Charte informatique : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01046

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Charte informatique : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01046

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 15 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01046 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBRK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de melun – RG n° 18/00498

APPELANTE

Madame [F] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Cyril CATTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Leroy Merlin France (SA) a employé Mme [F] [J], née en 1991, par contrat de travail à durée déterminée de professionnalisation du 8 octobre 2017 au 30 août 2019 en qualité de magasinier.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du bricolage (vente au détail en libre-service).

Sa rémunération mensuelle brute moyenne sur les 3 derniers mois (option la plus favorable) s’élevait à la somme de 1 196,75 €.

Par lettre notifiée le 30 juillet 2018, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 20 août 2018.

Le contrat de travail de Mme [J] a ensuite été rompu pour faute grave par lettre notifiée le 28 août 2018 ; la lettre de rupture anticipée du contrat à durée déterminée mentionne en substance les griefs suivants :

– Mme [J] a copié le fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts sur une clef USB lui appartenant ;

– Mme [J] a supprimé ce fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts de la base de données interne à l’entreprise ;

– Mme [J] a refusé de restituer à l’entreprise le fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant la rupture anticipée, Mme [J] avait une ancienneté de 9 mois ; la société Leroy Merlin France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de la rupture anticipée de son contrat de travail et réclamant diverses indemnités, Mme [J] a saisi le 17 septembre 2018 le conseil de prud’hommes de Melun pour former les demandes suivantes :

« condamner la SA LEROY MERLIN à lui verser les sommes suivantes:

– 21.428,53 euros nets à titre de dommages et intérêts jusqu’au terme du contrat à durée déterminée,

– 3.000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture,

– 3.000 euros au titre du préjudice moral subi,

ordonner la délivrance des documents selon condamnation,

dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêt légal à compter de la saisine,

ordonner la capitalisation,

ordonner I’ exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

condamner la SA LEROY MERLIN à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la SA LEROY MERLIN aux dépens. »

Par jugement du 27 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage, a rendu la décision suivante :

« Déboute Mme [F] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de professionnalisation à durée déterminée,

Déboute Mme [F] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Déboute Mme [F] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture,

Déboute la SA LEROY de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute Mme [F] [J] de sa demande de remise des documents sociaux conformes,

Dit n’y avoir lieu à intérêts au taux légal avec capitalisation,

Condamne Mme [F] [J] aux dépens,

Condamne Mme [F] [J] à verser à la SA LEROY MERLIN la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile. »

Mme [J] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 14 janvier 2021.

La constitution d’intimée de la société Leroy Merlin France a été transmise par voie électronique le 29 mars 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 novembre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 2 janvier 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 29 avril 2021, Mme [J] demande à la cour de :

« lnfirmer ledit jugement,

Statuant à nouveau,

Condamner la S.A. LEROY MERLIN à verser à Madame [J] les sommes suivantes :

– 21428.53 € au titre de dommages intérêts jusqu’au terme du CDD

– 3000.00 € au titre des conditions vexatoires de la rupture

– 3000.00 € au titre du préjudice moral subi

Ordonner la délivrance des documents selon condamnation,

Dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêt légal à compter de la saisine,

Ordonner la capitalisation,

Condamner la S.A LEROY MERLIN à verser à Madame [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 25 mai 2021, la société Leroy Merlin France demande à la cour de :

« – CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté intégralement Mme [J] de ses demandes et l’a condamné à verser à la Société LEROY MERLIN France la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

– DEBOUTER en tant que de besoin Mme [J] de ses demandes, fins et conclusions ;

– INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la Société LEROY

MERLIN France de ses demandes reconventionnelles, et, statuant à nouveau :

o CONDAMNER Madame [J] à verser à la Société LEROY MERLIN FRANCE la somme de 1 € de dommages-intérêts sur le fondement de l’article sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil ;

En tout état de cause,

– CONDAMNER Madame [J] à verser à la Société LEROY MERLIN FRANCE la somme de 2.000 € supplémentaires sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– La CONDAMNER aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris ceux afférents à l’exécution forcée de la décision à intervenir ; »

Lors de l’audience, l’affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 15 février 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture anticipée

La lettre de rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Mme [J] mentionne en substance les griefs suivants :

– Mme [J] a copié le fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts sur une clef USB lui appartenant ;

– Mme [J] a supprimé ce fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts de la base de données interne à l’entreprise ;

– Mme [J] a refusé de restituer à l’entreprise le fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts.

Mme [J] soutient que :

– tout le personnel a accès aux prétendues fichiers ;

– le travail prétendument “volé” a été effectué par elle en 2 semaines et la partie adverse indique que ce travail aurait été refait par 4 salariés en 3 semaines ;

– devant le conseil, l’employeur ne lui faisait plus grief d’avoir copié le fichier relatif à l’implantation des produits sur sa propre clé mais d’avoir refusé de restituer ce fichier ;

– ne détenant plus ce fichier lequel devait sûrement être encore dans le système informatique de l’entreprise, elle ne pouvait plus le remettre comme cela lui était demandé.

La société Leroy Merlin France soutient que :

– Mme [J] a procédé à l’enregistrement de ce fichier sur une clé USB personnelle avant de refuser de le restituer lorsque ses collègues et supérieurs le lui ont demandé car ils avaient besoin de ces éléments très importants qui avaient été supprimés du serveur de l’entreprise comme cela ressort des attestations produites (pièces employeur n° 18 à 21) ;

– il lui a été demandé de le restituer oralement puis par SMS le 16 juillet 2018, puis par courrier électronique le 17 juillet et à nouveau le 23 juillet, puis le 24 juillet 2018 toujours en vain (pièces employeur n°12,18,19,20 et 21) ;

– à chacune de ces demandes, Mme [J] a bien répondu avoir sauvegardé ce fichier important, propriété de l’entreprise, sur une clé USB lui appartenant, et être en mesure de le restituer ce qu’elle n’a toutefois pas fait, contraignant alors l’employeur à la mettre en demeure de restituer ce fichier, et ce avant le 27 juillet 2018 (pièce employeur n° 12) ;

– finalement Mme [J] a indiqué par un courrier électronique du 24 juillet 2018 que ce fichier était le sien, et que seules les données appartiennent à l’entreprise (pièce employeur n°13).

L’article L.1243-1 du code du travail dispose que sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

Quand la rupture anticipée est prononcée pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats (pièces employeur n° 18 à 21) et des moyens débattus que la société Leroy Merlin France apporte suffisamment d’éléments de preuve pour établir que Mme [J] a copié le fichier Excel sur l’implantation des produits dans les entrepôts sur une clef USB lui appartenant, a supprimé ce fichier Excel de la base de données interne à l’entreprise et qu’elle a refusé de le restituer à l’entreprise.

La cour retient que ces comportements constituent une faute en ce qu’il violent les règles de discipline de l’entreprise et la charte informatique et en ce qu’ils caractérisent une insubordination et du vol de données informatiques.

La cour retient aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat de Mme [J], le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis au motif que Mme [J] s’est placée elle-même en dehors de la relation de travail en faisant de la rétention abusive d’un fichier Excel professionnel et en refusant de déférer aux demandes répétées de restitution de ce fichier.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a jugé que la rupture anticipée de Mme [J] est justifiée par une faute grave.

Par voie de conséquence, le jugement déféré est aussi confirmé en ce qu’il a débouté Mme [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture anticipée, pour préjudice moral, et pour conditions vexatoires de la rupture.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

A l’examen des moyens débattus, la cour rejette la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive au motif que Mme [J] n’a fait qu’exercer son droit d’agir en justice sans commettre d’abus, même si elle est déboutée de toutes ses demandes.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

La cour condamne Mme [J] aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

DÉBOUTE la société Leroy Merlin France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [J] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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