Charte informatique : 5 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06941

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Charte informatique : 5 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06941

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 05 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/06941 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PHH6

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 JUIN 2018 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F 17/00326

APPELANT :

Monsieur [I] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. MJSA Mandataire liquidateur de la SA SELECOM SUD ELECTRONIQUE COMMUNICATION

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTERVENANTE :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 3]* UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3],

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me CHATEL

Ordonnance de clôture du 18 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe de GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe de GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[I] [U] a été embauché par la SA SELECOM, actuellement en liquidation judiciaire, à compter du 1er décembre 2010 selon contrat de travail initialement à durée déterminée. Il exerçait les fonctions d’ingénieur d’études avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 2 800€.

Le 11 mai 2015, il était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 22 mai suivant, et mis à pied simultanément à titre conservatoire.

Il a été licencié par lettre du 3 juin 2015 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : ‘Vous avez pris en date du 14 avril 2015 l’initiative d’installer sur une de nos machines un logiciel espion de type ‘Keyloger’ permettant, à l’insu des utilisateurs de cette machine, d’enregistrer des touches utilisées sur le clavier et ainsi capter les mails et les mots de passe de certains de vos collègues… Vous n’ignorez pas que vos actes constituent une atteinte à la vie privée de vos collègues en vous permettant par un moyen frauduleux de collecter des données à caractère personnel, étant précisé que le seul fait de s’introduire frauduleusement dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans de prison…’

Estimant notamment que son licenciement était injustifié, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan qui, par jugement en date du 7 juin 2018, l’a débouté de ses demandes.

[I] [U] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 23 novembre 2022, il conclut à l’infirmation, à la fixation de sa créance au passif de la SA SELECOM à :

– la somme de 69 000€ à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– la somme de 6 900€ à titre de congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaire,

– la somme de 26 823€ à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– la somme de 26 823€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de violation de l’obligation de sécurité,

– la somme de 2 089,08€ au titre de la mise à pied conservatoire,

– la somme de 208€ à titre de congés payés sur mise à pied conservatoire,

– somme de 13 410€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– la somme de 1 340€ à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– la somme de 3 756€ à titre d’indemnité de licenciement,

– la somme de 71 528€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la somme de 275€ à titre de remboursement de ses frais d’inscription à l’école d’été,

– la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

avec capitalisation des intérêts au taux légal échus, et à la condamnation sous astreinte du liquidateur à la remise de ses bulletins de paie et de l’attestation destinée à Pôle emploi.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 20 mai 2022, la SELARL MJSA, ès-qualités de mandataire liquidatrice de la SA SELECOM, demande de prononcer l’irrecevabilité de l’appel et de lui allouer la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande de confirmer le jugement.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 5 décembre 2022, l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 3] demande de confirmer le jugement et, en tout état de cause, de lui donner acte de ce qu’elle revendique le bénéfice des textes légaux et réglementaires relatifs aux garanties de la créance des salariés.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que deux appels ont été interjetés :

– le premier, en date du 5 juillet 2018, qui a donné lieu à un arrêt de ce jour constatant l’absence d’effet dévolutif de l’appel ;

– le second, en date du 1er décembre 2021, qui concerne la présente affaire ;

Sur la recevabilité de l’appel :

Attendu que le délai de forclusion de l’article 528-1 du code de procédure civile n’est pas applicable lorsqu’une partie forme un premier appel dans le délai de deux ans du prononcé de la décision, ce qui est le cas de l’appel du 5 juillet 2018 ;

Attendu, de même, que la première déclaration d’appel du 5 juillet 2018 a été jugée irrégulière, faute de mentionner les chefs de dispositif du jugement critiqués, et dépourvue d’effet dévolutif ;

Qu’il découle des articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile que la saisine irrégulière d’une cour d’appel n’interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable ;

Attendu qu’en l’espèce, le jugement n’a pas été notifié à [I] [U], en sorte que le délai d’appel n’a pas couru à son encontre et que son appel est recevable ;

Sur l’article 954 du code de procédure civile :

Attendu qu’il est visé des conclusions du 4 octobre 2018 qui ne concerne pas le présent appel mais celui interjeté par déclaration du 5 juillet 2018 ;

Sur les heures supplémentaires :

1- Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu’outre un tableau des heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées, [I] [U] présente diverses attestations émanant d’anciens salariés de la société ainsi que de nombreux messages électroniques et téléphoniques adressés à son employeur ou au responsable de la société de sécurité desquelles il résulte qu’il travaillait en dehors de ses heures normales de travail, y compris les samedis et dimanches ;

Qu’il fait ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis ;

Attendu que, pour sa part, le liquidateur, sans répondre utilement en fournissant ses propres éléments, fait valoir qu’il ne lui avait jamais été commandé d’heures supplémentaires et qu’il préparait une thèse sur son lieu de travail, en dehors de ses horaires ;

Attendu, cependant, que les messages adressés par le salarié à son employeur en dehors des horaires normaux de travail, y compris les samedis et dimanches, reçus sans protestation de sa part, établissent que les heures supplémentaires invoquées étaient accomplies avec l’accord au moins implicite de celui-ci ;

Attendu qu’ainsi, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, il y a lieu d’évaluer à 9 350€ le montant des heures supplémentaires impayées, augmentées des congés payés afférents ;

2- Attendu qu’eu égard au nombre limité d’heures supplémentaires impayées, il n’est pas établi qu’il ait, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Attendu que la demande à titre d’indemnité de travail dissimulé sera donc rejetée ;  

Sur l’obligation de sécurité :

Attendu que le 17 mars 2015, [I] [U] a été agressé sur son lieu de travail par un autre membre du personnel, ce qui a ensuite donné lieu à une déclaration d’accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle ;

Que se bornant à des affirmations, l’employeur ne justifie pas avoir pris une quelconque mesure pour tenter de prévenir puis d’apaiser ce conflit connu de lui ;

Attendu qu’en laissant s’installer puis perdurer un conflit entre deux salariés, l’employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat que la cour, au vu des éléments soumis à son appréciation, a les moyens de réparer par l’allocation d’une somme de 1 500€ à titre de dommages et intérêts ;

Sur le licenciement :

Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée même limitée du préavis ;

Que c’est à l’employeur et à lui seul d’apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement ;

Attendu que, sans en informer son employeur et en violation de la charte informatique affichée dans les locaux de l’entreprise, rappelée dans une note de service, [I] [U] a installé sur un poste informatique de la société un logiciel ‘espion’ permettant à la fois de s’introduire dans le système de traitement automatisé de celle-ci mais aussi de collecter les données à caractère personnel de l’utilisateur de ce poste, notamment ses identifiants et mots de passe ;

Que, non seulement, une telle surveillance constante et permanente de l’activité des salariés est illicite en l’absence d’un fort impératif de sécurité mais qu’elle est de nature à constituer une infraction pénale ;

Qu’elle engage également la responsabilité de l’employeur, sachant de surcroît que la plupart des logiciels espions contiennent des virus pouvant affecter le réseau interne de l’entreprise ;

Attendu que l’employeur, bien qu’informé des faits dès le 14 avril 2015, n’a eu connaissance de leur gravité qu’à la réception du message informatique des enquêteurs de la sécurité économique et numérique du ministère de l’intérieur, le 11 mai 2015 ;

Qu’ainsi, le souci d’une information complète sur l’importance et la portée de la faute reprochée, de même que les vérifications nécessaires à effectuer justifient de la part de l’employeur le délai séparant la date des faits commis de l’engagement des poursuites disciplinaire, ce dont il résulte qu’il ne s’est pas privé de la possibilité d’invoquer la faute grave;

Attendu que la faute grave est ainsi caractérisée ;

Sur le remboursement des frais d’inscription :

Attendu qu’il n’est pas établi que la facture de 275€ relative à une formation suivie par le salarié pendant l’été corresponde à une demande de l’employeur, accomplie dans ses intérêts ;

Attendu que cette demande sera en conséquence rejetée ;

* * *

Attendu que les sommes alloués à titre de rappel de salaire et de congés payés emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation puis capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, précision faite que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux ;

Attendu qu’il convient également de condamner le liquidateur à reprendre les sommes allouées à titre de salaires sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à rectifier, conformément au présent arrêt, l’attestation destinée au Pôle emploi, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Attendu qu’enfin, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit l’appel recevable ;

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Fixe la créance d'[I] [U] au passif de la SA SELECOM à :

– la somme de 9 350€ à titre d’heures supplémentaires ;

– la somme de 935€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

– la somme de 1 500€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

Dit que les sommes alloués à titre de rappel de salaires et de congés payés emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation puis capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et ce, jusqu’à la date du redressement judiciaire ;

Dit que la créance d'[I] [U] comportera les dépens de première instance et d’appel ;

Condamne le liquidateur à reprendre les sommes allouées à titre de salaire sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à rectifier, conformément au présent arrêt, l’attestation destinée au Pôle emploi, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte 

Rejette toute autre demande ;

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 3] en application des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites fixées par l’article D. 3253-5, cette garantie ne s’étendant pas aux dépens.

La Greffière Le Président

 


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