CGV non signées, donc non opposables

·

·

CGV non signées, donc non opposables

Le délai de 8 jours prévu aux conditions générales du contrat pour toute réclamation concernant les livraisons, n’est pas opposable au client si ce dernier n’a pas accepté ces conditions générales en y apposant sa signature. L’article 1119 du code civil prescrit que les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

Or, si les deux bons de commande de deux pages chacun signés par le client portent la mention que la commande sera exécutée dans les règles de l’art « et suivant les conditions générales de la société, ces conditions en annexe [faisant] partie intégrante de cette confirmation de commande », il n’est pas contesté que le client n’a pas signé les conditions générales du contrat comme l’a relevé la juridiction de première instance, ni signé aucune clause précisant qu’elle en avait eu connaissance et les avait acceptées.

De même, aucune pièce n’est versée aux débats rapportant la preuve que ces conditions générales ont été portées à la connaissance du client.  

Partant, la déchéance du droit d’invoquer l’exception d’inexécution prévue aux conditions générales faute pour le client d’avoir adressé une réclamation ou contestation au fournisseur par courrier recommandé dans les 8 jours suivant la première livraison des marchandises, ne lui est pas opposable comme n’étant pas entrée dans le champ contractuel. Il en est de même pour la clause pénale et les frais de recouvrement invoqués sans plus de précision par le prestataire et compris dans les seules conditions générales non opposables.

__________________________________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05816 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-B7Q74

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2018006898

APPELANTE

Société Z D NV, Société de droit belge élisant domicile au cabinet de Maître Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de Paris, domiciliée au […], prise en la personne de ses représentants légaux

Schoebroekstraat 50

[…]

représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

INTIMEE

SARL X

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 429 643 877

représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistée de Me Marc PEUFAILLIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0830 substitué par Me Pierre-Antoine FELCE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

La sarl X (ci-après désignée X) édite des revues sur la mode rémunérées par la publicité. La société de droit belge Z D NV (ci-après désignée Z) exerce une activité d’imprimerie d’encarts de publicité notamment.

L’agence de communication de Coca-cola ayant commandé auprès d’X un encart publicitaire de 2 pages dans son magazine à paraître sous le numéro 185 de décembre 2016 pour sa boisson sans sucres, X a sollicité son imprimeur habituel, Corelio Printing, qui l’a orientée vers M. A B, qui l’a lui-même mise en relation avec Z s’agissant d’impressions particulières comprenant un autocollant détachable (« sticker » consistant en une bouteille noire cachée sous la bouteille classique rouge) que Corelio Printing ne pouvait réaliser.

Pour cette réalisation, Z a soumis en novembre 2016 deux devis :

—  20.000 tirages à 4.200 ‘ pour l’insertion 270×340 correspondant à la fabrication de l’encart ;

—  20.000 tirages à 4.392 ‘ pour 2 pages 220×70 correspondant à la fabrication du sticker et de la découpe,

qui ont été acceptés par X par courriels des 7 et 8 novembre 2016.

La version des faits diverge quant aux motifs de la 3e commande néanmoins faite par X pour 500 nouveaux exemplaires.

Trois livraisons ont été réalisées et facturées par Z :

—  4.200 ‘ pour la commande B027947-01, le 30 novembre 2016,

—  4.391,50 ‘ pour la commande B027948-01, le 30 novembre 2016,

—  785 ‘ pour la commande B028230-01, le 30 décembre 2016.

Le 21 mars 2017, Z a mis X en demeure de payer ces trois factures avant le 28 mars 2017. X a invoqué l’exception d’inexécution, estimant que la première impression du sticker objet des deux premiers devis ne recouvrant pas totalement la bouteille cachée, elle avait dû faire une 3e commande pour réimprimer le sticker, objet de la 3e facture, les stickers se déchirant cette fois au lieu de se détacher.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 novembre 2018 qui a :

— débouté la société Z D NV de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamné la société Z D NV à payer à la SARL X la somme de 12.000′ à titre de dommages et intérêts,

— condamné la société Z D NV à payer à la SARL X 2.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,

— condamné la société Z D NV aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 67,98′ dont 11,12′ de TVA.

Vu l’appel interjeté par la société de droit belge Z D NV le 15 mars 2019,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juillet 2019 pour la société de droit belge Z D NV, par lesquelles elle demande à la cour de :

— réformer le jugement du. 09.11.2018,

Sur les demandes de la société Z D :

— dire que Z D n’a pas manqué à son obligation de faire ;

— dire qu’X a refusé abusivement d’exécuter son obligation de paiement ;

— dire que les conditions générales de vente de Z D sont opposables à X ;

— dire que les demandes de la société Z D sont fondées.

— condamner X à payer une somme de :

* 9.376,50 ‘ au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 08.04.2017, date de la mise en demeure ;

* 1.406,47 ‘ au titre de la clause pénale ;

* 120 ‘ au titre d’indemnité de recouvrement ;

* 2.000 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes reconventionnelles de la société X :

— dire qu’X n’a pas subi de dommage ;

— débouter X de sa demande reconventionnelle, notamment la somme de 15.000 ‘ soit le montant de 12.000 ‘ qui est attribué par le tribunal de Commerce.

En tout état de cause :

— condamner la société X à verser à la Société Z D la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société X aux entiers dépens dont ceux d’appel.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 octobre 2019 pour la sarl X par lesquelles elle demande à la cour de :

— confirmer le jugement du tribunal de commerce du 9 novembre 2018 ;

Sur les demandes de la société DRUKERRIK D :

Vu les articles 1217 et 1219 du Code civil ;

Vu les pièces versées aux débats ;

— dire que Z D a manqué à son obligation de faire ;

— dire qu’X a légitimement pu refuser d’exécuter son obligation de paiement en raison des manquements de E D ;

— débouter la société DRUKERRIK D de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

Sur l’appel incident de la société X :

Vu l’article 1217 du code civil

Vu les pièces versées aux débats ;

— infirmer le jugement du 9 novembre 2018 sur le montant des dommages et intérêts accordé à la société X ;

— dire qu’X a subi un préjudice distinct résultant des manquements de Z D ;

— condamner Z D à régler la somme de 15.000 ‘ à X en réparation de son préjudice.

En tout état de cause :

— condamner la société Z D à verser à la Société X la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Z D aux dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 3 juin 2021,

SUR CE, LA COUR,

En réponse au préliminaire d’X, il y a lieu de rappeler qu’en application de l’article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Par ailleurs il n’est pas contesté que M. A B a facturé à Z sa prestation d’intermédiaire entre elle et X, comme il ressort de la facture qu’il a émise le 27 décembre 2016 pour un montant de 4.961′ TTC au titre de la « commission X » visant les 20.000 stickers (pièce n°11 Z). Les échanges de courriels entre M. A B et X ne peuvent donc être considérés comme ne pouvant être opposés à Z, sauf pour cette dernière à mettre en cause celui-ci, ce qu’elle ne fait pas.

En application de l’article 1217 du code civil applicable à l’espèce dans sa dernière rédaction en vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, s’agissant de contrats conclus à partir du 7 novembre 2016, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter sa propre obligation et demander réparation des conséquences de l’inexécution, des dommages et intérêts pouvant toujours s’y ajouter.

Sur l’exception d’inexécution

L’article 1219 du même code précise qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En l’espèce par courrier du 12 avril 2017 (pièce n°17) confirmé le 12 juillet 2017 (pièce n°18) X a indiqué à la société de recouvrement diligentée par Z qu’elle refusait de payer les factures invoquant « la mauvaise prestation de la société Z ».

Si Z invoque pour relever la tardiveté de la contestation d’X, le délai de 8 jours prévu aux conditions générales du contrat pour toute réclamation concernant les livraisons, l’article 1119 du code civil prescrit que les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

Or, si les deux bons de commande de deux pages chacun signés par X (pièce n°4 X) portent la mention que la commande sera exécutée dans les règles de l’art « et suivant les conditions générales de Febelgra, ces conditions en annexe [faisant] partie intégrante de cette confirmation de commande », il n’est pas contesté qu’X n’a pas signé les conditions générales du contrat comme l’a relevé la juridiction de première instance, ni signé aucune clause précisant qu’elle en avait eu connaissance et les avait acceptées. De même, aucune pièce n’est versée aux débats rapportant la preuve que ces conditions générales ont été portées à la connaissance d’X : la copie recto-verso de l’ensemble du dossier de plaidoirie de Z ne permet pas de déduire des pièces produites que ces conditions générales figuraient au verso ou à la suite des bons de commande.

Partant, la déchéance du droit d’invoquer l’exception d’inexécution prévue à l’article 27 des conditions générales faute pour X d’avoir adressé une réclamation ou contestation au fournisseur par courrier recommandé dans les 8 jours suivant la première livraison des marchandises, n’est pas opposable à X comme n’étant pas entrée dans le champ contractuel. Il en est de même pour la clause pénale et les frais de recouvrement invoqués sans plus de précision par Z et compris dans les seules conditions générales non opposables.

Quant à l’inexécution contractuelle invoquée par X, la cour relève que Z ne conteste

à aucun moment avoir reçu en temps utile l’ensemble des fichiers propres à réaliser les travaux commandés. Les courriels des 4 et 14 novembre 2016 (pièces n° 5 et 7 X) adressent d’ailleurs les fichiers pour la découpe du pourtour de la bouteille.

En revanche, les bons de commande précisent que les travaux d’impression devaient être livrés le 28 novembre 2016. Or un courriel du 30 novembre 2016 de Corelio Printing, imprimeur final du magazine, à A B et X (pièce n°7 X) établit que les encarts dus par Z ne sont pas livrés à cette date. Il n’est pas contesté non plus et il résulte tant du courriel de A B à Corelio Printing du 1er décembre (pièce n°8 X), que de la photographie de la publicité en pièce n°9 (X), que suite à la première livraison des encarts, les stickers de la bouteille rouge ne recouvraient pas totalement la bouteille noire imprimée dessous, laissant apparaître une bavure. Il résulte encore du courriel du 13 décembre de la société Publicismedia en charge de la commande faite par Coca-cola (pièce n°11 X) que les 500 exemplaires de stickers imprimés dans un second temps à titre de justificatifs, se déchiraient, suite à un problème de colle. Le courriel du 15 décembre de A B à X (pièce n°11 X) confirme que Drukkeirj « essaye de trouver un mode d’impression qui permette de détacher proprement l’autocollant une fois collé sur le folder » ; le courriel du même A B du 19 décembre (pièce n°12) redit encore que l’imprimeur essaie de faire le maximum pour que le résultat soit le meilleur.

Il résulte de cette chronologie, comme l’a relevé le tribunal, que Z a rencontré deux difficultés successives dans l’impression des encarts publicitaires commandés lesquelles n’ont permis à Z de respecter son engagement ni sur la date de livraison ni sur la qualité de l’impression à laquelle elle s’engageait aux termes des bons commandes. L’inexécution de son engagement par Z ainsi rapportée est dès lors suffisamment grave pour justifier le refus par X d’exécuter sa propre obligation de paiement des trois factures correspondantes.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté Z de l’ensemble de ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il ressort du courriel d’X à Publicismedia du 21 février 2017 que trois pages ont été offertes par X pour les publicités Coca-cola dans les numéros suivants du magazine, à titre de compensation proportionnellement à la déconvenue occasionnée par les impressions de mauvaise qualité dans le n°185. Le lien de causalité entre la faute contractuelle commise par Z dans l’exécution du contrat et le préjudice subi par X de ce fait est ainsi établi.

X rapporte par ailleurs par l’ordre de réservation par Coca-cola en juillet 2019 d’une page de publicité dans son magazine, que le prix de cette réservation est de 4.000′ (pièce n°21). Le préjudice a ainsi été retenu à juste titre par le tribunal à hauteur de 12.000′ pour trois pages offertes à Publicismedia en compensation par X.

Le jugement sera confirmé de ce chef également.

S’agissant de la demande supplémentaire de réparation au titre du préjudice subi du fait de la réduction des contrats de publicité avec Coca-cola en 2017, la cour retient avec le tribunal qu’aucune pièce n’est versée par X pour rapporter d’une part l’existence de cette réduction invoquée pour 2017 en page 17 de ses conclusions, et d’autre part le lien de causalité entre une telle réduction et l’inexécution par Z de ses obligations contractuelles.

Le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Z succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. Statuant de ces chefs en cause d’appel, Z dont les demandes sont rejetées, sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Eu égard à la condamnation aux dépens de l’appel, Z sera condamnée à payer à X la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société de droit belge Z D aux dépens ;

Condamne la société de droit belge Z D à payer à la sarl X la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Chat Icon