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Les cessions d’œuvres qui ne relèvent ni des « objets d’art » au sens de la directive 2006/112/CE ni d’aucune des prestations de service ou des livraisons de biens mentionnées à l’annexe III de cette directive, ne sont pas au nombre de celles visées par les dispositions du g de l’article 279 du code général des impôts (bénéfice du taux réduit de TVA de 7%).
La cession d’une « bibliothèque de livres et d’images » s’apparentant à un « fonds documentaire », constituée à partir d’images triées et regroupées en différentes catégories. Si les droits d’auteurs sur cette œuvre originale sont protégés en vertu de l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, l’œuvre en cause ne relève ni des « objets d’art » ni d’aucune des prestations de service ou des livraisons de biens mentionnées à l’annexe III de la directive 2006/112/CE.
C’est donc à bon droit que la société Mihail Chemiakin Ltd, société de droit américain, a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d’intérêts de retard et de pénalités pour activité occulte, à raison notamment de la mise à disposition de l’EURL Mihail Chemiakin, dans le cadre d’un projet artistique, d’un catalogue d’images sélectionnées à partir d’une compilation rassemblant des collages et juxtapositions de reproductions d’œuvres.
Aux termes de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : « 1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. 2. Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III. / Les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique ». Parmi les livraisons de biens et prestations de services mentionnées à l’annexe III figurent notamment « la fourniture de livres, sur tout type de support physique », « le droit d’admission aux spectacles, théâtres (…), musées, (…), expositions et manifestations et établissements culturels similaires » et « les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d’auteur qui leur sont dus ».
Aux termes de l’article 103 de cette même directive : « Les États membres peuvent prévoir que le taux réduit, ou l’un des taux réduits, qu’ils appliquent conformément aux articles 98 et 99 s’applique également aux importations d’objets d’art, de collection ou d’antiquité tels que définis à l’article 311, paragraphe 1, points 2), 3) et 4. / 2. Lorsqu’ils font usage de la faculté prévue au paragraphe 1, les États membres peuvent également appliquer le taux réduit aux livraisons suivantes:/ a) les livraisons d’objets d’art effectuées par leur auteur ou par ses ayants droit (…) ».
Le point 2 de l’article 311 définit les « objets d’art » comme les biens figurant à l’annexe IX, partie A, laquelle comprend notamment les « tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste ».
D’autre part, aux termes de l’article 279 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les œuvres cinématographiques et sur les livres. Cette disposition n’est pas applicable aux cessions de droits portant sur des œuvres d’architecture et des logiciels.
Au sens de l’article L. 112-2 du CPI : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit 7° Les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; / 8° Les œuvres graphiques et typographiques ; / 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie (…) » .
Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’œuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles (L. 112-3).
On entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Conseil d’État 3ème – 8ème chambres réunies 7 juillet 2022, 448012 Vu la procédure suivante : Par une décision du 14 décembre 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi de la société Mihail Chemiakin Ltd dirigées contre l’arrêt n° 19NT01360 du 22 octobre 2020 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il s’est prononcé sur ses conclusions subsidiaires d’appel tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par l’application du taux réduit de 7 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet des conclusions du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés. Par un mémoire en réplique, enregistré le 6 avril 2022, la société Mihail Chemiakin Ltd conclut aux mêmes fins que son pourvoi, par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : – la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ; – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; – le code de la propriété intellectuelle ; – le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : — le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur, — les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Mihail Chemiakin Ltd ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité, la société Mihail Chemiakin Ltd, société de droit américain, a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, assortis d’intérêts de retard et de pénalités pour activité occulte, à raison notamment de la mise à disposition de l’EURL Mihail Chemiakin, dans le cadre d’un projet artistique, d’un catalogue d’images sélectionnées à partir d’une compilation rassemblant des collages et juxtapositions de reproductions d’œuvres. Par un jugement du 31 janvier 2019, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels. Par une décision du 14 décembre 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi dirigées contre l’arrêt du 22 octobre 2020 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il s’est prononcé sur ses conclusions subsidiaires d’appel tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par l’application du taux réduit de 7 %. 2. D’une part, aux termes de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : « 1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. / 2. Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III. / Les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique ». Parmi les livraisons de biens et prestations de services mentionnées à l’annexe III figurent notamment « la fourniture de livres, sur tout type de support physique », « le droit d’admission aux spectacles, théâtres (…), musées, (…), expositions et manifestations et établissements culturels similaires » et « les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d’auteur qui leur sont dus ». Aux termes de l’article 103 de cette même directive : « Les États membres peuvent prévoir que le taux réduit, ou l’un des taux réduits, qu’ils appliquent conformément aux articles 98 et 99 s’applique également aux importations d’objets d’art, de collection ou d’antiquité tels que définis à l’article 311, paragraphe 1, points 2), 3) et 4. / 2. Lorsqu’ils font usage de la faculté prévue au paragraphe 1, les États membres peuvent également appliquer le taux réduit aux livraisons suivantes:/ a) les livraisons d’objets d’art effectuées par leur auteur ou par ses ayants droit (…) ». Le point 2 de l’article 311 définit les « objets d’art » comme les biens figurant à l’annexe IX, partie A, laquelle comprend notamment les « tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste ». 3. D’autre part, aux termes de l’article 279 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne : (…) / g. Les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les œuvres cinématographiques et sur les livres. / Cette disposition n’est pas applicable aux cessions de droits portant sur des œuvres d’architecture et des logiciels ». 4. Enfin, aux termes de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle : « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Aux termes de l’article L. 112-2 du même code : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : / (…) » 7° Les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; / 8° Les œuvres graphiques et typographiques ; / 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie (…) « . Aux termes de l’article L. 112-3 du même code : » Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’œuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles. / On entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen “. 5. Il résulte des dispositions précitées que les œuvres de l’esprit dont les droits d’auteur sont protégés en vertu des dispositions du code de la propriété intellectuelle mais qui ne relèvent ni des « objets d’art » au sens de la directive 2006/112/CE ni d’aucune des prestations de service ou des livraisons de biens mentionnées à l’annexe III de cette directive, ne sont pas au nombre de celles visées par les dispositions du g de l’article 279 du code général des impôts. 6. La cour administrative d’appel de Nantes a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que l’objet de la cession litigieuse correspondait à une « bibliothèque de livres et d’images » s’apparentant à un « fonds documentaire », constituée à partir d’images triées et regroupées en différentes catégories. Si les droits d’auteurs sur cette œuvre originale sont protégés en vertu de l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, l’œuvre en cause ne relève ni des « objets d’art » ni d’aucune des prestations de service ou des livraisons de biens mentionnées à l’annexe III de la directive 2006/112/CE. Ce motif, qui résulte de faits constants, doit être substitué à ceux retenus par la cour pour justifier l’application du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les moyens dirigés contre ces motifs sont inopérants. 7. Il résulte de ce qui précède que la société n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il s’est prononcé sur ses conclusions subsidiaires d’appel tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par l’application du taux réduit de 7 % sont rejetées. 8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : ————– Article 1er : Les conclusions du pourvoi de la société Mihail Chemiakin Ltd dirigées contre l’arrêt n° 19NT01360 du 22 octobre 2020 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il s’est prononcé sur ses conclusions subsidiaires d’appel tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par l’application du taux réduit de 7 % sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Mihail Chemiakin Ltd et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l’issue de la séance du 20 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d’Etat et M. Martin Guesdon, auditeur-rapporteur. Rendu le 7 juillet 2022. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Martin Guesdon La secrétaire : Signé : Mme Elsa Sarrazin |