Charte informatique : 19 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01625

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Charte informatique : 19 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01625

C9

N° RG 20/01625

N° Portalis DBVM-V-B7E-KNWA

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

la SELARL NICOLAU AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 MAI 2022

Appel d’une décision (N° RG 18/01032)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 06 avril 2020

suivant déclaration d’appel du 29 mai 2020

APPELANT :

Monsieur [Y] [I]

né le 10 février 1969 à FIRMINY (42700)

de nationalité Française

2 route de Chagneux

38160 IZERON

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

SAS REYNOLDS & REYNOLDS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

3 avenue Doyen Louis WEIL

38000 GRENOBLE

représentée par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Pierre MAZIERE, avocat plaidant au barreau de TARASCON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 mars 2022,

Mme Blandine FRESSARD, Présidente chargée du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 19 mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 19 mai 2022.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [Y] [I] a été engagé par la SAS REYNOLDS & REYNOLDS le 1er avril 1996, en qualité de chargé de mission/installateur, selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Au cours de l’année 2008, Monsieur [Y] [I] a été élu représentant du personnel. Il a, depuis, été reconduit à chaque nouvelle élection.

Le 21 février 2017, il s’est vu notifier un avertissement pour manquement à la charte informatique de l’entreprise.

Le 3 avril 2018, Monsieur [Y] [I] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, l’entretien étant fixé au 17 avril 2018.

Le 20 avril 2018, la SAS REYNOLDS & REYNOLDS a convoqué Monsieur [Y] [I] à un second entretien pour compléter les échanges tenus le 17 avril 2018, cet entretien étant fixé au 3 mai 2018.

Suite à ces deux entretiens, la SAS REYNOLDS & REYNOLDS a, le 16 mai 2018, notifié à Monsieur [Y] [I] une mise à pied disciplinaire de cinq jours.

Contestant ces sanctions et arguant d’un préjudice dont il réclame réparation, Monsieur [Y] [I] a, le 21 septembre 2018, saisi le conseil de prud’hommes de GRENOBLE demandant notamment l’annulation de l’avertissement du 21 février 2017 et de la mise à pied disciplinaire.

Suivant jugement en date du 6 avril 2020, le conseil de prud’hommes de GRENOBLE a :

DIT n’y avoir lieu à annulation de l’avertissement notifié le 21 février 2018 et de la mise à pied notifiée le 16 mai 2018

DIT que ces sanctions disciplinaires sont justifiées,

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] les sommes suivantes :

– 22,56 € à titre de complément d’indemnités journalières de sécurité sociale ladite somme avec intérêts de droit à la date du 9 Octobre 2018

– 600,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement,

RAPPELLE que la somme à caractère salarial ci-dessus bénéficie de l’exécution provisoire de droit en application de l’article R. 1454-28 du Code du travail, nonobstant appel et sans caution,

LIMITE à cette disposition l’exécution provisoire du présent jugement,

DEBOUTE Monsieur [Y] [I] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS de ses demandes reconventionnelles

MIS les dépens à la charge de la SAS REYNOLDS & REYNOLDS

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 18 mai 2020 par monsieur [Y] [I] et la SAS REYNOLDS & REYNOLDS.

Appel de la décision a été interjeté par monsieur [Y] [I] par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 29 mai 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, monsieur [Y] [I] sollicite de la cour de :

Juger l’appel de Monsieur [I] tant recevable que fondé ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

-DIT n’y avoir lieu à annulation de l’avertissement notifié le 21 février 2018 et de la mise à pied notifiée le 16 mai 2018,

-DIT que ces sanctions disciplinaires sont justifiées,

-CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] les sommes suivantes :

– 22,56€ à titre de complément d’indemnités journalières de sécurité sociale, ladite somme avec intérêts de droit à la date du 9 Octobre 2018,

-DÉBOUTE Monsieur [Y] [I] du surplus de ses demandes ;

Réformer la décision entreprise dans la limite de l’appel.

Juger que la société Reynolds & Reynolds ne rapporte pas la preuve des griefs reprochés à M. [I] pour fonder l’avertissement en date du 21 février 2017 et la sanction de mise à pied disciplinaire du 16 mai 2018.

En conséquence :

Annuler l’avertissement notifié à M. [I] le 21 février 2017.

Annuler la mise à pied notifiée à M. [I] le 16 mai 2018.

Condamner la société Reynolds & Reynolds au paiement de la somme de 520.38 euros au titre du rappel de salaire dû au mois de juin 2018 suite à l’annulation de la mise à pied.

Ordonner à la société Reynolds & Reynolds sous une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir de réintégrer la somme de 520.38 euros dans l’assiette de calcul de la prime de 13è mois et de la participation.

Condamner la société Reynolds & Reynolds au paiement de la somme de 173.15 euros au titre de remboursement des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale indûment déduites de la subrogation de salaire du mois de juin 2018.

Ordonner à la société Reynolds et Reynolds sous une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir d’établir un bulletin de salaire rectifié pour la période du mois de juin 2018 prenant en compte ces éléments ;

Ordonner à la société Reynolds et Reynolds sous une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir de procéder au calcul des sommes dues au titre de la prime de 13e mois et de la participation compte-tenu de la réintégration de ces sommes, et de procéder à leur paiement ;

Condamner la société Reynolds & Reynolds à payer à Monsieur [I] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des sanctions disciplinaires constituant une exécution déloyale du contrat de travail.

En tout état de cause :

Débouter la société Reynolds et Reynolds de sa demande de condamnation de Monsieur [I] au paiement de la somme de 3.500 euros et à une amende civile au titre d’abus de procédure en application de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

Condamner la société Reynolds et Reynolds au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Reynolds et Reynolds aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, la SAS REYNOLDS & REYNOLDS sollicite de la cour de :

Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté Monsieur [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions afférentes aux sanctions disciplinaires.

Débouter en conséquent Monsieur [I] de sa demande d’annulation de ces sanctions et de toutes ses demandes subséquentes.

Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté Monsieur [I] de ses griefs d’exécution déloyale du contrat.

Débouter en conséquence Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions reposant sur une prétendue exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Infirmer ledit jugement quant aux condamnations infligées à l’employeur.

Condamner Monsieur [I] à telle amende civil qu’il plaira et à verser la somme de 3 500 € à la Sté REYNOLDS AND REYNOLDS en réparation des préjudices causés.

Dire n’y avoir lieu à condamner l’employeur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner en revanche Monsieur [I] à verser à l’employeur la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur l’annulation de l’avertissement du 21 juillet 2017 et de la mise à pied disciplinaire du 16 mai 2018 :

L’article L 1333-1 du code du travail dispose qu’ en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

D’une première part, concernant l’avertissement du 21 février 2017, la Cour observe, à la suite du salarié, que l’employeur est resté très imprécis dans le grief formulé à l’encontre de Monsieur [I] puisqu’il lui reproche, certes avec une date déterminée du 4 janvier 2017, « la consultation à plusieurs reprises des sites à caractère interdit à partir de votre poste de travail et sur votre temps de travail », sans que la société REYNOLDS AND REYNOLDS ne justifie avoir fait connaître au salarié le fait qu’il s’agissait de sites internet à contenu pornographique puisque, dans la suite du courrier, il est uniquement fait un rappel général des termes de la charte informatique.

Le compte-rendu du premier entretien préalable qui s’est tenu le 17 avril 2018, établi par Monsieur [N] [X], responsable PÔLE COMPTABILITE/COMMERCE de l’entreprise dans le cadre de la seconde procédure disciplinaire, met en évidence que l’employeur indique s’inscrire dans la continuité de l’avertissement notifié le 21 février 2017 mais ne met toujours pas en avant des faits permettant à Monsieur [I] de répondre utilement au grief général qui lui est fait tenant à la consultation de sites interdits par la charte informatique.

Ce n’est, en définitive, qu’à l’occasion d’un second entretien préalable qui est intervenu le 3 mai 2018, que Monsieur [I] est en définitive informé du fait qu’il lui est reproché la consultation de sites pornographiques à partir du matériel professionnel fourni par son employeur et pendant ses heures de travail.

Il se déduit de cette chronologie et de ces éléments qu’il ne peut être tiré aucune conséquence à l’absence de contestation immédiate par Monsieur [I] des termes du premier avertissement très général dans la faute reprochée par l’employeur à son salarié.

D’une seconde part, alors que Monsieur [I] n’a jamais admis, même partiellement, les faits qui lui ont été reprochés en définitive à deux reprises par l’employeur ayant consisté à se connecter, par l’entremise de son ordinateur professionnel, à des sites à caractère pornographique pendant ses heures de travail et a remis en cause la valeur probante des éléments fournis par l’employeur lorsqu’ils ont commencé à lui être exposés à l’occasion du second entretien préalable et au cours de la procédure contentieuse, force est de constater qu’il n’est pas rapporté la preuve certaine des griefs qui lui sont faits, sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la licité contestée de certains éléments de preuve produits par la société REYNOLDS & REYNOLDS et ce, d’autant moins que Monsieur [I] ne sollicite pas, dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, par application de l’article 954 du code de procédure civile, de voir déclarer irrecevables une ou plusieurs pièces produites par l’employeur, au visa de l’article 9 du code de procédure civile.

En effet, il est certes acquis que Monsieur [I] a assuré, lors de l’entretien du 3 mai 2018, qu’il n’a pas divulgué son mot de passe de connexion à son ordinateur professionnel à un tiers.

La société REYNOLDS & REYNOLDS produit également aux débats, en pièce n°2, ce qu’elle présente comme un relevé d’incidents aux termes duquel il est fait état de plusieurs connexions, à des dates précises en 2016, 2017 et 2018, à des sites pornographiques, à plusieurs reprises, à partir de l’adresse IP correspondant à l’ordinateur professionnel de Monsieur [I].

Elle verse également aux débats un courriel du 13 janvier 2017, émanant des services informatiques américains de l’entreprise, destiné au directeur général Europe, expliquant qu’il a été découvert la visite, le 1er avril 2017, de plusieurs sites pornographiques à partir de l’ordinateur portable remis à Monsieur [I] et qu’à l’occasion d’une inspection par INS de son ordinateur, il a été mis en lumière la sauvegarde d’une vidéo contenant de la nudité.

Il est également produit un affidavit en date du 29 avril 2019, par lequel Monsieur [R] [M], analyste sécurité pour le compte de la société américaine REYNOLDS & REYNOLDS, confirme que:

– entre le 7 et le 9 octobre 2016, il a découvert, à l’occasion du contrôle quotidien de l’activité Websense et de l’examen de l’historique de navigation, que Monsieur [I] avait consulté des sites web pour adultes

– aux alentours des 4 ou 5 janvier 2017, il a obtenu les données d’historique de navigation de l’appareil de Monsieur [I] mettant en évidence des videos issues du site youtube inappropriées pour un environnement de travail et un audit de son appareil avait mis en évidence la sauvegarde de deux vidéos dont l’une de nudité

– aux alentours du 9 février 2018, Monsieur [I] a activement effectué une recherche sur le moteur de recherche Google pour du contenu pornographique

– aux alentours du 7 mars 2018, de nouveaux clics ont été mis en évidence sur des sites web pornographiques à partir du contrôle websence.

Toutefois, la Cour ne peut qu’observer que les annexes A à E évoqués dans cet affidavit ne sont pas produits avec celui-ci.

En outre, nonobstant les constatations effectuées par un analyste informatique et les déclarations sous serment qu’il a faites, à peine de poursuites pénales en cas de parjure dans le droit américain, il n’est pas produit aux débats d’éléments techniques exploitables qui viendraient corroborer de manière certaine les déclarations du témoin et les échanges internes émanant de personnes sous la subordination hiérarchique ou à tout le moins liées par une relation de dépendance économique et d’intérêts avec l’une des parties, alors même que Monsieur [I] développe expressément des moyens de fait pertinents sur l’absence de caractère incontestable des éléments techniques produits par l’employeur.

Il apparaît, en définitive, que seules les pièces n°15 et 16 de l’employeur auraient pu apporter un éclairage technique dans les débats mais que Monsieur [I] conclut à juste titre que les documents produits sont quasi voire totalement illisibles et, partant, inexploitables à titre de preuve.

Leur analyse, même parcellaire, compte tenu de l’absence de lisibilité des pièces, ne permet pas même de relever une référence à l’adresse IP correspondant à l’ordinateur professionnel de Monsieur [I].

Tout au plus, il est mentionné comme profil d’utilisateur dans la pièce n°15 « [I] ».

De manière superfétatoire, la Cour considère que l’employeur ne répond pas davantage de manière utile sur le plan technique au moyen développé en fait par Monsieur [I] selon lequel il n’existait pas, dans l’entreprise, de système automatisé de surveillance, de collecte et de journalisation des connexions internet des salariés à partir de leur matériel informatique professionnel.

Enfin, il résulte des éléments produits par l’une et l’autre des parties que Monsieur [I] a vu son ordinateur professionnel remplacé en mars 2018 mais que l’employeur ne répond pas utilement au moyen pertinent développé par Monsieur [I] selon lequel il aurait pu être réalisé une expertise technique à cette occasion et que le matériel a, en réalité, été détruit, empêchant désormais d’envisager toute expertise dans le cadre de la procédure contentieuse.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’entrer davantage dans le détail de l’argumentation des parties, rappelant que le doute doit profiter au salarié en matière disciplinaire après l’examen des éléments produits par les parties, il convient d’infirmer le jugement entrepris et d’annuler l’avertissement du 21 juillet 2017 et la mise à pied disciplinaire en date du 16 mai 2018 notifiés par la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à Monsieur [Y] [I].

Monsieur [I] se trouve, par voie de conséquence, fondé à solliciter la condamnation de la société REYNOLDS & REYNOLDS à lui verser la somme de 520,38 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire et qu’il soit ordonné à son employeur d’intégrer cette somme dans le calcul de la prime de 13ème mois et la participation, sans qu’il ne soit, en l’état, nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur la demande au titre des indemnités journalières :

En cas d’inexécution par le salarié de toute prestation de travail durant la période considérée ayant pour cause la mise à pied disciplinaire prononcée par l’employeur, ce dernier, ayant pris à tort cette mesure, est tenu de verser au salarié les salaires durant cette période, peu important que le salarié ait pu être placé en arrêt maladie pendant cette même période.

Par ailleurs, la circonstance qu’un salarié soit en arrêt de travail pour maladie le jour où commence une mise à pied disciplinaire décidée antérieurement par l’employeur ne peut permettre à ce dernier d’en différer l’exécution, sauf fraude du salarié.

En l’espèce, il résulte de l’analyse des bulletins de paie de mai et juin 2016, éclairée par les explications du cabinet d’expertise-comptable FGA SUD EST que l’employeur, subrogé dans les droits du salarié au titre du versement des indemnités journalières, n’a procédé à un maintien de salaire au titre de l’arrêt maladie de 24 jours que pendant 16 jours alors qu’il apparaît, au vu des relevés de la CPAM, que l’employeur s’est vu verser des indemnités journalières pendant 21 jours, après la déduction de 3 jours de carence.

Cette situation résulte du fait que l’employeur a procédé à une retenue de salaire pour la période du 4 au 8 août 2016 au titre de la sanction de mise à pied disciplinaire, qui est, de surcroît, injustifiée, eu égard au fait que Monsieur [I] était pour autant en arrêt maladie et que l’entreprise percevait, dans le cadre du maintien de salaire, directement les indemnités journalières.

En procédant comme elle l’a fait, la société REYNOLDS & REYNOLDS, qui ne s’est prévalue d’aucune fraude du salarié à raison du fait qu’il s’est trouvé en arrêt maladie pendant la période annoncée par courrier du 26 mai 2018 d’exécution de la sanction disciplinaire, a fait un usage abusif de la subrogation dont elle bénéficiait au titre des indemnités journalières dans le cadre du maintien de salaire, en privant à tout le moins Monsieur [I] du bénéfice, pendant les jours où la sanction s’est exécutée, des revenus de remplacement servis par la caisse.

La société REYNOLDS & REYNOLDS développe à ce titre un moyen inopérant en se reconnaissant, le cas échéant, débitrice d’une somme moindre, que le salarié ne revendique pas et qui, d’après le courrier de l’expert comptable consulté par le salarié, résulte uniquement d’une erreur commise par l’employeur dans les montants retenus par l’employeur dans le cadre de la subrogation sur une période qui est, de toute façon, erronée de 16 jours alors que l’employeur a bénéficié du versement par la CPAM d’indemnités pendant 21 jours, dans le cadre de la subrogation.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 173,15 euros nets à titre de rappel au titre des indemnités journalières retenues à tort par l’employeur dans le cadre de la subrogation.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

En application de l’article L 1222-1 du code du travail, Monsieur [Y] [I] démontre que son employeur, en lui adressant deux sanctions disciplinaires infondées, dont l’une avec des conséquences financières, et de surcroît en le privant abusivement d’indemnités journalières pendant la mise à pied disciplinaire, a commis une exécution fautive et déloyale de son contrat de travail lui ayant causé un préjudice à la fois moral et financier qu’il convient d’indemniser, par infirmation du jugement entrepris, à hauteur de 2 500 euros nets.

Le surplus de la demande indemnitaire est rejeté.

Sur le bulletin de salaire rectifié :

Il convient d’ordonner à la SAS REYNOLDS & REYNOLDS de remettre à Monsieur [Y] [I] un bulletin de salaire rectifié de juin 2018 conforme au présent arrêt, sans qu’il ne soit en l’état nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive et l’amende civile :

Dès lors que les demandes de Monsieur [Y] [I] sont, pour une large part, admises, le jugement entrepris ayant rejeté ces chefs de demandes est confirmé.

Sur les demandes accessoires :

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Monsieur [Y] [I] une indemnité de procédure de 600 euros et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1 400 euros en cause d’appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient au visa de l’article 696 du code de procédure civile, de condamner la SAS REYNOLDS & REYNOLDS, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SAS REYNOLDS & REYNOLDS de ses prétentions au titre de la procédure abusive, l’a condamnée à payer à Monsieur [Y] [I] une indemnité de procédure de 600 euros ainsi qu’aux dépens de première instance

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l’avertissement du 21 juillet 2017 et la mise à pied disciplinaire en date du 16 mai 2018 notifiés par la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à Monsieur [Y] [I]

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 520,38 euros (cinq cent vingt euros et trente-huit centimes) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

ORDONNE à la SAS REYNOLDS & REYNOLDS d’intégrer cette somme dans le calcul de la prime de 13ème mois et la participation

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 2500 euros (deux mille cinq cents euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 173,15 euros (cent soixante-treize euros et quinze centimes) nets à titre de rappel au titre des indemnités journalières retenues à tort

ORDONNE à la SAS REYNOLDS & REYNOLDS de remettre à Monsieur [Y] [I] un bulletin de salaire rectifié de juin 2018 conforme au présent arrêt

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS à payer à Monsieur [Y] [I] une indemnité complémentaire de procédure de 1400 euros

REJETTE le surplus des prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS REYNOLDS & REYNOLDS aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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