Cession parfaite des droits d’auteur : affaire Habitat
Cession parfaite des droits d’auteur : affaire Habitat
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Suite à la cession des droits d’auteur de son conjoint décédé (designer), l’épouse ayant droit a fait valoir en vain qu’elle présentait au moment de la signature du contrat de cession au profit de l’enseigne Habitat, un état de santé fragile lié à une grave dépression. Or, force est de constater que la cédante n’a jamais engagé d’action en nullité de ses engagements contractuels pour vice du consentement.

Cession des droits parfaite

La cession de droits consentie a été jugée parfaite. Il est exposé en préambule du contrat que le cédant, propriétaire de l’ensemble des droits d’auteur sur l’oeuvre de l’artiste qui l’avait institué légataire universel par un acte authentique du 14 mai 1943, souhaite céder au cessionnaire, les droits d’exploitation sur l’oeuvre et autoriser le cessionnaire à exploiter le nom de l’artiste, en conséquence de quoi, les parties sont convenues sous le titre ‘cession des droits d’auteur’, que :

– le cédant cède à titre exclusif et pour le monde entier au cessionnaire qui l’accepte, l’ensemble des droits commerciaux relatifs à l’exploitation de l’Oeuvre de l‘artiste

– la cession comprend la totalité des droits d’exploitation de l’Oeuvre de l‘artiste et notamment le droit d’utiliser, de reproduire, d’éditer, de publier, de produire, de fabriquer, de commercialiser, de louer et plus généralement d’exploiter l’Oeuvre sur tous supports, par tous modes et procédés, connus et inconnus à ce jour.

-ladite cession porte notamment sur les droits énumérés ci-après , quel que soit le procédé ou le support connu ou à venir, sans que ces exemples soient limitatifs :

* le droit de reproduire ou de faire reproduire l’Oeuvre sans limitation de nombre, en tout ou en partie, par tous moyens et procédés, dans tous matériaux,

* le droit de commercialiser et diffuser les reproductions et nouvelles éditions de l’Oeuvre,

* le droit de reproduire ou faire reproduire l’Oeuvre ou parties de celle-ci par voie de photographie notamment pour de la publicité, des parutions de presse ou sur des catalogues , sur tout support, papier ou numérique, y compris sur Internet et leur diffusion par tout procédé,

* le droit de représenter ou de faire représenter l’Oeuvre par tous moyens de diffusion et de communication actuel ou futur, connu ou inconnu, notamment par tout réseau de télécommunications on line, tel que Internet, Intranet, réseau de télévision numérique, transmission par voie hertzienne, par satellite, par câble, wap, système télématique interactif, par téléchargement, télétransmission, réseaux de téléphonie avec ou sans fil, photocopie, microcarte, microfiche ou microfilm, Internet, catalogues ou toute télédiffusion par tout procédé de télécommunication, la représentation cinématographique notamment dans le cadre d’un film reproduisant tout ou partie de l’Oeuvre,

* le droit d’adapter, modifier, transformer, faire évoluer, en tout ou partie l’Oeuvre, le droit de l’intégrer en tout ou partie dans des Oeuvres existantes ou à venir, dans tous matériaux et dans des tailles différentes de ceux de l’Oeuvre,

* le droit de mettre sur le marché, de distribuer, commercialiser, diffuser l’Oeuvre, ses reproductions et Oeuvres adaptées issues du droit d’adaptation décrit au paragraphe ci-dessus,

* le droit de communiquer au public l’ensemble des reproductions, représentations et adaptations visées ci-dessus, par tous moyens, vente, location ou prêt,

* le droit de déposer les Oeuvres adaptées à titre de dessins et modèles et/ou de marque au nom du cessionnaire .

L’article précise in fine que le cessionnaire pourra exploiter les droits cédés directement ou indirectement, par l’intermédiaire de licenciés, sous-licenciés, fabricants, agents, distributeurs et revendeurs.

Durée de la cession

L’article 6 du contrat prévoit que la cession est consentie pour toute la durée légale de protection des droits d’auteur et qu’à l’expiration du contrat le cessionnaire conservera la propriété des marques déposées ou enregistrées (…) et pourra continuer à les exploiter pour vendre, distribuer, diffuser des reproductions et adaptations de l’Oeuvre et tous autres produits ou services.

L’article 7 énonce que la cédante donne son assentiment sur les termes des présentes et renonce dès à présent à toutes formes de revendication sur les droits ainsi concédés.

Conditions d’une cession parfaite de droits

Pour rappel, selon les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction en vigueur à la date de la conclusion du contrat, La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Les droits cédés, à savoir les droits commerciaux relatifs à l’exploitation de l’Oeuvre, étaient précisément décrits et distinctement répertoriés aux termes de la clause contestée.

Il s’ensuit que le contrat de cession satisfait aux dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle nonobstant l’objection, inopérante de la cédante, selon laquelle la cession doit être au sens de ces dispositions, interprétée strictement. La demande de nullité de la cession comme contraire aux dispositions légales précitées ne saurait dès lors prospérer.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 JUILLET 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/21433 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CBA2I

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 septembre 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS

– 3e chambre 3e section – RG n°17/07879

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

Mme Z X

Née le […] à […]

De nationalité française

Sans emploi

Demeurant […]

Représentée par Me Charles CUNY de l’AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P 0026

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. HABITAT FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

42-44, rue du Faubourg Saint-Antoine

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 389 389 545

S.A.S.U. HABITAT DESIGN INTERNATIONAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

42-44, rue du Faubourg Saint-Antoine

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 534 192 216

Représentées par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque D 524

Assistées de Me Lorans CAILLERES substituant Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque D 524

S.A.R.L.U STUDIO H-I, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 518 259 643

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELARLU BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, toque D 1119

Assistée de Me Marion NAIGEON, avocate au barreau de PARIS, toque G 152

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme B C, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme B C a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme B C, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme B C, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 27 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— déclaré Z X irrecevable à invoquer par voie d’exception la nullité du contrat de cession du 5 septembre 2009,

— déclaré Z X irrecevable à agir en contrefaçon,

— dit sans objet la demande subsidiaire en résolution du contrat de cession du 5 septembre 2009 formée par Z X et celle accessoire, de dommages et intérêts,

— rejeté les demandes reconventionnelles formées par la société Studio H I en indemnisation de son préjudice matériel et d’atteinte à l’image et à la réputation,

— dit sans objet la demande en garantie formée par les sociétés Habitat à l’encontre de la société Studio H I,

— condamné Z X à payer à chacune des sociétés Habitat France et Habitat Design International la somme de 1.000 euros pour procédure abusive,

— condamné Z X aux dépens dont distraction,

— condamné Z X à payer à la société Studio H I, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Z X à payer à chacune des sociétés Habitat France et Habitat Design International la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par Mme X suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 20 novembre 2019.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 mars 2021 par Mme X, appelante, qui demande à la cour d’infimer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

— la déclarer recevable à agir en contrefaçon,

A titre principal,

— prononcer, par voie d’exception, la nullité de la clause de cession de droits stipulée à l’article 2 du contrat en date du 5 septembre 2009,

— condamner in solidum les sociétés Habitat, Habitat Design International et Studio H I à verser à Mme X la somme de 93.000 euros en réparation du préjudice financier subi du fait des actes de contrefaçon, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

— condamner in solidum les sociétés Habitat, Habitat Design International et Studio H I à verser à Mme X la somme de 50. 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçonàssortie des intérêts au taux légalà compter de la décisionà intervenir,

A titre subsidiaire,

— prononcer la résolution pour inexécution du contrat de cession conclu le 5 septembre 2009 entre Mme X et la société Studio H I et ce, à compter du 1er janvier 2014,

— condamner la société Studio H I à verser à Mme X la somme de 46.406 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution contractuelle, assortie des intérêtsàu taux légalà compter de la décisionà intervenir,

En tout état de cause,

— confirmer le jugement pour le surplus,

— débouter les sociétés Habitat, Habitat Design International et Studio H I de leurs demandes,

— condamner in solidum les sociétés Habitat, Habitat Design International et Studio H I à payer à Mme X la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile etàux entiers dépens dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 mars 2020 par la société Habitat France (SAS) et la société Habitat Design International (SAS), les sociétés Habitat, intimées et appelantes incidentes, qui demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et, en conséquence débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

— condamner la société Studio H I à garantir les sociétés Habitat de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontreàu bénéfice de Mme X,

En toute hypothèse,

— condamner Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice d’image,

— condamner Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédureàbusive,

— condamner Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile etàux dépens dont distraction conformément à l’article 699 du même code.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 mars 2021 par la société Studio H- I (SARL) intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de :

A titre principal ,

— débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— débouter les sociétés Habitat de leur demande de condamnation à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcéesàu bénéfice de Mme X,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— déclaré Mme X D invoquer par voie d’exception la nullité du contrat de cession du 5 septembre 2009,

— déclaré Mme X irrecevable à agir en contrefaçon,

— dit sans objet la demande subsidiaire en résolution du contrat de cession du 5 septembre 2009 formée par Mme X et celle accessoire, de dommages et intérêts,

— dit sans objet la demande en garantie formée par les sociétés Habitat à l’encontre de la société Studio H-I,

— condamné Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat la somme de 1.000 euros pour

procédure abusive,

— condamné Mme X aux dépens,

— condamné Mme X à payerà la société Studio H-I la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre incident,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles formées par la société Studio H -I au titre de l’indemnisation de son préjudice matériel et d’atteinte à l’image et à la réputation et au titre de l’indemnisation pour procédure abusive à hauteur de 2. 000 euros,

— compléter le jugement entrepris en ce qu’il a omis de préciser que les dépens comprenaient les frais de constat d’huissier que la société Studio H-I a été contrainte d’exposer.

Statuant à nouveau,

— condamner Mme X à payer à la société Studio H-I la somme de 91.300 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi du fait de la procédure engagée par ses soins et se décomposant comme suit :

*au titre de la perte financière des redevances dues au titre du contrat de licence passé avec la société Habitat Design International : 33. 200 euros,

* au titre de la perte financière liée à l’obligation de passer un nouveau contrat de licence : 58.100 euros,

— condamner Mme X à payerà la société Studio H-I la somme de 40.520 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier d’atteinte à son image et à sa réputation se décomposant comme suit :

* au titre de la perte financie’re liée aux investissements engagés anéantis par la procédure sur le contrat Habitat : 14. 520 euros,

* au titre des nouveaux investissements qui doivent être engagés pour la signature d’un nouveau contrat d’exploitation commerciale : 26. 000 euros,

— condamner Mme X à payer à la société Studio H-I la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral d’atteinte à l’image et à la réputation,

En tout état de cause,

— condamner Mme X au paiement de 2.000 euros pour procédure abusive, 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction comprenant les frais de constat d’huissier .

Vu l’ordonnance de clôture du 15 avril 2021.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que Mme Z X et son frère M. E X sont les héritiers de F X, leur père, décédé le […], qui lui-même avait été institué légataire universel de G H- I,architecte décorateur de renom, décédé à Paris le 8 février 1945.

Ayant découvert que des rééditions de meubles de G H-I étaient proposées à la vente dans des magasins à l’enseigne Habitat sans qu’elle ait été consultée, Mme X demandait par lettre recommandée du 18 janvier 2017 que cesse l’exploitation selon elle illicite.

La société Habitat Design International lui répondait dans les mêmes formes le 31 janvier 2017 qu’elle avait été autorisée à commercialiser les meubles litigieux en vertu d’un contrat de licence conclu le 9 septembre 2013 avec la société Studio H-I prise en la personne de son gérant M. E X. Elle ajoutait que selon les informations qu’elle avait obtenues, M. E X était titulaire des droits d’exploitation commerciale sur l’oeuvre de G H-I en vertu d’un contrat de cession conclu le 5 septembre 2009 avec F X et auquel Mme Z X était intervenue pour renoncer expressément à toutes formes de revendication sur les droits concédés.

C’est dans ces circonstances que, suivant actes d’huissier de justice des 18 et 30 mai 2017, Mme X a fait assigner les sociétés Habitat France et Habitat Design International ainsi que la Société Studio H-I devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur.

Le tribunal, par le jugement déféré, a rejeté l’ensemble des demandes de Mme X qui a été déclarée irrecevable tant à invoquer par voie d’exception la nullité du contrat de cession du 5 septembre 2009 qu’à agir en contrefaçon et dont la demande subsidiaire en résolution du contrat de cession du 5 septembre 2009, expiré le 8 février 2015, a été jugée sans objet.

Mme X critique ces chefs de jugement et maintient devant la cour l’ensemble de ses demandes telles que soutenues devant le tribunal. Le débat se présente en cause d’appel dans les mêmes termes qu’en première instance, les intimées, par voie d’appel incident, critiquant également les chefs de jugement leur faisant grief.

Ceci posé, il importe, à titre liminaire, de rappeler les termes du contrat intitulé ‘Contrat de cession de droits d’exploitation commerciale’ conclu le 5 septembre 2009 et enregistré le 8 septembre 2009 et auquel sont parties, selon les mentions portées en première page du contrat, M. F X, d’une part, M. E X, d’autre part, Mme Z X, de troisième part, signataires, tous trois, du contrat.

Le contrat du 5 septembre 2009,

Il est exposé en préambule du contrat que le cédant (M. F X), propriétaire de l’ensemble des droits d’auteur sur l’oeuvre de G H-I qui l’avait institué légataire universel par un acte authentique du 14 mai 1943, souhaite céder au cessionnaire (M. E X) les droits d’exploitation sur l’oeuvre de G H-I et autoriser le cessionnaire à exploiter le nom de G H-I, en conséquence de quoi, les parties sont convenues à l’article 2 du contrat, sous le titre ‘cession des droits d’auteur’, que :

– le cédant cède à titre exclusif et pour le monde entier au cessionnaire qui l’accepte, l’ensemble des droits commerciaux relatifs à l’exploitation de l’Oeuvre de G H-I.

– la cession comprend la totalité des droits d’exploitation de l’Oeuvre de G H-I et notamment le droit d’utiliser, de reproduire, d’éditer, de publier, de produire, de fabriquer, de commercialiser, de louer et plus généralement d’exploiter l’Oeuvre sur tous supports, par tous modes et procédés , connus et inconnus à ce jour.

-ladite cession porte notamment sur les droits énumérés ci-après , quel que soit le procédé ou le support connu ou à venir, sans que ces exemples soient limitatifs :

* le droit de reproduire ou de faire reproduire l’Oeuvre sans limitation de nombre, en tout ou en partie, par tous moyens et procédés, dans tous matériaux,

* le droit de commercialiser et diffuser les reproductions et nouvelles éditions de l’Oeuvre,

* le droit de reproduire ou faire reproduire l’Oeuvre ou parties de celle-ci par voie de photographie notamment pour de la publicité, des parutions de presse ou sur des catalogues , sur tout support, papier ou numérique, y compris sur Internet et leur diffusion par tout procédé,

* le droit de représenter ou de faire représenter l’Oeuvre par tous moyens de diffusion et de communicationàctuel ou futur, connu ou inconnu, notamment par tout réseau de téélcommunications on line, tel que Internet, Intranet, réseau de télévision numérique, transmission par voie hertzienne, par satellite, par câble, wap, système télématique interactif, par téléchargement, télétransmission, réseaux de téléphonieàvec ou sans fil, photocopie, microcarte, microfiche ou microfilm, Internet, catalogues ou toute télédiffusion par tout procédé de télécommunication, la représentation cinématographique notamment dans le cadre d’un film reproduisant tout ou partie de l’Oeuvre,

* le droit d’adapter, modifier, transformer, faire évoluer, en tout ou partie l’Oeuvre, le droit de l’intégrer en tout ou partie dans des Oeuvres existantes ou à venir, dans tous matériaux et dans des tailles différentes de ceux de l’Oeuvre,

* le droit de mettre sur le marché, de distribuer, commercialiser, diffuser l’Oeuvre, ses reproductions et Oeuvres adaptées issues du droit d’adaptation décrit au paragraphe ci-dessus,

* le droit de communiquer au public l’ensemble des reproductions, représentations et adaptations visées ci-dessus, par tous moyens, vente, location ou prêt,

* le droit de déposer les Oeuvres adaptées à titre de dessins et modèles et/ou de marqueàu nom du cessionnaire .

L’article précise in fine que le cessionnaire pourra exploiter les droits cédés directement ou indirectement, par l’intermédiaire de licenciés, sous-licenciés, fabricants, agents, distributeurs et revendeurs.

L’article 6 du contrat prévoit que la cession est consentie pour toute la durée légale de protection des droits d’auteur et qu’à l’expiration du contrat le cessionnaire conservera la propriété des marques déposées ou enregistrées (…) et pourra continuer à les exploiter pour vendre, distribuer, diffuser des reproductions etàdaptations de l’Oeuvre et tous autres produits ou services.

L’article 7 énonce que Mademoiselle Z X donne son assentiment sur les termes des présentes et renonce dès à présent à toutes formes de revendication sur les droits ainsi concédés.

Sur la contestation du contrat par Mme X,

Si Mme X allègue qu’elle présentait au moment de la signature du contrat un état de santé fragile lié à une grave dépression , force est de constater qu’elle n’a jamais engagé d’action en nullité

de ses engagements contractuels pour vice du consentement et qu’elle ne prétend pas davantage aujourd’hui agir en nullité de ce chef.

Elle demande la nullité par voie d’exception de la clause qui lui est opposée, stipulant à l’article 2 du contrat la cession à M. E X des droits d’exploitation sur l’oeuvre de G H-I. Elle soutient (page 10 des conclusions de l’appelante) que cette clause, qui ne comporte aucune liste des oeuvres concernées par la cession et qui vise de manière générale et imprécise les ‘droits commerciaux relatifs à l’exploitation de l’oeuvre de G H-I’ ou encore ‘l’ensemble des modèles créés par G H-I’ est contraire aux dispositions de l’article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle qui, contrairement à ce que prétendent les intimées, s’appliquent à tous les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur. Elle ajoute, pour conclure à la recevabilité de son action en contrefaçon fondée sur l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur, que faute de disposer de la liste des oeuvres objet de la cession il n’est pas possible d’affirmer que les meubles exploités par les sociétés Habitat seraient concernés par le contrat.

Selon les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction en vigueur à la date de la conclusion du contrat, La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

En l’espèce, le contrat de cession d’exploitation commerciale porte sur l’Oeuvre de G H-I constituée ainsi qu’il est précisé à l’article 1 du contrat consacré aux ‘Définitions’ de l’ ensemble des modèles créés par G H-I, divulgués ou non divulgués à ce jour, pris individuellement ou collectivement . Ainsi qu’il a été pertinemment observé par les premiers juges, l’oeuvre ainsi définie s’entend de l’ensemble des créations de l’auteur, le terme de ‘modèles’ n’étant ici manifestement pas utilisé au sens juridique de ‘dessins ou modèles’.

En conséquence, c’est en vain que Mme X se prévaut de l’absence de liste annexée au contrat, celui-ci définissant clairement l’Oeuvre qui est l’objet de la cession.

Cette cession, consentie à titre exclusif et pour le monde entier et pour toute la durée légale de protection des droits d’auteur, soit pour une durée de 70 ans à compter du décès de G H-I survenu le 8 février 1945, le contrat devant donc expirer le 7 février 2015, est, conformément aux dispositions légales précitées, délimitée quant au lieu et quant à la durée.

Enfin, les droits cédés, à savoir les droits commerciaux relatifs à l’exploitation de l’Oeuvre de G H-I, sont précisément décrits et distinctement répertoriés aux termes de la clause contestée.

Il s’ensuit que le contrat de cession satisfait aux dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle nonobstant l’objection, inopérante, de Mme X selon laquelle la cession doit être au sens de ces dispositions, interprétée strictement. La demande de nullité de la cession comme contraire aux dispositions légales précitées ne saurait dès lors prospérer.

La demande de Mme X en nullité du contrat du 5 septembre 2009 est en conséquence rejetée.

Mme X demande, à titre subsidiaire, que soit prononcée la résolution, pour inexécution, du contrat de cession conclu le 5 septembre 2009 entre Mme X et la société Studio H- I et ce à compter du 1er janvier 2014 (sic).

Elle relève que l’article 4 du contrat de cession relatif au ‘Prix de la cession’ prévoit au bénéfice du cédant, en contrepartie de la cession, une rémunération annuelle basée sur 5% du résultat net comptable par l’entreprise exploitante à chacun de ses exercices, et qu’il ressort des informations qui lui ont été communiquées que les sociétés Habitat ont effectué un volume de ventes important entre le 1er octobre 2014 et le 28 février 2017, générant un résultat net comptable de 928.127 euros HT. Elle fait valoir qu’en sa qualité d’ayant-droit de M. F X, cédant et bénéficiaire de la rémunération proportionnelle, elle n’a perçu aucune somme au titre de l’exploitation litigieuse des meubles de G H-I et qu’une telle inexécution contractuelle est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de cession consenti le 5 septembre 2009 par M. F X (page 17 des conclusions de l’appelante) .

Or, ainsi qu’il est pertinemment observé par la société Studio H-I, la demande tendant à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de cession de droits d’auteur a été formée par Mme X au cours de la procédure de première instance introduite par l’assignation des 18 et 30 mai 2017 alors que cette cession était expirée depuis le 7 février 2015 date à laquelle l’oeuvre de G H-I est tombée dans le domaine public.

Mme X ayant demandé en première instance que la résolution judiciaire du contrat du 5 septembre 2009 soit prononcée au 30 mai 2017, le tribunal, par le jugement déféré, a déclaré cette demande sans objet.

Devant la cour, Mme X modifie sa demande et entend obtenir cette résolution judiciaire au 1er janvier 2014.

En considération des circonstances ci-dessus rappelées, force étant de constater que le contrat s’est poursuivi jusqu’à son terme sans que Mme X n’ait à un quelconque moment mis en demeure la société Studio H-I d’exécuter ses obligations contractuelles, le manquement invoqué ne présente ainsi pas un caractère de gravité justifiant que soit prononcée la résolution du contrat.

La demande de résolution judiciaire du contrat du 5 septembre 2009, formée par Mme X au 1er janvier 2014, est en conséquence rejetée.

Sur la demande en contrefaçon,

Il ressort des développements qui précèdent que M. F X,auquel G H-I avait légué ses droits d’auteur (moraux et patrimoniaux),a de son vivant, suivant contrat du 5 septembre 2009, cédé à M. E X les droits d’exploitation commerciale sur l’ensemble des créations de l’auteur et que Mme X est intervenue à ce contrat pour déclarer accepter cette cession et renoncer expressément à toutes formes de revendication sur les droits cédés.

C’est dès lors à bon droit et par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a déclaré Mme X irrecevable à agir en contrefaçon pour atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur dont elle n’est pas titulaire et a rejeté en conséquence ses demandes de dommages-intérêts formées de ce chef.

Sur la demande en dommages-intérêts pour inexécution du contrat,

Mme X demande à la société Studio H-I le paiement de la somme de 46.406 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution contractuelle. La société Studio H-I ne réplique pas sur cette demande, sauf à faire valoir que Mme Y consenti au contrat de cession du 5 septembre 2009 et a renoncé expressément à toutes formes de revendication sur les droits cédés.

Il demeure cependant que Mme X,ainsi qu’elle l’ observe à juste raison, a la qualité, non contestée, d’ayant-droit de M. F X décédé le […],au bénéfice duquel l’article 4 du contrat du 5 septembre 2009 prévoit, en contrepartie de la cession de ses droits, la perception d’une rémunération annuelle basée sur 5% du résultat net comptable par l’entreprise exploitante à chacun de ses exercices.

Il n’est pas démenti qu’aucune somme n’a été versée à Mme X en sa qualité d’ayant-droit de M. F X au titre de l’exploitation consentie par la société H-I aux sociétés Habitat de modèles de meubles créés par G H-I.

Selon les éléments de la procédure, les sociétés Habitat ont réalisé entre le 1er octobre 2014 et le 28 février 2017 un résultat net comptable de 928.127 euros HT au titre de la vente de ces meubles et la société Studio H-I, de l’ordre de 37.000 euros.

En conséquence, le préjudice de Mme X, à raison de l’inexécution à son endroit des obligations mises à la charge du cessionnaire par l’article 4 du contrat de cession, est établi, dont la réparation sera fixée, au regard de l’ensemble des éléments d’appréciation soumis à la cour, à la somme de 5.000 euros.

La société Studio H -I, dont il n’est pas contesté qu’elle est aux droits et obligations du cessionnaire, M. E X, est condamnée à lui payer cette somme.

Sur les demandes reconventionnelles,

La société Studio H-I demande, à titre reconventionnel, la condamnation de Mme X à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte financie’re des redevances dues au titre du contrat de licence passé avec la société Habitat Design International, de la perte financie’re liée à l’obligation de passer un nouveau contrat de licence, du préjudice pour atteinte à son image et à sa réputation, pour procédure abusive.

Elle fait essentiellement valoir que ses relations avec les sociétés Habitat se sont considérablement dégradées à la suite de la procédure judiciaire engagée par Mme X, au point que le contrat de licence a été résilié après que les sociétés Habitat ont cessé de régler les redevances contractuelles.

Or, ainsi qu’il a été pertinemment retenu par le tribunal, Mme X, qui a légitimement exercé son droit d’agir en justice n’est pas directement responsable de la dégradation des relations entre la société Studio H-I et les sociétés Habitat , ni de la défaillance de ces dernières dans le paiement des redevances et de la résiliation du contrat de licence qui s’est ensuivie.

L’atteinte à l’image et à la réputation de la société Studio H-I est alléguée mais n’est aucunement établie, aucune pièce justificative n’étant produite pour en justifier.

La société Studio H-I se prévaut ensuite de frais exposés pour son développement commercial et la recherche de nouveaux contrats mais ne démontre en rien le préjudice qui en serait résulté pour elle ni le lien de causalité entre un tel préjudice, à le supposer établi, avec l’action engagée par Mme X.

Enfin, la demande au titre de la procédure abusive n’est pas davantage fondée, la preuve n’étant pas rapportée que l’action en justice engagée par Mme X à l’encontre de la société Studio H-I procède d’une mauvaise foi, d’une volonté de nuire ou d’une légèreté blâmable.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Studio H-I.

Les sociétés Habitat réclament de Mme X, nouvellement en cause d’appel, la somme de 20.000 euros chacune pour atteinte à leur image et à leur réputation mais ne produisent la moindre pièce de nature à justifier de la réalité de l’atteinte invoquée ni de l’existence d’un quelconque principe de préjudice. Elles seront en conséquence déboutées de cette demande.

Le tribunal leur ayant alloué la somme de 1.000 euros à chacune à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, elles demandent, par voie d’appel incident, que cette somme soit élevée à 20.000 euros pour chacune. Mme X demande l’infirmation du jugement du jugement sur ce point.

Selon les motifs des premiers juges, ‘Mme X n’avait aucune obligation de mener son action , financièrement opportuniste à l’égard des sociétés Habitat’.

Force est toutefois d’observer que la demande en contrefaçon de Mme X devait nécessairement être dirigée , non seulement contre la société Studio H -I mais également contre les sociétés Habitat qui commercialisaient et proposaient à la vente les meubles argués de contrefaçon.

Aucun abus ni légèreté blâmable n’est donc imputable à Mme X dont la condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive doit être infirmée.

Sur les autres demandes,

La demande en garantie formée par les sociétés Habitat à l’encontre de la société Studio H-I est sans objet.

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’équité commande de condamner Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat une indemnité complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et de rejeter le surplus des demandes des parties formées à ce même titre .

Mme X comme la société Studio H -I succombent à la procédure d’appel. Ils en supporteront les dépens chacun pour moitié, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en ses dispositions :

— déclarant Mme X irrecevable à agir en contrefaçon,

— rejetant les demandes reconventionnelles de la société Studio H-I en indemnisation de son préjudice matériel et d’atteinte à l’image et à la réputation,

— dit sans objet la demande en garantie formée par les sociétés Habitat à l’encontre de la société Studio H -I,

— statuant sur les frais irrépétibles et les dépens,

Infirmant pour le surplus, y substituant et y ajoutant,

Rejette la demande de nullité du contrat du 5 septembre 2009,

Rejette la demande de résolution judiciaire du contrat du 5 septembre 2009 au 1er janvier 2014,

Condamne la société Studio H-I à payer à Mme X la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par elle, en sa qualité d’ayant-droit de M. F X, des suites de l’inexécution de l’article 4 du contrat du 5 septembre 2009,

Déboute les sociétés Habitat de leur demande de dommages-intérêts à l’encontre de Mme X pour atteinte à l’image et à la réputation,

Déboute les sociétés Habitat de leur demande de dommages-intérêts à l’encontre de Mme X pour procédure abusive,

Déboute la société Studio H-I de sa demande de dommages-inétrêts à l’encontre de Mme X pour procédure abusive,

Condamne Mme X à payer à chacune des sociétés Habitat une indemnité complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et déboute du surplus des demandes formées à ce même titre,

Fait masse des dépens d’appel et dit qu’ils seront supportés par Mme X et la société Studio H-I, chacun pour moitié, et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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