Charte informatique : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01192

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Charte informatique : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01192

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 JANVIER 2023

N° RG 22/01192 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEGG

AFFAIRE :

[Y] [J]

C/

S.A.S. ESERVGLOBAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F19/01566

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier AMANN

Me Anne MURGIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [Y] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Olivier AMANN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116, substitué par Me Marylaure MEOLANS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E202.

APPELANTE

****************

S.A.S. ESERVGLOBAL

N° SIRET : 324 592 724

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20, et substitué par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K20.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

La société EServGlobal ‘ dont le siège social se situe [Adresse 1] ‘ est spécialisée dans l’édition de logiciels système et de réseaux. Elle emploie plus de dix salariés.

 

La convention collective applicable est celle de la métallurgie du 13 mars 1972.

 

Mme [Y] [J], née le 7 mars 1960, a été embauchée par la société EServGlobal par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 novembre 2008 en qualité de ‘Global HR Director’ soit directrice des ressources humaines.

 

Le 18 novembre 2013, Mme [J] a été placée en arrêt de travail continu jusqu’au 4 avril 2014, date de reprise en mi-temps thérapeutique.

 

Par avenant au contrat de travail du 1er novembre 2017, la durée du travail de Mme [J] est passée d’un temps plein à un mi-temps moyennant une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros.

 

Le 25 juillet 2019, la société suédoise Seamless distribution system AB est devenue actionnaire majoritaire de la société EServGlobal.

 

Par courrier du 18 octobre 2019, la société EServGlobal a convoqué Mme [J] à un entretien préalable fixé au 29 octobre 2019.

 

Par courrier du 4 novembre 2019, la société EServGlobal a notifié à Mme [J] son licenciement pour faute grave.

 

Par requête reçue au greffe le 25 novembre 2019, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et solliciter l’allocation de diverses sommes salariales et indemnitaires.

 

Par jugement rendu le 10 mars 2022, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– dit que le licenciement de Mme [Y] [J] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit que le contrat de travail a été exécuté loyalement sans harcèlement,

– fixé le salaire de référence à 7 170,53 euros,

– condamné la société EServGlobal à verser à Mme [Y] [J] :

° 42 576 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 4 257,60 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

° 42 631,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

° 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les salaires,

– dit que les intérêts sont dus à compter de la saisine pour les salaires et à compter du présent jugement pour les autres sommes,

– ordonné à la société EServGlobal le remboursement à Pôle emploi des prestations versées dans la limite de 6 mois,

– débouté Mme [J] du solde de ses demandes,

– rejeté la demande de la société EServGlobal au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à la société EServGlobal la charge des éventuels dépens.

Mme [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 avril 2022.

L’affaire a été fixée à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, Mme [J] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a condamné la société EServGlobal à payer à’ Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

. Dit que le contrat de travail a été exécuté loyalement,

. Débouté Mme [J] de sa demande de nullité du licenciement,

. Jugé que le licenciement de Mme [J] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. Fixé le salaire de référence à la somme de 7 170,53 euros,

. Condamné la société EServGlobal à payer les sommes suivantes :                                             

– 42 576 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 4 257, 60 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

– 4 631,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 45 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. Débouté Mme [J] du solde (sic) de ses demandes,

Et statuant à nouveau, il est de demandé à la cour d’appel de :

– débouter la société EServGlobal de sa demande tendant à faire juger que Mme [J] aurait renoncé à sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– débouter la société EServGlobal de sa demande tendant à faire juger que Mme [J] aurait renoncé à sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable de l’année 2019,

– débouter la société EServGlobal de sa demande tendant à faire juger irrecevable la demande formulée par Mme [J] au titre d’une prétendue irrégularité de procédure,

– débouter la société EServGlobal de sa demande tendant à faire juger irrecevable la demande formulée par Mme [J] de dommages-intérêts pour perte des droits sociaux sur la durée du préavis,

Sur le salaire de référence,

A titre principal,

– fixer le salaire de référence à la somme de 15 767,95 euros bruts,

A titre subsidiaire,

– fixer le salaire de référence à la somme de 14 096,03 euros bruts,

A titre très subsidiaire,

– fixer le salaire de référence à la somme de 11 878,12 euros bruts,

Sur le licenciement,

A titre principal,

– juger que la procédure de licenciement est irrégulière,

– juger que Mme [J] a subi des faits de harcèlement moral,

– juger que la société EServGlobal a sanctionné la dénonciation de ces faits, par la notification d’un licenciement pour faute grave,

– juger que le licenciement est nul et de nul effet,

– condamner la société à payer à Mme [J] :

A titre principal,

. une indemnité de 567 646,20 euros (soit 36 mois) en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de son licenciement [à parfaire] correspondant (au) salaire qu’elle aurait dû percevoir entre la notification de son licenciement et la date à laquelle la cour statuera,

. une indemnité de 15 767,95 euros (soit 1 mois) à titre d’indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

A titre subsidiaire,

. une indemnité de 427 612,32 euros en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de son licenciement [à parfaire],

. une indemnité de 11 878,12 euros (soit 1 mois) à titre d’indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

A titre subsidiaire,

– juger que la procédure de licenciement est irrégulière,

– juger que les griefs de la lettre de licenciement sont prescrits,

– juger que la société EServGlobal a notifié le licenciement au mépris de la période de garantie d’emploi,

– juger que la société EServGlobal ne rapporte pas la preuve d’une faute grave rendant impossible le maintien du contrat,

– juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société à payer à Mme [J] :

A titre principal,
. une indemnité de 165 563,50 euros (soit 10,5 mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. une indemnité de 15 767,95 euros (soit 1 mois) à titre d’indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

A titre subsidiaire,
. une indemnité de 124 720,30 euros (soit 10,5 mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. une indemnité de 11 878,12 euros (soit 1 mois) à titre d’indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

En tout état de cause,

– juger que l’employeur n’avait pas défini les objectifs individuels de Mme [J] pour l’année 2019,

– condamner la société EServGlobal à payer à Madame [J] :

. A titre principal, la somme de 40 000 euros bruts et 4 000 euros bruts de congés payés afférents, à titre d’indemnité’ de rappels de salaire correspondant à la part variable de la rémunération,

. A titre subsidiaire, la somme de 36 666,70 euros bruts et 3 667 euros bruts de congés payés afférents, 71 268,72 euros (soit 6 mois), à titre d’indemnité de rappels de salaire correspondant à la part variable de la rémunération,

– condamner la société EServGlobal à payer à Mme [J] :

. A titre principal, la somme de 94 607,70 euros bruts (soit 6 mois), à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 9 460,77 euros bruts de congés payés afférents,

. A titre subsidiaire, la somme de 71 268,72 euros bruts (soit 6 mois), à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 7 126,90 euros bruts de congés payés afférents,

– condamner la société EServGlobal à payer à Mme [J] :

. A titre principal, la somme de 94 607,70 euros (soit 6 mois) à titre d’indemnité de licenciement,

. A titre subsidiaire, la somme de 71 268,72 euros (soit 6 mois) à titre d’indemnité’ de licenciement,

– condamner la société EServGlobal à payer à Mme [J] :

. A titre principal, la somme de 47 303,85 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité’,

. A titre subsidiaire, la somme de 35 634,40 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité’,

. 998,28 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de la mutuelle et de la prévoyance sur la durée du préavis,

. 16 206,30 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de droits à la retraite,

– condamner la société EServGlobal à remettre à Mme [J] les documents de fin de contrat et les bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, jusqu’à parfaite exécution,

– débouter la société EServGlobal de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société EServGlobal à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel à’ laquelle s’ajouteront les 1 000 euros que la société EServGlobal a été condamnée à payer en première instance,

– condamner la société EServGlobal à payer à Mme [J] la somme de 454,56 euros TTC, au titre des sommes engagées par l’appelante pour faire signifier la déclaration d’appel à la société intimée,

– condamner la société EServGlobal aux entiers dépens.

 

Par dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, la société EServGlobal demande à la cour de :

A titre liminaire :

– juger que Mme [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande de rémunération variable pour l’année 2019,

– juger que Mme [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande de rémunération de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral,

– juger irrecevable la demande nouvelle formulée en cause d’appel par Mme [J] au titre d’une prétendue irrégularité de procédure,                                                                                    

A titre principal :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt ayant débouté Mme [J] de sa demande formulée au titre de la nullité de son licenciement,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt ayant débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue exécution fautive du contrat de travail,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt ayant fixé le salaire de référence à 7 170,53 euros bruts,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt ayant jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [J],

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes ayant condamné la société au remboursement de Pôle Emploi,                                                                                            

Par conséquent :

– débouter Mme [J] de toutes ses demandes initiales,

– juger irrecevables ou en tout état de cause infondées les demandes nouvelles formulées par Mme [J] au cours de la première instance à titre de dommages et intérêts pour perte de mutuelle, de prévoyance et de droits à’ la retraite,                                                                    

A titre subsidiaire, si le licenciement venait à être déclaré infondé,

– limiter le montant des dommages et intérêts à :
 o 43 023,18 euros en cas de nullité du licenciement ;
 o 21 511,59 euros en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– limiter l’indemnité de licenciement à 43 023,18 euros,

– limiter l’indemnité compensatrice de préavis à’ 43 023,18 euros,

– la débouter de toutes ses autres demandes,

En tout état de cause,

– condamner Mme [J] à verser à la société la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

 

Par ordonnance rendue le 23 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 novembre 2022.

 

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et doyens.

MOTIFS DE LA DECISION

  

Sur la renonciation à certaines demandes formées en première instance

La société EServGlobal soutient que le principe de concentration des demandes instauré par l’article 910-4 du code de procédure civile fait obligation à l’appelant de présenter l’ensemble de ses demandes au fond, qui doivent figurer au dispositif pour valablement saisir la cour, dès ses premières conclusions ; que Mme [J] a transmis au greffe ses premières conclusions d’appel le 24 mai 2022, qui ne mentionnent pas d’une part une demande indemnitaire de 50 000 euros spécifique au titre du harcèlement prétendument subi, cette demande étant désormais fondue dans une demande de dommages et intérêts de 30 000 euros au titre d’une prétendue exécution fautive du contrat et d’un prétendu manquement de la société à son obligation de loyauté et d’autre part une demande tendant au paiement d’une somme de 40 000 euros bruts au titre de la part variable 2019. Elle fait valoir que la cour n’est pas saisie de ces demandes, auxquelles Mme [J] a renoncé en cause d’appel, le fait qu’elles soient visées dans la déclaration d’appel et invoquées dans le corps des premières conclusions étant inopérant.

Mme [J] réplique, en ce qui concerne la demande de rappel de salaire de 40 000 euros au titre de la rémunération variable, que la déclaration d’appel demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée du solde de ses demandes, dont celle relative à cette somme et que la demande est invoquée dans le corps de ses premières conclusions, ajoutant que l’article 910-4 du code de procédure civile n’exige pas que les parties récapitulent leurs demandes dans le dispositif.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts de 50 000 euros au titre du préjudice subi du fait du harcèlement moral, elle soutient qu’elle n’a pas été abandonnée mais traitée concomitamment à la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail puisque toutes deux tendent aux mêmes fins, qu’elle figure dans la déclaration d’appel et dans le corps et le dispositif de ses conclusions.

L’article 4 du code de procédure civile dispose que ‘l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.’

En application de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’article 905-2 du code de procédure civile énonce qu’à peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour transmettre ses conclusions au greffe.

L’article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable au litige, dispose que ‘à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.’

L’article 954 du code de procédure civile dispose notamment que ‘les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ses prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.’

Il résulte de la combinaison des articles 4, 562 et 954 du code de procédure civile que, si l’étendue de l’effet dévolutif est fixée par la déclaration d’appel, la portée d’un appel est déterminée par les conclusions des parties, par lesquelles elles peuvent restreindre les prétentions qu’elles soumettent à la cour d’appel. Ces prétentions sont, en application de cet article 954 alinéa 3, fixées par le dispositif des conclusions des parties et il résulte de l’article 910-4, alinéa 1er, du même code que, sous les réserves prévues à l’alinéa 2 de ce texte, sont irrecevables les prétentions qui ne sont pas présentées par les parties dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. (Cass. 1ère civ., 9 juin 2022, n°19-24.368).

En l’espèce, la déclaration d’appel de Mme [J] contient une demande d’infirmation de la décision de première instance notamment en ce qu’elle l’a déboutée du solde de ses demandes, comprenant entre autres une demande de condamnation de la société EServGlobal à lui payer les sommes de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral, de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité et de 40 000 euros au titre de la part variable 2019.

L’avis de fixation de l’affaire à bref délai a été délivré par le greffe le 25 avril 2022 et Mme [J] disposait d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour signifier ses conclusions.

Elle a signifié des conclusions n°1 le 24 mai 2022, dans les délais requis, demandant à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a déboutée du solde de ses demandes et, statuant à nouveau, de condamner la société EservGlobal à lui payer notamment à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité, à titre principal la somme de 47 303,85 euros et à titre subsidiaire la somme de 35 634,40 euros.

Le fait qu’une demande en paiement de la somme de 40 000 euros au titre de la rémunération variable de l’année 2019 figure en page 48 des conclusions de l’appelante ne permet pas à la cour de statuer dès lors que cette prétention n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions.

Il convient en conséquence de juger que Mme [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande de rémunération variable pour l’année 2019.

Mme [J] avait demandé en première instance des dommages et intérêts pour harcèlement moral distincts de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat et manquement de la société à son obligation de loyauté.

Dans ses premières conclusions d’appel signifiées le 24 mai 2022, elle expose en page 49 que son employeur a manqué à son obligation de sécurité lorsqu’elle a été victime de harcèlement moral. Elle demande en conséquence une indemnisation unique au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail, soit la somme de 47 303,85 euros à titre principal et de 35 634,40 euros à titre subsidiaire, en reprenant ces demandes dans le dispositif de ses conclusions.

Il convient en conséquence de juger que Mme [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande autonome de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral.

Sur la fin de non-recevoir concernant la demande indemnitaire formée au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement

La société EServGlobal fait valoir que la demande indemnitaire au titre d’une irrégularité de la procédure disciplinaire est irrecevable dès lors qu’elle est formée pour la première fois en cause d’appel, qu’elle ne tend pas aux mêmes fins et ne constitue pas l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes formées par Mme [J] en première instance.

Mme [J] soutient que cette demande est intimement liée aux demandes relatives à la contestation du licenciement et en constitue l’accessoire, de sorte qu’elle n’est pas nouvelle.

L’article 122 du code de procédure civile dispose que ‘constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’.

L’article 564 du même code énonce que ‘à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’.

L’article 565 du même code dispose que ‘les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.’.

L’article 566 du code de procédure civile dispose enfin que ‘les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’.

En l’espèce, en première instance, Mme [J] a demandé qu’il soit dit à titre principal que son licenciement est nul dès lors qu’elle a subi des faits de harcèlement moral, en sollicitant paiement de la somme de 189 235 euros correspondant à 12 mois de salaire à titre de dommages et intérêts.

En cause d’appel, elle réévalue sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la nullité de son licenciement à la somme de 567 464,20 euros correspondant à 36 mois de salaire et ajoute une demande d’indemnité d’un montant de 15 767,95 euros correspondant à un mois de salaire au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement, fondée sur l’article L. 1235-2 du code du travail, dès lors que l’entretien préalable au licenciement n’a pas été mené par un salarié de la société EServGlobal.

Il ne s’agit pas d’une demande tendant aux mêmes fins que l’indemnisation du préjudice lié à la nullité du licenciement ni d’une demande accessoire aux prétentions soumises aux premiers juges mais d’une prétention nouvelle formée en cause d’appel, tendant à voir indemniser un nouveau préjudice, sur un fondement juridique différent.

Elle sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur la nullité du licenciement

Mme [J] expose que durant onze ans elle a exécuté son contrat de travail avec passion, même lorsqu’elle était malade et n’a jamais fait l’objet du moindre reproche de la part de son employeur, recevant au contraire des félicitations et des augmentations ou stock-options.

Elle indique qu’à compter du changement de direction et de politique interne qui a suivi la prise de participation de la société Seamless au capital de la société EServGlobal, elle a subi, par l’intermédiaire de Mme [B], une importante et brutale dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé destinée à la déstabiliser et à la mettre en difficulté dans la réalisation de ses missions, ce qui constitue une situation de harcèlement moral. Elle fait valoir qu’elle a été licenciée par mesure de rétorsion lorsqu’elle a dénoncé la situation à son employeur.

La société EServGlobal réplique que le harcèlement moral doit être distingué des contraintes et conflits inhérents à toute relation de travail et qui sont susceptibles de créer une situation de stress chez le salarié ; qu’en l’espèce, Mme [J] ne produit aucun élément sérieux laissant présumer un harcèlement moral mais ses propres écrits ou ceux de son conseil, des échanges de courriels professionnels avec Mme [B] qui démontrent certains points de désaccord mais ne traduisent en rien un quelconque harcèlement, soulignant que les arrêts de travail pour simple maladie émanent du médecin traitant de la salariée qui n’a pas été témoin de ses conditions de travail et de ses rapports avec la direction. Elle soutient que Mme [J] n’a été victime d’aucun harcèlement moral.

En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’.

L’article L. 1152-2 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose que ‘aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés’.

Il résulte de l’article L. 1152-3 du code du travail que ‘toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul’.

Ainsi, le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul.

Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce Mme [J] invoque les faits suivants :

– l’annulation de toutes les délégations de pouvoir dont elle bénéficiait, la privant de toute responsabilité.

Elle produit pour en justifier le courrier qui lui a été adressé le 25 juillet 2019 par M. [NE] [D], CEO de la société Seamless, lui faisant part du fait que ‘suite au rachat de la société eServGlobal Holding, de ses bureaux et filiales, suite au départ des anciens dirigeants et arriv(é)e de nouveaux dirigeants, nous vous informons que toutes délégations de pouvoirs (représentation, délégation de signatures, signatures, virements de banques, approbation directe de factures, engagement de coûts liés à la fonction ou pour le service…) sont annulées à partir du 25 juillet 2019. Le groupe Seamless a confié la direction de la France, de ses bureaux et filiales à monsieur [N] [P].’ (sa pièce n°7),

– la disparition de son poste de DRH dans l’organigramme au profit de Mme [T] [B] qui se voyait confier la direction des finances et des ressources humaines.

Elle produit pour en justifier l’organigramme de la société datant de mai 2019, dans lequel elle apparaît en qualité de VP Human Ressources, sous l’autorité de M. [K] [F], exécutive chairman (pièce 6) et le nouvel organigramme, dans lequel M. [NE] [D] est CEO, prévoyant deux organisations séparées, d’une part pour Seamless MD et d’autre part pour eServ MD à la tête de laquelle se trouve M. [N] [P], Mme [T] [B] étant responsable du secteur ‘Finance & HR’ (pièce 9),

– les réticences et vives oppositions de Mme [B] qui la mettait à l’écart des échanges internes et la privait des informations nécessaires à la réalisation de ses tâches, se traduisant par :

° des échanges directs de Mme [B] avec les représentants du personnel et la modification de la date des réunions de l’instance représentative du personnel sans l’en informer au préalable.

Elle produit à cet égard un courriel du 22 juillet 2019 (pièces 10 et 10 bis) dans lequel Mme [B] indique à M. [BR] [W], secrétaire du CSE, qu’il n’y aura pas de CSE le jeudi mais qu’avant la réunion générale, le nouvel acquéreur se présentera au CSE et répondra aux questions.

Mme [J] est cependant destinataire du courriel.

° le refus de lui communiquer le mot de passe permettant d’accéder au logiciel de paie.

Les échanges de courriels versés au débat ne montrent cependant pas un refus de communiquer le mot de passe mais la croyance initiale qu’il n’existe pas de mot de passe, avant que ce dernier ne soit retrouvé. Le fait n’est donc pas établi.

° la contradiction ferme opposée par Mme [B] sur la classification de certains salariés, la faisant passer pour une personne incompétente auprès de M. [E], responsable des opérations commerciales.

Il ressort de la pièce 20 de l’appelante que lors d’un échange de courriels du 21 août 2019 entre M. [E] et Mmes [B] et [J], ces deux dernières n’étaient pas d’accord sur la classification de certains salariés.

° une mise à l’écart des discussions concernant l’augmentation du montant des tickets restaurant.

Il ressort de la pièce 23 de l’appelante que Mme [B] a échangé des courriels avec M. [P] le 22 août 2019 au sujet de l’augmentation du montant des tickets restaurant et qu’après validation de ce dernier, elle a transmis l’information à Mme [J]. Cette dernière a demandé des précisions par courriel du 28 août 2019 et a indiqué que la procédure devait être présentée au CSE avant sa mise en place. Mme [B] lui a alors fait part de ce qui avait été discuté avec les employés dont le CSE, en indiquant qu’il s’agit d’une décision de la société. Mme [J] en a convenu mais a estimé que dans le cadre d’un dialogue social sain, il était préférable d’en informer officiellement l’ensemble des membres du CSE.

° des tensions au sujet de la classification d’une salariée.

Il ressort des échanges de courriels du 9 septembre 2019 objet de la pièce n°27 de l’appelante que la position d’une salariée était erronée sur son contrat de travail et que Mmes [B] et [J] n’étaient pas d’accord sur les modalités de correction de l’erreur. Mme [J] a conclu l’échange en écrivant à Mme [B] : “[T], Je te demande encore une fois de cesser ce type de comportement à mon égard qui relève du harcèlement”. Mme [J] n’a pas été mise en copie du courriel de Mme [B] demandant la rectification de la position de la salariée, ce que cette dernière a remarqué (pièce n°28 de l’appelante).

° la signature d’un certificat de travail d’une salariée en lieu et place de Mme [J].

Il ressort de la pièce n°25 de l’appelante que le certificat de travail de Mme [DI] a été signé le 3 septembre 2019 par Mme [B] au nom de la Direction des ressources humaines.

– la dégradation de son état de santé dont elle justifie en produisant l’arrêt de travail qui lui a été délivré le 4 octobre 2019 par son médecin traitant (pièce 34), le courrier établi par le médecin du travail le 11 octobre 2019 indiquant qu’il a reçu Mme [J] à sa demande, qui lui “décrit une situation douloureuse au travail depuis 3 mois en lien avec un isolement et une perte de ses responsabilités. Elle est fragilisée sur le plan psychique et je pense qu’il est nécessaire de prolonger son arrêt de travail le temps que la situation s’éclaircisse avec l’employeur.” (pièce 35) outre la prolongation de son arrêt de travail (pièce 36).

Sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l’employeur fait valoir les arguments et pièces suivants :

– suite à la modification de la situation juridique de l’employeur due au rachat, la nouvelle direction a mis fin aux délégations de pouvoirs en place et a prévu une délégation unique au profit du directeur général, M. [P].

Il est justifié qu’à la suite du rachat de la société EServGlobal par le groupe Seamless, une délégation de signature et de pouvoirs a été accordée à M. [P] le 26 juin 2019 (pièce 44 de la société EServGlobal) et il ressort du courrier susvisé adressé le 25 juillet 2019 à Mme [J] que toutes les délégations de pouvoirs ont été annulées à partir du 25 juillet 2019 et non pas seulement celles dont bénéficiait Mme [J].

– l’organigramme sur lequel s’appuie Mme [J], d’origine inconnue, n’est pas daté et quoi qu’il en soit, il ne fait que matérialiser le rapprochement des missions RH d’autres services de la société eu égard au désintéressement total de Mme [J] pour ses fonctions et responsabilités et leur transfert de sa propre initiative vers d’autres de ses collègues de travail.

Quand bien même l’organigramme produit en pièce 9 par l’appelante n’est pas daté, il s’agit de toute évidence de l’organisation postérieure à l’acquisition de la société EServGlobal par la société Seamless et Mme [B] y figure en qualité de responsable du service “Finance & HR” alors qu’auparavant Mme [J] était responsable des RH.

L’employeur produit des échanges de courriels montrant qu’à la suite du départ de la société de Mme [R] “international HR manager”, afin d’éviter un recrutement et une formation, Mme [B] a accepté de reprendre avec son équipe les tâches administratives des RH et un apprenti, (courriels de Mme [J] du 11 juin 2019 pièces 7, 7 bis, 9 et 9 bis de l’intimée).

C’est en application du tableau de répartition des tâches par zone géographique, Mme [B] s’occupant de l’administration des RH et du CSE pour les zones France et Inde (pièce 9 bis de l’intimée) que Mme [B] était légitime à signer le certificat de travail d’une salariée et à dialoguer directement avec les membres du CSE.

Il ressort des courriels versés au débat que le 14 août 2019 Mme [J] a exprimé à Mme [B] le malaise grandissant que lui causait le comportement de cette dernière, estimant qu’elle prenait des initiatives sans son accord alors qu’elle travaillait auparavant en concertation avec Mme [R]. Mme [B] lui a répondu qu’elle agissait dans le cadre de la délégation présentée dans le tableau (pièces 14 et 15 de l’appelante). M. [P] a confirmé par courriel du 16 août 2019 que les pouvoirs de la compagnie avaient changé et que Mme [B] lui rapportait directement (pièce 16 bis de l’appelante), ce que M. [D] a validé le 19 août 2019 en précisant que Mme [J] conservait toutefois son rôle (pièce 18 bis de l’appelante).

Les interventions professionnelles de Mme [B] s’inscrivent donc dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place par la société.

– les courriels professionnels versés au débat font parfois état de désaccords mais ne peuvent être assimilés à une quelconque forme de harcèlement.

En effet, les différences de points de vue entre Mmes [J] et [B] sur certains sujets, qui sont exprimés dans les courriels produits, constituent des désaccords professionnels.

S’il est ainsi établi que les relations entre Mme [B] et Mme [J] étaient tendues, l’existence d’un harcèlement moral de la part de l’employeur n’est pas avérée.

L’épuisement professionnel et la situation douloureuse au travail que Mme [J] a décrits à son médecin traitant et au médecin du travail, lequel n’a manifestement pas procédé à une évaluation de la situation dans l’entreprise, qui se sont traduits par des arrêts de travail à compter de début octobre 2019, ne sauraient à eux seuls justifier de l’existence d’un harcèlement moral.

Il n’est pas davantage prouvé que c’est la dénonciation de faits supposés de harcèlement moral qui a motivé le licenciement de Mme [J].

En conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt sera confirmé en ce qu’il a dit que le contrat de travail a été exécuté sans harcèlement et qu’il a débouté Mme [J] de ses demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement et à se voir allouer des dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et sur l’exécution fautive du contrat de travail

Mme [J] fait valoir qu’au moment du rachat de la société et malgré sa loyauté, elle a subi les agissements répétés de sa direction dans le but non dissimulé de lui faire quitter l’entreprise pour permettre une réorganisation interne ; qu’elle a été victime de presssions, brimades injustifiées et comportements humiliants de la part de Mme [B] et qu’aucune mesure n’a été prise malgré les alertes qu’elle a émises auprès de la direction. Elle estime que la société EServGlobal a sciemment manqué à son obligation de sécurité, ce qui a contribué à la grave dégradation de son état de santé.

La société EServGlobal réplique qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité puisqu’elle a répondu aux courriels de Mme [J], qu’elle a arbitré certains points de désaccords professionnels entre cette dernière et Mme [B] et que la preuve n’est pas rapportée du lien de causalité entre la dégradation de son état de santé, qui était déjà fragile, et son milieu professionnel.

L’obligation de sécurité qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces dispositions ne manque pas à son obligation de sécurité.

En l’espèce, il n’a pas été retenu que Mme [J] a été victime de pressions, brimades injustifiées et comportements humiliants de la part de Mme [B] s’apparentant à du harcèlement moral.

Lorsque Mme [J] a fait appel à M. [P] au sujet des différents qui l’opposaient à Mme [B], ce dernier a pris position sur le sujet. Lorsqu’elle a demandé des éclaircissements sur son positionnement dans la nouvelle organisation le 16 août 2019, elle a obtenu une réponse de M. [D] le 19 août.

L’employeur n’a pas ainsi manqué à son obligation de sécurité.

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi.’.

L’inexécution déloyale du contrat de travail par l’employeur constitue une faute de sa part ouvrant un droit à réparation pour le salarié qui en subit un préjudice.

Faute de preuve de l’existence d’un harcèlement moral destiné à faire quitter l’entreprise à Mme [J], il n’est pas établi que l’employeur a exécuté de manière fautive et déloyale le contrat de travail.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a dit que le contrat de travail a été exécuté loyalement et qu’elle a débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité.

Sur le bien fondé du licenciement

Le licenciement pour faute grave de Mme [J] a été déclaré sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt.

Mme [J] fait valoir que la grande majorité des griefs est prescrite, que le licenciement est abusif car il a été notifié durant la période de garantie d’emploi et qu’il n’y a ni faute grave ni cause réelle et sérieuse.

La société EServGlobal soutient que les griefs, qui ne sont pas prescrits car il convient de s’attacher à la date à laquelle l’employeur les a découverts après le rachat de la société, ont rendu impossible le maintien de Mme [J] dans l’entreprise pendant la durée de préavis et que la clause conventionnelle de garantie d’emploi ne pouvait faire obstacle au licenciement de Mme [J].

* sur la rupture du contrat de travail durant la période de garantie d’emploi

L’article 16 1° de la Convention collective de la Métallurgie du 13 mars 1972 prévoit que ‘au cours de l’absence de l’ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l’employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l’ingénieur ou cadre licencié l’indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l’indemnité de congédiement, le cas échéant.’.

Un salarié peut toutefois être licencié pour faute grave nonobstant une clause de garantie d’emploi.

La clause de garantie d’emploi prévue par la convention collective applicable ne pouvait donc faire obstacle au licenciement pour faute grave de Mme [J].

* sur les griefs

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

L’article L. 1332-4 du code du travail prévoit par ailleurs qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le délai de deux mois court à compter de la date de convocation à l’entretien préalable.

Toutefois, le fait antérieur à deux mois peut être pris en considération dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai (Cass. Soc., 7 mai 1991, n°87-43.737 P).

En cas de transfert d’entreprise, le même contrat de travail se poursuivant, le nouvel employeur peut sanctionner le salarié pour des faits commis sous l’autorité de l’ancien employeur. Toutefois, le nouvel employeur (cessionnaire) ne peut invoquer à l’appui du licenciement des manquements commis par le salarié alors qu’il se trouvait sous l’autorité de l’ancien employeur que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant (et non par le cessionnaire) n’est pas écoulé.

La prescription doit être appréciée pour chaque grief.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [J] le 4 novembre 2019 fait état de plusieurs griefs regroupés sous trois rubriques.

1) sur les dérives dans l’exercice de l’activité professionnelle

La lettre de licenciement indique à Mme [J] que ‘Vous avez été engagée par contrat de travail à durée indéterminée par la société EServGlobal afin d’y exercer les fonctions de directrice des ressources humaines à compter du 6 novembre 2008, statut cadre dirigeant, position III C, en application des dispositions conventionnelles aujourd’hui appliquées au sein de la société.

En cette qualité, vous êtes en charge de mettre en oeuvre une stratégie ressources humaines en ligne avec les objectifs et valeurs de l’entreprise au travers d’une gestion du personnel rigoureuse et efficace, sur les aspects tant individuels que collectifs de travail.

Depuis le rachat de la société EServGlobal par la société Seamless, nous avons néanmoins relevé bon nombre d’anormalités et de dysfonctionnements sur le périmètre vous incombant.

‘ Là où vous vous devez de donner l’exemple eu égard aux fonctions et responsabilités qui sont les vôtres, nous avons découvert de votre part certaines pratiques qui sont purement et simplement inadmissibles.

A titre d’exemples :’.

– sur l’augmentation unilatérale de la rémunération de Mme [J]

La lettre de licenciement indique que ‘les 1er février 2018 et 27 mai 2019, vous avez signé deux avenants à votre contrat de travail, portant respectivement votre rémunération et l’exercice de votre activité professionnelle en télétravail avec votre N – 1, Madame [L] [R], responsable ressources humaines, alors qu’ils auraient dû l’être par le directeur général de la société, au même titre que votre contrat de travail.

En particulier, alors que votre rémunération mensuelle était de 11 667 euros bruts, vous avez signé avec effet rétroactif au 1er novembre 2017, un avenant à votre contrat de travail actant l’exercice de votre activité professionnelle en mi-temps thérapeutique moyennant une rémunération mensuelle de ‘7 000 euros sur 12 mois, correspondant au prorata d’un salaire à temps plein de 14 000 euros’. Or votre rémunération mensuelle n’a jamais été de 14 000 euros bruts. Sur la base de 11 667 euros bruts, la rémunération maintenue dans le cadre de votre mi-temps aurait dû être de 5 833,50 euros bruts et non de 7 000 euros bruts, soit une différence injustifiée de rémunération de plus de 15 % en votre faveur.’.

Or les faits invoqués, commis sous l’autorité de l’ancien employeur, ont été portés à la connaissance de ce dernier plus de deux mois avant le 18 octobre 2019, date de la convocation à l’entretien préalable, étaient prescrits et ne pouvaient donner lieu à des poursuites disciplinaires.

– sur le financement d’un bilan de compétence sur les deniers de la société

La lettre de licenciement ajoute : ‘vous vous êtes financés un bilan de compétence, dont personne n’est informé, sur les fonds de la société pour un montant de 2 342,22 euros HT, formation que vous n’avez suivie que partiellement.’

Il ressort de la pièce n°16 produite par l’employeur que ce dernier a été avisé de l’accord de prise en charge du bilan de compétence de Mme [J] le 3 juillet 2019 pour une durée de 24 heures sur la période du 16 juillet au 16 octobre 2019.

Cette information étant antérieure de plus de deux mois à la convocation à l’entretien préalable, le grief est prescrit.

– sur le financement d’un voyage aux frais de la société pour un salarié et son épouse

Il est encore reproché à Mme [J] : ‘vous avez permis à l’un de nos salariés quittant la société, Monsieur [A], de réaliser un voyage aux frais de la société avec sa conjointe, en donnant pour ordre à la comptabilité d’enregistrer le paiement en deux fois en frais de déplacement pour échapper au paiement des charges sociales et de n’en parler à personne.’.

Il ressort de la pièce n°17 de l’employeur que le contrat de vente du voyage a été émis le 23 mai 2018 pour un départ le 24 mars 2019 et un retour le 4 avril 2019.

Tant la commande que le voyage ayant été accomplis, en toute connaissance de l’employeur, plus de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable, le grief est prescrit.

– sur l’accès à la messagerie professionnelle d’un collaborateur

La lettre de licenciement énonce que ‘Après le départ de Mme [L] [R], responsable ressources humaines, vous avez à deux reprises, les 23 et 30 septembre 2019, demandé d’accéder à sa messagerie professionnelle auprès du service informatique. Outre le fait que vous ne soyez pas autorisée à disposer de la messagerie professionnelle d’un autre collaborateur, rien ne justifiait une telle demande puisque vous disposez d’une boîte mail RH commune et que vous étiez en principe en copie des échanges vous intéressant.’.

L’employeur soutient que Mme [J] avait conscience, au regard du règlement intérieur et de la charte informatique de la société, qu’elle n’était pas autorisée à disposer de la messagerie d’un autre collaborateur.

Mme [J] réplique que l’employeur ne justifie que d’une seule demande de sa part, ne lui reproche pas d’avoir consulté les mails privés de Mme [R] mais d’avoir demandé à y accéder, cette demande étant liée à l’exercice de ses fonctions. Elle ajoute que l’accès à la boîte mail de Mme [R] a été coupé une première fois puis rétabli et à nouveau suspendu et que Mme [R] avait donné son accord au service informatique pour que Mme [J] accède à sa boîte mail.

L’article 5.2 du règlement intérieur de la société EServGlobal (pièce 12 de l’intimée) prévoit que ‘les règles d’utilisation des ressources informatiques et de l’accès aux services internet sont définies par une Charte d’Utilisation à laquelle souscrit chaque salarié ayant accès à ces ressources. Tout manquement à l’une quelconque de ces règles peut entraîner l’application de l’une des sanctions prévues au présent règlement.’.

L’article 5 de la charte de l’utilisateur pour l’usage des ressources informatiques et des services internet de la société EServGlobal (pièce 13 de l’intimée) prévoit que ‘l’accès par les utilisateurs aux informations et documents conservés sur les systèmes informatiques doit être limité à ceux qui leur sont propres et ceux qui sont publics ou partagés. En particulier, il est interdit de prendre connaissance d’informations détenues par d’autres utilisateurs, quand bien même ceux-ci ne les auraient pas explicitement protégées. Cette règle s’applique également aux conversations privées de type courrier électronique dont l’utilisateur n’est destinataire ni directement, ni en copie. Si, dans l’accomplissement de son travail, l’utilisateur est amené à constituer des fichiers tombant sous le coup de la loi Informatique et Libertés, il devra auparavant en avoir fait la demande à la CNIL en concertation avec la direction générale de EServGlobal SAS et en avoir reçu l’autorisation. Il est rappelé que cette autorisation n’est valable que pour le traitement défini dans la demande et pas pour le fichier lui-même.’.

La société EServGlobal produit un seul courriel de Mme [J], daté du 30 septembre 2022, adressé à M. [LL] dans lequel elle écrit : ‘je ne peux plus accéder à la boîte email d’emeline… que se passe t’il ‘ Peux-tu me redonner accès’.

Il lui a été répondu quelques minutes après que ‘le compte a été à nouveau suspendu à la demande de [N] et [T]. [N] demande que toute demande doit être à présent validée par lui.’.

Mme [R] atteste qu’elle avait demandé au service IT de donner accès à sa messagerie professionnelle à Mme [J] après son départ, afin que cette dernière puisse continuer à avoir accès aux archives et échanges d’email qui s’y trouvaient et dont elle pouvait avoir besoin (pièce 68 de l’appelante).

Il ressort de ces documents qu’à la suite du départ de Mme [R], la messagerie professionnelle personnelle de cette dernière a été suspendue, puis rétablie, laissant manifestement la possibilité à Mme [J] d’y accéder pour les besoins de ses fonctions puis qu’elle a été à nouveau suspendue. Il n’a pas été répondu à Mme [J] qu’elle ne pouvait plus accéder à la messagerie de Mme [R], mais que la demande d’accès devait désormais être validée par M. [P].

Le grief n’est donc pas fondé.

– sur le défaut d’information de la société sur le sinistre survenu sur le véhicule de fonction

de Mme [J]

La lettre de licenciement indique encore que ‘nous avons été surpris d’apprendre le sinistre du 8 octobre 2019 survenu sur votre véhicule de fonction par courrier de notre assurance du 11 octobre suivant, dont vous ne nous avez aucunement informés. Nous vous avons sollicitée le 17 octobre 2019 afin d’obtenir des informations de votre part : à ce jour, vous n’êtes toujours pas revenue vers nous…’.

La société EServGlobal reproche à Mme [J] de ne pas l’avoir informée du sinistre ayant eu lieu sur son véhicule de fonction le 8 octobre 2019 et de s’être contentée d’avertir l’assurance. Elle lui reproche encore de ne pas avoir répondu aux sollicitations de la société pour les rendez-vous avec l’expert ou la communication des éléments constitutifs du dossier et d’avoir minimisé les faits lors de l’entretien de licenciement en considérant qu’il ne s’agissait que d’un incident.

Mme [J] répond qu’elle a averti l’assurance le lendemain de l’accident, alors qu’elle était en arrêt de maladie, de sorte qu’il ne peut lui être reproché un retard ; que dès lors que le service RH traitait habituellement les sinistres, elle n’avait pas à avertir la direction ; que les courriels produits montrent que le dossier a bien avancé ; qu’elle n’est pas responsable du traitement du dossier. Elle estime en tout état de cause qu’il ne s’agit pas d’une faute grave.

Mme [J] a dressé un constat amiable d’accident indiquant qu’un camion a dû accrocher le côté de son véhicule en stationnement durant la nuit du 8 au 9 octobre 2019. Le 10 octobre 2019, en sa qualité de DRH et alors qu’elle était en congé de maladie, elle a adressé le constat d’accident à la MACIF, assureur de la société (pièce 45 de l’appelante).

Il n’est pas démontré par la société EServGlobal que les accidents devaient de manière générale être déclarés à la direction. L’employeur ne contredit pas l’affirmation de Mme [J] selon laquelle les accidents étaient traités par la DRH et c’est d’ailleurs bien au service RH de la société que la MACIF a accusé réception de la déclaration de sinistre, dans un courrier daté du 11 octobre 2019 reçu le 17 octobre 2019 (pièce 19 de l’intimée). Dans ce courrier, la MACIF donne les coordonnées de son expert pour évaluer les réparations du véhicule.

M. [Z], “general accountant” à la société EServGlobal, a demandé par courriel du 17 octobre 2019 à Mme [J] de transmettre les pièces du dossier (pièce 20 de l’intimée). Le 29 octobre 2019, lors de l’entretien de licenciement, il a été reproché à Mme [J] de ne pas avoir répondu à la demande. Mme [J] a transmis des documents à Mme [B] le 7 novembre 2019 (pièce 45 de l’appelante).

Le 28 octobre 2019, Mme [J] a fait savoir à l’assureur qu’elle n’était pas en mesure d’emmener sa voiture et a rappelé qu’elle a demandé un expert pouvant se rendre à son domicile à [Localité 4] (pièce n°101 de l’appelante). Le 29 octobre 2019, M. [Z] a communiqué à Mme [J] la liste des garages dans le secteur de [Localité 4] pour faire l’expertise et les réparations (pièce 21 de l’intimée).

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le grief n’est pas fondé.

2) sur les irrégularités dans la gestion des dossiers collectifs et individuels dont Mme [J] avait la charge

La lettre de licenciement se poursuit de la manière suivante : ” Au-delà de ces dérives entourant l’exercice de l’activité professionnelle, nous avons constaté de nombreuses irrégularités dans la gestion des dossiers collectifs et individuels dont vous avez la charge, outre les anomalies relevées concernant plusieurs collaborateurs en termes de reprise d’ancienneté ou de classification (en particulier, Monsieur [O] [E] et son équipe) ou encore d’estimatifs de coûts de départ. Pour exemples :’

– sur l’absence d’attribution de la participation pour un exercice

La lettre de licenciement indique que ‘A ce jour, 360 819 euros, outre 22 529,88 euros d’intérêts, n’ont toujours pas été attribués aux salariés au titre de la participation due pour l’exercice novembre 2013 / octobre 2014 en application de l’accord de participation du 10 juin 1999 révisé.

Or la société aurait pu la régler sur ses fonds propres à plusieurs reprises ou, en tout état de cause, via le soutien financier du Groupe renouvelé chaque année auprès de la société pour garantir le paiement des dettes. Des demandes ont d’ailleurs été régulièrement formulées en ce sens pour le paiement des salaires et des charges sociales, mais jamais pour la participation…

Ceci a valu à la société de nombreuses plaintes de salariés et des représentants du personnel (ce qui vous a conduit à signer avec ces derniers une reconnaissance de dettes) mais également des procédures contentieuses individuelles (dossiers de Monsieur [IE] et Monsieur [GP] notamment).’.

La société EServGlobal fait valoir qu’en qualité de DRH et de directeur général délégué de 2015 à 2017, Mme [J] avait la responsabilité du versement de la participation ; qu’elle a pris des engagements à cet égard qui se sont traduits par une reconnaissance de dette de la société auprès des salariés ; que la participation aurait pu être versée par la société à plusieurs reprises sur des fonds propres ou grâce au soutien financier du groupe ; que des démarches en ce sens ont été faites pour le paiement des salaires et des charges sociales mais jamais pour la participation ; que cette carence a valu à la société de nombreuses plaintes des salariés et des représentants du personnel et des procédures contentieuses individuelles.

Contrairement à ce que soutient Mme [J], si la participation en cause date de l’exercice 2013/2014, l’absence d’attribution s’est poursuivie jusqu’à la date de convocation à l’entretien préalable, de sorte que le grief n’est pas prescrit.

Mme [J] expose que la société EServGlobal a été confrontée à des difficultés financières qui l’ont contrainte à demander en 2016 l’ouverture d’une procédure collective ; que le VP Finance a décidé en 2015 de reporter le versement de la participation et qu’elle n’a pas pris seule les décisions ; que les reconnaissances de dettes avaient pour vocation d’apaiser le climat social au sein de l’entreprise.

Mme [J] était DRH de la société et a été nommée en outre en qualité de directeur général délégué de la société le 28 décembre 2015 (pièce 10 de l’intimée), jusqu’en 2017 selon les dires de la société EServGlobal.

Il n’est pas contesté que le montant de la réserve spéciale de participation de l’exercice courant du mois de novembre 2013 au mois d’octobre 2014 n’a pas été immédiatement versé aux salariés.

Il ressort des pièces produites que :

– la question a été évoquée lors de la réunion du comité d’entreprise du 9 février 2017. A été communiqué un courriel adressé par M. [F], executive chairman de la société, à M. [W], secrétaire du CE, confirmant son engagement de verser 200 000 euros en mai et le souhait de payer au plus tôt la somme due aux salariés tout en conservant un équilibre financier demeurant fragile (pièce 49 de l’appelante),

– en exécution de cette décision, par courrier du 10 mars 2017 signé par Mme [J], les salariés ont été informés du montant total de la réserve de participation attribuée au personnel au titre de l’exercice de novembre 2013 à octobre 2014 et du montant revu à la hausse par la direction le 25 juin 2015 et ont été avisés qu’en raison des difficultés économiques rencontrées par la société depuis plusieurs années, il n’avait pas pu être procédé au versement des droits des salariés mais qu’il était décidé de verser un montant de 200 000 euros bruts fin mai 2017 à l’ensemble des salariés éligibles, avec intérêts conformément aux indications du conseil de la société (pièces 22 et 27 de l’intimée),

– lors de la réunion ordinaire du CE du 18 mai 2017, le secrétaire s’est félicité du respect de cet engagement (pièce 50 de l’appelante),

– lors de la réunion extraordinaire du CE du 13 décembre 2017, il a été indiqué qu’après ce versement, une nouvelle somme de 150 000 euros allait être débloquée en janvier 2018 (pièce 51 de l’appelante),

– lors de la réunion du CE du 19 avril 2018, un nouveau versement de 200 000 euros était annoncé, sous réserve d’une approbation par le board, il était proposé de signer une reconnaissance de dette (pièce 52 de l’appelante). Cette reconnaissance de dettes a été signée, non pas par Mme [J], mais par M. [F], M. [W], en étant témoin (pièce 23 de l’intimée), après consultation, aux fins de transparence et de poursuite des bonnes relations avec le CE et pour éviter une action collective (pièce 53 bis de l’appelante).

M. [F] atteste que les décisions concernant la participation étaient uniquement prises par lui-même et par [I] [H], directeur financier et que les paiements ont été reportés ou interrompus en fonction de la situation de trésorerie globale, avec l’aide de Mme [J] pour obtenir la coopération du CE (pièces 69 et 69 bis de l’appelante).

Mme [J] n’ayant nullement pris seule la décision de différer le versement de la participation aux salariés et ne pouvant se voir imputer les décisions financières prises par la société, le grief n’est pas fondé.

– sur les erreurs grossières commises dans le calcul de la participation

La lettre de licenciement se poursuit par : ‘Aussi, de grossières erreurs ont été relevées dans le calcul de la participation. Comme vous le savez, Monsieur [IE], notamment, a été informé d’un montant de participation de 29 305,16 euros bruts, alors que le plafonnement individuel de 50 % du PASS tel que prévu par la réglementation en vigueur, le montant lui étant effectivement dû n’était que de 18 731 euros bruts, soit plus de 10 000 euros bruts de moins…’.

La société EServGlobal fait valoir que Mme [J] a appliqué un plafonnement de 50 % du PASS prévu par l’accord de la société et la législation antérieure au lieu de 75 % du PASS prévu à l’article D. 3324-12 du code du travail, réduisant le droit à la participation des salariés et notamment celui de M. [IE].

Mme [J] répond que comme l’a retenu le conseil des prud’hommes, elle n’était pas directement responsable du calcul de la participation de chaque salarié et que c’est la société qui commet une erreur en formulant ce reproche puisqu’en 2017 la réglementation prévoyait un plafonnement à hauteur de 75 % du PASS.

L’employeur revendique l’application de l’article D. 3324-12 du code du travail qui dispose, s’agissant de la réserve spéciale de participation, que “le montant des droits susceptibles d’être attribués à un même salarié ne peut, pour un même exercice, excéder une somme égale aux trois quarts du montant du plafond prévu par l’article D. 3324-10.”.

Or dans un courriel du 1er juin 2017, Mme [EX], HR Manager France de la société EServGlobal, soutenait que la prime aurait dû être plafonnée à 50 % du PASS conformément à l’accord et demandait confirmation de ce calcul à Mme [J] pour régler la somme de 18 731 euros à M. [IE], inférieure à la condamnation à verser la somme de 29 305,16 euros (pièce 28 de l’intimée).

C’est donc la société elle-même qui revendiquait l’application d’un plafond de 50 % du PASS et non de 75 % selon les dispositions qu’elle invoque désormais.

Le grief n’est donc pas fondé.

– sur les erreurs grossières commises dans le traitement du dossier de M. [C]

Il est également reproché à Mme [J] : ‘vous avez procédé à une déclaration d’accident du travail concernant Monsieur [C] le 26 novembre 2016 sans l’accompagner d’une quelconque réserve, alors que vous connaissiez parfaitement les circonstances de cet accident (malaise dans un bar où il s’est rendu avec un collègue après sa journée de travail). La décision de prise en charge, notifiée par courrier du 5 juin 2019, n’a pas davantage été contestée.

A la suite de cet accident, le médecin du travail a préconisé un mi-temps thérapeutique le 13 février 2019 au titre duquel l’avenant au contrat de travail n’a été formalisé que plusieurs mois plus tard, le 6 mai 2019. Aussi, les formalités auprès de la sécurité sociale n’ont été accomplies que tardivement et de manière incomplète, ce qui vous a conduit à garantir rétroactivement au salarié, par courrier du 6 mai 2019, le maintien de sa rémunération sur la base d’un temps plein dans l’attente d’une éventuelle décision de prise en charge alors qu’il ne travaillait qu’à mi-temps…’.

Compte tenu de la date de l’accident et des formalités accomplies, en parfaite connaissance de l’employeur, le grief est prescrit.

– sur les erreurs commises dans la gestion de dossiers de contentieux individuels

Il est encore reproché à Mme [J] : ‘sur les dossiers contentieux de Messieurs [G] et [S], vous avez engagé des frais d’avocats pour un montant de 339 077 AED (environ 77 000 euros, montant supérieur aux demandes formulées par les salariés d’un montant cumulé de 279 216 AED (environ 63 450 euros) au titre desquelles ils ont jusqu’à présent obtenu gain de cause.’

L’employeur fait valoir qu’il appartenait à Mme [J] d’avertir la direction sur la disproportion entre les frais d’avocats engagés et les demandes indemnitaires des salariés, afin que la décision puisse être prise en pleine connaissance de cause.

Mme [J] répond en premier lieu que le grief est prescrit car les dossiers ont débuté en février et mars 2019. Elle fait valoir en second lieu que la direction était particulièrement impliquée dans le suivi de ces dossiers et qu’elle avait pris soin de lui faire valider les honoraires de l’avocat ; qu’elle ne peut être tenue pour responsable du fait que la procédure a été plus longue que prévue et de la sur-facturation opérée par l’avocat.

Par courriel du 4 mars 2019, M. [X] [U], COO de la société EServGlobal a demandé son avis à Me Jonathan Noble, avocat, sur la solidité du cas de M. [V] pour un contentieux devant la cour de Dubaï, avant de prendre une quelconque décision. Ce conseil a indiqué par courriel du 8 mars 2019 quels étaient les honoraires à prévoir et M. [U] a donné son accord (pièces 61 et 61 bis de l’appelante). L’accord de M. [U] a également été demandé par Mme [J] le 2 avril 2019 sur le montant des honoraires et sur le recours à un expert dans la procédure concernant M. [RH] (pièces 59 et 59 bis, 60 et 60 bis de l’appelante).

Le 29 juillet 2019, Mme [J] a adressé à M. [P] un point sur les litiges en cours s’agissant des demandes des salariés et des provisions versées (pièces 65, 65 bis, 66 et 66 bis de l’appelante).

Le 3 août 2019, Mme [B] a signalé à Mme [J] que le montant des honoraires était désormais supérieur aux demandes d’un des salariés. Le 14 août 2019, Mme [J] a demandé pour la nouvelle direction à M. [M] un point sur les dépenses d’avocat par rapport à la réclamation des salariés et au résultat attendu.

Il apparaît ainsi que les honoraires d’avocat ont été engagés, avec l’accord exprès de la direction, qui était consciente de l’existence de l’aléa judiciaire et du caractère non définitif des sommes engagées, plus de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable, de sorte que le grief est prescrit.

3) sur la cessation progressive des fonctions

La lettre de licenciement indique encore : ‘enfin, depuis le rachat et avant que vous ne soyez en arrêt de travail pour maladie, vous vous êtes refusée à rapporter au directeur général, Monsieur [N] [P], comme le prévoit expressément votre contrat de travail. Aussi vous avez en pratique cessé d’assumer vos fonctions de directeur des ressources humaines – vous ne répondez plus aux demandes des collaborateurs, voire refusez d’accomplir certaines tâches.’.

La société EServGlobal reproche en premier lieu à Mme [J] de s’être refusée de rapporter au directeur général M. [P], préférant contacter directement le président de la société M. [D].

Mme [J] réplique que ce grief n’est pas daté et qu’il est particulièrement imprécis, M. [P], qui n’était pas un salarié de la société mais un prestataire de services, n’ayant pu l’expliquer durant l’entretien préalable au licenciement. Elle ajoute qu’elle n’a contacté M. [D] qu’au sujet du harcèlement moral dont elle était victime, après avoir joint M. [P] qui avait pris le parti de Mme [B] et n’avait pas cherché à solutionner la situation.

Pour justifier le grief, la société EServGlobal vise la pièce n°32 de l’appelante qui est constituée du message que lui a envoyé M. [D] le 2 octobre 2019 lui indiquant notamment “je me permets de vous rappeler que votre contrat de travail stipule que votre N + 1 est le directeur général de la société, Mr [N] [P] ; toute demande devra lui être adressée directement et non au président, merci de bien vouloir respecter votre contrat de travail et de noter que dans le futur je ne répondrai à aucune de vos futures demandes.”.

Néanmoins, il ressort des courriels versés au débat que Mme [J] n’a sollicité M. [D] qu’après avoir contacté M. [P], au sujet de son positionnement professionnel ou du harcèlement moral dont elle s’estimait victime de la part de Mme [B].

Le grief tenant au fait que Mme [J] ne s’adressait pas à son supérieur hiérarchique pour les besoins de ses fonctions n’est donc pas établi.

La société EServGlobal reproche en second lieu à Mme [J] d’avoir progressivement cessé d’exercer ses fonctions de DRH, organisant un transfert partiel de ses activités vers le service de Mme [B] le 11 juin 2019 et déléguant de nouveau massivement des missions RH après le départ de Mme [R].

Mme [J] soutient que cette accusation est mensongère et infondée car c’est après le départ de Mme [R], pour ne pas recruter, que certaines tâches administratives ont été transférées à Mme [B] et son équipe et qu’elle s’est vue retirer ses responsabilités.

La société EServGlobal ne prouve pas que Mme [J] a délaissé ses fonctions, alors que le transfert d’une partie des activités de la RH a été faite, ainsi qu’évoqué plus avant, pour éviter de recruter et de former un remplaçant à Mme [R], au service dont Mme [B] était responsable. Mme [B] a été nommée par la nouvelle direction responsable du secteur “Finance & RH” et Mme [J] a demandé un éclaircissement à ses supérieurs hiérarchiques sur l’étendue de ses fonctions suite à cette nomination et aux difficultés qu’elle rencontrait avec Mme [B].

Si l’employeur reproche à Mme [J] de n’avoir pas mis en place le CSE, force est de constater que le CSE relevait désormais du champ d’intervention de Mme [B] (pièce 38 de l’intimée).

Le grief tenant au désinvestissement de ses fonctions par Mme [J] n’est donc pas établi.

Ainsi, les griefs contenus dans la lettre de licenciement étant soit prescrits soit non établis, le licenciement de Mme [J] ne peut valablement être fondé sur une faute grave et il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a dit que le licenciement de Mme [J] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

* sur le salaire mensuel

Mme [J] demande à titre principal que son salaire de référence soit fixé à la moyenne des trois ou douze derniers mois ayant précédé la période où elle a effectué un mi-temps thérapeutique (15 767,95 euros), à titre subsidiaire qu’il soit fixé en fonction de la reconstitution de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait continué à travailler à temps plein (14 096,03 euros) et à titre très subsidiaire sur le fondement de l’article L. 3123-5 du code du travail (11 878,12 euros), faisant valoir qu’elle subit à défaut une discrimination puisque les femmes sont surreprésentées dans les mi-temps thérapeutiques et les emplois à temps partiel.

La société EServGlobal demande la confirmation du salaire de référence fixé par le conseil de prud’hommes (7 170,53 euros bruts mensuels) en se fondant sur les douze derniers mois de salaire perçus par la salariée précédant son dernier arrêt de travail pour maladie.

L’article R. 1234-4 du code du travail dispose que “le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.”

Lorsque le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie (Cass. Soc., 23 mai 2017, n°15-22.223).

La convention collective de la métallurgie prévoit en son article 29 notamment que “en cas de suspension du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, au cours des douze ou trois mois, il est retenu, au titre de chacune de ces périodes de suspension, la valeur de la rémunération que l’ingénieur ou cadre aurait gagnée s’il avait travaillé durant la période de suspension considérée, à l’exclusion de toutes les sommes destinées à se substituer aux salaires perdus, telles que les indemnités de maladie, éventuellement perçues par l’intéressé au titre de la période de suspension.”

Lorsque le salarié reprend le travail à la suite d’une maladie dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et qu’il est ensuite licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, le montant de l’indemnité de licenciement est calculé sur la base des salaires effectivement perçus et non pas sur celle des salaires qu’il aurait perçus s’il n’avait pas travaillé dans le cadre de ce mi-temps, sauf dispositions autres dans la convention collective (Cass. Soc., 25 janvier 2011, n°09-66.453).

En l’espèce, le licenciement a été prononcé alors que le contrat de travail de Mme [J] était suspendu depuis septembre 2019 pour cause de maladie.

Il convient de prendre en compte les salaires qu’elle percevait avant la suspension de son contrat de travail.

Embauchée à compter du 6 novembre 2008, Mme [J] a exercé ses fonctions dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique à compter du 4 avril 2014. Selon l’avenant au contrat de travail du 1er février 2018, à compter du 1er novembre 2017, Mme [J] a travaillé “suite à la mise en invalidité à mi-temps – 50 % de temps plein -” pour une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros sur 12 mois, correspondant au prorata d’un salaire à temps plein de 14 000 euros (pièce 3 de l’appelante).

Avant la suspension de son contrat de travail pour maladie en septembre 2019, le contrat de travail de Mme [J] n’était donc pas suspendu et elle exerçait depuis une longue durée ses fonctions dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, qui n’avait pas été imposé par son employeur, sans lien avec sa condition de femme.

Il convient en conséquence de retenir comme salaire de référence la moyenne des trois ou douze derniers mois ayant précédé son arrêt de travail, soit la somme de 7 170,53 euros bruts mensuels au regard des fiches de paye produites concernant la période de septembre 2018 à août 2019, par confirmation de la décision de première instance.

* sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application de l’article L. 1234-1 du code du travail, Mme [J] ayant une ancienneté de plus de deux ans chez le même employeur, son préavis était de deux mois.

L’article 27 de la convention collective de la métallurgie prévoit des dispositions plus favorables puisque le délai de préavis est de 6 mois pour les cadres âgés de plus de 55 ans et justifiant de plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise.

Mme [J] justifiant d’une ancienneté de plus de 10 ans et étant âgée de plus de 55 ans à la date de la rupture du contrat de travail, une indemnité de 6 mois du salaire mensuel dont le montant a été retenu plus avant lui est due, soit 43 023,18 euros (7 170,53 euros x 6 mois).

La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a alloué à Mme [J] la somme de 42 576 euros qu’elle sollicitait, outre 4 257,60 euros au titre des congés payés afférents.

* sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, Mme [J] ayant une ancienneté d’au moins 8 mois ininterrompus au service du même employeur, elle a droit à une indemnité de licenciement correspondant à :

1° un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

L’article 29 de la convention collective de la métallurgie prévoit des dispositions plus favorables:

– 1/5ème de mois par année d’ancienneté pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté,

– 3/5ème de mois par année d’ancienneté au delà de 7 ans d’ancienneté.

En outre, l’indemnité est majorée de 30 % pour les cadres âgés d’au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise, sans que le montant total de l’indemnité ne puisse être inférieur à 6 mois ni supérieur à 18 mois de salaire.

Le conseil de prud’hommes a alloué la somme de 42 631,81 euros qui est inférieure à 6 mois du salaire mensuel retenu.

Il convient en conséquence d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a fixé l’indemnité conventionnelle de licenciement à cette somme et, statuant à nouveau, de fixer l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 43 023,18 euros bruts (7 170,53 euros x 6 mois), somme proposée par l’employeur à titre subsidiaire.

* sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [J] demande à la cour de prononcer l’indemnité adéquate prévue par le droit international en cas de licenciement sans motif valable (article 10 de la convention n°158 de l’OIT et article 24 de la Charte sociale européenne) et, compte tenu de l’espèce, de fixer l’indemnité à la fourchette haute du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, soit 10,5 mois de salaire et non 6 mois comme l’a fait le conseil de prud’hommes.

La société EServGlobal réplique que la Cour de cassation a réaffirmé expressément la conventionnalité du barème fixé à l’article L. 1235-3 du code du travail par deux arrêts rendus en Assemblée Plénière le 11 mai 2022 et que l’appelante ne démontre pas le préjudice qu’elle prétend avoir subi pour obtenir une indemnisation supérieure aux planchers. Elle demande en conséquence que l’indemnité soit fixée à 3 mois de salaire à titre principal et à 6 mois de salaire à titre subsidiaire.

Les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail précité ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel par décision 2018-761 DC du 21 mars 2018.

Il résulte en outre de la décision n°415243 du 7 décembre 2017 du Conseil d’Etat, juge des référés, des avis n°15012 et 15013 du 17 juillet 2019 et de la décision n° 21-14.490 du 11 mai 2022 de la chambre sociale de la Cour de cassation que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et qu’il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3.

Mme [J] est donc soumise au barème prévu à cette disposition.

L’entreprise ayant plus de 11 salariés et Mme [J] comptant 10 ans révolus d’ancienneté, elle doit percevoir une indemnité comprise entre 3 et 10 mois de salaire.

Compte tenu de la situation d’espèce, la décision du conseil de pru’dhommes sera infirmée en ce qu’elle a retenu une indemnité de 45 000 euros et il sera alloué à Mme [J] une somme de 71 700 euros représentant environ 10 mois de salaire.

* sur les demandes de dommages et intérêts liés à la perte de la mutuelle et de la prévoyance pendant la durée du préavis et à la perte du droit à retraite

Mme [J] demande paiement des dommages et intérêts suivants :

– 998,28 euros au titre de la perte de la mutuelle et de la prévoyance pendant la durée de son préavis,

– 16 206,30 euros au titre de la perte de droits à la retraite.

– sur la recevabilité des demandes

La société EServGlobal soulève une fin de non-recevoir en faisant valoir que les demandes sont irrecevables puisqu’elles ne figuraient pas dans la requête initiale prévue par l’article R. 1452-2 du code du travail, que du fait de la suppression du principe de l’unicité de l’instance, elles ne pouvaient être formées en cours d’instance et qu’elles ne sont liées à aucun événement postérieur à la rupture de la relation de travail.

Mme [J] réplique que la procédure est orale devant le conseil des prud’hommes, lequel n’a pas jugé ses demandes irrecevables dès lors qu’elles se rattachaient par des liens étroits aux demandes déjà formulées devant lui.

L’article R. 1452-2 du code du travail dispose que la requête qui saisit le conseil de prud’hommes contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.

La suppression de la règle de l’unicité de l’instance par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 et son décret d’application du 20 mai 2016 s’est accompagnée de la suppression des dispositions de l’article R. 1452-7 du code du travail qui autorisait la présentation de demandes nouvelles, même en cause d’appel.

Par application de l’article 70 du code de procédure civile, des demandes additionnelles sont cependant recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes par requête reçue au greffe le 25 novembre 2019, qui n’est pas versée au débat. Il ressort néanmoins des conclusions signifiées par Mme [J] pour l’audience du 6 décembre 2021 se tenant devant le conseil des prud’hommes (pièce 52 de l’intimée, pages 10 et 34) que cette dernière a rajouté au cours de la procédure de première instance deux demandes de dommages et intérêts portant sur le préjudice lié à la perte de la mutuelle et de la prévoyance sur la durée du préavis d’une part et à la perte de droits à la retraite d’autre part.

Ces demandes additionnelles étant nouvelles mais se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, elles sont recevables et il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’intimée.

– sur la demande formée au titre de la perte de la mutuelle et de la prévoyance sur la durée du préavis

Mme [J] expose que si elle avait été licenciée pour un autre motif que la faute grave, la portabilité de ses droits se serait déclenchée à l’issue de son préavis, 6 mois plus tard.

La société EServGlobal fait valoir qu’elle a averti Mme [J] de la portabilité de ses droits et que cette dernière ne justifie en rien de la réalité et de l’étendue de son préjudice.

Le conseil de prud’hommes n’a pas motivé le rejet de cette demande.

Mme [J] ne justifie pas de son préjudice en produisant uniquement à l’appui de sa demande un courriel daté du 17 août 2020 lui communiquant une proposition d’adhésion individuelle à la complémentaire “Nova Santé” et la plaquette de présentation de cette mutuelle (ses pièces 81 et 82), et en calculant son préjudice sur la base d’une cotisation mensuelle à la formule Nova 8 pour une personne de 26 à 65 ans, soit 166,38 euros, sans justifier ni qu’elle a souscrit cette formule ni qu’elle a subi une perte financière.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, par confirmation de la décision de première instance.

– sur la demande formée au titre de la perte de droits à la retraite

Mme [J] expose qu’elle a connu un abattement de 10 % sur sa pension de retraite durant 3 ans dès lors qu’elle a dû liquider sa retraite faute d’avoir retrouvé un emploi après son licenciement.

La société EServGlobal réplique qu’elle ne justifie en rien de la réalité et de l’étendue de son préjudice dans la mesure où c’est elle qui a, en toute connaissance de cause, fait le choix de liquider sa pension de retraite à la date du 1er août 2022 plutôt que de retrouver un emploi.

Le conseil de prud’hommes n’a pas motivé le rejet de cette demande.

Mme [J] a été licenciée le 4 novembre 2019 à l’âge de 59 ans. Elle s’est inscrite à Pôle emploi à compter du 19 novembre 2019.

Dès lors qu’elle ne justifie pas d’une vaine recherche d’emploi entre la date de son licenciement et le 1er avril 2022, date de liquidation de sa retraite à l’âge de 62 ans, il ne peut être retenu que la liquidation de sa retraite et la décote temporaire sont en lien avec le licenciement.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, par confirmation de la décision de première instance.

Sur les demandes accessoires

La société EServGlobal sera condamnée à remettre à Mme [J] les documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés conformément au dispositif du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [J], il convient de confirmer la condamnation prononcée en première instance à l’égard de la société EServGlobal à procéder au remboursement à Pôle emploi des indemnités versées à Mme [J] dans la limite de six mois d’indemnités.

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société EServGlobal, qui est condamnée en paiement, supportera les dépens de l’instance d’appel.

Mme [J] demande paiement au titre des dépens de la somme de 454,46 euros pour les frais de signification de la déclaration d’appel en produisant deux factures différentes du même huissier d’un montant de 227,28 euros TTC chacune, pour signification de la déclaration d’appel les 4 et 5 mai 2022 (pièce 94 de l’appelante).

La société EServGlobal réplique au visa de l’article 902 du code de procédure civile que dès lors qu’elle s’est constituée moins d’un mois après avoir reçu la déclaration d’appel, il n’y avait aucune raison de lui faire signifier la déclaration d’appel.

L’article 902 du code de procédure civile prévoit que le greffier adresse à chacun des intimés un exemplaire de la déclaration d’appel avec l’indication de l’obligation de constituer avocat. En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat de l’appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d’appel.

En l’espèce, la déclaration d’appel de Mme [J] date du 13 avril 2022 et le greffe en a adressé un exemplaire à chacune des parties le même jour.

L’intimée a constitué avocat le 6 mai 2022, moins d’un mois après cet avis, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une signification de la déclaration d’appel sur le fondement de l’article 902 susvisé.

Néanmoins, l’appelante a présenté une requête aux fins de fixation à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile le 14 avril 2022, à laquelle il a été fait droit le 25 avril 2022, l’avis de fixation précisant qu’en application de l’article 905-1 alinéa 1er du code de procédure civile, l’appelante devait signifier la déclaration d’appel dans les 10 jours de la réception de l’avis.

Il était donc justifié pour l’appelante de signifier la déclaration d’appel au conseil de la société EServGlobal.

Il sera en conséquence dit que les dépens comprendront la somme de 227,28 euros correspondant au coût d’une signification de la déclaration d’appel.

La société EServGlobal sera condamnée à payer à Mme [J] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La demande formée par la société EServGlobal du même chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Juge que Mme [Y] [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande de rémunération variable au titre de l’année 2019,

Juge que Mme [Y] [J] a renoncé en cause d’appel à sa demande autonome de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral,

Déclare irrecevable la demande nouvelle formée en cause d’appel par Mme [Y] [J] au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société EServGlobal aux demandes de dommages et intérêts formées par Mme [Y] [J] portant sur le préjudice lié à la perte de la mutuelle et de la prévoyance sur la durée du préavis et à la perte de droits à la retraite,

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2022 par le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu’il a condamné la société EServGlobal à payer à Mme [Y] [J] la somme de 42 631,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société EServGlobal à payer à Mme [Y] [J] les sommes de :

– 43 023,18 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 71 700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [Y] [J] du surplus de sa demande formée à ce titre,

Condamne la société EServGlobal à remettre à Mme [Y] [J] les documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés conformément au dispositif du présent arrêt,

Rejette la demande de prononcé d’une astreinte,

Condamne la société EServGlobal aux dépens de l’instance d’appel, comprenant la somme de 227,28 euros TTC au titre des frais de signification de la déclaration d’appel,

Condamne la société EServGlobal à payer à Mme [Y] [J] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Rejette la demande formée par la société EServGlobal au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,

 


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