Charte informatique : 17 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00182

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Charte informatique : 17 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00182

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 328/23

N° RG 21/00182 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TN7P

IF/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

21 Janvier 2021

(RG 19/00210)

GROSSE :

aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [S] [C]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Charlotte BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. BIOPATH HAUTS DE FRANCE NORD

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Emilie AVET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 10 Janvier 2023

Tenue par Isabelle FACON

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 5 janvier 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 février 2018, la société BIOPATH Hauts de France Nord (la société), qui exploite des laboratoires d’analyse médicale, a engagé Monsieur [S] [C], en qualité de manager du pôle dunkerquois.

Son salaire mensuel brut s’élevait à la somme de 4166.67 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective des laboratoires de biologie extra hospitalier.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 18 mars 2019, la société a notifié à Monsieur [S] [C] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Monsieur [S] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Dunkerque et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 21 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Dunkerque a jugé que le licenciement de Monsieur [S] [C] était justifié et l’a débouté de ses demandes au titre du licenciement. S’agissant de l’exécution du contrat de travail, il a condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

– 2 500,00 euros, à titre de rappel de prime d’objectifs pour l’année 2018,

– 250,00 euros, au titre des congés payés àfférents,

– 2 361,10 euros, à titre de rappel de prime d’objectifs pour l’année 2019,

– 236,11euros, au titre des congés payés afférents.

Monsieur [S] [C] a fait appel de ce jugement par déclaration du 11 février 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions, Monsieur [S] [C] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, son infirmation en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes et la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

au titre de l’exécution de son contrat de travail :

– 622.43 euros à titre de rappel de maintien de salaire

– 62.24 euros au titre des congés payés y afférents

– 3 000.00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

– 1 411.98 euros à titre de rappel de RTT

au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

– 331.92 euros titre de rappel d’indemnité légale de licenciement

– 30 592.3 2 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 30 592.32 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture du contrat de travail et en réparation du préjudice pour perte injustifiée de son emploi

– 3000 euros, au titre de l’indemnité pour frais de procédure

Il sollicite également la condamnation de la société à lui délivrer une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes au jugement à intervenir sous peine d’astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir

Aux termes de ses dernières conclusions, la société, qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, excepté en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié les sommes de rappels de primes et des congés payés afférents, sollicitant le rejet des réclamations de ces chefs. Elle demande la condamnation de Monsieur [S] [C] à lui rembourser les sommes qu’elle lui a versées dans le cadre de l’exécution provisoire, ainsi qu’à lui payer la somme de 3 000 euros, au titre de l’indemnité de frais de procédure.

Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige, il est ainsi reproché à Monsieur [S] [C] les manquements suivants :

‘Vous êtes employé depuis le 19/02/2018 en qualité de Manager de Pôle pour le Dunkerquois et vous assurez, à ‘ titre, la responsabilité hiérarchique d’une équipe. Nous vous reprochons aujourd’hui un manque d’implication, de professionnalisme et une attitude de défiance et de mensonges destinés à couvrir vos manquements.

Pourtant dès le mois d’avriI 2018, vous mettiez en avant via une présentation powerpoint (mail de votre part du 30/03/2018) les actions que vous entendiez mener et notamment :

‘Être Proche du terrain : Privilégier le face à face, faire des points individuels avec mes Collaborateurs, pour écouter et entendre les signaux faibles.

Adequation ressources activité, personne au bon endroit au bon moment et avons~nous les bonnes personnes ”

Si dans les premiers mois d’exercice de vos fonctions, vous avez pu montrer des signes d’engagement avec notamment des demandes de points réguliers avec les fonctions supports (notamment la DRH Groupe), force est de constater que votre engagement s’est etiolé au fil des mois pour devenir quasi-inexistant aujourdhui.

I/ SUR LE MANQUE D’IMPLICATION ET DE PROFESSIONNALISME

Le 18 juin 2018, l’un des membres du Comité de Direction vous alertait sur les effectifs de l’un des sites dont vous aviez la charge et vous demandait d’envisager un plan d’action avant l’été. Votre réponse se bornait à ‘C’est en effet une priorité dont nous discuterons avec plaisir courant juillet svp.’

Le fait est qu’à aucun moment, vous n’avez pris la peine de tenir cet engagement.

Ce même manque d’implication, de suivi de vos dossiers trouve également de nombreux exemples sur votre pôle. On citera :

– La gestion de la préparation des bottes et de la circulation des caisses entre les sites: le problème vous a été remonte dès avril 2018 et a été constant en 2018 : sans management des équipes ou de réorganisation de la préparation, des ruptures ont été constatées de maniere récurrente. De nombreuses non-conformités ont été remontées dans notre logiciel qualite KALILAB.

D’une manière générale, nous constatons un manque d’actions de votre part sur le sujet des non-conformités, les rares actions de votre part se bornant a déléguer purement et simplement la tâche a une secrétaire.

Ce manque d’implication trouve encore écho dans une réunion de travail con’mant les plannings du site du PGS, réunion à laquelle étaient conviés la biologiste de site, la biologiste en charge des ressources humaines ainsi que le DRH Groupe. Vous indiquiez ne pas être en capacité de vous dégager en raison de trois réunions ce jour-là. En effet, vous n’étiez pas disponible le matin du fait d’entretiens professionnels. La réunion s’étant poursuivie tout l’apres-midi sur un site situé a à peine quelques kilomètres de l’endroit où vous étiez, vous auriez pu la rejoindre en cours. Ce n’a pas été le cas, pire, à aucun moment vous ne vous êtes inquiété des échanges du jour, prouvant ainsi votre manque d’impiication dans votre travail.

ll devint dès lors visible que la qualité de votre travail déclinait. Consciente de cette situation, votre hiérarchie vous invitait le 6 novembre a un échange afin de « faire un point sur les missions et attendus du Manager de Pôle ». Force est de constater que vous n’avez en rien changé vos méthodes, actions et

comportement.

Ainsi, moins de 15 jours après cette réunion destinée a vous rappeler les attendus de votre employeur, un nouveau manquement était à déplorer:

Lors du changement d’organisme de complémentaire santé en fin d’année dernière, des permanences sur l’ensemble des pôles étaient organisées et ce fut le cas pour votre pôle le 19 novembre 2018. Vous répondiez méme le 14/11 que « l’organisation était ok sur 4 sites ‘. Pourtant le retour de notre prestataire n’ira pas dans ce sens :

« Trés mitigé sur le Dunkerquois:

4 réunions sur 4 sites différents (souhaitées par Mr [C]) sur une amplitude de 9h30 à 17h30. Une quinzaine de visites tout au plus sur l’ensemble de la joumée.

Les guides n’ont pas été remis en main propre mais déposés en tas sur les guichets (propos du

personnel).

Certains salariés découvraient hier le changement de mutuelle.

Je n’ai pas, non plus, eu l’occasion de rencontrer Mr [C]. »

Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où votre action sur ce dossier s’est bornée, une fois de plus, a en déléguer pleinement la gestion. Vous assuriez ainsi le rôle de boite aux lettres en transmettant par messagerie interne. le 05-11-2018, à vos responsables de sites le message suivant:

« Bonjour à toutes, Je vais vous faire parvenir par ADL sur vos sites respectifs :

Mandat sepa à remplir

Bulletin individuel d’affiliation

Un livret explicatif

Pourvotre info une personne de MALAKOFF MEDERIC se rendra disponible le 19 Nov 18 sur [Localité 5]

pour toutes questions (je suis dans l’attente du retour rh pour vous donner le lieu de la permanence)

Merci de remettre les 3 documents à chaque personne

[H] avec votre accord mes RS donneront à vos ADL. »

Encore un autre exemple, non gestion de l’image de l’entreprise sur internet: le 13/04/2018, l’une des biologistes vous alertait sur des avis de patients sur google, vous répondiez dans l’immédiat ‘ Tout d’abord merci pour votre retour sur une insatisfaction que nous allons gérer’, une fois de plus, ce dossier restera lettre morte.

Communication sur les changements d’horaires des sites : Par mail du 21/01/219, le service communication vous demandait: « Bonjour à tous,

Afin de vous proposer un plan de communication relatif aux changements d’horaires des sites je souhaite connaître la date de mise en application possible de ces changements.

Pouvez-vous m’informer via le tableau ci-joint :

– Des changements retenus au sein de votre pole par site (si pas de changement mettre Non Concerné)

– De la date de mise en application possible pour vous en termes d’organisation par pôle

– De la présence ou non des horaires sur les différentes façades ou plaques

La communication se fera par pôle géographique.

Nous prévoyons de l’affichage à destination des patients sur sites et sur compte-rendus, des flyers ;

des courriers et emailing à destination des professionnels de santé, des insertions presse, des actualités sur notre site internet et appli mobile, le changement des répondeurs et vitrophanies…

Un plan de communication complet vous sera envoyé. »

Vous répondiez par mail le 23 janvier 2019 :

‘ Bonjour [F],

Pour retour svp.

Bonne journée sous la neige aujourdhui !!

NB/ Horaires retenus si changement’

Non seulement, il y a absence de réponse a la question relative à la date de mise en application, mais de surcroît, les horaires ne pouvaient être proposés qu’après mise en adéquation avec les ressources et à aucun moment, ce versant du dossier n’a été traité à votre niveau.

Sur le sujet de la Maitrise de l’accueil téléphonique. vous étiez saisi du probleme par mail du 13 novembre 2018 :

‘Bonjour M. [C],

Ces demières semaines, qqs patients et IDEL nous ont indiqué que la qualité de l’accueil par nos secrétaires pouvait manquer de professionnalisme.

L’accueil véhicule l’image de l’entreprise et malgré la bonne volonté de nos secrétaires, leur accompagnement n’est peut être pas suffisant.

Je pense qu’il serait intéressant d’avoir une base de formation, en interne, sur l’accueil physique et téléphonique pour nos secrétaires :

Ecoute active, empathie, gestion des situations difficiles, professionnalisme, etc

Pourriez vous réfléchir à un document de synthèse sur l’accueil direct et l’accueil téléphonique, étant donné votre expérience en relation commerciale ‘

Ce support pourrait etre utile pour l’ensemble du groupe.’

Vous y répondiez par mail : « Bonjour Mesdames,

Je vous prie de trouver ci-joint en retour le Power Point qui a été présenté lors de notre réunion RS n°2 ce vendredi 7 décembre 2018.

Cette réunion a été riche en échanges.

L’íntervention d'[F] et de [G] ont été fortement appréciées d’autant plus que je me suis aperçu que personne ne connaissait [F]. Ce point est important a souligner dans notre axe d’amélioration de notre communication en interne.

Ne focalisons pas sur nos phrases types mais sur la sensibilisation du personnel à I’importance de notre image qui passe par un bon accueil téléphonique.

Maintenant que ces informations sont transmises aux RS veillons ensemble que celles-ci soient bien relayées auprès de l’ensemble des secrétaires.

N’hésitez pas à les questionner et à me faire part de vos retours.

Cependant, je note le besoin de choisir un bon organisme de formation pour les aider à avoir une trame commune de l’accueil téléphonique dans nos laboratoires.

Cette demande a été faite auprès de la RH.

Je ne vais pas vous apprendre qu’il faut assurer l’adaptation de nos collaborateurs à leur poste de travail et que nous devosn veiller au maintien de leurs capacités à occuper leur poste

Bien cordialement’

Ce document tant sur le fond que sur la forme traduit une préparation légère et inadaptée. Parmi les ‘conseils’ prodigués aux secrétaires, vous préconisiez de ne pas ‘ fumer. manger ou boire au téléphone.’

Pire, alerté par une biologiste tant sur le fond que sur la forme, vous ne prendrez pas note des observations formulées en des termes pourtant non équivoquespuisqu’elle vous écrivait par mail du 29/11/2018 :

‘Re,

Ne vous vexez pas, mais ça ressemble a du copié-collé d intemet, absolument pas adapté à notre activité.

Vous parlez de prospect ‘

Vous leur interdisez de fumer, boire ou manger au téléphone mais personne n’a le droit de fumer, de boire ou de manger à l’accueil…

Vous leur déconseillez de prendre des appels personnels ou professionnels alors qu’elles sont avec un client…ou de promettre de rappeler et le faire ”

Bref, ça mérite d’être retravaillé par rapport a notre activité et à notre mode de fonctionnement, il y a également des fautes d’orthographe ou de frappe, et la slide des phrases types à faire.

Bonne journée.’

Ces exemples, parmi tant d’autres, démontrent un manque d’implication et de professionnalisme de votre part.

II/ SUR VOTRE MAUVAISE FOI PATENTE

Nous avons également pu constater votre mauvaise foi patente, voire des man’uvres destinées à couvrir vos manquements :

C’est notamment le cas au sujet de la gestion de la boîte mail [Courriel 6] où vous indiquiez par mail du 16/10/2018 : ‘je ne suis pas au courant de cette boite mail’ alors même que vous étiez a l’initiative de la nomination de Mme [Z] [V] comme 2nde secrétaire gérant cette boîte mail. Le 29/11/2018, Mme [X], vous alertait encore sur le sujet : « Bonjour M [C],

J’ai I’impression que le probleme n’est pas réglé.

Les secrétaires n’ont pas eu de conduite à tenir sauf erreur de ma part.

Pouvez-vous m’en dire plus ‘

Cordialement, ”

Bien entendu, ce comportement était exacerbé après votre entretien du 06/11/2018.

Ainsi, à propos d’un probléme d’affectation d’effectif, sur le site de [Localité 5] Centre le 30 novembre 2018, vous répondrez par mail du 3 décembre 2018 :

‘ll y avait bien un préleveur dès 7h30 vendredi 30.11 sur DKC et la présence de Mme [O] un peu plus tard’ Or, il n’y avait effectivement qu’un seul préleveur à 7h30 alors que Mme [O] avait expressément demandé à ce qu’il y en ait 2 par mail du 26 novembre 2018 : « J’ai vu sur le Planning qu’il y a 2 préleveurs le matin a DKC, jespère que vous pourrez les maintenir car je serai au Pole Santé pour la réunion DPC avec les IDE. ”

Vous insistez encore: ‘ il n’y a eu aucun dysfonctionnement. Les patients ont tous été prélevés.’

Pourtant le dysfonctionnement est réel puisque le retard par patient était de 20 a 30 minutes.

III/ SUR VOTRE COMPORTEMENT

Peu de temps après l’entretien du 06 novembre 2018, il devient évident que, conscient qu’il vous sera désormais difficile de cacher plus longtemps les différents manquements évoqués vous modifierez votre comportement de manière soudaine afin d’anticiper un contentieux avec votre employeur. Ainsi, de manière étrange, vous commenciez à communiquer à des horaires atypiques ou sur des jours normalement non travaillés. A cette occasion, vous étiez d’ailleurs recadré par le DRH Groupe le 17 décembre 2018 par mail :

« Bonjour [S],

J’ai pu remarquer quecertains de tes mails sont envoyés en dehors de tes jours habituellement travaillés (du Lundi au Vendredi) ou a des horaires matinaux ou tardifs (avant 07h30 ou apres 20h00).

Je souhaitais juste attirer ton attention sur la nécessité de respecter a la fois les termes de ta convention individuelle de forfait en jours mais également la charte informatique et notamment son article 2.5.5 relatif au droit à la déconnexion.

De telles communications doivent demeurer exceptionnelle et ne pas s’inscrire dans une logique routiniére. Si tu estimes ne pas pouvoir exercer tes fonctions dans le cadre du forfait jours individuels qui est le tiens, tu as la possibilité de demander un entretien Cadre en forfait jours. Un tel entretien sera réalisé, sans demande particulière de ta part, une fois par an.

C’est important de déconnecter !

A demain,

[Y] »

Loin d’intégrer la bienveillance de votre employeur à votre égard, vous répondiez en développant une attitude de défiance qui sera dès lors systématique dans vos échanges : ‘Cependant, ce n’est pas à toi que je vais apprendre que notre activité professionnelle doit se cantonner aux horaires ci-dessous.’

A l’occasion du mail précédemment cité du 3/12/2018, vous indiquez, sans aucun rapport avec le contexte : « Car permettez-moi à 6h d’être dans ma douche puis de prendre la route.» A aucun moment, il ne vous est reproché un fait de ce type mais le fait est que, averti d’une absence, ce n’est qu’à 13h30 que vous vous penchez sur le problème, alerté par le mail de Mme [X] de 13h26…

Loin d’être exhaustifs, les faits rapportés dans le présent courrier n’ont vocation qu’à illustrer le manque de professionnalisme, d’implication dans votre travail et de suivi de vos dossiers mais également l’attitude que vous avez développée afin de couvrir ces manquements.’

Il résulte de la lettre de licenciement que Monsieur [S] [C] a été licencié pour insuffisance professionnelle, après que moins d’un an suivant son engagement, son employeur lui ait vainement proposé de rompre conventionnellement son contrat de travail.

La Cour de cassation a rappelé que l’appréciation de l’insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur qui doit cependant évoquer des faits objectifs, précis et vérifiables. Elle a, en outre jugé que l’insuffisance professionnelle du salarié n’est jamais fautive et que l’employeur doit se placer sur le terrain disciplinaire si la mauvaise qualité de son travail résulte d’une abstention volontaire ou de sa mauvaise volonté délibérée. (Soc 6 janvier 2011, 09-67.334)

La société verse au débat de nombreuses pièces pour justifier la réalité de chacune des situations qu’elle qualifie de manquement, ce que conteste Monsieur [S] [C] qui estime que :

– les griefs invoqués relèvent plus du disciplinaire que de l’insuffisance professionnelle

– les éléments invoqués ne sont pas objectifs

– l’employeur a multiplié les entraves au bon exercice de ses fonctions, notamment par les agissements de la biologiste précédemment chargée des fonctions ressources humaines, laquelle ne répondait pas à ses sollicitations ou se montrait critique sans être constructive

– la société avait décidé de se séparer de lui, non pas pour les griefs avancés, mais du fait notamment de cette biologiste.

Pour autant, il convient de vérifier si les faits allégués constituent objectivement des insuffisances professionnelles, au sens du contrat de travail et de la fiche de poste.

En l’espèce, le contrat de travail précise uniquement l’intitulé de la fonction de Monsieur [S] [C] en tant que manager de pôle. La fiche de poste ‘Manager de Pôle’ précise qu’il est placé sous l’autorité de la direction Marketing/Communication. Il est le garant de la mise en place de la politique générale du groupe, des décisions et de leurs applications. Il entretient des relations étroites avec l’ensemble des directions du groupe et est, à ce titre, un vecteur important de communication descendante et ascendante. Ses interactions professionnelles se font avec la direction du groupe, les services supports, les salariés et les relations extérieures : patients, fournisseurs intervenant sur les sites.

Les parties conviennent que Monsieur [S] [C] a été engagé en création de poste pour reprendre des missions jusqu’alors exercées par l’une des biologistes en charge des ressources humaines du pôle.

Contrairement à ce qu’affirme le conseil de prud’hommes, la société n’établit nullement que dès le mois d’avril 2018, le comité de direction a alerté Monsieur [S] [C] de différents points à corriger et de sa volonté de voir mettre en place un plan d’action avant l’été 2018.

En revanche, Monsieur [S] [C] a été convié par mail du 22 octobre 2018 à une entrevue en présence de deux membres du comité de direction, dont le directeur des ressources humaines dans le but de faire un point sur les missions et attendus du Manager de pôle.

Il est notable que la société ne communique pas d’organigramme permettant d’identifier, d’une part, les personnes composant la hiérarchie directe de Monsieur [S] [C] et, d’autre part, les membres du comité de direction.

Un compte-rendu lui a été adressé par mail du 23 novembre 2018, dans lequel les améliorations suivantes lui étaient notamment demandées :

– il est le seul responsable des plannings du personnel et doit veiller à l’optimisation des ressources humaines

– il est en charge de la saisie des variables de paie, après vérification de la biologiste précédemment en charge des ressources humaines, il est invité à se former auprès d’elle

– il doit renforcer la communication pour améliorer le relationnel avec les biologistes

– il doit informer sa hiérachie de toute situation de mésentente ou conflictuelle avec un membre de la direction

Dès lors, à partir du 6 novembre 2018, bien que les éléments de langage restaient positifs, Monsieur [S] [C] était manifestement alerté sur les attentes de son employeur.

La lettre de licenciement vise un certain nombre de griefs antérieurs au 6 novembre 2018, qui ne sont d’ailleurs pas vérifiables. Il s’agit de l’absence de suite au mail du 18 juin 2018 de M [M], des non-conformités sur le logiciel Kalilab, de l’absence d’intérêt pour les décisions prises lors d’une réunion de travail, non datée, concernant les plannings à laquelle il n’a pas assisté, de l’absence de prise en charge d’un avis négatif d’un patient sur google le 13 avril 2018.

Dès lors, ces faits qui relèvent de l’affirmation de l’employeur ne pourront pas être constitutifs de l’insuffisance professionnelle reprochée, faute de preuves.

Les faits restants seront donc étudiés un à un :

A – Sur l’information et le suivi du changement d’organisme de mutuelle auprès des salariés entre le 14 et le 19 novembre 2018

La société reproche à Monsieur [S] [C] un manque d’investissement sur cette mission, en ce que la prise en charge aurait été entièrement déléguée aux responsables de sites et que la correspondante de l’organisme de mutuelle a indiqué qu’elle n’avait pas pu rencontrer Monsieur [S] [C] lors de la journée de permanence dans les différents sites et qu’elle avait un avis mitigé sur l’information aux salariés qui se sont peu présentés.

Monsieur [S] [C] indique qu’au final, très peu de changements de mutuelle restaient à faire au mois de décembre 2018 mais n’en justifie pas.

Ce fait, en lien avec les fonctions dont Monsieur [S] [C] avait personnellement la responsabilité, est démontré par les courriels produits. La société pouvait s’attendre à une gestion rigoureuse de ce sujet, quelques jours après le rappel à l’ordre du 6 novembre 2018.

Cet élément peut constituer, de manière objective, un grief d’insuffisance professionnelle.

B – Sur le manque de qualité des propositions relatives à l’amélioration de l’accueil

La société reproche à Monsieur [S] [C] le défaut qualitatif sur le fond et la forme d’un document proposé le 7 décembre 2018 en vue d’améliorer l’accueil. S’il est exact que le document versé au débat est perfectible sur l’orthographe et le niveau des propositions, Monsieur [S] [C] indique qu’il s’agit d’un document de travail. Un élément intrinsèque permet de s’en convaincre, car il y est mentionné que les phrases type restaient à définir.

Cet élément ne pourra pas être retenu au titre des insuffisances professionnelles, faute de preuve.

C – Sur la gestion de la boîte mail entre le 16 octobre et le 29 novembre 2018

La société démontre que la biologiste en charge des ressources humaines s’est plainte le 29 novembre 2018 de l’absence de consignes précises aux secrétaires sur la gestion de la boîte de messagerie électronique, après que le sujet ait déjà été évoqué le 16 octobre 2019.

Il s’ensuit que Monsieur [S] [C] n’a pas suffisamment organisé, comme ses fonctions le lui imposaient, l’organisation du personnel pour gérer la messagerie électronique du laboratoire.

Cet élément, qui entre directement dans les missions dont Monsieur [S] [C] était seul responsable et pour lequel un rappel a été fait le 6 novembre 2018, est vérifié et peut constituer, de manière objective, un grief d’insuffisance professionnelle.

D – Sur le problème d’affectation d’effectif sur le site de [Localité 5] Centre, le 30 novembre 2018

Il résulte des pièces produites par la société qu’une absence n’aurait pas été remplacée le matin du 30 novembre 2018, en dépit d’un SMS adressé à Monsieur [S] [C] et à la biologiste en charge des ressources humaines. Monsieur [S] [C] indique que tous les patients ont été prélevés et qu’il n’y a pas eu de problème, là où la société affirme qu’il y a eu cependant un retard de 20 à 30 minutes par patient. Ce dernier point, bien que non démontré, n’est pas contesté. Monsieur [S] [C] s’est immédiatement défendu en indiquant qu’il avait demandé depuis avril 2018 à ne plus être prévenu des absences par SMS mais par un appel téléphonique.

Cet incident est lien direct avec les missions de Monsieur [S] [C] qui doit s’assurer, en tant que manager, de la politique de communication des salariés en cas d’absence.

Comme le rappelle justement la société, le fait que tous les patients aient pu être prélevés n’est pas une condition suffisante à la qualité de service d’un laboratoire, qui procède aux prélèvements dès les premières heures du matin. Son manque de rigueur a ainsi empêché le laboratoire d’honorer sa politique de prélèvements sans rendez-vous dans un délai raisonnable.

Ce fait, vérifié, peut constituer, de manière objective, un grief d’insuffisance professionnelle.

Toutefois, il apparaît, à la lecture des échanges avec la salariée absente, que la biologiste précédemment en charge des ressources humaines interférait sur le sujet pourtant de la compétence exclusive de Monsieur [S] [C].

E – Sur l’envoi de courriels en dehors des jours ou heures travaillés

Le 17 décembre 2018, Monsieur [S] [C] a fait l’objet d’un recadrage par le directeur des ressources humaines sur les jours et heures travaillés. Si l’employeur suppute que Monsieur [S] [C] ait pu procéder de la sorte, en parfaite mauvaise foi, pour se créer un dossier pour le contentieux prud’hommal, cette assertion est purement spéculative.

Dès lors, un cadre qui envoie des messages en dehors des jours et horaires de travail ne saurait se voir reprocher une insuffisance professionnelle, sauf si ce comportement perdure de manière excessive après un rappel à l’ordre.

Ce fait ne pourra pas être retenu au titre des insuffisances professionnelles, faute d’objectivité.

F – Sur la prise en charge des changements d’horaire sur les sites sur demande du service communication du 21 janvier 2019

Il apparaît que Monsieur [S] [C] a transmis la demande à une salariée, sans autre précision que ‘NB : horaires retenus, si changement’. La société ne démontre pas qu’en déléguant cette mission à l’une de ses subordonnées, la demande n’a pas été utilement traitée ou n’a pas reçue les consignes nécessaires.

Ce fait ne pourra pas être retenu au titre des insuffisances professionnelles, faute de preuve.

En conséquence, trois griefs, A, C et D, sont suffisamment vérifiables et objectifs pour constituer l’insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur [S] [C].

La cour relève l’interférence de la biologiste précédemment en charge des ressources humaines pour un seul d’entre eux, ce qui ne permet pas de considérer, à l’instar de Monsieur [S] [C], qu’elle était à l’origine de toutes ses difficultés, bien que l’agacement de cette dernière est prégnant dans certains courriels.

En outre, s’agissant d’une création de poste pour reprendre les missions de cette dernière, il était acquis, dès la signature du contrat de travail, qu’un passage de relais devrait se faire entre ces deux personnes.

Si des différences de style sont notables dans les échanges entre Monsieur [S] [C] et cette dernière, il n’est pas démontré que celle-ci aurait eu un comportement sans cesse négatif ou désobligeant.

Dès lors, même si le manque de confiance d’au moins l’une des biologistes est devenu acquis au fil des mois, dans un contexte hiérarchique manquant de clarté entre les biologistes et le comité de direction, la société démontre que le licenciement de Monsieur [S] [C] repose bien sur des faits constitutifs d’insuffisance professionnelle.

Monsieur [S] [C] sera débouté de ses demandes au titre de la contestation du licenciement.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de primes d’objectifs et les congés payés afférents pour les années 2018 et 2019

Le contrat de travail est établi dans le respect des dispositions des articles L 1221-1 et suivants.

L’article 7 du contrat de travail de Monsieur [S] [C] dispose que :

‘ Par ailleurs, Monsieur [S] [C] pourra percevoir une prime annuelle d’objectifs dont le montant ne pourra excéder 10 % de sa rémunération annuelle de base brute. Les objectifs, objets de la dite prime, seront fixés annuellement par la hiérarchie de Monsieur [S] [C].’

La Cour de cassation juge, de manière constante, que faute pour l’employeur d’avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la prime d’objectifs annuelle devait être payée intégralement (Soc 10 juillet 2013, n° 12-17.921).

Le conseil de prud’hommes a retenu, à juste titre, que les objectifs de Monsieur [S] [C] n’ont été établis, ni en 2018, ni en 2019, de sorte que la prime d’objectifs est due en totalité sur la période travaillée.

La société ne contestant pas les montants réclamés, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel du maintien de salaire

Aux termes de l’article 1353 du coce civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, les parties conviennent que Monsieur [S] [C] bénéficiait du maintien de salaire pendant son arrêt maladie du 19 février au 31 mars 2019.

La charge de la preuve de l’extinction de l’obligation de maintien de salaire pèse sur l’employeur.

Ce dernier démontre avoir réglé, conformément au versement de l’organisme de prévoyance, après un abattement de 3 jours de carence, les sommes en brut de 1975.19 euros sur le bulletin d’avril 2019 pour la période du 22 février au 12 mars 2019, de 340, 55 euros sur le bulletin de mai 2019 pour la période du 13 mars au 26 mars 2019 et de 544.90 euros correspondant au montant de salaire prélevé à la source.

Monsieur [S] [C] estime que son employeur reste lui devoir un solde de 622.43 euros, outre 10 % au titre des congés payés.

La simple comparaison entre le salaire brut mensuel et la somme versée au titre du maintien de salaire sur la période montre que le salarié n’a pas perçu entièrement son salaire, ce qui, sans autre explication de la société sur laquelle pèse la charge de la preuve de l’exécution de son entière obligation, justifie de faire droit à la demande.

Le jugement sera infirmé.

Sur le rappel de RTT

La Cour de cassation a jugé que l’absence de prise de jours de RTT n’ouvre pas droit à indemnité, sauf si cette situation est imputable à l’employeur ou si un accord collectif le prévoit (Soc 18 mars 2015, 13-16.369)

Monsieur [S] [C] rappelle qu’il était contractuellement soumis à un forfait annuel de travail de 213 jours, ce qui pour la période du 1er janvier au 20 juin de l’année 2019, lui ouvrait droit à 6 journées de RTT, dont la rémunération lui serait due à hauteur de 1411.98 euros.

En congés du 1er au 8 janvier 2019, en arrêt maladie du 22 février au 26 mars 2019, puis en dispense d’exécution de son préavis à compter du 18 mars 2019, Monsieur [S] [C] s’est trouvé dans l’impossibilité de demander à bénéficier de ses jours de réduction du temps de travail, mais pour des raisons liées à sa santé et au bénéfice de la dispense d’exécution du préavis et non au refus injustifié de son employeur, ce qui est justement souligné par la société.

Dans ces circonstances, Monsieur [S] [C] ne justifie pas de l’ouverture d’un droit à indemnité des jours de réduction de temps de travail pour l’année 2019.

Le jugement sera confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

Le conseil de Monsieur [S] [C] a adressé le 14 février 2019, le 8 et le 13 novembre 2019, des courriers reprenant la demande de paiement de la prime d’objectifs, dont le fondement repose sur une jurisprudence constante.

Il démontre ainsi que la société a fait preuve de résistance abusive sur ce point.

La société sera condamnée à lui payer la somme de 1000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’indemnité pour frais de procédure

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [S] [C], principale partie perdante, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Le jugement sera confirmé sur les dépens, ainsi que sur l’indemnité de procédure qui en découle.

Compte tenu des éléments soumis aux débats, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en faveur de la société.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a débouté Monsieur [S] [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et en rappel de maintien de salaires

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne la société BIOPATH Hauts de France Nord à payer à Monsieur [S] [C] les sommes suivantes :

– 1 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

– 622.43 euros, au titre du rappel de maintien de salaire

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Monsieur [S] [C] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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