Charte informatique : 1 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06513

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Charte informatique : 1 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06513

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

14e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2023

N° RG 22/06513 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPRI

AFFAIRE :

[X] [H]

C/

S.A.S. CONFORMAT …

Société SOCIETE VENEZIA & ASSOCIES

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 26 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° RG : 2022R00084

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01.06.2023

à :

Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [X] [H]

né le 10 Mars 1969 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [R] [TO]

née le 10 Mars 1979 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [A] [MW]

née le 03 Mars 1976 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

S.A.S. FAINIX agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 – N° du dossier 383280

Ayant pour avocat plaidant Me Charles TORDJMAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0783

APPELANTS

****************

S.A.S. CONFORMAT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 331 663 195 (Rcs Nanterre)

[Adresse 3]

[Localité 10]

S.A.S. XLK

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 829 44 7 0 77

[Adresse 3]

[Localité 10]

S.A.S. DOOZ

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 821 17 9 0 66

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre DUPREY de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

INTIMEES

****************

SOCIETE VENEZIA & ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 8]

PARTIE INTERVENANTE DEFAILLANTE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Avril 2023, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI

EXPOSE DU LITIGE

La société Dooz est une société holding détenant une participation dans les sociétés Conformat, qui a pour objet le négoce des consommables de salle blanche (vêtements à usage unique, produits stériles, masques chirurgicaux, gels hydroalcooliques…) et XLK, qui a pour objet la recherche et le développement de produits innovants pour les salles blanches.

Le groupe Dooz est composé des sociétés Dooz, Conformat et XLK.

M. [X] [H], salarié de la société Conformat en qualité de directeur général adjoint, a été placé à partir du mois d’octobre 2020 en arrêt maladie longue durée et a été licencié le 16 février 2021. Le 1er juin 2021 il a créé la SASU Fainix ayant pour objet l”expertise, conseil, accompagnement et formation dans les domaines de production et de distribution industrielles’.

Mme [R] [TO], salariée de la société Conformat en qualité de responsable régionale des ventes pour la moitié Nord de la France, a été placée en arrêt de travail de longue durée à partir du 16 octobre 2020 et licenciée le 3 mai 2021.

Enfin, Mme [A] [MW], salariée de la société Dooz en qualité de directeur produits et innovation, a subi plusieurs arrêts maladie à compter du 20 octobre 2020. Elle a été licenciée pour faute grave le 25 novembre 2020 en raison de détournements d’informations et de documents confidentiels.

Reprochant à la société Fainix ainsi qu’à M. [X] [H], Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] des faits de concurrence déloyale, des man’uvres de détournement de clientèle, de dénigrement et de diffamation, le groupe Dooz a saisi le président du tribunal de commerce de Versailles sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile aux fins d’obtenir plusieurs mesures d’instruction in futurum.

Par ordonnance sur requête rendue le 15 février 2022, le président du tribunal de commerce de Versailles a fait droit à cette requête et a ordonné le séquestre des documents et fichiers saisis en l’étude des huissiers instrumentaires.

Les mesures ordonnées ont été diligentées le 10 mars 2022.

Les sociétés du groupe Dooz ont également présenté une autre requête sur le même fondement devant le président du tribunal de commerce de Nanterre à l’encontre de la société Dutscher, auquel ce dernier a fait droit par ordonnance du 24 février 2022.

La demande de rétractation présentée par la société Dutscher a été rejetée par le président du tribunal de commerce de Nanterre par ordonnance de référé du 16 décembre 2022. Un appel est pendant devant cette cour.

Par acte d’huissier de justice délivré le 5 avril 2022, la société Fainix, M. [X] [H], Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] ont fait assigner en les sociétés Dooz, Conformat et XLK aux fins d’obtenir principalement la rétractation de l’ordonnance du 15 février 2022.

Par ordonnance contradictoire rendue le 26 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Versailles a :

– débouté la société Fainix, M. [X] [H], Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] de l’ensemble de leurs demandes ;

– confirmé l’ordonnance rendue le 15 février 2022 par le président du tribunal de commerce de Versailles sauf en ce qu’elle a autorisé la mise sous séquestre des fichiers, correspondances et documents saisis ;

– ordonné la levée du séquestre de tous les éléments collectés le 10 mars 2022 par l’huissier instrumentaire en exécution de cette ordonnance ;

– ordonné à l’huissier instrumentaire de communiquer aux sociétés Dooz, Conformat et XLK l’ensemble des fichiers, correspondances et documents saisis ;

– condamné la société Fainix, M. [X] [H]. Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] à verser chacun la somme de 2 000 euros aux sociétés Dooz, Conformat et XLK en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de I’instance dont les frais de greffe s’élèvent à 125,62 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 27 octobre 2022, la société Fainix, M. [X] [H], Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] ont interjeté appel de cette ordonnance tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 20 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Fainix, M. [X] [H]. Mme [R] [TO] et Mme [A] [MW] demandent à la cour, au visa des articles 367 et 145 du code de procédure civile, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :

‘- ordonner la jonction de la présente procédure avec la procédure RG n°23/00239 ;

et sur la présente procédure,

– enjoindre aux sociétés Conformat, Dooz et XLK de produire l’intégralité des éléments obtenus par les détectives privés mandatés pour réaliser la filature des salariés pendant leurs arrêts maladie, ainsi que les rapports d’enquête de ces détectives ;

– recevoir la société Fainix, Monsieur [H], Madame [TO], Madame [MW] en leur appel

y faisant droit,

– réformer l’ordonnance du 26 octobre 2022 du président du tribunal de commerce de Versailles en toutes ses dispositions ;

et, statuant à nouveau,

– prononcer la rétractation de l’ordonnance rendue le 15 février 2022 par le président du tribunal de commerce de Versailles ;

– en conséquence, ordonner à la SCP Venezia et aux sociétés Dooz, Conformat et XLK de détruire toutes les pièces obtenues par la mesure d’instruction et leur faire interdiction de les utiliser de quelque manière que ce soit ;

– condamner in solidum chacun des défendeurs à verser à la société Fainix, à [X] [H], à [R] [TO] et à [A] [MW] la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum les défendeurs aux entiers dépens’.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 1er avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Dooz, Conformat et XLK demandent à la cour, au visa des articles 145, 496 et 497 du code de procédure civile et R. 153-1 du code de commerce, de :

‘- recevoir les sociétés Dooz, Conformat et XLK, en leurs conclusions et les déclarer bien fondées ;

1) sur la demande visant à ‘enjoindre aux sociétés Conformat, Dooz et XLK de produire l’intégralité des éléments obtenus par les détectives privés mandatés pour réaliser la filature des salariés pendant leurs arrêts maladie ainsi que les rapports d’enquête de ces détectives’ :

– in limine litis, se déclarer matériellement incompétente pour statuer sur cette demande au profit du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye (pour M. [H] et pour Mme [TO]) et de Boulogne-Billancourt (pour Madame [MW]) ;

– subsidiairement, juger irrecevable cette demande ;

2) sur l’intervention forcée en appel de la SCP Venezia & Associés :

– juger irrecevable l’intervention forcée de la SCP Venezia & Associés en cause d’appel ;

3) sur la demande de destruction des pièces :

– juger irrecevable la demande et en toute hypothèse mal fondée ;

4) à titre principal :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 26 octobre 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles ;

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

5) subsidiairement, si la cour venait à considérer irrecevable la requête présentée au nom de la société Dooz :

– limiter la rétractation de l’ordonnance du 15 février 2022 à la société Dooz ;

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

6) en tout état de cause :

– condamner la société Fainix, M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] à verser chacun la somme de 5 000 euros à la société Dooz, à la société Conformat et à la société XLK en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour l’instance d’appel’.

Le 15 décembre 2022, la SCP Venezia a été assignée en intervention forcée par les appelants.

La déclaration d’appel et les premières conclusions des appelants lui ont été signifiées à cette date par remise à personne. Celle-ci n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur la recevabilité des conclusions n° 5 des appelants

En vertu des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, ‘après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office’.

En l’espèce, les conclusions n°5 des appelants ont été déposées au greffe le 4 avril 2023 à 15h 12, postérieurement à la clôture notifiée le même jour à 11h 27, et seront donc déclarées irrecevables, étant précisé d’une part que si les intimés ont notifié des conclusions le 1er avril 2023, aucun message n’est parvenu à la cour avant la clôture pour en solliciter le report et d’autre part, que ces conclusions n°5 contiennent un nouveau moyen d’irrecevabilité et ne constituent pas une réponse aux conclusions susmentionnées.

sur la demande de jonction

Les appelants indiquent que la demande de levée du séquestre sous astreinte formée par les sociétés Dooz, Conformat et XLK avait pour unique objectif le contournement des règles édictées à l’article R. 153-8 du code de commerce qui donne un effet suspensif au recours engagé en matière de rétractation.

Ils affirment que les deux décisions dont appel sont intrinsèquement liées puisque la seconde ordonne une mesure d’exécution forcée de la première, et qu’il en découle un risque de contrariété de décisions.

Les intimées s’opposent à cette demande, faisant valoir qu’il s’agit d’une demande dilatoire et qu’il n’existe aucun intérêt de procéder à cette jonction.

Elles indiquent que la cour s’est déjà opposée à cette demande et que, s’agissant d’une mesure d’administration judiciaire, aucun recours n’est envisageable.

Sur ce,

La procédure n°23/00239 concerne un appel contre l’ordonnance du 11 janvier 2023 par laquelle, saisi par les sociétés Dooz, Conformat et XLK, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a ordonné la remise des pièces du séquestre sous astreinte.

Dans le cadre de l’instance devant le premier président relative à une demande de suspension de l’exécution provisoire, un accord a été trouvé entre les parties, consigné dans la décision du premier président du 30 mars 2023, par lequel les sociétés Dooz, Conformat et XLK se sont engagées à suspendre provisoirement l’action au fond en concurrence déloyale (dans l’attente de la présente décision de la cour et au plus tard jusqu’au 30 septembre 2023) et à suspendre l’exploitation des pièces obtenues dans le cadre de la procédure 145 pendant ce délai.

Si les deux procédures sont liées, elles correspondent cependant à des appels contre deux décisions distinctes et aucun motif ne justifie d’ordonner la jonction de la présente procédure avec le dossier 23/239. Cette demande sera rejetée.

Sur la recevabilité de la demande de la société Dooz

Les appelants font valoir que la société Dooz est une holding dont l’objet est l’acquisition et la gestion de participation dans le capital de sociétés, qu’elle n’a donc pas d’activité commerciale dans le secteur des salles blanches et qu’elle ne justifie d’aucun intérêt à agir. Ils sollicitent en conséquence qu’elle soit déclarée irrecevable.

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK exposent en réponse que la société Dooz a un motif légitime propre de recourir à une mesure d’instruction dès lors qu’elle exerce également dans le domaine de l’ultra-propreté et qu’elle peut avoir vocation à solliciter une éventuelle réparation du préjudice subi en raison des dénigrements et diffamations de la société Fainix à son égard.

Elles soutiennent au surplus que la société Dooz est une holding animatrice qui détient une participation dans deux sociétés d’exploitation (Conformat et XLK) dont elle est pleinement associée à l’activité.

Elles concluent au rejet de cette prétention et précisent subsidiairement que l’ordonnance ne pourrait en tout état de cause pas être rétractée sur ce fondement à l’égard des sociétés Conformat et XLK.

Sur ce,

Il ressort de l’organigramme des sociétés DXC que la société Dooz se charge notamment de la direction générale, de la stratégie du groupe et du management qualité. Mme [MW] était d’ailleurs salariée de la société Dooz avant son licenciement.

Dès lors, la société Dooz peut se prévaloir d’un préjudice direct résultant des faits allégués de concurrence déloyale et elle a donc intérêt à agir à ce titre. Aucun motif d’irrecevabilité n’est caractérisé sur ce fondement et l’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté ce moyen.

Sur la recevabilité de l’intervention forcée de la société Venezia

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK invoquent l’irrecevabilité de cette intervention forcée sur le fondement de l’article 555 du code de procédure civile au motif qu’aucune révélation de nouvelles circonstances postérieurement à l’ordonnance attaquée n’est alléguée.

Ils soutiennent également que cette demande ne figurait pas dans les premières conclusions des appelants.

Les appelants ne concluent pas spécifiquement sur ce point.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile, de nouvelles parties ‘peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause’.

Il en découle que l’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel n’est caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige, ce qui n’est ni allégué, ni démontré en l’espèce.

L’intervention forcée de la société Venezia sera donc déclarée irrecevable et il sera ajouté à l’ordonnance querellée de ce chef.

Sur la recevabilité des éléments postérieurs à la requête

Les appelants soutiennent que, pour apprécier la demande de rétractation d’une ordonnance, le juge des référés doit se placer à la date de la requête et ils contestent en conséquence la motivation du premier juge fondée sur des éléments obtenus grâce à la mesure d’instruction et donc postérieurs à la requête.

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK, indiquant à titre liminaire que le rejet des pièces n’est pas sollicité dans les conclusions des appelants, affirment au contraire qu’il est communément admis que des éléments postérieurs à la requête puissent être communiqués au juge de la rétractation et que cette production est d’ailleurs nécessaire pour assurer le respect du principe du contradictoire.

Sur ce,

Dès lors qu’aucune demande de rejet des pièces n’est formée dans le dispositif des conclusions des appelants, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile qui dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, la cour n’est saisie d’aucune demande à ce titre.

Il sera indiqué dans la suite du raisonnement sur quels éléments se fonde la cour pour retenir l’existence d’un motif légitime.

Sur l’injonction de produire les éléments obtenus ou rédigés par des détectives privés

Les appelants indiquent que les intimées les ont fait suivre par des détectives privés durant leurs arrêts de travail pour maladie, de façon déloyale et qu’elles refusent de leur donner accès aux informations collectées dans ce cadre.

Ils contestent que le conseil de prud’hommes puisse être compétent pour statuer sur cette demande, faisant valoir qu’il ne peut être soutenu que le fait pour un employeur de faire suivre son salarié pendant son arrêt maladie puisse être relié à l’exécution d’un contrat de travail.

Ils affirment que cette demande n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile dès lors qu’elle constitue un argument au soutien de leur demande de rétractation.

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK invoquent in limine litis l’incompétence matérielle du tribunal de commerce pour se prononcer sur cette demande, relevant selon elles exclusivement de la compétence du conseil de prud’hommes en application des articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail.

Elles exposent que les appelants relient cette demande à l’exécution de leur contrat de travail puisqu’ils invoquent à ce titre un harcèlement moral, sans lien avec la mesure d’instruction in futurum ni le motif légitime invoqué.

Subsidiairement, ils indiquent que cette demande, nouvelle en appel, doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur ce,

En vertu des dispositions des articles 496 et 497 du code de procédure civile, le juge qui a rendu l’ordonnance sur requête peut rétracter son ordonnance. Il n’entre pas dans ses pouvoirs, ni dans ceux de la cour statuant à sa suite, de se prononcer sur une demande d’injonction de production de pièces sans lien avec la requête. Cette demande sera déclarée irrecevable.

Sur la rétractation

Contestant l’existence d’un motif légitime, les appelants font valoir en premier lieu que des mesures d’instruction in futurum ne peuvent être mises en oeuvre qu’en dehors de tout procès, alors qu’en l’espèce les conseils de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et de Saint-Germain-en-Laye étaient saisis avant le dépôt de la requête.

Ils précisent que devant ces juridictions sont débattues notamment des questions relatives aux clauses de non-concurrence présentes dans les contrats de travail de M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] et que les sociétés Conformat et Dooz formulent des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour exécution déloyale des contrats de travail et violation de ces clauses.

Ils en déduisent que les sociétés Dooz, Conformat et XLK ont eu recours à la procédure sur requête pour obtenir des preuves dans les litiges les opposant à leurs anciens salariés.

Les appelants indiquent que les intimées les ont fait suivre par des détectives privés durant leurs arrêts de travail pour maladie, de façon déloyale et refusent de leur donner accès aux informations collectées dans ce cadre, ces faits constituant selon eux une preuve de l’absence de motif légitime des intimées à solliciter une mesure d’instruction.

Exposant que la mesure d’instruction est dirigée contre la société Fainix dont l’objet est totalement différent de celui des sociétés Dooz, Conformat et XLK et qu’aucun grief n’est en réalité allégué à son encontre, les appelants affirment qu’il s’agissait pour les intimées d’éluder la compétence du conseil de prud’hommes au profit du tribunal de commerce.

Toujours dans le cadre de la contestation du motif légitime, les appelants arguent ensuite de la production de pièces mensongères ou falsifiées lors du dépôt de leur requête :

– relevé des SMS du téléphone professionnel de M. [H] (pièce n°21) auquel des lignes erronées ont été ajoutées,

– discussion par SMS entre la présidente des sociétés Dooz, Conformat et XLK et la directrice de Conformat en République Tchèque (pièce n°20) qui fait apparaître des mensonges dans le contenu,

– courriers électroniques internes à Conformat (pièces n°25 et 26) qui ont été artificiellement conçus pour les besoins de la requête,

– argumentation erronée quant à la portée des mails dirigés par les appelants de leurs adresses professionnelles vers leurs adresses personnelles, s’agissant d’un usage d’entreprise réactivé pendant la période de la crise sanitaire, la présidente des sociétés Dooz elle-même procédant à la même manoeuvre.

Ils indiquent que les intimées entretiennent volontairement une confusion entre le terme ‘Fainx’ et ‘Fainix’, alors que ‘Fainx’ désigne un projet d’acquisition de sociétés grâce aux Chambres de commerce et d’industrie, commun à M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] mais qui n’a jamais vu le jour (même si des adresses mail ‘@fainx’ ont pu être créées), tandis que la société ‘Fainix’ a été créée par M. [H] seul le 1er juin 2021, a pour objet le conseil, expertise et formation professionnelle et n’a aucun lien avec Mme [TO] et Mme [MW].

Déniant toute concurrence possible entre les sociétés Dooz, Conformat et XLK et Fainix dès lors que leurs champs d’activité sont totalement distincts, les appelants font valoir que la société Fainix n’emploie pas de salarié.

Ils contestent également les allégations des sociétés Dooz, Conformat et XLK concernant la société Kolmi et la déloyauté alléguée de M. [H] dans ce cadre.

Enfin, les appelants soutiennent que les sociétés Dooz, Conformat et XLK ont cherché au moyen de la procédure sur requête à obtenir un avantage concurrentiel indû afin de compenser leurs difficultés commerciales, alors que, placées sur un secteur très concurrentiel, elles subissent les répercussions d’une perte de compétences et de prix trop élevés, soulignant que la société Dutscher était l’un de ses fournisseurs.

Invoquant des doutes quant à l’impartialité de l’huissier instrumentaire, la société Venezia, les appelants exposent qu’il n’a pas été révélé au juge des requêtes que celle-ci était déjà intervenue à plusieurs reprises et à titre privé pour les intimées et contre les appelants préalablement à la mesure d’instruction.

Ils affirment qu’il s’agit d’une volonté délibérée des sociétés Dooz, Conformat et XLK de dissimuler une information essentielle pour assurer l’indépendance et l’impartialité de la mission confiée à l’huissier, qui se retrouvait en position de conflit d’intérêts entre la mission judiciaire qui lui était confiée et les commandes de son client habituel.

Ils se fondent sur les éléments suivants :

– l’absence de la société Venezia à l’audience du président du tribunal de commerce du 7 décembre 2022, alors qu’une astreinte de 1 000 euros par jour était demandé à son encontre, qui démontrerait l’existence d’une forme d’entente entre celle-ci et les sociétés Dooz, Conformat et XLK ;

– l’huissier, en copiant au cours des mesures d’instruction des SMS personnels de M. [H] sur son téléphone privé, son compte LinkedIn professionnel et deux boîtes mails personnelles, aurait fait apparaître son manque d’impartialité ;

– en cours de procédure, et alors que deux appels étaient pendants et qu’une procédure d’arrêt de l’exécution provisoire était en cours, la société Venezia a remis les pièces saisies aux sociétés Dooz, Conformat et XLK, sans les en avertir ;

– la demande de ‘juger irrecevable l’intervention forcée de la société Venezia’ armée par les sociétés Dooz, Conformat et XLK serait une preuve que les deux entités poursuivent une stratégie commune.

Contestant également la nécessité et la proportionnalité des mesures ordonnées, les appelants indiquent que la mission de l’huissier était rédigée de façon trop générale, que celui-ci devait effectuer un tri selon sa propre appréciation, qu’aucune limitation de temps n’était prévue, et que les saisies concernaient des lignes privées et des boîtes mails personnelles, des correspondances privées voire couvertes par le secret professionnel (avocat) ayant été appréhendées.

Sur l’existence de procédures prud’homales pendantes, les sociétés Dooz, Conformat et XLK indiquent en premier lieu que ces dossiers sont terminés ou clôturés, que les pièces n’ont pas été saisies pour être produites dans ce cadre et que seuls les appelants ont fait référence à la procédure sur requête lors des instances prud’homales.

Les intimées font valoir que la condition posée par l’article 145 ne vaut que lorsque le juge saisi antérieurement au fond est le même et qu’il s’agit du même litige, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce et en déduisent que l’existence de litiges prud’homaux en cours lors du dépôt de la requête ne la rend pas irrecevable puisqu’en l’espèce était envisagée une action en concurrence déloyale à l’encontre de la société Fainix, action qu’au demeurant elles ont engagée.

Elles rappellent que le tribunal de commerce est seul compétent lorsque le litige a lieu entre sociétés commerciales et qu’au stade de la requête, leurs anciens salariés ne présentaient dans le cadre des procédures prud’homales aucune demande relative à la clause de non-concurrence.

Indiquant que M. [H] travaille en tant que consultant pour la société Dutscher par l’intermédiaire de la société Fainix et que Mmes [TO] et [MW] et M. [OM] sont salariés de cette société, les sociétés Dooz, Conformat et XLK déduisent de leur comportement procédural et notamment de leur appui au soutien de l’argumentation de la société Fainix, pourtant seule concernée par les mesures d’instruction, la confirmation de l’existence d’un projet concurrentiel ‘Fainix’ englobant tous ces intervenants.

Elles soutiennent que, pour justifier de l’existence d’un motif légitime à leur demande de mesures d’instruction, elles n’ont produit aucun élément qu’elles auraient obtenu de manière déloyale ou de manière illicite, l’ordonnance litigieuse n’en faisant d’ailleurs pas mention.

Concernant les filatures de leurs anciens salariés, les sociétés Dooz, Conformat et XLK exposent en premier lieu que le rejet de ces pièces n’est pas demandé, avant d’indiquer que la position des appelants est contradictoire puisqu’ils indiquent à la fois que ces pièces obtenues de façon déloyale ne peuvent servir de fondement à la requête tout en sollicitant leur production forcée, pour conclure que leur requête était en tout état de cause fondée sur des éléments postérieurs à ces rapports.

Sur les critiques émises à l’encontre des pièces produites au soutien de leur requête, les intimées contestent fermement les allégations des appelants sur ces points et répondent en substance que :

– la pièce n°21 (relevé des SMS du téléphone professionnel de M. [H]) a été établi sur la base du journal d’activité du téléphone professionnel de M. [H], l’extraction de ces données ayant été faite par un technicien sous contrôle d’un huissier, étant précisé que les appelants ne produisent pas le document authentique selon eux,

– les pièces 20, 25 et 26 sont sincères (discussion par SMS entre la présidente des sociétés Dooz, Conformat et XLK et la directrice de Conformat en République Tchèque et courriers électroniques internes à Conformat) et étayent leur argumentation sur l’existence d’un motif légitime,

– les faits qu’elles reprochent à Mme [MW] ne sont pas un simple transfert de courriels entre son adresse professionnelle et son adresse personnelle mais le transfert et l’enregistrement sur des clés USB et des disques durs externes personnels, durant un week-end, d’un nombre important de fichiers et de courriels comprenant des pièces jointes hautement confidentielles (‘système qualité Dooz’, ‘données CRM commercial’ de Conformat, soit près de 40 000 documents et 90% des données du groupe), en violation de son contrat de travail et de la charte informatique et sans nécessité professionnelle,

– Mme [TO] a également transféré sur sa boîte mail personnelle des échanges professionnels parmi lesquels les tarifs de Sanofi, une liste de prix Dutscher et un reporting de l’ensemble des ventes, confidentiels,

– lorsqu’ils ont rendu leurs outils professionnels, M. [H] et Mme [TO] les ont rendus totalement vidés de leurs données après utilisation de logiciels d’effacement et utilisation de disques durs externes.

Contestant les développements des appelants sur la distinction entre ‘Fainx’ et ‘Fainix’, les sociétés Dooz, Conformat et XLK soutiennent qu’au contraire, il s’agit du même projet qui a dû changer de dénomination à la suite du dépôt de ce nom qu’elles ont effectué à l’INPI le 22 novembre 2020 en raison de leurs soupçons de l’existence d’un projet concerté constituant une concurrence déloyale.

Elles affirment que M. [H], qui a créé la société Fainix, exerce une activité concurrente aux sociétés du groupe Dooz et bénéficie d’ailleurs d’une adresse mail dans le système informatique de la société Dutscher.

Elles font valoir que M. [H] ne les a pas informées de sa visite en juin 2020 d’une salle blanche disponible dans l’usine Kolmi alors qu’il savait que la société XLK en cherchait urgemment une.

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK dénient toute intention cachée de leur part et confirment que leur seule intention en sollicitant les mesures litigieuses était de réunir des éléments de preuve dans le cadre de l’instance en concurrence déloyale envisagée.

Sur la nature des mesures ordonnées, les intimées soutiennent qu’elles sont non seulement circonscrites aux faits allégués de concurrence déloyale, de détournement de clientèle et de dénigrement mais aussi proportionnées, les documents à caractère personnel ayant été omis du champ de la saisie.

Elles exposent que, même si ce point n’est à ce stade pas critiqué par les demandeurs à la rétractation, les circonstances de l’espèce justifiaient de recourir par voie de requête dès lors que, s’agissant de faits de concurrence déloyale, il existe un risque de dépérissement des preuves, de concertation frauduleuse des appelants et la nécessité d’un effet de surprise.

Sur le doute exprimé par les appelants quant à l’impartialité de l’huissier de justice, les sociétés Dooz, Conformat et XLK indiquent qu’il n’est étayé par aucun élément probant que celui-ci n’aurait pas respecté la mission qui lui était confiée.

Elles soutiennent que la circonstance que la SCP Venezia n’ait pas constitué avocat dans le cadre des procédures en cours ne démontre pas sa partialité, et pas davantage le fait qu’elle ait déjà été mandatée par le passé par les sociétés du groupe Dooz.

Indiquant que les mesures ordonnées sont essentiellement d’ordre informatique, la qualité de l’expert n’étant pas discutée, elles ajoutent qu’il ne saurait être reproché à un auxiliaire de justice d’exécuter une décision, en l’espèce en remettant les pièces séquestrées en application de l’ordonnance du 11 janvier 2023.

Les intimées exposent qu’en tout état de cause, cet argument n’est pas de nature à entraîner la rétractation de l’ordonnance critiquée, le juge des référés ne pouvant annuler les mesures ordonnées pour des motifs tirés des conditions de leur exécution.

Elles concluent à la confirmation de l’ordonnance querellée.

Sur ce,

Selon l’article 145 du code de procédure civile : ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.

Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

Sur l’irrecevabilité résultant de l’existence d’un procès en cours

L’absence d’instance au fond constitue une condition de recevabilité de la demande formée en application de l’article 145 du code de procédure civile et doit s’apprécier à la date de saisine du juge de la requête.

Il ressort de la requête que le constat vise à établir une concurrence déloyale exercée par la société Fainix au détriment des sociétés Dooz, Conformat et XLK. L’acte présenté au juge le 31 janvier 2022 fait état de débauchages et de détournements de clientèle et expose que le procès en germe concerne la société Fainix.

Il apparaît qu’à cette date, aucune instance n’était en cours concernant la société Fainix. Seules étaient pendantes des procédures prud’homales engagées par M. [H], Mme [TO] et Mme [MW], qui ne concernaient donc ni les mêmes parties, ni le même objet.

La condition tenant à l’absence d’instance au fond était donc remplie à la date du dépôt de la requête, celle-ci est recevable. Il n’y a en conséquence pas lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête sur ce fondement.

Sur le non-recours à une procédure contradictoire

Les mesures d’instruction prévues à l’article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

Le juge saisi d’une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d’office, sur sa motivation ou celle de l’ordonnance. Il est nécessaire que soient exposés de manière explicite les motifs justifiant le non-recours à une procédure contradictoire. Cette motivation doit s’opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.

L’ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.

Après avoir exposé les agissements reprochés à M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix, les sociétés requérantes Dooz, Conformat et XLK justifient leur choix procédural par la nécessité ‘d’éviter un dépérissement des éléments de preuve’, les faits portant ‘essentiellement sur des fichiers informatiques transférés, copiés et effacés’, faisant valoir que ‘le risque de dépérissement des données est incontestable compte tenu des faits de dissimilation et d’effacement de données précédemment exposés’.

L’ordonnance indique quant à elle que : ‘l’effet de surprise attaché au mode d’exécution des mesures d’investigation justifie qu’il soit dérogé au principe de la contradiction dès lors que la société Fainix, son dirigeant et les anciens salariés de la société Conformat avec lesquels ils seraient en relation, avisés à l’avance de ces mesures, pourraient en annuler les effets par le déplacement ou la destruction des éléments de preuve recherchés et plus particulièrement de tous documents transcrits sur des supports informatiques qui constituent des données intrinsèquement fragiles et aisément dissimulables’.

Dans ces conditions, il sera retenu que l’ordonnance est motivée par renvoi à la nature des faits allégués de concurrence déloyale et à l’attitude de M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix, ensemble, expressément dénoncés dans la requête, justifiant le recours à cette procédure non contradictoire, de sorte que les sociétés requérantes ont donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport à un contexte précis et suffisamment décrit.

Sur le motif légitime

La cour souligne à titre liminaire qu’il est inopérant pour M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix d’invoquer la déloyauté procédurale des requérantes au soutien de la demande de rétractation de l’ordonnance, dès lors qu’il importe peu qu’elles aient exposé les faits avec déloyauté, en ayant recours au mensonge ou à la dissimulation, en omettant notamment d’informer le juge de la requête de l’existence d’autres procédures connexes, le juge saisi d’une demande de rétractation étant tenu seulement de s’assurer de l’existence d’un motif légitime et des circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement. (Civ.2, 20 mars 2014, n°13-11135 et n°13-29568).

Il résulte de l’article 145 que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer le bien-fondé de l’action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu’il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.

Outre son caractère légitime, la mesure d’instruction visant à améliorer la situation probatoire du requérant, son utilité pour la recherche ou la conservation des preuves doit également être établie, étant souligné que sont sans incidence sur l’appréciation des mérites de la requête, les résultats de l’exécution des mesures sollicitées. En conséquence le motif légitime ne peut résulter de la saisie litigieuse et les développements de la partie requérante qui tenteraient de le caractériser de la sorte seront écartés.

A l’inverse, il est loisible au requérant de produire des pièces postérieures à sa requête au soutien de son argumentation.

Il sera également rappelé qu’il appartient à la partie requérante de justifier de ce que sa requête était fondée, et non aux demandeurs à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.

En l’espèce, les sociétés DXC démontrent en premier lieu que Mme [TO] et Mme [MW] sont désormais salariées de la société Dutscher, concurrente des sociétés requérantes et que la société Fainix, créée par M. [H], travaille également pour celle-ci, ces faits ayant d’ailleurs été indiqués par la société Dutscher elle-même dans l’instance en rétractation l’opposant aux sociétés DXC (pièce 48 des intimées).

Il est ensuite établi que Mme [MW], M. [H] et Mme [TO] disposent d’une adresse mail @fainx, Mme [MW] ayant utilisé cette adresse le 16 mai 2020, les explications des appelants pour détailler la différence d’orthographe entre ‘fainix’ et ‘fainx’, particulièrement peu crédibles, n’étant étayées par aucun élément tangible.

Les intimées produisent ensuite les justificatifs de courriels et documents transférés entre les adresses professionnelles et les boîtes personnelles :

– par Mme [MW], entre avril et octobre 2020 et notamment le week-end des 17 et 18 octobre 2020, de très nombreux fichiers et courriels comprenant notamment :

– le système Qualité Dooz,

– des rapports techniques concernant des matériels commercialisés par Conformat,

– les données CRM Commerciales comportant des éléments confidentiels (clients, prix de revient, conditions d’achat),,

– les conditions générales de vente de XLK,

– une liste de fournisseurs

– par Mme [TO] entre le 26 août 2020 et le 5 octobre 2020, ces courriels comportant notamment en pièces jointes les tarifs Sanofi, le ‘Reporting des ventes’ et une liste de prix de la société Dutscher (étant souligné que le courriel transféré le 18 septembre 2020 est intitulé ‘strictement confidentiel Reporting des ventes’ et précise notamment ‘je vous rappelle que ce fichier est strictement confidentiel et ne doit pas être partagé ni en interne ni en externe’),

tous éléments qui peuvent conduire les sociétés DXC à soupçonner des faits de détournement de clientèle ou de parasitisme, dès lors que Mme [TO] et Mme [MW] sont désormais salariées d’une société concurrente.

La circonstance que la dirigeante de la société Dooz puisse elle-même utiliser parfois son adresse mail personnelle pour des courriels professionnels n’est pas de nature à légitimer ces opérations de Mmes [MW] et [TO] dès lors que les éléments exportés concernent des éléments stratégiques de l’entreprise et qu’aucune justification professionnelle à ces transferts n’est démontrée.

Les sociétés DXC versent aux débats des rapports d’analyse informatique qui démontrent que, en infraction à la charte numérique applicable dans l’entreprise, M. [H] et Mme [TO] ont utilisé des logiciels d’effacement de données sur leurs matériels informatiques professionnels avant de les restituer à la société Conformat, après avoir connecté des périphériques de stockage externe, des recherches ayant en outre été faites sur l’ordinateur de M. [H] sur ‘Qwant’ et ‘Wikihow’ pour savoir comment supprimer des traces de connexions de périphériques USB, ce qui corrobore là encore les allégations des intimées sur l’existence de manoeuvres déloyales que M. [H] et Mme [TO] auraient cherché à dissimuler.

Les intimées ont également eu connaissance d’un courriel de Mme [VF], responsable des achats de la société Sanofi pour les consommables, adressé à de nombreux destinataires le 6 janvier 2022, dans lequel elle exposait notamment : ‘je viens d’apprendre qu’encore 3 personnes de Conformat ne sont plus joignables, notamment pour la région Sud (burn out et licenciement) (…) Je vous remercie de votre plus grand discrétion vis-à-vis de Conformat. En plus des problématiques rencontrées et évoquées sachez que Conformat ne répond malheureusement plus à notre éthique et nos valeurs notamment humaines’, ce qui rend vraisemblables les allégations de dénigrement dont font état les sociétés DXC, étant précisé que, par courriel du 14 mars 2022, Mme [VF] indiquait au responsable de la société Dutscher ‘je vous laisse me confirmer que nous pouvons continuer à travailler ensemble et que mes interlocuteurs sont : Pour la partie Sud de la France : [R] [TO]- pour la partie nord : [A] [N], à terme [W] [OM] [ancien salarié de la société Conformat] et en parallèle sur des sujets spécifiques [X] [H] consultant qui intervient pour Dutscher.’

Les faits reprochés ne sont pas pour autant établis, la recherche de preuves est donc légitime et apparaît utile. Il reste que ces éléments de preuve ainsi réunis par les sociétés Dooz, Conformat et XLK suffisent à rendre plausibles les griefs de concurrence de déloyale, de détournement de clientèle et de dénigrement dont il est fait état, et sont de nature à constituer le motif légitime nécessaire pour justifier la mesure in futurum en application de l’article 145 précité.

Sur les mesures ordonnées

Au sens de ce même article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile ; elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.

Le juge de la rétractation peut modifier la mission en la complétant ou l’amendant afin qu’elle soit limitée dans son étendue et dans le temps.

Le secret des affaires ou même la protection de la vie privée, ne constituent pas un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.

Contrairement aux allégations des intimés, aucune irrégularité dans le déroulement des mesures d’investigation ne met en péril la saisie réalisée.

Aux termes de l’ordonnance du 15 février 2022, l’huissier a été autorisé à :

‘- rechercher et copier tous documents (…) sur toute collaboration directe ou indirecte avec les personnes suivantes : Mme [R] [TO], Mme [A] [MW], M. [W] [OM] (…)

– rechercher et copier tout document (…) mentionnant les sociétés DXC en usant en tant que de besoin des mots clés suivants :

– les anciens salariés de Dooz : [X] [H], [R] [TO], [A] [MW] ([A] [N]), [W] [OM]

– le groupe Dooz : conformat, Dooz, XLK, [E] [P] [L], [J] [GI]

– les clients :

Sanofi (et son acheteuse [BW] [VF])

Novo Nordisk (et son acheteur [S] [DX])

SNDI (et son directeur [RD] [ZH])

LFB (et son acheteuse [K] [G])

Novartis (et ses acheteurs [FN] [T] / [D] [V])

– les fournisseurs :

Decitex (et son directeur [HZ] [BR])

Shield scientific (et son directeur [FN] Le noble)

VP (et sa commerciale Birgit Trummeter)

OSS (et son commercial [M])

KM Corporation ou KM Corp (et son représentant [O] [BL])

– les prestataires :

Simagec (et son commercial [Y] [JP] et son directeur [MB] [U])

Simple – Fujian Shanpu New Material Co (et son directeur M. [KK] [IU] et sqon représentant en France M. [I] [B])

Meditec, [F], EMCI

– les distributeurs concurrents :

Dutscher (et son président [C] [LG] et son directeur des ventes [S] [Z])’

En premier lieu, les mots ‘notamment’ et ‘en tant que de besoin’ qui laissent une trop grande liberté d’appréciation à l’huissier instrumentaire, l’autorisant éventuellement à porter une appréciation sur les documents qu’il a eus à connaître, doivent être supprimés.

Ensuite, les mots clés au titre des prestataires ( Simagec (et son commercial [Y] [JP] et son directeur [MB] [U]), Simple – Fujian Shanpu New Material Co (et son directeur M. [KK] [IU] et sqon représentant en France M. [I] [B]),Meditec, [F], EMCI)

ne sont pas suffisamment justifiés, aucune pièce ne s’y rapportant démontrant leur intérêt par rapport à la mesure d’investigation demandée. Il doivent donc être supprimés de la mission.

Le chef suivant : ‘ rechercher et copier tous documents (…) sur toute collaboration directe ou indirecte avec les personnes suivantes : Mme [R] [TO], Mme [A] [MW], M. [W] [OM] (…)’ est trop général et induit que l’huissier apprécie la notion de ‘collaboration’, ce qui ne peut lui être demandé. Ce chef de mission sera donc également supprimé.

Pour le surplus, les mots-clés se rattachent par un lien direct aux faits allégués, mais il convient de préciser qu’ils devront être croisés de la façon suivante :

‘- rechercher et copier tout document (physique comme informatique) échange et correspondance de tout type (mails, courriers, sms, échanges sur messageries tels que Messenger, LinkedIn, Whatsapp et autres) mentionnant les mots clés suivants :

– recherche 1 : [X] [H] OU [R] [TO] OU [A] [MW] OU [A] [N] OU [W] [OM]

ET conformat OU Dooz OU XLK OU [E] [P] [L] OU [J] [GI]

– recherche 2 : [X] [H] OU [R] [TO] OU [A] [MW] OU [A] [N] OU [W] [OM]

ET Sanofi OU [BW] [VF] OU Novo Nordisk OU [S] [DX] OU SNDI OU [RD] [ZH] OU LFB OU [K] [G] OU Novartis OU [FN] [T] OU [D] [V]

– recherche 3 : [X] [H] OU [R] [TO] OU [A] [MW] OU [A] [N] OU [W] [OM]

ET Decitex OU [HZ] [BR] OU Shield scientific OU [FN] Lenoble OU VP OU Birgit Trummeter OU OSS OU [M] OU KM Corporation OU KM Corp (et son représentant [O] [BL])

– recherche 4 : [X] [H] OU [R] [TO] OU [A] [MW] OU [A] [N] OU [W] [OM]

ET Dutscher OU [C] [LG] OU [S] [Z]

– recherche 5 : conformat OU Dooz OU XLK OU [E] [P] [L] OU [J] [GI]

ET Dutscher OU [C] [LG] OU [S] [Z]

dont la recherche est légitime au regard des faits allégués de concurrence de déloyale, de détournement de clientèle et de dénigrement au préjudice des sociétés DXC, sans être disproportionnée.

Il y a lieu en outre de dire que les éléments ne peuvent être recherchés que sur la période comprise entre le 1er mars 2020 et la date de l’ordonnance, aucune pièce ne permettant de démontrer que des actes de concurrence déloyale aient pu être commis avant cette date, qui est d’ailleurs mentionnée dans la requête comme le départ des agissements répréhensibles des appelants.

En conséquence, il convient d’ordonner la restitution à la société Fainix et à M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ou à leur conseil, de tous les éléments prélevés en contradiction de ces restrictions ordonnées en appel.

Sur la demande de levée du séquestre

Les appelantes demandent d’ordonner à la SCP Venezia et aux sociétés Dooz, Conformat et XLK de détruire toutes les pièces obtenues par la mesure d’instruction et leur faire interdiction de les utiliser de quelque manière que ce soit.

Les sociétés Dooz, Conformat et XLK exposent qu’il s’agit de prétentions nouvelles, absentes en première instance comme et lors des premières conclusions d’appelants, et donc irrecevables de ce chef.

Elles indiquent qu’elles sont en outre infondées en ce qu’elles les priveraient d’un droit de recours effectif, aucune destruction de pièces ne pouvant être ordonnée selon elles.

Sur ce,

Si les demandes des appelants ne peuvent être qualifiées de nouvelles en appel puisqu’elles sont le complément de celles formées en première instance, il n’y a pas lieu d’y faire droit en totalité dès lors que l’ordonnance n’est pas rétractée.

Il sera prévu que les pièces saisies en contravention avec la mission restreinte de l’huissier telle que fixée par la cour seront restituées aux appelants, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner à l’huissier de procéder à des destructions.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devront en outre supporter in solidum les dépens d’appel.

L’équité commande d’accorder aux intimées la somme de 5 000 euros fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions n°5 des appelants ;

Déclare irrecevable la demande de production de pièces ;

Déclare irrecevable l’intervention forcée de la société Venezia;

Confirme l’ordonnance querellée, sauf à modifier la mission confiée à l’huissier comme suit ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la suppression des termes de la mission des mots ‘notamment’ et ‘en tant que de besoin’ ;

Ordonne la suppression des termes de la mission les mots clés suivants : ‘Simagec’, ‘[Y] [JP]’, ‘[MB] [U]’, ‘Simple – Fujian Shanpu New Material Co’, ‘ M. [KK] [IU]’, ‘M. [I] [B]’, ‘Meditec’, ‘[F]’, ‘EMCI’ ;

Ordonne la suppression des termes de la mission du chef suivant : ‘ rechercher et copier tous documents physiques comme informatiques sous quelque forme que ce soit sur toute collaboration directe ou indirecte avec les personnes suivantes : Mme [R] [TO], Mme [A] [MW], M. [W] [OM]’ ;

Dit que les éléments ne peuvent être recherchés par l’huissier que sur la période comprise entre le 1er mars 2020 et la date de l’ordonnance ;

Confirme la restitution à la société Fainix, M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ou à leur conseil, de tous les éléments prélevés en contradiction de ces restrictions de la mission ordonnées en appel ;

Dit que le surplus de la mission telle que définie par l’ordonnance sur requête reste inchangée ;

Condamne in solidum M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix à payer à la société Dooz, Conformat et XLK la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Dit que M. [H], Mme [TO] et Mme [MW] ainsi que la société Fainix supporteront in solidum la charge des dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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