010, ainsi que la liste des salariés affectés sur ces marchés ;
‘ordonné sous astreinte à la société Flybus d’adresser à la société Airelle la liste des marchés repris par elle ;
‘ordonné aux deux sociétés d’établir et de communiquer à l’UL-CGT de Roissy la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus aurait dû reprendre les contrats de travail, par application de l’Annexe IV de la convention collective.
En exécution de cet arrêt, la société Airelle a adressé le 9 février 2012 à la société Flybus la liste des 74 salariés affectés aux différents marchés que cette dernière avait repris. Toutefois, les deux sociétés ne se sont pas accordées sur la liste du personnel d’Airelle éligible au transfert auprès de Flybus.
Les société Airelle et Flybus ainsi que le comité d’entreprise d’Airelle et l’UL-CGT de Roissy ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris.
Le 24 avril 2012, la société Airelle a été placée en liquidation amiable et Monsieur [P] a été désigné comme liquidateur amiable.
Par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris mais seulement ce qu’il avait débouté le syndicat CGT de sa demande tendant à ordonner à la société Flybus de proposer aux salariés un avenant à leur contrat de travail, dit n’y avoir lieu à renvoi, ordonné à la société Flybus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par salarié commençant à courir 2 mois après la signification du présent arrêt dans la limite de 6 mois, de proposer un avenant aux salariés figurant sur la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus avait vocation à reprendre les contrats de travail au regard des dispositions de l’annexe VI.
Le 3 octobre 2013, les sociétés Airelle et Flybus ont recouru conjointement à la désignation d’un expert, procédure prévue par l’article 7 de la CCNTA, pour qu’il les accompagne dans la mise en oeuvre de la décision de la Cour de cassation, notamment concernant la détermination des salariés dont le contrat de travail devait être repris par Flybus et la mise en oeuvre des critères de priorité posées par la CCNTA.
Le 22 novembre 2013, l’ ‘expert a rendu son rapport établissant la liste des salariés transférables parmi lesquels figurait Monsieur [Z].
Sur la situation et les procédures concernant Monsieur [Z]
Monsieur [Z] a été engagé par la société Transroissy suivant un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juin 1998, en qualité de conducteur de car. Le 1er janvier 2002, son contrat de travail a été transféré à la société Airelle, filiale du groupe Keolis ; il a été promu au poste de régulateur.
Ayant refusé les propositions de reclassement de la société Airelle au sein du groupe Keolis, Monsieur [Z], délégué syndical et représentant syndical au comité d’entreprise, a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 25 février 2010.
Le 5 mars 2010, le comité d’entreprise a émis un avis défavorable au projet de licenciement.
Par décision du 26 avril 2010, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement aux motifs que « la société Airelle applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport et exerce une activité dans le secteur aérien dédiée exclusivement au transport de passagers et d’équipage sur les aires trafic de l’aéroport de [11] pour le compte de compagnies aériennes, des hôtels et des sociétés d’assistance en escale » « que l’activité de la société Airelle relève de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien »’ « la société Airelle aurait dû faire application de l’avenant n°65 du 22 juin 2002 de la CCNTA lequel prévoit le transfert conventionnel au sein de l’entreprise entrante des salariés de l’entreprise sortante dès lors qu’ils sont affectés depuis au moins 4 mois à l’activité transférée » « l’activité assurée par la société Airelle est reprise par la société Flybus », « Monsieur [Z] remplit les conditions du transfert conventionnel » « il ressort de l’enquête que la société Airelle aurait dû nous présenter une demande d’autorisation de transfert conventionnel en application de l’avenant numéro 65 du 11 juin 2002 ».
Par décision du 4 novembre 2010, le ministre du travail a annulé la décision de l’inspection du travail et accordé l’autorisation de licencier Monsieur [Z].
Par lettre du 15 novembre 2010, ce que ce dernier a été licencié pour motif économique.
Par jugement en date du 27 mars 2012, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du ministre du travail autorisant le licenciement de Monsieur [Z].
Le 1er juin 2012, la société Airelle a interjeté appel du jugement.
Par lettre du 5 juin 2012, elle a indiqué à Monsieur [Z] que par application des dispositions conventionnelles sur le transfert des contrats de travail en cas de mutation d’un contrat commercial, seule la société Flybus, repreneur des contrats commerciaux sur lesquels il était affecté, pouvait donner suite à sa demande de réintégration et qu’elle transmettait sa requête à la société Flybus.
Par arrêt du 23 avril 2013, la cour d’appel administrative de Versailles a rejeté la requête de la société Airelle en annulation du jugement du 27 mars 2012.
La société Flybus a adressé un contrat de travail à durée indéterminée à Monsieur [Z] qui l’a signé le 15 janvier 2014.
Monsieur [Z] a saisi le Conseil prud’hommes de Bobigny le 3 novembre 2014, sollicitant la condamnation solidaire des sociétés Airelle et Flybus au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illicite de son emploi et de sa perte de rémunération pour l’ensemble de la période ayant couru du 15 janvier 2011 (date d’expiration de son contrat de travail auprès d’Airelle) au 15 janvier 2014 (date de la reprise de son contrat de travail et de ses salaires par Flybus), d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice distincts subis et d’un rappel de prime conventionnelle d’ancienneté.
Par jugement du 30 juin 2016, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :
*condamné solidairement la société Flybus et la société Airelle prise en la personne de Monsieur [P], liquidateur amiable à verser au salarié les sommes suivantes:
18.390 € au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
64.840 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction de son emploi
1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
*condamné la société Flybus à verser à Monsieur [Z] la somme de 836,80€ titre de rappel de prime d’ancienneté.
*rappelé que les créances salariales porteraient intérêts de droit à compter du 3 novembre 2014, et les créances à caractère indemnitaire à compter du jugement.
La société Flybus et la société Airelle ont interjeté appel de la décision les 12 et 25 juillet 2016.
Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 26 décembre 2017, la société Flybus demande de voir :
à titre principal,
*infirmer le jugement à l’exception de sa disposition relative à l’appel en garantie d’Airelle jugé formé à tort contre la société Flybus ;
*juger que :
la solidarité ne se présume pas car l’affaire n’est pas commerciale,
la demande de condamnation solidaire de Flybus et Airelle est irrecevable,
le fait générateur du préjudice allégué par Monsieur [Z] est l’annulation de l’autorisation de son licenciement économique effectué par son seul ex-employeur, la société Airelle, puisqu’elle appliquait à tort la convention collective des transports routiers,
la demande de réintégration formée par Monsieur [Z] à l’égard de son seul employeur de l’époque, la société Airelle, doit être supportée avec toutes ses conséquences financières par la seule société Airelle, sans aucune solidarité avec Flybus,
Les demandes de Monsieur [Z] ne sont fondées ni dans leur principe ni dans leur quantum à l’égard de Flybus,
*constater que les arrêts des 5 janvier 2012 et 25 septembre 2013 sont des décisions décisoires, *juger que que Flybus a respecté les décisions judiciaires décisoires puisqu’elle a adressé, dans le délai imparti, un contrat de travail à Monsieur [Z], lequel faisait partie des salariés transférables,
*juger mal fondée la demande financière formée à l’encontre de Flybus au titre du rattrapage de sa prime d’ancienneté et l’appel en garantie formé par la société Airelle,
*condamner Monsieur [Z] ou toute partie succombante à verser à Flybus la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
à titre infiniment subsidiaire,
*si la prime d’ancienneté de Monsieur [Z] devait être fixée à 15% dès le premier jour d’exécution de la relation de travail auprès de Flybus, fixer le rappel de prime à la somme de 615,09 €,
*si le principe d’une co-solidarité entre Flybus et Airelle était confirmé, fixer la répartition des responsabilités entre Flybus et Airelle, juger que la responsabilité de Flybus ne pourrait être fixée qu’à hauteur de 5%, ce qui autoriserait Flybus à récupérer tout montant qu’elle aurait pu avancer pour le compte d’Airelle au-delà du pourcentage de responsabilité fixé à 5%,
*si une indemnité était accordée à Monsieur [Z], au titre de son éviction, celle-ci devrait être diminuée de toutes les sommes perçues durant la période de son éviction.
Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 30 décembre 2018, la société Airelle, prise en la personne de son liquidateur amiable, sollicite de voir : *confirmer le le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice distinct,
*l’infirmer en ce qu’il a alloué à Monsieur [Z] les sommes de :
64 840 € à titre d’indemnité « perte de rémunération » visée par l’article L. 2422-4 du Code du travail,
18.390 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
et déclaré irrecevable l’appel en garantie de la société Airelle dirigé contre la société Flybus.
à titre principal,
constater la défaillance de Monsieur [Z] dans la charge de la preuve du quantum de l’indemnité réclamée sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail et des dommages et intérêts pour préjudice « complémentaire »,
dire que la société Airelle ne peut être condamnée à régler une somme à titre de complément de salaire pour la période postérieure à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris du 5 janvier 2012,
donner acte à la société Airelle de ce qu’elle a déjà versé à Monsieur [Z] la somme de 18.880,14 € nets à la suite de la notification de son licenciement pour motif économique en application des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi qui, ajoutée aux allocations versées par le Pôle emploi, a permis un maintien intégral de son salaire pour une période de près de 18 mois après sa sortie des effectifs le 15 janvier 2011, soit jusqu’au mois de juin 2012 et donc postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel du 5 janvier 2012 comme au jugement du tribunal administratif du 27 mars 2012 ayant annulé l’autorisation ministérielle de rompre le contrat de travail,
débouter Monsieur [Z] de sa demande de versement dirigée contre la société Airelle d’une indemnité spéciale sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail,
le débouter de sa demande de réparation pour préjudice « complémentaire » formée sur le même fondement,
rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre subsidiaire,
*Sur le quantum de la demande formée sur le fondement de l’article L.2422-4 du code du travail
limiter la condamnation solidaire des sociétés Airelle et Flybus au paiement de la somme de 45.223,22 € nets, correspondant à 57.347,56 € bruts, soit une part respective s’élevant chacune à 22.611,61 € nets, équivalant à 28.673,78 € bruts,
donner acte à la société Airelle de ce qu’elle a réglé à Monsieur [Z] dans le cadre de son licenciement économique un montant global d’indemnités de rupture à hauteur de 18.880,14 € nets,
juger que la société Airelle a droit au remboursement du montant de ces indemnités, le licenciement annulé d’un salarié réintégré étant réputée n’avoir jamais existé,
ordonner la compensation des créances réciproques,
fixer après compensation, le montant de la condamnation de la société Airelle au bénéfice de Monsieur [Z] à la somme de 3.731,47 € nets (22.611,61 € ‘ 18.880,14 €), correspondant à 4.731,88 € bruts ;
*Sur l’action en garantie formée à l’encontre de la société Flybus
constater l’ensemble des recherches effectuées en toute bonne foi par la société Airelle pour trouver un repreneur avant sa cessation d’activité et le refus exprès de la société Flybus d’accepter une mise en ‘uvre de la procédure d’expertise prévue par l’article 7 de l’annexe VI de la CCNTA-PS postérieurement à l’arrêt du 5 janvier 2012 de la cour d’appel de Paris,
condamner la société Flybus à garantir la société Airelle de toutes condamnations éventuelles qui pourraient être mises à sa charge ;
en tout état de cause,
*condamner Monsieur [Z] ou toute partie succombante à verser à la société Airelle la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juin 2018, le salarié demande de voir :
-juger que le licenciement qui lui a été notifié le 15 novembre 2010, intervenu en fraude à la convention collective du personnel au sol du transport aérien et visant une autorisation administrative de licenciement définitivement annulée par arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-constater qu’il a vainement sollicité sa réintégration dans son emploi, à la suite du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 27 mars 2012 ayant annulé l’autorisation de procéder à son licenciement,
-constater que la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 septembre 2013, a constaté la violation par les sociétés Airelle et Flybus des dispositions de la convention collective du personnel au sol du transport aérien et ordonné, sous astreinte, à la société Flybus de lui proposer un contrat de travail ,
-condamner solidairement les sociétés Flybus et Airelle à lui payer les sommes de :
64.840 euros correspondant à sa perte de rémunération entre la période du 15 janvier 2011 et le 15 janvier 2014, date de reprise effective du paiement des salaires par la société Flybus, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illicite de son emploi
18.390€ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
20.000€ au titre des autres chefs de préjudice subi
-constater que la société Flybus viole les dispositions tant de la convention collective que du contrat de travail en ne lui attribuant pas la prime correspondant à son ancienneté,
-condamner la société Flybus à lui régler une prime d’ancienneté correspondant à une prime de 15% de son salaire de base déduction faite des primes d’ores et déjà versées correspondant à 11 ou 12% soit, au 31 octobre 2014, la somme de 836,80 euros ;
en tout état de cause,
*condamner les sociétés à lui verser la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions déposées le jour de l’audience, visées par le greffier et développées oralement.
MOTIFS
Sur la convention collective applicable
La société Airelle effectuait jusqu’au printemps 2010, pour le compte des compagnies aériennes, les navettes en autobus destinées au transport des équipages et des passagers, entre les terminaux et les avions sur l’aéroport de [12]. Elle appliquait à tort la convention collective du transport routier alors que son activité de transport sur piste entrait dans le champ d’application de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.
L’annexe VI de cette convention collective résultant d’un accord collectif de travail du 11 juin 2002, étendu par arrêté du 17 décembre 2002, a pour objet de définir les conditions de transfert de personnel entre les entreprises d’assistance en escale dans le cas de mutation de marché d’assistance en escale ou de mutations de contrat commercial.
L’article 2 de l’accord prévoit que lorsqu’une entreprise devient titulaire d’un marché auparavant assuré par une autre entreprise, elle s’engage à reprendre l’ensemble des personnels affectés à ce marché dans les mêmes conditions que celles résultant d’une application légale du transfert des contrats de travail.
Ces dispositions auraient dû être appliquées par la société Airelle et la société Flybus laquelle applique spontanément cette convention collective, et conduire la société Airelle à solliciter l’autorisation administrative de transfert du contrat de travail de Monsieur [Z]. La cour d’appel de Paris dans son arrêt du 5 janvier 2012 a jugé que ces dispositions, qui s’imposaient aux 2 sociétés, avaient été méconnues. Par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a ordonné à la société Flybus de proposer un avenant aux salariés figurant sur la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus avait vocation à reprendre les contrats de travail regard des dispositions de l’annexe VI. Monsieur [Z] qui figurait sur cette liste a été réintégré le 15 janvier 2014.
Sur le licenciement de Monsieur [Z]
Il résulte des décisions des autorités et juridictions administratives que les dispositions conventionnelles auraient dû conduire au refus d’autorisation administrative du licenciement, puisque la société Airelle aurait dû présenter une demande d’autorisation de transfert de Monsieur [Z] compte tenu des dispositions conventionnelles applicables.
Selon l’article L. 2422’4 du code du travail, lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié investi d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422’1 a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision. L’indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement à l’expiration du délai de 2 mois s’il n’a pas demandé sa réintégration.’
À la suite de l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Versailles annulant l’autorisation administrative de licenciement, Monsieur [Z] a été réintégré le 15 janvier 2014. Il s’ensuit qu’il ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en sus de l’indemnité prévue par l’article L. 2422’4 du code du travail, et aux indemnités de rupture versée dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi.
Il est en revanche en droit de solliciter le paiement des salaires qu’il aurait perçus entre le 15 janvier 2011, à l’expiration du préavis, et le 15 janvier 2014, date de de sa réintégration effective (soit la somme de 109 803 euros bruts). Il conviendra de déduire de cette somme les indemnités versées par Pôle emploi ainsi que l’indemnité de licenciement et l’indemnité majorée de licenciement versées dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi.
La société Flybus, nouveau titulaire du marché, ayant méconnu les dispositions de l’avenant du 22 juin 2002 l’obligeant à reprendre son service le personnel affecté aux marchés depuis au moins 4 mois, sera condamnée in solidum (et non solidairement) avec la société Airelle au paiement des dommages et intérêts.
S’agissant de la demande d’indemnité complémentaire, Monsieur [Z] ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par les dommages-intérêts déjà alloués. Le jugement sera également confirmé sur ce point
Sur le rappel de prime d’ancienneté
Le contrat de travail conclu le 16 janvier 2014 avec la société Flybus stipule : « Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée, à compter du 15 janvier 2014 avec une reprise d’ancienneté au 1er mars 1998. »
L’article 10 de la convention collective du personnel au sol du transport aérien prévoit, en son annexe II, qu’ « Il est attribué aux ouvriers et employés une prime d’ancienneté en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise telle qu’elle est définie à l’article 35 de la convention collective nationale.
À l’issue de chaque année d’ancienneté, le montant de cette prime ne peut être inférieur au produit du nombre d’années d’ancienneté par 1 % des appointements minimaux correspondant au coefficient hiérarchique de l’intéressé dans l’entreprise, l’application de cette règle étant limitée aux 15 premières années d’ancienneté ».
Dans sa lettre du 30 juillet 2014, la société Flybus indiquait : «’ au 31 janvier 2010, vous aviez cumulé 5,68 ans d’ancienneté. C’est ainsi que votre prime d’ancienneté est, dès votre entrée chez Flybus de 5 % de votre salaire brut de base.’ Entré chez Flybus le 16 janvier 2014, vous avez atteint la 6e année d’ancienneté au bout de 117 jours de présence dans notre entreprise soit à la date du 13 mai 2014. Il résulte de des termes de cette lettre que la société n’a pas tenu compte de la période d’éviction de 2010 à 2014. Il convient de faire droit à la demande.
Il est équitable d’accorder en appel au salarié une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les RG n°16/10064 et 16/10132 sous le numéro unique 16/10064 ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés Airelle et Flybus, alloué à Monsieur [Z] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le montant de l’indemnité due au titre de l’article L. 2422’4 du code du travail ;
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [P] liquidateur amiable, et la société Flybus à payer en première instance à Monsieur [Z] la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [P] liquidateur amiable, et la société Flybus à payer à Monsieur [Z] les sommes de :
-49 392,14 euros au titre de l’article L.2422’4 du code du travail
-2000 euros en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [P] liquidateur amiable, et la société Flybus aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE