Charte informatique : 31 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03270

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Charte informatique : 31 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03270

31/03/2023

ARRÊT N°161/2023

N° RG 21/03270 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OJLE

FCC/AR

Décision déférée du 07 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01815)

MISPOULET

[X] [R]

C/

URSSAF MIDI PYRENEES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 31 3 23

à Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE

Me Véronique L’HOTE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [X] [R]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

URSSAF MIDI PYRENEES

Prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [X] [R] a été embauchée suivant contrat de travail à durée déterminée non versé aux débats par l’URSSAF Midi-Pyrénées en qualité de standardiste à compter du 15 février 1994. Son ancienneté a été retenue à compter du 21 décembre 1994. En dernier lieu, elle était gestionnaire de recouvrement.

La convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 est applicable.

Par LRAR du 5 septembre 2019, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé le 13 septembre 2019.

Par LRAR du 19 septembre 2019, la salariée a été convoquée devant le conseil de discipline régional, au siège de la CARSAT Midi-Pyrénées, fixé au 2 octobre 2019.

Par LRAR du 24 septembre 2019, l’URSSAF a notifié à Mme [R] une dispense d’activité rémunérée jusqu’à l’issue de la procédure disciplinaire en cours.

Le 2 octobre 2019, les membres du conseil de discipline ont voté à 3 voix pour un licenciement pour faute grave et 3 voix contre.

Par LRAR du 10 octobre 2019, l’URSSAF a notifié à Mme [R] son licenciement pour faute grave.

Le 6 novembre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.

Par jugement du 7 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que le licenciement de Mme [R] reposait sur une faute grave,

– rejeté l’intégralité des demandes de Mme [R],

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à charge de Mme [R].

Mme [R] a relevé appel de ce jugement le 20 juillet 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [R] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave, rejeté l’intégralité des demandes de Mme [R], dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de Mme [R],

à titre principal :

– juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner à titre principal l’URSSAF à verser à Mme [R] la somme de 98.160 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire de ce chef la somme de 58.896 €,

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse :

– condamner l’URSSAF à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 9.813 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis augmentée de l’indemnité de congés payés y afférents à concurrence de 981,30 €,

* 41.854,46 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 3.272 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

* 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, l’URSSAF Midi Pyrénées demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [R] reposait sur une faute grave et qu’aucune irrégularité de procédure n’affectait le licenciement, et débouté Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,

– débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [R] à verser à l’URSSAF Midi-Pyrénées la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

1 – Sur le bien-fondé du licenciement :

Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

La lettre de licenciement était ainsi rédigée :

‘Vous avez été, par lettre du 5 septembre 2019, convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement pour faute grave.

L’entretien préalable s’est tenu le 13 septembre 2019.

Vous vous êtes présentée à cet entretien accompagnée de M. [U] [G], salarié de l’Urssaf Midi-Pyrénées.

En application des dispositions conventionnelles, le conseil de discipline a été saisi le 17 septembre 2019.

Le conseil de discipline s’est réuni le 2 octobre 2019 au siège de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail Midi-Pyrénées, [Adresse 2] à [Localité 3].

Le compte rendu de la réunion du conseil de discipline et son avis vous ont été transmis le 3 octobre 2019.

Le conseil a considéré à la majorité que les faits reprochés sont avérés.

Sur la sanction proposée de licenciement pour faute grave, le conseil de discipline régional a voté de la façon suivante: «Pour : 3 voix, contre : 3 voix. En conséquence de quoi le conseil de discipline n’a pas émis d’avis sur la sanction proposée, la majorité absolue n’ayant pas été obtenue».

En conséquence de quoi, et après avoir pris connaissance de vos observations, je suis au regret de prononcer votre licenciement pour faute grave.

Salariée de l’organisme depuis 1994, vous occupez les fonctions de gestionnaire du recouvrement.

J’ai été informé que vous utilisiez votre qualité de salariée de l’organisme à des fins personnelles et plus exactement, pour faire pression sur l’employeur de votre mari afin que celui-ci régularise une situation au regard d’indemnités de déplacement.

Si j’ai bien noté que vous objectez qu’il s’agirait de correspondances privées, il n’en demeure pas moins que celles-ci m’ont été transmises par l’employeur de votre mari, en l’espèce la société Exydia et qu’elles sont rédigées depuis l’adresse électronique professionnelle, avec votre signature professionnelle.

J’observe par ailleurs que toutes les correspondances ne sont pas identifiées «privé».

Au demeurant, vous n’hésitez pas dans vos courriers électroniques, rédigés la plupart du temps sur votre temps de travail, avec la signature de l’Urssaf, à menacer l’employeur d’un contrôle ou à faire valoir que votre soeur travaille à la Direccte et que le cas échéant, vous saisirez par son entremise la Direccte.

Il s’agit d’un manquement à votre obligation générale de loyauté à l’égard de l’organisme employeur, loyauté qui doit vous conduire à ne pas détourner notre image à des fins personnelles aux fins d’exercer une pression sur un tiers.

Au-delà, votre comportement contrevient à la charte informatique et en particulier à ses articles 7 et 8.

Vous avez ainsi manqué à votre devoir de réserve et de loyauté à l’égard de votre employeur en communiquant et en utilisant tout ou partie des outils mis à votre disposition par l’organisme.

Après avoir procédé de la sorte et sans que l’objet privé puisse constituer la moindre circonstance atténuante, dès l’instant où ces correspondances rédigées de votre boîte aux lettres électronique professionnelle et votre signature professionnelle nous ont été transmises par la société Exydia qui s’est expressément plainte de votre comportement, vous avez cru pouvoir consulter le compte cotisant de l’employeur de votre mari, la société Exydia à des fins personnelles, vous interrogeant sur l’opportunité d’alerter le service contrôle.

Vous écriviez d’ailleurs à la société avec votre signature professionnelle le 17 juillet 2019, adressant un tableau que vous vous étiez la veille transféré de votre messagerie personnelle : « considérant qu’il ne s’agit pas d’oubli de votre part, je vous remercie de bien vouloir reverser à M. [R] ce différentiel d’ici le 30 juillet 2019, date à laquelle, si aucune réponse ne lui est fournie, je saisirai la DIRECCTE par plainte et demanderai qu’un contrôle soit déclenché sur votre société dans un premier temps, puis saisirai les Prud’hommes avec demande de dommages et intérêts dans un deuxième temps.

Souhaitant vivement ne pas en arriver à ces fins et comptant sur votre diligence et honnêteté ».

Il est inconcevable que vous puissiez vous adresser de la sorte à l’employeur de votre mari pour le menacer d’un contrôle et d’une saisine du conseil de

prud’hommes en signant : « [X] [R], Urssaf Midi-Pyrénées – Production RG Unité grands déclarants – Gestionnaire du recouvrement ».

Non contente d’avoir adopté ces comportements fautifs, lorsque vous avez pris connaissance du dossier produit auprès du conseil de discipline, vous n’avez pas hésité à interpeller de manière véhémente vos supérieurs hiérarchiques.

Je suis contraint, au regard de ces manquements fautifs, illustrés en particulier par un manquement à l’obligation de loyauté, détournement de l’image de l’Urssaf à des fins personnelles aux fins d’exercer une pression sur un tiers, de vous notifier votre licenciement pour faute grave…’

Il ressort des pièces versées aux débats les éléments suivants :

– par mail du 3 juin 2019, Mme [R] a écrit à une prénommée [J] à l’adresse ‘[Courriel 6]’, par le biais de sa messagerie professionnelle et avec sa signature électronique ‘[X] [R], URSSAF Midi-Pyrénées, production RG – unité grands déclarants – gestionnaire de recouvrement’ ; elle a réclamé la régularisation de frais au profit de son époux [L], indiquant ‘je pense qu’Exydia se trompe systématiquement, sciemment ou pas…je vous remercie de bien vouloir demander à Exydia de reprendre depuis le mois de janvier 2018 (dixit la DIRECCTE auprès de laquelle je me suis rapprochée puisque ma soeur travaille à l’inspection du travail) tous les contrats de mission qui n’ont pas été réglés selon la législation en vigueur et adresser le différentiel à [L] dans les meilleurs délais’ ;

– Mme [R] a effectué des mails de relance sur les adresses [Courriel 4] et [Courriel 6], depuis la même messagerie professionnelle et avec la même signature électronique, les 12 juin et 12 juillet 2019, rappelant, par mail du 12 juillet, que sa soeur travaillait à la DIRECCTE ;

– elle a adressé à la société Exydia un mail de relance du 17 juillet 2019, avec sa messagerie et sa signature électronique professionnelle, à partir d’un mail du 16 juillet 2019 rédigé depuis sa messagerie personnelle ([Courriel 5]) intitulé ‘tableau exydia’, en concluant ‘considérant qu’il ne s’agit pas d’oublis de votre part, je vous remercie de bien vouloir reverser à M. [R] ce différentiel d’ici le 30 juillet 2019 date à laquelle, si aucune réponse ne lui est fournie, je saisirais la DIRECCTE par plainte et demanderais qu’un contrôle soit déclenché sur votre société dans un premier temps puis saisirais les prud’hommes avec demande de dommages et intérêts dans un deuxième temps’ ;

– elle a adressé de nouveaux mails de relance le 29 juillet 2019, depuis sa messagerie professionnelle mais sans sa signature électronique ;

– par mail du 2 août 2019, M. [Z], le président de la société Exydia, lui a répondu en se plaignant de ses pressions et menaces incessantes, disant ne pas comprendre si elle agissait pour le compte de l’URSSAF puisqu’elle usait de ses fonctions de chargée de recouvrement, un détournement pur et simple des fonctions étant alors constitué, ou si elle agissait simplement pour le compte de M. [L] [R] mais via les outils mis à sa disposition pour l’URSSAF pour la stricte exécution de ses fonctions ;

– par mail du 3 août 2019, Mme [R] a répondu que c’était ‘un peu facile’, qu’il s’agissait de mails privés, et concluant ‘cela n’empêche que j’ai des contacts à la DIRECCTE par le biais de ma soeur et que tout ce que je vous ai écrit n’est pas remis en cause’ ;

– le 3 août 2019, M. [Z] a déposé une main courante à la gendarmerie suite aux agissements de Mme [R], pour menaces contre la société Exydia ;

– par LRAR du même jour, M. [Z] pour le compte de la société Exydia, a signalé au responsable de l’URSSAF que la société subissait un harcèlement et des menaces de la part de Mme [R] ;

– suivant mail de M. [D], responsable production à l’URSSAF, du 4 septembre 2019, adressé à Mme [B], de la direction, Mme [R] est allée le voir la veille en accusant la société Exydia d’avoir falsifié des documents de déplacement pour échapper au remboursement de frais, et en lui demandant conseil pour savoir si elle devait alerter le service contrôle car elle avait vu qu’il y avait un crédit sur le compte ; M. [D] lui a répondu qu’elle ne devait pas consulter les outils informatiques de l’URSSAF à des fins personnelles ;

– suivant mail de M. [O], responsable unité grands déclarants à l’URSSAF, du 5 septembre 2019, adressé à Mme [B] avec copie à M. [D], Mme [R] est allée le voir la veille en lui demandant si elle devait porter le dossier de la société Exydia auprès du contrôle afin de lancer une procédure ; M. [O] lui a fait la même réponse que M. [D].

Mme [R] soutient que :

– l’URSSAF ne peut pas, dans ses conclusions, évoquer la précédente mise à pied disciplinaire de 7 jours qui a été infligée à la salariée le 10 novembre 2015 pour attitudes et propos insultants, dénigrants et irrespectueux, et pressions, envers le responsabilité hiérarchique, car cette mise à pied disciplinaire, au demeurant injustifiée, est prescrite ;

– l’utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles est une pratique partagée par l’ensemble du personnel, et il appartenait à l’employeur d’instaurer une politique plus restrictive en la matière ;

– elle agissait à titre privé ; les mails échangés entre la salariée et l’entreprise de son mari sur sa messagerie professionnelle étaient identifiés comme ‘privés’, à l’exception de celui du 16 juillet 2019 (en réalité, 17 juillet 2019) qui était toutefois la suite logique des précédents mails privés ; la société Exydia qui les a transmis à l’URSSAF n’a pas consulté au préalable Mme [R], de sorte que l’URSSAF ne peut pas les utiliser dans le cadre d’une procédure de licenciement ;

– Mme [R] n’a utilisé sa messagerie professionnelle que par commodité et habitude ;

– elle n’a pas utilisé ses fonctions au sein de l’URSSAF et s’est bornée à informer la société Exydia qu’elle entendait exercer les voies de droit, comme tout citoyen, pour le compte de son mari ;

– ses revendications étaient bien fondées puisque la société Exydia a été condamnée au paiement de sommes au profit de son mari par jugement du conseil de prud’hommes du 15 septembre 2021 ;

– elle n’a jamais menacé la société Exydia d’un contrôle URSSAF mais d’une simple saisine de l’inspection du travail, et n’a évoqué l’éventualité d’un contrôle URSSAF qu’en aparté avec M. [D] ;

– elle a fait preuve de délicatesse et n’a pas voulu nuire à l’URSSAF ;

– la consultation du compte employeur URSSAF de la société Exydia était destinée à préparer la saisine du conseil de prud’hommes ; l’URSSAF tolère ce genre de pratique puisque d’ordinaire elle fait un simple avertissement ;

– le conseil de discipline n’a pas émis d’avis sur un licenciement en l’absence de majorité ;

– Mme [R] a été si bouleversée qu’elle a déposé plainte contre M. [Z] pour diffamation le 15 octobre 2021.

Sur ce, la cour relève que :

– il est exact qu’en application de l’article L 1332-5 du code du travail, aucune sanction disciplinaire antérieure de plus de 3 ans à l’engagement des

poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction, de sorte que la mise à pied disciplinaire du 10 novembre 2015 antérieure de plus de 3 ans à l’engagement de la procédure de licenciement du 5 septembre 2019 ne peut être prise en compte ;

– l’URSSAF ne reproche pas simplement à Mme [R] d’avoir utilisé sa messagerie professionnelle à des fins personnelles, mais surtout de l’avoir fait en se prévalant de sa qualité de gestionnaire de recouvrement de l’URSSAF et en adressant à la société Exydia des menaces ; or, si l’utilisation de la messagerie professionnelle par un salarié de l’URSSAF est tolérée par l’article 8 de la charte utilisateur des ressources informatiques quand elle reste dans les limites du raisonnable, en revanche l’utilisation d’une adresse mail URSSAF pour écrire à une société en alléguant un non-respect de la législation relative aux frais professionnels n’est pas anodine ; de surcroît, Mme [R] a sur la plupart des mails utilisé sa signature électronique de gestionnaire de recouvrement de l’URSSAF ;

– si, lors de l’entretien préalable au licenciement du 13 septembre 2017, elle a indiqué qu’elle ne disposait plus d’un ordinateur personnel, elle n’explique pas pourquoi elle n’a pas utilisé son ordinateur professionnel ou son smartphone pour se servir de sa messagerie personnelle ([Courriel 5]) ;

– même si la plupart des mails étaient notés ‘privés’, l’URSSAF ne les a pas obtenus par fraude ni même en fouillant dans la messagerie professionnelle de Mme [R], mais par le biais de la société Exydia qui s’est plainte auprès de l’URSSAF du comportement de sa gestionnaire de recouvrement et lui a transmis les mails, et Mme [R] n’avait pas à donner son consentement à cette transmission ;

– même si les échanges de mails traduisaient le souci de Mme [R] de faire valoir les droits de son époux, elle s’est servie de sa qualité de gestionnaire de recouvrement de l’URSSAF pour tenter d’obtenir des paiements par la société Exydia, et elle ne s’est pas limitée à informer la société Exydia qu’elle exercerait les voies de droit ouvertes à tout citoyen ; elle a utilisé un ton menaçant contraire à l’article 7 de la charte, rappelé que sa soeur travaillait à la DIRECCTE, et expressément menacé la société d’un contrôle, même si elle ne précisait pas s’il s’agissait d’un contrôle de la DIRECCTE ou de l’URSSAF ; si elle n’avait pas le pouvoir d’engager elle-même de tels contrôles, la société Exydia pouvait être inquiète à l’idée qu’elle puisse utiliser ses relations familiales (au sein de la DIRECCTE) ou ses relations professionnelles (au sein de l’URSSAF) ; elle a d’ailleurs envisagé de transmettre le dossier de la société Exydia au service contrôle de l’URSSAF ainsi qu’elle l’a évoqué avec les deux responsables hiérarchiques MM. [D] et [O] ;

– il importe peu que les revendications de M. [R] aient été jugées fondées par le conseil de prud’hommes dans son jugement du 15 septembre 2021 ;

– contrairement à la faute lourde, la faute grave n’exige pas une intention de nuire à l’employeur ;

– alors que la société Exydia ne relevait pas de son périmètre, elle a consulté son compte employeur ce qui n’était nullement indispensable à la saisine préalable du conseil de prud’hommes, la consultation des sites societes.com ou infogreffe étant suffisante ; elle savait d’ailleurs que cette consultation n’était pas tolérée par l’URSSAF mais était fautive puisqu’elle indique elle-même que d’ordinaire l’URSSAF n’inflige qu’un avertissement ce qui est bien une sanction disciplinaire ;

– l’absence de vote majoritaire du conseil de discipline sur un licenciement pour faute grave ne lie pas l’URSSAF ;

– Mme [R] a attendu plus de deux ans pour déposer plainte contre M. [Z] pour diffamation et elle ne justifie pas des suites de cette plainte, qui au demeurant seraient sans incidence sur le bien-fondé du licenciement.

La cour estime donc, comme le conseil de prud’hommes, que Mme [R] a commis une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant son licenciement, de sorte qu’elle doit être déboutée de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 – Sur la procédure de licenciement :

Mme [R] affirme que, lors de l’entretien préalable au licenciement, l’URSSAF n’a pas évoqué certains griefs visés dans la lettre de licenciement tels que des mails non privés et l’interpellation véhémente des supérieurs hiérarchiques. Or, il ressort du compte-rendu d’entretien préalable que l’URSSAF a fait état de tous les mails y compris ceux intitulés ‘tableau Exydia’, que les propos des supérieurs hiérarchiques ont également été évoqués même si la véhémence de l’attitude de la salariée n’était pas mentionnée, et que la salariée s’est expliquée sur les griefs liés à ses échanges avec la société Exydia.

Aucune irrégularité de procédure n’est donc établie et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts.

3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

La salariée qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de l’employeur ses propres frais.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, et, y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme [X] [R] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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