Cession tacite du droit à l’image : l’action en référé vouée à l’echec ?

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Cession tacite du droit à l’image : l’action en référé vouée à l’echec ?
Ce point juridique est utile ?

L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée et que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Liminairement, il est précisé qu’il est de principe que l’atteinte aux droits de la personnalité que sont le droit à la vie privée et le droit à l’image, caractérise, en soi, l’urgence qui confère au juge des référés, en application des dispositions de l’article 9 du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile, compétence pour prendre toutes mesures propres à faire cesser ou à réparer une atteinte à ces droits.

Il sera rappelé que l’article 9 du code civil, qui institue une action en justice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, confère le droit de s’opposer à la publication et à l’utilisation de son image, de son nom ou de sa voix en tant qu’attributs de sa personnalité, sous réserve du droit à la liberté d’expression et du droit à l’information.

Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que son titulaire exerce sa liberté contractuelle sur ce droit fondamental, dès lors que les parties au contrat stipulent de façon suffisamment claire, les limites de l’autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l’exclusion de certains contextes.

En matière de droit à l’image, le demandeur doit prouver l’utilisation, sans son autorisation, de son image par la société défenderesse, laquelle, pour s’exonérer, doit justifier que l’utilisation de l’image du demandeur a été conforme à l’autorisation donnée, laquelle peut être explicite ou implicite.

En l’espèce, il doit être souligné que les relations contractuelles qui ont donné lieu à l’organisation, à la réalisation des conférences et à la publication des vidéos de ces mêmes conférences sur le site édité par la société AGENCE N°9 depuis au moins l’année 2021, en contrepartie d’une rémunération convenue entre les parties, n’ont fait l’objet d’aucune convention écrite qui viendrait préciser et régir les conditions de leur collaboration.

Aux termes de ses conclusions, [D] [O] ne conteste pas avoir accordé à la société AGENCE N°9 une autorisation tacite d’utiliser ces droits de la personnalité du temps de l’exécution de la relation contractuelle entre les parties, soit jusqu’au 29 juin 2023, date à laquelle elle a notifié son souhait d’y mettre un terme.

Toutefois, en l’absence de toute stipulation écrite, et en considération des relations commerciales ayant liées les parties pendant plusieurs années et de la date de production des contenus critiqués, l’appréciation de l’étendue l’autorisation tacite accordée par [D] [O] à la société ATELIER n° 9, n’est pas univoque.

Cette circonstance fait obstacle à ce que puisse être caractérisé un trouble manifestement illicite.

L’atteinte aux attributs de la personnalité de la demanderesse n’est pas, dans ces conditions, caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Il s’ensuit que la contestation porte sur la titularité des droits sur l’œuvre de l’esprit que constituent « les conférences », dont la résolution commande de définir le statut de l’œuvre sur laquelle chaque partie revendique la titularité des droits, soit qu’elle soit une œuvre propre à l’une ou l’autre, soit encore qu’il s’agisse d’une œuvre collective créée par [D] [O] et [G] [S].

La détermination du statut de l’œuvre, alors qu’aucune convention écrite n’a jamais lié les parties, échappe au pouvoir du juge des référés.

Intervention volontaire de [G] [S] et recevabilité

Il apparaît que [G] [S] intervient à la présente instance en tant qu’auteur d’articles et de podcasts sur le site internet “Bloomingyou.fr” et contributrice aux conférences litigieuses. Son intervention est jugée recevable car elle appuie les prétentions de la société AGENCE N°9.

Trouble manifestement illicite

La société AGENCE N°9 et [G] [S] sont en litige avec [D] [O] concernant l’utilisation de son nom, image et contenus sans autorisation après la fin de leur collaboration. Le juge des référés doit déterminer s’il y a atteinte aux droits de la personnalité de [D] [O] et si un trouble manifestement illicite est caractérisé.

Atteinte aux attributs de la personnalité

[D] [O] reproche à la société AGENCE N°9 de continuer à utiliser ses attributs de personnalité sans autorisation. Cependant, en l’absence de contrat écrit précisant les limites de l’autorisation donnée, le trouble manifestement illicite n’est pas établi en référé.

Atteinte aux droits d’auteur

[D] [O] affirme que la société AGENCE N°9 utilise ses contenus protégés par le droit d’auteur sans autorisation. La question de la titularité des droits sur les conférences litigieuses est soulevée, mais en l’absence de convention écrite, le juge des référés ne peut trancher cette question.

Demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale

La société AGENCE N°9 accuse [D] [O] d’actes de désorganisation et de dénigrement, mais ces allégations ne sont pas suffisamment étayées. Les demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale sont rejetées.

Autres demandes

[D] [O] est condamnée à payer une somme de 2.000 euros à la société AGENCE N°9 et [G] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle supportera également les dépens de l’instance.

1. Il est recommandé de rédiger des contrats écrits pour régir les relations commerciales et les collaborations, afin de définir clairement les droits et obligations de chaque partie et d’éviter les litiges ultérieurs.

2. Il est conseillé de respecter les droits de la personnalité, tels que le droit à l’image et le droit au respect de la vie privée, en obtenant une autorisation claire et explicite avant d’utiliser l’image ou le nom d’une personne publique dans un contexte commercial.

3. Il est essentiel de protéger les droits d’auteur en établissant clairement la titularité des droits sur les œuvres de l’esprit créées en collaboration, et en concluant des accords écrits pour définir les modalités de cession des droits d’auteur.

Réglementation applicable

– Code civil
– Code de procédure civile

Avocats et magistrats intervenants

– Maître Martin VALLUIS de l’AARPI MIGUERES MOULIN
– Maître Marine LALLEMAND du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP

Mots-clefs

– Motifs
– Intervention volontaire
– AGENCE N°9
– Bloomingyou.fr
– Conférences
– Droits d’auteur
– Atteinte aux attributs de la personnalité
– Vie privée
– Liberté d’expression
– Liberté contractuelle
– Droit à l’image
– Autorisation
– Référé
– Urgence
– Responsabilité extracontractuelle
– Liberté d’information
– Contrat écrit
– Collaboration
– Rupture des relations
– Utilisation du nom et de l’image
– Autorisation tacite
– Autorisation explicite ou implicite
– Droit exclusif à la reproduction
– Œuvre de l’esprit
– Gestion technique
– Titularité des droits
– Concurrence déloyale
– Dénigrement
– Péril imminent
– Liberté de concurrence
– Demande reconventionnelle
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens de l’instance

Définitions juridiques

Les mots clés sont les suivants : Motifs, Intervention volontaire, AGENCE N°9, Bloomingyou.fr, Conférences, Droits d’auteur, Atteinte aux attributs de la personnalité, Vie privée, Liberté d’expression, Liberté contractuelle, Droit à l’image, Autorisation, Référé, Urgence, Responsabilité extracontractuelle, Liberté d’information, Contrat écrit, Collaboration, Rupture des relations, Utilisation du nom et de l’image, Autorisation tacite, Autorisation explicite ou implicite, Droit exclusif à la reproduction, Œuvre de l’esprit, Gestion technique, Titularité des droits, Concurrence déloyale, Dénigrement, Péril imminent, Liberté de concurrence, Demande reconventionnelle, Article 700 du code de procédure civile, Dépens de l’instance.

Montants / Préjudice

– La société AGENCE N°9 et [G] [S] : 2.000 euros
– [D] [O] : les dépens

Parties impliquées

– S.A.R.L. AGENCE N9
– AARPI MIGUERES MOULIN
– PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/50543 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3Z4M

N° : 1/MM

Assignation du :
18 Janvier 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 20 mars 2024

par Jean-François ASTRUC, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [D] [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4] – ETATS-UNIS

représentée par Maître Martin VALLUIS de l’AARPI MIGUERES MOULIN, avocats au barreau de PARIS – #R0016

DEFENDERESSE

S.A.R.L. AGENCE N9
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Marine LALLEMAND du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS – #R0235

INTERVENANT VOLONTAIRE

Madame [G] [X] épouse [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Marine LALLEMAND du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS – #R0235

DÉBATS

A l’audience du 20 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Jean-François ASTRUC, Vice-président, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier du 18 janvier 2024 à la requête de [D] [O] à la société AGENCE N°9, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9, 1101, 1109 et 1972 du code civil, L. 112-1, et s., L. 112-2 et s. et L. 122-3 du code de la propriété intellectuelle, devant le juge des référés de ce tribunal auquel elle demande :

– de constater qu’il existe un trouble manifestement illicite consistant en la violation par la société AGENCE N°9, éditeur du site « Blooming you », du droit à l’image et à l’utilisation du nom de [D] [O],

– de constater qu’il existe un trouble manifestement illicite consistant en la violation par la société AGENCE N°9, éditeur du site « Blooming you », du droit moral de [D] [O] ainsi que de son droit de représentation et de reproduction en sa qualité d’auteur,

En conséquence :

– d’ordonner à la société AGENCE N°9, éditeur du site « Blooming you » de procéder à la suppression :
– de toute référence au nom de [D] [O] sur quelque support que ce soit, y compris par lien hypertexte,
– de toute image de [D] [O] sur quelque support que ce soit,
– de toute représentation audio-visuelle de [D] [O] sur quelque support que ce soit,

– d’ordonner à la société AGENCE N°9, éditeur du site « Blooming you », de communiquer à [D] [O] le support original et/ou toute copie existante de chacune des conférences réalisées par cette dernière au cours de leurs relations professionnelles, sur quelque support que ce soit,

– d’ordonner à la société AGENCE N°9, éditeur du site « Blooming you », de supprimer tout accès, sur quelque support que ce soit, à tout tiers, aux conférences réalisées par cette dernière au cours de leurs relations professionnelles,

– d’ordonner, pour chacune de ces mesures, qu’elle soit assortie d’une astreinte de 150 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir,

– de condamner la société AGENCE N°9 à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Vu les conclusions oralement reprises à l’audience du 7 février 2024 par lesquelles [D] [O] maintient ses demandes, sauf à porter sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile au montant de 7.000 euros, et répond aux prétentions et moyens du défendeur,

Vu les conclusions oralement reprises à l’audience du 7 février 2024 par lesquelles [G] [X] épouse [S] sollicite être reçue en son intervention volontaire aux débats,

Vu les conclusions de la société AGENCE N°9 et d’[G] [S] qui demandent au tribunal de dire n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes présentées par [D] [O], et reconventionnellement, concluent à ce qu’il lui soit ordonnée, sous astreinte de 150€ par jour, de cesser tout acte de concurrence déloyale à l’égard de la société AGENCE N°9 et de déplacer sa conférence du nouvel an chinois à une date ultérieure au 11 février 2024.
En tout état de cause, les défenderesses concluent au débouté de [D] [O] de ses demandes d’astreinte et de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et poursuivent sa condamnation à leur payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 20 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur l’intervention volontaire d’[G] [X] épouse [S]

Il apparaît, au vu des conclusions susvisées, qu’[G] [S] intervient à la présente instance en faisant valoir sa qualité d’auteur d’articles et de podcasts sur le site internet « Bloomingyou.fr » et de contributeur aux conférences litigieuses sur lesquelles les parties revendiquent concurremment les droits d’auteur.

Cette intervention, qui se rattache suffisamment aux prétentions de la société AGENCE N°9, en ce qu’elle vient appuyer les prétentions de celle-ci au rejet des demandes au motif du caractère collectif des œuvres que constituent les conférences, est recevable.

Sur le trouble manifestement illicite

La société AGENCE N°9 est une agence de communication et de publicité, dont l’objet social est « toute opération de communication utilisant principalement la bande dessinée comme support ou média, incluant les prestations de conseil, l’édition de livres (…), l’organisation d’événements d’entreprise ou grand public et plus généralement la conception, et réalisation de toute opération incluant pour partie ou totalité du dessin ou l’univers du dessin (…).» (pièce n° 1 et 2 demandeur, extrait Kbis et statuts)
[G] [S] en est la co-gérante, avec son époux [H] [S].
Depuis 2015, l’AGENCE N°9 édite et exploite le site internet « Bloomingyou.fr », site dédié aux « conseils en savoir être », ainsi que la marque « BloomingYou ».

[D] [O] se présente comme une praticienne, auteur de nombreux ouvrages spécialisés dans les arts stratégiques chinois. Elle exerce également une activité de conférencière.

Il est constant que les parties se sont rencontrées en 2016, à l’occasion de sortie de l’ouvrage de [D] [O] « La Voie du Feng Shui », puis ont continué à collaborer occasionnellement.

A compter de l’année 2020, les parties ont renforcé leur collaboration, consistant en l’organisation par la société AGENCE N°9 de conférences payantes au cours desquelles intervenait [D] [O], les parties se rémunérant par le partage à égalité des bénéfices tirés de la conférence, après déduction par la société AGENCE N°9 de l’ensemble des frais d’organisation exposés.

Ces relations ont donné lieu, selon facturations établies par [D] [O], au règlement de la somme de 49.698 euros entre le 5 mars 2021 et le 4 avril 2023 par la société AGENCE N°9, ce montant n’étant pas discuté.

Ces relations contractuelles n’ont donné lieu à aucune convention écrite.

Les parties n’ayant pu s’accorder sur les modalités de leur coopération aux termes de leurs échanges de mail intervenus au cours de l’année 2023 (pièce n° 28 défendeur, mail du 20 juin 2023), [D] [O], par mail du 29 juin 2023 (pièce n°5 demandeur), a signifié à la société AGENCE N°9 sa décision de mettre fin à leur collaboration dans les termes suivants : « j’ai besoin d’être en cohérence avec moi-même pour rester sereine. Je ne souhaite pas rentrer dans des négociations suite à ta proposition. Je pense sage de ne pas continuer notre collaboration sur la conférence 2024 (…) ». La société AGENCE N°9 en prenait acte.

*

Sur l’atteinte aux attributs de la personnalité de [D] [O]

[D] [O] fait grief à la société AGENCE N°9 de continuer à faire commerce sur son site de ses relations passées avec l’auteur, en poursuivant la diffusion de son nom, de son image et de ses contenus sans autorisation. Elle expose qu’à défaut de contrat écrit, elle est fondée à s’opposer à toute diffusion de tout support contenant des références aux attributs de sa personnalité. Elle rappelle que la collaboration entre les parties a pris fin sans équivoque depuis le 29 juin 2023 et que, depuis cette cessation, aucun accord n’a été donné.

La société AGENCE N°9 et [G] [S] soutiennent que l’utilisation du nom et de l’image de [D] [O] est parfaitement licite et n’emporte donc aucun trouble manifestement illicite pour la demanderesse.
Elles font valoir que [D] [O] est une personne publique, en ce qu’elle est connue du grand public, et qu’elle a donné une autorisation non équivoque à l’utilisation de son image et de son nom pour la publication de conférences et de podcasts sur le site « Bloomin you » depuis 2018.

Les défenderesses estiment qu’elles n’avaient pas à recueillir une nouvelle autorisation puisqu’elles en bénéficiaient pour tous les projets produits jusqu’au 29 juin 2023 et que la rupture des relations entre les parties n’a pas eu pour conséquence de mettre un terme à cette autorisation.

Sur ce, l’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée et que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Liminairement, il est précisé qu’il est de principe que l’atteinte aux droits de la personnalité que sont le droit à la vie privée et le droit à l’image, caractérise, en soi, l’urgence qui confère au juge des référés, en application des dispositions de l’article 9 du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile, compétence pour prendre toutes mesures propres à faire cesser ou à réparer une atteinte à ces droits.

Il sera rappelé que l’article 9 du code civil, qui institue une action en justice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, confère le droit de s’opposer à la publication et à l’utilisation de son image, de son nom ou de sa voix en tant qu’attributs de sa personnalité, sous réserve du droit à la liberté d’expression et du droit à l’information.

Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que son titulaire exerce sa liberté contractuelle sur ce droit fondamental, dès lors que les parties au contrat stipulent de façon suffisamment claire, les limites de l’autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l’exclusion de certains contextes.

En matière de droit à l’image, le demandeur doit prouver l’utilisation, sans son autorisation, de son image par la société défenderesse, laquelle, pour s’exonérer, doit justifier que l’utilisation de l’image du demandeur a été conforme à l’autorisation donnée, laquelle peut être explicite ou implicite.

En l’espèce, il doit être souligné que les relations contractuelles qui ont donné lieu à l’organisation, à la réalisation des conférences et à la publication des vidéos de ces mêmes conférences sur le site édité par la société AGENCE N°9 depuis au moins l’année 2021, en contrepartie d’une rémunération convenue entre les parties, n’ont fait l’objet d’aucune convention écrite qui viendrait préciser et régir les conditions de leur collaboration.

Aux termes de ses conclusions, [D] [O] ne conteste pas avoir accordé à la société AGENCE N°9 une autorisation tacite d’utiliser ces droits de la personnalité du temps de l’exécution de la relation contractuelle entre les parties, soit jusqu’au 29 juin 2023, date à laquelle elle a notifié son souhait d’y mettre un terme.

Toutefois, en l’absence de toute stipulation écrite, et en considération des relations commerciales ayant liées les parties pendant plusieurs années et de la date de production des contenus critiqués, l’appréciation de l’étendue l’autorisation tacite accordée par [D] [O] à la société ATELIER n° 9, n’est pas univoque.
Cette circonstance fait obstacle à ce que puisse être caractérisé un trouble manifestement illicite.
L’atteinte aux attributs de la personnalité de la demanderesse n’est pas, dans ces conditions, caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Sur l’atteinte aux droits d’auteur

[D] [O] fait également grief à la société AGENCE N°9 de continuer à faire commerce sur son site de ses relations passées avec l’auteur, en utilisant ses contenus, pourtant couverts par le droit d’auteur.

Elle fait valoir que les conférences qu’elle a tenues et animées sont explicitement protégées par le droit d’auteur en ce qu’elles constituent des œuvres de l’esprit ; que plus encore, l’auteur dispose d’un droit exclusif à la reproduction qui lui permet de s’opposer à la fixation matérielle de son œuvre sur un support et que la cession de droits d’auteurs suppose une convention écrite, qui en détermine l’étendue, la destination, dans le temps et dans l’espace.

Elle explique que le rôle de la société AGENCE N°9 consistait uniquement dans l’organisation et la gestion technique de la tenue des conférences ainsi que dans des activités de promotion, et que la société AGENCE N°9 ne démontre pas une participation personnelle de nature à justifier l’existence d’une œuvre collective.

En défense, la société AGENCE N°9 et [G] [S] soutiennent que [D] [O] ne dispose d’aucun droit d’auteur sur les conférences litigieuses et qu’au contraire, la société AGENCE N°9 est titulaire des droits d’auteur attachés à ces conférences.

Cela étant, les parties, font une présentation contraire des prestations que chacune d’elles fournissait au titre des conférences litigieuses.

[D] [O] soutient que la société AGENCE N°9 assurait la gestion des conférences dans ses aspects « purement techniques », consistant en la location de la salle virtuelle « Zoom » où elles se déroulaient et en l’envoi des invitations et l’animation (« time keeper ») des conférences, tandis qu’elle conservait la plaine maîtrise du contenu et du discours prononcé lors de ces conférences.

Pour sa part, la société AGENCE N°9 et [G] [S] soutiennent qu’en sus des aspects logistiques, elles créaient et promouvaient l’offre commerciale en lien avec les conférences, préparaient les mémos et l’ensemble de l’univers graphique des conférences, rédigeait des éléments de langages et des fiches, etc., le rôle de [D] [O] se limitant à celui d’un orateur au sein de ce cadre.

Il s’ensuit que la contestation porte sur la titularité des droits sur l’œuvre de l’esprit que constituent « les conférences », dont la résolution commande de définir le statut de l’œuvre sur laquelle chaque partie revendique la titularité des droits, soit qu’elle soit une œuvre propre à l’une ou l’autre, soit encore qu’il s’agisse d’une œuvre collective créée par [D] [O] et [G] [S].

La détermination du statut de l’œuvre, alors qu’aucune convention écrite n’a jamais lié les parties, échappe au pouvoir du juge des référés.

L’atteinte aux droits d’auteur de la demanderesse n’est pas, dans ces conditions, caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale

La société AGENCE N°9 voit dans l’organisation et la promotion par [D] [O] d’une conférence à l’occasion du nouvel an chinois en 2024 un acte de désorganisation et un acte de dénigrement, caractéristiques d’un trouble manifestement illicite.

[D] [O] fait pour sa part valoir que les actes reprochés ne sont pas caractérisés et que le défendeur en rapporte pas la preuve d’un péril imminent tendant au détournement déloyal de sa clientèle.

Ni l’organisation par [D] [O] d’une conférence consacrée au thème de « l’année du Dragon de bois » à l’occasion du nouvel an chinois, dans la parfaite continuité de ses activités passées, ni l’emploi des termes critiqués « abordable et accessible » pour en faire la promotion, ne sont constitutifs d’un quelconque excès dans l’usage de la liberté de concurrence qui est la sienne.

Il conviendra en conséquence de débouter les parties de l’ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes

Il n’est pas inéquitable de condamner [D] [O] à payer à la société AGENCE N°9 et [G] [S], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

[D] [O], qui succombe, supportera la charge des dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Reçoit [G] [X] épouse [S] en son intervention volontaire,

Déboute les parties de l’ensemble de leurs demandes,

Condamne [D] [O] à payer à la société AGENCE N°9 et [G] [S], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [D] [O] aux dépens,

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 20 mars 2024

Le Greffier,Le Président,

Minas MAKRISJean-François ASTRUC

 


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