Charte informatique : 3 octobre 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-23.968

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Charte informatique : 3 octobre 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-23.968

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 octobre 2018

Rejet

M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1359 F-D

Pourvoi n° G 16-23.968

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Analyses et risques immobiliers (ARI), dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 8 juillet 2016 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l’opposant à M. Laurent Y…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 4 septembre 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Analyses et risques immobiliers, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juillet 2016), qu’engagé par la société Analyses et risques immobiliers le 2 janvier 2003 en qualité de responsable du service d’expertise de l’agence de Marseille, M. Y… a été licencié pour faute grave par lettre du 20 mars 2012 ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu’après avoir constaté que le salarié ne contestait pas la réalité des connexions depuis son poste informatique et déniait seulement en être l’auteur, soutenant que tous les doubles des clés des bureaux regroupés dans celui de M. A… étaient « à la disposition de tous les salariés », la cour d’appel a énoncé qu’« il n’est pas contesté » que « les doubles des clés de l’ensemble des bureaux étaient également accessibles, de sorte que dans l’absolu n’importe lequel des salariés aurait pu avoir accès au poste de M. Y… » ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’employeur faisait valoir, dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, que « hormis le directeur d’agence », aucun salarié ne pouvait accéder au bureau de M. Y…, fermé lorsqu’il n’était pas présent, et contestait donc bien le fait que l’ensemble des autres salariés avait accès au poste de M. Y…, la cour d’appel a modifié l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que dans un litige relatif au licenciement pour faute grave du salarié pour utilisation abusive de son ordinateur et d’internet durant ses heures de travail consistant dans la consultation de sites pornographiques, lorsque le salarié ne conteste pas la réalité des connexions depuis son poste informatique mais dénie seulement en être l’auteur, l’employeur peut utiliser et produire, même sans information préalable du salarié, un procédé de géolocalisation de son véhicule destiné à établir qu’il était physiquement dans l’entreprise au moment où les connexions litigieuses ont été effectuées depuis son poste de travail ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-4, L. 1234-5 L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ qu’après avoir constaté que le salarié avait été licencié le 20 mars 2012 pour avoir utilisé, pendant ses heures de travail, l’ordinateur de la société à des fins strictement personnelles, notamment pour consulter de nombreux sites pornographiques, tous consultés à travers l’adresse IP de l’intéressé qui ne contestait pas la réalité des connexions depuis son poste, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si la preuve que M. Y… était bien l’auteur de ces connexions ne résultait pas, d’abord, de ce qu’après son licenciement, il avait seulement réclamé à l’employeur, par lettre du 1er avril 2012, une lettre destinée à la CPAM, puis n’avait contesté, par lettre du 6 avril 2012, que le formalisme de son certificat de travail, et avait encore attendu une troisième lettre du 26 avril 2012 pour contester les faits reprochés, ensuite de ce que toutes les connexions avaient été effectuées alors qu’il était physiquement présent à l’agence et qu’il ne pouvait soutenir que d’autres salariés utilisaient son ordinateur dans son bureau en sa présence, et enfin de ce qu’un vérificateur au sein de la société Adi Protection incendie avait attesté que lorsqu’il travaillait à l’agence, M. Y… lui avait proposé « avec insistance de participer et de l’accompagner dans des soirées à tendance échangiste et sexuelle » ce qui l’avait fortement dérangé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-4, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°/ qu’en s’étant fondée sur la constatation inopérante que « dans l’absolu », n’importe lequel des salariés « aurait pu » -et donc en pure théorie- avoir accès au poste du salarié, sans avoir caractérisé concrètement comment d’autres salariés auraient pu, à partir de son poste, sur la seule courte période du 2 février au 14 février 2012, effectuer près de 7 heures de connexions personnelles sur des sites pornographiques, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-4, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a constaté, sans modifier l’objet du litige, que les codes d’accès de chacun des ordinateurs de la société consistaient dans les simples initiales de leurs utilisateurs habituels respectifs et que les doubles des clés de l’ensemble des bureaux étaient également accessibles, de sorte qu’il était possible à n’importe lequel des salariés d’avoir accès au poste informatique du salarié ;

Attendu, ensuite, qu’ayant constaté que le procédé de géolocalisation, au moyen duquel l’employeur entendait démontrer la présence du salarié dans l’entreprise lors des connexions litigieuses, n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, n’avait pas été soumis à une consultation des représentants du personnel et n’avait pas fait l’objet d’une information individuelle préalable auprès des salariés, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’était pas un mode de preuve licite ;

Et attendu, enfin, qu’ayant constaté que l’employeur ne produisait aucun autre élément permettant de s’assurer que le salarié était réellement l’auteur des connexions litigieuses, la cour d’appel, qui n’avait pas à entrer dans le détail de l’argumentation des parties ni à s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter et procédant à la recherche prétendument omise, en a déduit que l’imputabilité des faits reprochés au salarié n’était pas établie et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 


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