Cession frauduleuse de droits musicaux : la faute de la victime
Cession frauduleuse de droits musicaux : la faute de la victime
Ce point juridique est utile ?

Affaire Étienne Étienne / Guesch Patti

Face à une cession frauduleuse de droits musicaux, le producteur cessionnaire ne dispose d’aucun droit patrimonial et s’expose à une condamnation pour contrefaçon en cas d’exploitation non autorisée de l’oeuvre.

Une condamnation de principe

En l’espèce, la juridiction a confirmé que la société EMI a exploité les enregistrements Etienne et Un espoir sans y être autorisée par Les Editions du Félin et Comotion Musique, producteur des phonogrammes.

Toutefois, pour le calcul du préjudice, la faute de la victime (l’éditeur lésé) exclut partiellement ou totalement son droit à indemnisation lorsque son comportement, y compris par abstention, est la cause exclusive du dommage.

La faute par abstention de l’éditeur

Pour priver la société éditrice de toute indemnisation, la juridiction a jugé que cette dernière n’a engagé aucune action civile aux fins de voir interdire à la société EMI de poursuivre l’exploitation des enregistrements litigieux.

C’est en vain qu’elle a fait valoir que la procédure pénale a duré 12 ans, l’action en contrefaçon ne nécessitant aucunement l’établissement préalable d’une faute pénale à l’encontre des auteurs de ces actes.

Or, elle n’a entamé aucune procédure pour dénoncer les actes litigieux, attendant que la société EMI agisse contre la société Arcade Music Company, à laquelle la société Editions du Félin venait de céder le droit d’exploiter les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ dans des compilations de tubes, pour intervenir et contester l’exploitation faite pendant 10 ans de ces mêmes titres.

Ce n’est qu’ensuite, en 1999, qu’elle a enfin agi directement contre la société Warner au titre de la contrefaçon pour avoir exploité des titres dont elle revendiquait détenir les droits.

Devant la cour, la société Editions du Félin a peiné à expliquer son inaction à revendiquer ses droits alors qu’elle ne pouvaient ignorer que la société EMI exploitait avec un grand succès les titres litigieux.

Il était totalement invraisemblable que la société Editions du Félin ait laissé la société EMI exploiter les titres litigieux pendant 10 ans sans réagir si elle estimait ses droits bafoués.

C’est donc bien l’inaction pendant 10 ans de la société Editions du Félin à faire cesser les actes de contrefaçon, actes dénoncés avec force aujourd’hui, qui est exclusivement à l’origine du préjudice allégué.

En engageant une action dès 1987, la société Editions du Félin aurait obtenu la reconnaissance de ses droits et l’interdiction, qu’elle réclame aujourd’hui, de l’exploitation des titres litigieux par la société EMI puis Warner Musique France et le préjudice ne se serait pas produit.

Or, ce préjudice n’a pu se réaliser que parce que la société Editions du Félin a laissé la société EMI exploiter, au vu et au su de chacun, ces titres avec un succès incontestable.

Obligations des professionnels de la musique

En tant que professionnelle du monde musical, qui plus est en tant que société de production phonographique et d’édition musicale, la société Editions du Félin ne peut pas sérieusement prétendre avoir ignoré pendant 10 ans l’exploitation qui était faite de ces oeuvres, compte tenu notamment de l’immense succès du titre ‘ Etienne ‘ resté plusieurs semaines en tête du ‘Top 50’, référence incontestable du succès d’un titre audio.

Cette exploitation n’a pu se faire qu’avec son accord implicite.

Du reste, la société Editions du Félin, qui n’a jamais pris l’initiative d’une procédure contre la société EMI en vue de faire reconnaître ses droits, n’explique pas son inaction sur le terrain civil.

Quoiqu’en dise la société Editions du Félin, une telle attitude est fautive dans la mesure où elle a laissé la société EMI exploiter pendant 10 ans les titres litigieux, dont elle se savait propriétaire, laissant cette société engager et supporter les frais nécessaires pour promouvoir ces titres, avec le succès qu’on lui connaît.

Pour rappel, en application de l’article L.213-1, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, « l’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L.214-1 ».

L’exploitation d’une oeuvre sans l’autorisation de son auteur ou de celui auquel les droits ont été cédés constitue un acte de contrefaçon.


COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°







PAR DÉFAUT

Code nac : 79A





DU 17 OCTOBRE 2023





N° RG 18/05177

N° Portalis DBV3-V-B7C-SRBG





AFFAIRE :



SARL COMOTION MUSIQUE

SARL EDITIONS DU FELIN

C/

[E] [X] dite [F] [D]

WARNER MUSIC FRANCE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2003 par le Tribunal de Commerce de PARIS

N° Chambre : 15

N° Section :

N° RG : 97017239



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-l’ASSOCIATION AVOCALYS,



-la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES,



-Me Claire RICARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 03 octobre 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :



SARL COMOTION MUSIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]



SARL EDITIONS DU FELIN

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]



représentées par Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

Me Barberine MARTINET DE DOUHET, avocat – barreau de PARIS





APPELANTES

Autre qualité : Appelantes dans 18/01156 (Fond)



****************



Madame [E] [X] dite [F] [D]

née le 16 Mars 1946 à [Localité 11]

de nationalité Française

EUROPE HÔTEL [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 8]



représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Me Clémence PANCRACIO, avocat – barreau de PARIS





Société WARNER MUSIC FRANCE

venant aux droits de la société PARLOPHONE MUSIC FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : B54 210 356 9

[Adresse 2]

[Localité 9]



représentée par Me Claire RICARD, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

Me Corinne POURRINET, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : E0096





Monsieur [Y] [H]

[Adresse 6]

[Localité 10]



Défaillant



INTIMÉS

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Exposé du litige




************************



FAITS ET PROCÉDURE





A la fin de l’année 1986, M. [O], gérant de la société Editions du Félin – anciennement Editions Musicales César – société de production phonographique et d’édition musicale, et M. [H], gérant de la société Comotion, ont créé la société Comotion Musique ayant pour activité la production, l’édition d’enregistrements de prestations artistiques et leur exploitation sur tout support.



M. [H] et M. [T] ont été nommés co-gérants de cette société Comotion Musique.



Le 31 janvier 1987, l’artiste [F] [D], de son vrai nom [E] [X], a conclu un contrat d’artiste avec la société Editions du Félin, par lequel elle s’engageait à enregistrer en exclusivité les oeuvres qu’elle interprétait et lui en cédait la propriété.



Etaient ainsi produits en 1987 deux titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘.



La commercialisation de ces titres a été confiée par la société Editions du Félin à la société Comotion musique au terme d’un contrat de licence.



Un nouveau contrat portant la date du 2 février 1987 ayant exactement le même objet que celui signé le 31 janvier 1987, a été conclu entre [F] [D] et la société Comotion Musique, mais signé uniquement par M. [Y] [H] au nom de cette dernière.



Le 15 mai 1987, la société Comotion Musique a cédé à la société EMI France, dénommée à l’époque Pathé Marconi et aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Warner Music, une sous licence d’exploitation des enregistrement des phonographes ” Etienne ” et ” Un Espoir ” pour la France ainsi que du vidéogramme ‘ Etienne ‘. Le 8 octobre 1987, le contrat a été étendu aux enregistrements de l’ensemble du catalogue de l’artiste.



Le 26 octobre 1987, la société Comotion Musique, représentée par M. [H] seul, a cédé le contrat d’exclusivité qui la liait à [F] [D] en application du contrat litigieux du 2 février 1987, à la société Pathé Marconi, aux droits de laquelle viendra la société EMI, moyennant la somme de 500 000 francs.



A compter de cette date, la société Pathé Marconi, puis la société EMI, a exploité les enregistrements ” Etienne ” et ” Un Espoir ” et produit trois albums de l’artiste [F] [D], Labyrinthe en 1988 qui comportait les deux titres ” Etienne ” et “Un Espoir “, Nomade en 1990 et Gobe en 1992.



En 1988, M. [O], la société Editions du Félin, et M [I] co-gérant de la société Comotion Musique ont déposé une plainte pénale contre M. [H] pour contester la validité de la cession d’exclusivité datée du 2 février 1987.



Par jugement du 26 mai 1995, le tribunal correctionnel a condamné M. [H] pour faux et usage de faux relativement au contrat daté du 2 février 1987, d’abus de pouvoir et abus de biens sociaux au préjudice de la société Comotion Musique.



En 1997, la société Editions du Félin a accordé à la société Arcade Music Company (à présent liquidée, représentée par la société Wegener Music Group international BV, non partie à cette ultime procédure) le droit de l’exploiter les titres ” Etienne ” et ” Un Espoir ” dans le cadre d’une compilation intitulée ” Les années tubes “.



La société Emi France a alors intenté une instance devant le tribunal de commerce de Paris visant à en empêcher la société Arcade Music Company de poursuivre l’exploitation des deux titres emblématiques et à obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi de ce fait.



M. [O] et la société Editions du Félin sont alors intervenus à la procédure pour contester la cession initiale de ces enregistrements (contrat du 26 octobre 1987) à la société Emi France.



La société Editions du Félin a également fait assigner l’artiste [F] [D] en intervention forcée, afin notamment de faire annuler le contrat du 26 octobre 1987.



Parallèlement à cette procédure, par actes des 6 et 8 octobre 1999, les sociétés Editions du Félin et Comotion musique ont fait assigner [F] [D], la société EMI et M. [H] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’indemnisation des préjudices qu’elles estimaient avoir subi du fait de l’exploitation par la société EMI des titres dont elle s’estimait détenir les droits. La procédure a été suspendue jusqu’à ce que la cour d’appel de Paris rende son arrêt dans la procédure ‘ commerciale ‘ le 12 janvier 2011.



Enfin, une autre procédure a été introduite par Mme [X] devant la conseil des Prud’hommes et par arrêt du 15 avril 1999, la cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du contrat du 31 janvier 1987 en retenant la faute de la société Editions du Félin et en accordant une somme de 100 000 francs à [F] [D] à titre de dommages et intérêts.



Cette juridiction a également jugé que la société Éditions du Félin était le seul et unique producteur phonographique des enregistrements audio et audiovisuels des interprétations de Mme [X] dont le titre ‘Etienne’.





Par jugement du 24 janvier 2003, le tribunal de commerce de Paris a :



– Mis Mme [E] [X], dite [F] [D], hors de cause,

– Dit la Sarl Editions du Félin, la société Comotion Musique et Monsieur [O] mal fondés en leurs demandes à l’encontre de la SA Emi Music France, les en a débouté,

– Dit que c’est fautivement que la société Arcade Music Company France (représentée par la société Wegener Music Group International Bv) et les SARL Editions du Félin ont participé à des degrés divers à l’exploitation non autorisée des enregistrements litigieux,

– Condamné solidairement les société Arcade Music Company France (représentée par la société Wegener Music Group International Bv) et la SARL Editions du Félin, à payer à la SA Emi Music France la gomme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, disant qu’il leur appartiendra de décider entre eux de la répartition définitive du poids de cette condamnation,



– Leur a interdit de poursuivre la commercialisation des enregistrements litigieux dès le 30ème jour qui suivra la signification du jugement, sous astreinte de 50 euros par exemplaire illicite commercialisé,

– Condamné solidairement les SARL Editions du Félin, la Société Comotion Musique et M. [O] à payer à la SA Emi Music France la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, rejette le surplus des demandes respectives des parties, ordonne l’exécution provisoire sans constitution de garantie,

– Condamné solidairement les SARL Editions du Félin, la Société Comotion Musique et M. [O] aux dépens.



La société Editions du Félin et la société Comotion Musique ont interjeté appel de ce jugement.



Par arrêt contradictoire du 12 janvier 2011, la cour d’appel de Paris a :



– Dit n’y avoir lieu à annulation du jugement entrepris sauf en ses dispositions qui concernent M. [O], soit pour le débouter de ses demandes, le condamner aux dépens ou à payer une indemnité de procédure à la société Emi ;

– Annulé ces dispositions,

– Confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Editions du Félin et la société Comotion Musique de leurs demandes contre la société Emi, la société Arcade Music Company et Mme [X],



L’infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

– Déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la société Emi contre l’arrêt rendu le 15 avril 1999 par la 18ème chambre sociale de cette cour,

– Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la société Emi,

– Rejeté toute demande contraire à la motivation,

– Condamné la société Emi aux dépens de première instance et d’appel afférents à son action dirigée contre la société Arcade Music Company,

– Admis Me Cordeau, avoué, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,

– Condamné la société Emi à payer la société Wegener Music Group International Bv, ès qualités de mandataire ad hoc de la société liquidée Arcade Music Company 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit, pour le surplus, que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel et dit n’y avoir lieu à plus ample application de l’article 700 du code de procédure civile.





Par arrêt du 28 juin 2012, la Cour de cassation a :



– Mis hors de cause la société Wegener Music Group International BV,

– Rejeté le pourvoi incident formé par la société Emi,

– Cassé et annulé les dispositions de l’arrêt déboutant les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes contre la société Emi et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles,

– Condamné la société Emi aux dépens.



La cour d’appel de Versailles, désignée comme cour de renvoi, a été saisie le 29 octobre 2012 par les sociétés Edition du Félin et Comotion Musique à l’égard de Mme [X] et de la société Warner Music France.



La radiation a été ordonnée le 6 janvier 2014 faute de diligences des parties.



Les sociétés Comotion Musique et Editions du Félin ont signifié leurs conclusions de reprise d’instance le 28 octobre 2014 et fait assigner Mme [E] [X].





Parallèlement à cette procédure ‘ commerciale ‘, une procédure ‘civile ‘ opposant les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à Mme [E] [X] et à la société Warner Music France venant aux droits de la société EMI / Parlophone Music France a été engagée devant le tribunal de grande instance de Paris.





Par jugement rendu le 20 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris, a :



– Rejeté les écritures du 11 décembre 2014 des demanderesses ;

– Rejeté l’exception d’incompétence, le moyen relatif à l’autorité de la chose jugée, et celui tiré de la prescription, formulées par Mme [E] [X] dite [F] [D] ;

– Dit se dessaisir du présent litige, en ce qu’il concerne les demandes formées relativement aux deux titres Etienne et Un Espoir, au profit de la cour d’appel de Versailles, au vu de la litispendance constatée ;

– Rejeté l’intégralité des autres demandes des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique ;

– Rejeté la demande reconventionnelle en procédure abusive ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile pour celle des défendeurs qui l’a demandé.





Par un arrêt du 9 février 2018, la cour d’appel de Paris a



– Confirmé le jugement en ce qu’il a fait droit à l’exception de litispendance telle qu’elle avait été présentée par la société Warner Music France, venant aux droits de la société Emi Music, et en ce qu’il a prononcé le dessaisissement partiel au profit de la cour d’appel de Versailles,



Y ajoutant,

-Fait droit à la demande présentée par les sociétés Edition du Félin et Comotion Musique de dessaisissement de l’entier litige dont est saisie la cour d’appel de céans,

-Se dessaisit, en conséquence, de la présente instance relative à l’appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 20 mars 2015 au profit de la cour d’appel de Versailles pour jonction avec la procédure dont elle est saisie comme cour d’appel de renvoi désignée par la cour de cassation du jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 24 janvier 2003,

-Dit n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes formées par les appelantes ou les intimées.



Les deux procédures devant la cour de Versailles ont été jointes par une ordonnance du 25 octobre 2018.



Par une ordonnance d’incident du 24 avril 2019, la cour d’appel de Versailles a enjoint à Mme [X], mais aussi à la SACEM et à la SCPP, de produire un certain nombre de documents portant sur les droits reçus de la société Emi depuis octobre 1987 qui permettraient d’établir les comptes entre les parties.



Cette ordonnance n’a été que partiellement fructueuse.



Par ordonnance du 12 mai 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise ayant pour objet d’établir l’ensemble des utilisations et exploitations de toute nature, en France et à l’étranger, depuis octobre 1987, relatives à la totalité des enregistrements audio et audiovisuels des interprétations de Mme [X] dite [F] [D].



Les parties ont conclu après le dépôt du rapport d’expertise.



Dans leurs dernières conclusions notifiées le 23 mai 2023, les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique demandent à la cour de :



– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015 en ce qu’il a :

– rejeté l’exception d’incompétence, le moyen relatif à l’autorité de la chose jugée et celui tiré de la prescription, formulés par Mme [E] [X] dite [F] [D],

– rejeté la demande reconventionnelle en procédure abusive,

– dit n’y avoir lieu à application à l’article 700 du code de procédure civile,



– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015 en ce qu’il a :

– rejeté l’intégralité des demandes de la société Editions du Félin de condamnation solidaire de la société Emi Music, de Mme [X] et de M. [H] à réparer ses préjudices résultant des exploitations des enregistrements réalisés par la société Emi Music en violation de l’exclusivité détenue par elle, aux termes des articles 1.01 et 1.04 du contrat d’enregistrement exclusif du 31 janvier 1987,

– débouté la société Comotion Musique de sa demande de condamnation solidaire de la société Emi Music et de Mme [X] à réparer ses préjudices résultant des fautes et des actes de concurrence déloyale commis à son égard par la société Emi Music, Mme [X] et Monsieur [H],

– condamné la société Editions du Felin et la société Comotion Musique aux dépens.



– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 janvier 2003 en ce qu’il a débouté la société Editions du Félin de sa demande de condamnation solidaire de la société Emi Music et de Mme [X] à réparer son préjudice résultant des exploitations contrefaisantes effectuées sans son autorisation des enregistrements audio Etienne et Un espoir dans des compilations et dans l’album Labyrinthe et de l’enregistrement vidéo Etienne,

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 janvier 2003 en ce qu’il a débouté la société Comotion Musique de sa demande de condamnation solidaire de la société Emi Music et de Mme [X] à réparer ses préjudices résultant des fautes commises à son égard par la société Emi Music et Mme [X],

Statuant de nouveau :

– Dire et juger que par suite du principe selon lequel la fraude corrompt tout, le fait que la validité de la cession des enregistrements Etienne et Un espoir avec effet rétroactif, à laquelle l’artiste a donné expressément son accord (article 3.01 § 2 du contrat d’enregistrement daté du 26 octobre 1987) ait été remis en cause par la cour d’appel de Paris, dans son arrêt définitif du 12 janvier 2011, puisqu’intervenue a non domino, affecte nécessairement la validité de la concession par cette même artiste à la société Emi Music de l’exclusivité de la fixation de ses interprétations (article 3.01 § 1 du contrat d’enregistrement daté du 26 octobre 1987)

– Dire et juger que la réalisation par la société Emi Music des enregistrements des interprétations de Mme [X] en violation de l’exclusivité détenue par la société Editions du Félin aux termes des articles 1.01 et 1.04 du contrat d’enregistrement exclusif du 31 janvier 1987 et leur exploitation caractérisent des fautes engageant sa responsabilité délictuelle et des actes de concurrence déloyale,

– Dire et juger que la réalisation de l’album Labyrinthe par la société Warner Music en ce qu’il reproduit les enregistrements Etienne et Un espoir, sans autorisation de la société Editions du Félin, constitue un acte de contrefaçon et un acte de concurrence déloyale,

– Dire et juger que la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [H] ont engagé leur responsabilité, tant en ce qui concerne les exploitations sans autorisation de la société Editions du Félin des enregistrements phonographiques et vidéographiques Etienne et Un espoir, ce qui a déjà été jugé par l’arrêt définitif de la cour d’appel de Paris du 12 janvier 2011, qu’en ce qui concerne les exploitations des autres enregistrements (les albums Labyrinthe, Nomade, Gobe) et réalisés en violation de l’exclusivité de la société Editions du Félin,

– Dire et juger que la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [H] doivent être condamnés solidairement à réparer les préjudices subis tant par la société Editions du Félin que par la société Comotion Musique,

– Débouter la société Warner Music et Mme [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– Les déclarer recevables et fondées les demandes des sociétés Editions du Felin et Comotion Musique de réparation intégrale de leurs préjudices distinctes subis par elles,

– Condamner solidairement la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [H] au paiement, à la société Editions du Felin, en réparation de la perte subie par elle de ses investissements financiers au titre des enregistrements phonographiques Etienne et Un espoir lesquels sont reproduits de manière contrefaisante dans l’album Labyrinthe, de la somme de 500.000 francs, correspondant à la somme, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, de 139.326,16 euros (INSEE 2022), arrondie à la somme de 139.330 euros.

– Condamner solidairement la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [H] au paiement, à la société Editions du Felin, en réparation de la perte subie par elle et résultant de la captation frauduleuse de l’enregistrement vidéographique Etienne qui a assuré le succès de ce titre dont l’enregistrement est reproduit dans l’album Labyrinthe, de la somme de 300.000 francs, correspondant à la somme, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, de 83.595,70 euros (INSEE 2022), arrondie à la somme de 83.600 euros,

– Condamner, à titre principal, solidairement la société Warner Music/Emi Music, Mme [X] et M. [Y] [H], au paiement à la société Editions Du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par elle et constitué par son gain manqué résultant de l’exploitation sans droit, pendant plus de trente ans, par la société Emi Music, des enregistrements phonographiques Etienne et Un espoir et notamment dans l’album Labyrinthe, une somme minimum, après prise en compte de l’érosion monétaire due à l’inflation, de 8.040.147,43 euros (INSEE 2022),

– Condamner, à titre subsidiaire, la société Warner Music/Emi Music, solidairement avec Mme [X] et Monsieur [Y] [H], à verser à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par elle et constitué par son gain manqué résultant de l’exploitation sans droit, pendant plus de trente ans, par la société Emi Music, des enregistrements phonographiques Etienne et Un espoir et notamment dans l’album Labyrinthe, la somme retenue par l’expert [J] (1.095.760 €), après prise en compte de l’érosion monétaire due à l’inflation, de1.950.358 ,77 euros (INSEE 2022),

– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, une somme qui ne saurait être inférieure à 2.300.000 euros en réparation du préjudice subi par elle et constitué par son gain manqué résultant de l’exploitation contrefaisante par la société Emi Music de l’enregistrement audio Etienne dans 23 compilations,

– Condamner solidairement, à titre principal, la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son gain manqué au titre des voisins perçus indûment par la société Emi Music en France (répartitions phono) une somme qui ne saurait être inférieure à 836.697,65 euros,

– Condamner solidairement, à titre subsidiaire, la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son gain manqué au titre des voisins perçus indûment par la société Emi Music en France (répartitions phono) une somme qui ne saurait être inférieure à celle retenue par l’expert [J] de 41.445,33 euros,

– Condamner solidairement, la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son gain manqué au titre des voisins perçus indûment par la société Emi Music en France (répartitions vidéographique) une somme qui ne saurait être inférieure à 136.846,92 euros HT,



– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son gain manqué au titre des voisins perçus indûment par la société Emi Music à l’étranger (répartitions phonographiques et répartitions vidéographique) une somme qui ne saurait être inférieure à 200.000 euros HT,

– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, au titre des actes de contrefaçon commis par la société Emi Music, Mme [X] et Monsieur [H], de la somme de 2.000.000 euros,

– Condamner, à titre principal, solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [H] au paiement à la société Editions du Felin, en réparation de son préjudice matériel, au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société Emi Music, de la somme, après prise en compte de l’érosion monétaire, de 3.377.530,98 euros (INSEE 2022),

– Condamner, à titre subsidiaire, solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [H] au paiement à la société Editions du Felin, en réparation de son préjudice matériel, au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société Emi Music, la somme retenue par l’Expert [J] (728.845 euros hors actualisation), après prise en compte l’érosion monétaire, de 1.146.600,12 euros (INSEE 2022),

– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Editions du Felin, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société EMI MUSIC, de la somme de 2.000.000 euros,

– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Comotion Musique, en réparation de son préjudice matériel, au titre des fautes commises par ces dernières à son égard et des actes de concurrence déloyale qu’elle a subis, à titre de dommages et intérêts, une somme qui ne saurait être inférieure à la somme, en tenant compte de l’érosion monétaire, de 333.339,24 euros (INSEE 2022),

– Condamner également solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement à la société Comotion Musique, en réparation de son préjudice matériel, au titre des fautes commises par ces dernières à son égard, une somme complémentaire de 696.630,81 euros (INSEE 2022),

– Condamner solidairement la société Warner Music, Mme [X] et Monsieur [Y] [H], au paiement, à la société Comotion Musique, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, de la somme de 2.000.000 euros,

– Faire interdiction, à la société Warner Music France de reproduire et de représenter directement ou indirectement, en quelque pays que ce soit, sous quelque forme, quelque mode ou quelque procédé que ce soit, tout ou partie de l”uvre audiovisuelle que constitue le vidéoclip du titre « Etienne » et ce sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée,

– Faire interdiction à la société Warner Music France de reproduire, de représenter et d’exploiter directement ou indirectement, en quelque pays que ce soit, sous quelque forme, quelque mode ou quelque procédé que ce soit, tout ou partie des enregistrements phonographiques et vidéographiques des interprétations de [F] [D] des titres Etienne et Un espoir et ce sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, ainsi que de se dessaisir, à quelque titre que ce soit, des sommes de toute nature, perçues ou à percevoir quelque soient leurs provenances (ventes, licences, diffusions, droits voisins, droits secondaires ‘) auprès de quiconque, à l’exception de la sociétés Editions du Félin,

– Ordonner à la SCPP ayant son siège social [Adresse 4] [Localité 11] de verser à la société Editions du Felin tous les droits voisins collectés au titre des enregistrements audio et audiovisuels Etienne et Un espoir,

– Débouter la société Warner Music France et Mme [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions tant à l’égard de la société Editions du Felin que de la société Comotion Musique,

– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, aux frais de la société Warner Music France, dans cinq journaux et cinq magazines au choix de la société Editions du Felin, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5.000 euros HT, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,



En tout état de cause, condamner solidairement la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [Y] [H] à verser à la société Editions du Felin la somme de 970.690,74euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner solidairement la société Warner Music France, Mme [X] et Monsieur [Y] [H] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de la SELARL BDL Avocats, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.



Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2023, la société Warner Music France demande à la cour de :



Statuant sur l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 janvier 2003 :



A titre principal,

– Considérer que le comportement déloyal et gravement fautif de la société Editions du Felin a été la cause exclusive des préjudices qu’elle allègue et exonère totalement la société Warner Music France de toute responsabilité à son égard pour les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés relatifs aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir »,



En conséquence,

– Confirmer le jugement entrepris rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 janvier 2003, en ce qu’il a dit les sociétés Editions du Felin et Comotion Musique mal fondées en leurs demandes à l’encontre de la société Emi Music France relatives aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir » et les en a déboutées,

– les Débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions relatives aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir »,



A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour infirmerait le jugement entrepris de ce chef,

– Considérer que le comportement déloyal et gravement fautif de la société Editions du Félin exonère partiellement, en grande partie, la société Warner Music France de sa responsabilité à son égard pour les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés relatifs aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir »,



En conséquence,

– Exonérer partiellement, en grande partie, la société Warner Music France de sa responsabilité vis-à-vis des Editions du Félin,



Surabondamment, sur les préjudices allégués par la société Editions du Félin,

– Débouter la société Editions du Félin de toutes ses demandes d’indemnisation au titre de ses prétendues pertes subies relatives aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir », qui ne sont ni caractérisées, ni démontrées,

– Débouter la société Editions du Félin de toutes ses demandes d’indemnisation au titre de ses prétendus gains manqués sur les droits voisins relatifs aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir », qui ne sont ni caractérisés, ni démontrés,

– Débouter la société Editions du Félin de toutes ses demandes d’indemnisation au titre des gains manqués sur l’exploitation des phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et du vidéogramme « Un espoir »,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande d’indemnisation au titre des exploitations des enregistrements litigieux à l’étranger par les filiales étrangères du groupe EMI MUSIC, dont fait partie la société Emi Music France,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande d’indexation par application du convertisseur INSEE des éventuelles sommes qui lui seraient allouées à titre de dommages et intérêts,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande au titre de son prétendu préjudice moral, qui n’est ni caractérisé, ni démontré,



En tout état de cause,

– Débouter la société Editions du Félin de ses demandes de condamnation « solidaire », dire n’y avoir lieu à solidarité,

– Débouter la société Editions du Félin et la société Comotion Musique des mesures d’interdiction qu’elles sollicitent relatives aux phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et au vidéogramme « Un espoir », qui sont sans objet,

– Débouter la société Editions du Félin et la société Comotion Musique des publications judiciaires qu’elles sollicitent,

– Condamner la société Comotion Musique à lui payer la somme de 139 330 euros au titre de la répétition de l’indu,

– Condamner la société Comotion Musique, M. [Y] [H] et Mme [X] in solidum à la garantir de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée à son égard au bénéfice de la société Editions du Félin sur quelque fondement que ce soit,

– Condamner in solidum la société Editions du Félin, la société Comotion Musique, Mme [X] et M. [H] à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum la société Editions du Félin, la société Comotion Musique, Mme [X] et M. [H] aux entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile,



Statuant sur l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015 :



Sur les demandes de la société Editions du Félin,



A titre principal,

– Confirmer le jugement entrepris rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015, en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de la société Editions du Félin relatives aux enregistrements de [F] [D] autres que les phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et que le vidéogramme « Un espoir »,

– La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions relatives aux enregistrements de [F] [D] autres que les phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et que le vidéogramme « Un espoir »,



A titre subsidiaire,

– Exonérer la société Warner Music France de toute responsabilité vis-à-vis de la société Editions du Félin du fait du comportement fautif de cette dernière, cause exclusive des préjudices qu’elle allègue,

– Débouter la société Editions du Félin de ses demandes au titre des autres enregistrements de [F] [D]. Surabondamment, sur les préjudices allégués par la société Edition du Félin,

– Débouter la société Editions du Félin de toutes ses demandes d’indemnisation au titre de ses prétendus gains manqués d’exploitation relatifs aux enregistrements de [F] [D] autres que les phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et que le vidéogramme « Un espoir », qui ne sont ni caractérisés, ni démontrés,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande d’indemnisation au titre des exploitations des enregistrements litigieux à l’étranger par les filiales étrangères du groupe Emi Music, dont fait partie la société Emi Music France,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande d’indexation par application du convertisseur INSEE des éventuelles sommes qui lui seraient allouées à titre de dommages et intérêts,

– Débouter la société Editions du Félin de sa demande au titre de son prétendu préjudice moral, qui n’est ni caractérisé, ni démontré,

– Débouter la société Editions du Félin de ses demandes de condamnation « solidaire », dire n’y avoir lieu à solidarité,



Sur les demandes de la société Comotion Musique



– Confirmer le jugement entrepris rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015, en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de la société Comotion Musique relatives aux enregistrements de [F] [D] autres que les phonogrammes « Etienne » et « Un espoir » et que le vidéogramme « Un espoir »,

– Débouter la société Comotion Musique de ses demandes relatives aux actes délictueux commis par [Y] [H] en qualité de gérant, du fait non seulement du caractère non fautif des faits reprochés à la société Emi Music France, mais encore en l’absence de lien de causalité entre le préjudice qu’elle revendique et les faits qu’elle reproche à la société Emi Music France,

– Déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la société Comotion Musique relatives au prétendu débauchage de [Y] [H],

– Déclarer en tout état de cause infondées les demandes de la société Comotion Musique relatives au prétendu débauchage de [Y] [H], l’en débouter,

– Débouter la société Comotion Musique de sa demande au titre de son prétendu préjudice moral, qui n’est ni caractérisé, ni démontré,

– Débouter la société Comotion Musique de ses demandes de condamnation « solidaire », dire n’y avoir lieu à solidarité,

– Condamner M. [Y] [H] et Mme [X] in solidum à garantir la société Warner Musique France de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée à son égard au bénéfice de la société Editions du Félin ou de la société Comotion Musique sur quelque fondement que ce soit,

– Condamner in solidum la société Editions du Félin, la société Comotion Musique, Mme [X] et M. [H] à lui payer la somme de 50.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum la société Editions du Félin, la société Comotion Musique, Mme [X] et M. [H] entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.



Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 mars 2023, Mme [E] [X] demande à la cour de :



In limine litis,

– Déclarer que le tribunal judiciaire de Paris est incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de Paris et infirmer en conséquence la décision du chef de la compétence,



À titre principal,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire (sic) de Paris le 20 mars 2015 en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de l’ensemble de leurs demandes et condamné les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique aux dépens,

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire (sic) de Paris le 20 mars 2015 en toutes ces autres dispositions,



Statuant à nouveau des chefs infirmés,



– la Déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,

– Juger prescrite l’action à son encontre ;



En conséquence,

– Débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,



Subsidiairement,

– Juger que le jugement du 26 mai 1995 du tribunal correctionnel de Nanterre estimant qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause sa bonne foi pour avoir signé la convention qui lui a été présentée sans connaître le contexte frauduleux dans lequel il s’inscrivait, a l’autorité de la chose jugée ;



En conséquence,

– Débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre, concernant les titres « Etienne » et « Un espoir », ainsi que pour tout enregistrement autre que « Etienne » et « Un espoir »,

– Juger qu’elle est bien fondée à exciper de sa bonne foi,



En conséquence,

– Débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Mme [E] [X] dite [F] [D],



À titre très subsidiaire,

– Juger que les prétendus préjudices invoqués par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique trouvent exclusivement leur cause dans la faute des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique,



En conséquence,

– Débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,



À titre infiniment subsidiaire,

– Juger qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte l’érosion monétaire pour évaluer les prétendus préjudices par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique,

– Juger qu’il convient d’appliquer un coefficient de pondération correspondant au pourcentage de chance que la société que la société Edition du Félin avait de produire les enregistrements autres que « Etienne » et « Un espoir » ;



En conséquence,

– Juger que le préjudice des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique doit être évalué à hauteur de 411 110 euros, montant auquel il conviendra d’ajouter un coefficient de pondération correspondant au pourcentage de chance que la société Edition du Félin avait de produire les enregistrements autres que « Etienne » et « Un espoir »,

– Juger que les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique ne démontrent pas avoir subi de préjudice moral,



En conséquence,

– Débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes au titre de l’indemnisation de leur prétendu préjudice moral,

– Débouter la société Warner Music de son appel subsidiaire en garantie,







En tout état de cause,

– Condamner solidairement les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à lui payer une somme de 15 000 euros pour procédure abusive,

– Condamner solidairement les sociétés les Editions du Félin et Comotion Musique à lui payer une somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile (sic),

– Condamner solidairement les Editions du Félin et Comotion Musique aux entiers dépens, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.





M. [H] n’a pas constitué avocat.



Les appelantes ont été invitées par message RPVA du 18 septembre 2023 à justifier de la signification de la déclaration d’appel à son égard.



La déclaration d’appel à l’encontre du jugement du 20 mars 2015 a été délivrée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.



L’arrêt sera en conséquence rendu par défaut.





SUR CE, LA COUR,





Sur les conclusions notifiées le 23 mai par les éditions du Félin et la société Commotion Musique



Lors de l’audience du 13 mars 2023 à laquelle il a été décidé du renvoi de l’affaire au 15 juin 2023, il a été indiqué aux parties que les dernières conclusions devaient intervenir au plus tard le 22 mai 2023.



Les appelantes ont toutefois déposé leurs conclusions récapitulatives le 23 mai 2023.



Par message RPVA du 24 mai 2023, la société Warner Music a sollicité le rejet de ces conclusions au motif qu’elles ne respectaient pas le calendrier fixé.



La cour observe toutefois que l’intimée n’a pas notifié de conclusions pour solliciter le rejet des écritures litigieuses.



La procédure étant écrite, la cour ne peut être saisie que par des conclusions écrites et non par simple message RPVA.



Dans ces conditions, la cour ne répondra pas sur ce point.



Au surplus, il convient d’observer que les appelantes, au terme de ces conclusions du 23 mai 2023, n’ont pas modifié de manière notable leur argumentation et la seule pièce ajoutée, mentionnée par un trait en marge, est la pièce 115 ‘ Résumé des conclusions récapitulatives n°4 “.



En tout état de cause, le dispositif des conclusions n’est pas modifié de sorte que les griefs invoqués dans le message réseau privé virtuel des avocats tirés du non respect du principe de la contradiction n’aurait pu prospérer.







Sur les limites de la saisine



La cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris est limitée au rejet des demandes d’indemnisation formées par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique contre la société Emi.



La présente cour est donc saisie uniquement de ces demandes qui avaient été rejetées par le tribunal de commerce dans son jugement du 24 janvier 2003.





Sur les limites de l’appel à l’encontre du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 mars 2015



La cour est saisie de l’appel sur le jugement rendu le 20 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes indemnitaires, autres que celles relatives à l’exploitation des titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘.



Pour mémoire, le tribunal de grande instance n’a pas statué sur les demandes formées relativement aux titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ puisqu’après avoir constaté la litispendance sur ce point, il a renvoyé les parties devant la présente cour, renvoi confirmé par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 9 février 2018.



Elle a par ailleurs fait droit à la demande des sociétés Editions du Félin et Comotion pour que le litige soit jugé en son entier par la présente cour.





I Sur l’appel du jugement rendu par le tribunal de commerce le 24 janvier 2003



Le tribunal de commerce a jugé que les demandes d’indemnisation présentées par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à l’encontre de la société EMI, aujourd’hui la société Warner, étaient mal fondées et les en a déboutées.



Si la cour d’appel de Paris a considéré, au contraire des premiers juges, que la société EMI n’avait pas pu acquérir régulièrement les droits sur les titres litigieux, elle n’en n’a pas moins débouté les demanderesses de leurs prétentions en considérant qu’en laissant pendant plus de dix ans la société EMI exploiter les titres litigieux, elles avaient largement participé à la réalisation du préjudice dont elles demandent aujourd’hui réparation.



La Cour de cassation a censuré la cour d’appel de Paris pour avoir débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes présentées contre Emi et Mme [X] au seul motif que c’est essentiellement le comportement des victimes qui est à l’origine du dommage, alors que seule la faute, cause exclusive du dommage, est de nature à exclure tout droit à indemnisation.

Moyens






Moyens des parties



A titre liminaire, la cour souligne que les appelantes n’ont pas dans leurs écritures et l’exposé de leurs moyens, distingué ce qui relevait de l’appel du jugement du tribunal de commerce de ce qui relevait de l’appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris.





Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique soutiennent que :



– Mme [X] s’est rendue coupable de contrefaçon en cédant, par contrat du 26 octobre 1987, des droits exclusifs d’enregistrement sur les titres ‘Etienne’ et ‘Un espoir’ alors qu’elle les avait déjà cédés par contrat du 31 janvier 1987,



– La société Emi a signé le contrat de cession des droits des titres litigieux en fraude des droits de la société Editions du Félin ;



– La société Emi s’est rendue coupable de contrefaçon en exploitant les titres ‘ Etienne’ et ‘ Un espoir ‘ en violation des droits de la société Editions du Félin ;



– La société Editions du Félin conteste avoir fait preuve d’inertie en laissant la société Emi exploiter les titres litigieux et qu’en tout état de cause, une telle inertie ne serait pas de nature à limiter ou exclure son droit à réparation.



Il sera souligné que seule la société Editions du Félin maintient ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon, donc au titre de la cession des titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘, la société Comotion Musique y ayant renoncé.



La société Warner Music France soutient que la faute de la victime est la cause exclusive du dommage et l’exonère de toute responsabilité. Elle fait valoir que la société Edition du Félin a en effet laissé la société EMI Musique exploiter paisiblement pendant 10 ans les titres litigieux sans jamais lui opposer ses droits voisins de producteur.



Elle conteste avoir eu connaissance du premier contrat de production conclu entre la société Editions du Félin et Mme [X] le 31 octobre 1987 (contrat de nature privée) et affirme avoir légitimement pu croire que la société Comotion Musique était le producteur des titres litigieux.



Elle affirme que la société Editions du Félin avait un intérêt financier à ne pas faire annuler la cession par la société Comotion Musique des enregistrements qui en réalité lui appartenaient.



Elle soutient même qu’il y a eu collusion frauduleuse entre les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique lesquelles ont entretenu une opacité sur leurs relations véritables.



En résumé, la société Warner soutient que le comportement gravement fautif de la société Editions du Félin est la cause exclusive des préjudices qu’elle allègue.



Subsidiairement, la société Warner sollicite une exonération partielle de responsabilité.



Mme [X] n’a pas conclu sur l’appel du jugement du 24 janvier 2003, ses conclusions visant explicitement et exclusivement la procédure civile et l’appel du jugement du 20 mars 2015.





Appréciation de la cour



La cour est donc saisie de demandes d’indemnisation de la part de la société Editions du Félin dirigées contre la société Warner Music France venant aux droits de la société Emi Music, de Mme [X] et de M. [H], au titre de la cession frauduleuse des droits d’exploitation des titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ ainsi que du vidéogramme ‘ Etienne ‘.



Les appelantes reprochent à la société EMI /Warner de s’être livrée à des actes de contrefaçon en intégrant les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ à l’album ‘ Labyrinthe ‘ diffusé en 1987, en application d’un contrat de cession du 26 octobre 1987 passé avec [F] [D], alors que celle-ci, liée par un contrat d’exclusivité avec la société Editions du Félin, ne pouvait pas céder des droits dont elle n’était plus titulaire.



Il doit être souligné que les deux contrats de licence conclus les 15 mai (qui a concédé une licence pour exploiter le 45 tours en France uniquement) et 8 octobre 1987 (qui a étendu la licence), par lesquels la société Comotion Musique a concédé à la société Pathé Marconi (aux droits de laquelle est venue la société EMI) ne font l’objet d’aucune critique par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique.



Le litige porte exclusivement sur le contrat du 26 octobre 1987 qui cède les droits d’enregistrement des deux titres et l’exclusivité de l’artiste.



Les appelantes fondent leur action sur la contrefaçon à l’égard de la société Warner, sur la responsabilité contractuelle à l’égard de Mme [X] et sur la responsabilité délictuelle de la contrefaisante.



Sur les actes de contrefaçon



En application de l’article L.213-1, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, « l’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L.214-1 ».



L’exploitation d’une oeuvre sans l’autorisation de son auteur ou de celui auquel les droits ont été cédés constitue un acte de contrefaçon.



Devant la cour, la société Warner Music France ne conteste plus que la société EMI n’a pas régulièrement acquis de droits sur les titres litigieux.



Du reste, la Cour de cassation a jugé qu’il était acquis aux débats que ‘ la société EMI a exploité les enregistrements Etienne et Un espoir sans y être autorisée par Les Editions du Félin et Comotion Musique, producteur des phonogrammes ‘.



Il n’est donc plus discuté que la société EMI, en réalisant l’album Labyrinthe qui contient les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ et en exploitant le vidéogramme Etienne a commis un acte de contrefaçon et elle doit répondre des conséquences financières de ceux-ci, sous réserve de l’existence d’un lien de causalité entre la réalisation de ces actes et le préjudice allégué.



Sur les fautes de la société Editions du Félin



Il est souligné que devant cette cour, seule la société Editions du Félin sollicite une indemnisation au titre des actes de contrefaçon, alors que jusqu’ici la société Comotion Musique, qui pourtant savait pertinemment qu’elle avait cédé des droits dont elle n’était pas titulaire, présentait les mêmes demandes.



La société Warner Musique soutient, comme en première instance, que la société Editions du Félin a commis une faute en la laissant exploiter les titres litigieux pendant 10 ans sans jamais revendiquer ses droits voisins de producteur. Elle affirme en outre que les deux sociétés soeurs ont entretenu une ambiguïté sur leur rôle respectif et la paternité des enregistrements cédés, se livrant à une collusion frauduleuse.



Il apparaît nécessaire de rappeler les termes de l’arrêt de la Cour de cassation (soulignés par cette cour) ;

Motivation




‘ Attendu que pour débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion musique de leurs demandes contre la société Emi, l’arrêt retient que s’il est acquis au débat que la société Emi a exploité les enregistrements intitulés ‘Etienne’ et ‘Un espoir’ sans y être autorisée par la société Editions du Félin, producteur de ces phonogrammes, c’est essentiellement le comportement des sociétés Editions du Félin et Comotion musique qui, pour avoir sciemment cultivé à l’égard des tiers la confusion de leurs rôles respectifs, est à l’origine du préjudice dont elles demandent ensemble et indistinctement réparation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la faute de la victime n’exclut totalement son droit à indemnisation que lorsqu’elle est la cause exclusive du dommage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ‘ ;



La Cour de cassation censure donc la cour d’appel pour avoir débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de l’intégralité de leurs demandes tout en estimant que leur faute n’était que partiellement à l’origine de leur préjudice.



Pour autant, la Cour de cassation, qui ne juge pas le fond, n’a pas porté d’appréciation sur le caractère exclusivement causal ou non de la faute reprochée aux intéressées.



Il revient donc à la présente cour de renvoi d’examiner de nouveau cette faute et de dire si elle est ou non exclusivement à l’origine du préjudice allégué.



De même, il revient à cette cour de dire, si comme l’affirment les intimées, les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique ont entretenu une certaine confusion aux yeux des tiers sur leurs qualités respectives de producteur ou licenciée. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, ces moyens déjà soulevés devant le tribunal et la première cour d’appel sont parfaitement recevables, la Cour de cassation, qui encore une fois n’est pas juge du fond, n’ayant nullement conclu à l’absence de confusion entre les deux intéressées.



La société Editions du Félin conteste l’inertie qui lui est reprochée de façon très laconique, en indiquant seulement avoir porté plainte dès le 23 mars 1988 contre M. [H].



Elle n’a pour autant engagé aucune action civile aux fins de voir interdire à la société EMI de poursuivre l’exploitation des enregistrements litigieux, alors qu’elle le fait dans le cadre de cette procédure.



C’est en vain qu’elle fait valoir que la procédure pénale a duré 12 ans, l’action en contrefaçon ne nécessitant aucunement l’établissement préalable d’une faute pénale à l’encontre des auteurs de ces actes. Or, elle n’a entamé aucune procédure pour dénoncer les actes litigieux, attendant que la société EMI agisse contre la société Arcade Music Company, à laquelle la société Editions du Félin venait de céder le droit d’exploiter les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ dans des compilations de tubes, pour intervenir et contester l’exploitation faite pendant 10 ans de ces mêmes titres.



Ce n’est qu’ensuite, en 1999, qu’elle a enfin agi directement contre la société Warner au titre de la contrefaçon pour avoir exploité des titres dont elle revendiquait détenir les droits.





Ainsi devant cette cour, la société Editions du Félin peine à expliquer leur inaction à revendiquer ses droits alors qu’elle ne pouvaient ignorer que la société EMI exploitait avec un grand succès les titres litigieux.



C’est de façon très juste que le tribunal de commerce a relevé qu’il était totalement invraisemblable que la société Editions du Félin ait laissé la société EMI exploiter les titres litigieux pendant 10 ans sans réagir si elle estimait ses droits bafoués.



C’est en outre à juste titre que la société Warner souligne que la société Comotion Music a perçu une somme de 500 000 euros de la part de la société EMI à l’occasion de la cession des droits litigieux (contrat du 26 octobre 1987) et que toute contestation sur la légitimité de cette cession aurait impliqué le remboursement de cette somme, ce que manifestement la situation financière de l’intéressée ne permettait pas.



Il est en outre curieux de voir la société Editions du Félin intervenir aux côtés de la société Comotion Musique alors que celle-ci est à l’origine de la cession litigieuse.



Certes, devant cette cour, la société Comotion Musique ne demande plus d’indemnisation au titre des actes de contrefaçon dans le cadre de l’appel à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce. Il n’en demeure pas moins que ces deux sociétés plaident ensemble, preuve qu’elles n’ont aucun conflit d’intérêt, voire des intérêts communs.



Leur communauté d’action ne fait que confirmer ce qui leur est reproché par les intimées, et qui a été souligné notamment par le tribunal dans son jugement du 20 mars 2015, à savoir l’entretien d’une confusion entre les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique.



La société Comotion Musique a toujours agi vis-à-vis des tiers comme si elle était le producteur des titres de [F] [D], sans que la société Editions du Félin n’intervienne, alors que compte tenu des liens existants entre les deux sociétés, la société Editions du Félin ne pouvait ignorer ce que faisait la société Comotion Musique.



Il faut rappeler en effet que la société Comotion Musique a été créée par les dirigeants respectifs des sociétés Editions du Félin et Comotion, que chacune d’entre elle a désigné ‘son’ gérant à savoir M. [H] pour la société Comotion et M. [T] pour la société Editions du Félin.



M. [H] a quitté la société Comotion Musique en 1988 suite à la procédure pénale rappelée ci-dessus.



Depuis, les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique sont détenues par les mêmes personnes, à savoir M. [N] [O] et Mme [V] [O], outre la société Kiron (Editions du Félin) et la société immobilière Papillon (Comotion Musique, ces deux sociétés étant elles-même détenues par les consorts [O] ….



Du reste, les deux contrats par lesquels la société Comotion Musique a concédé une sous-licence d’exploitation à la société EMI, donc avant la cession litigieuse intervenue en octobre 1987, la désignent comme étant le producteur des titres.



Ainsi le contrat de licence du 8 octobre 1987, conclu entre la société Comotion Musique et la société EMI, mentionne en son article 1, a) (souligné par la cour) ‘ Le producteur concède à EMI …’ .





Or, il n’est pas contesté que ces deux contrats ont été signés par les deux co-gérants de la société Comotion Musique, donc par M. [T] venu de la société Editions du Félin et M. [H].



Par conséquent, la société Editions du Félin savait pertinemment que sa société soeur se prévalait d’une qualité, celle de producteur, dont elle ne disposait pas. Elle a donc parfaitement participé à la confusion aux yeux des tiers entre ces deux sociétés.



C’est donc bien l’inaction pendant 10 ans de la société Editions du Félin à faire cesser les actes de contrefaçon, actes dénoncés avec force aujourd’hui, qui est exclusivement à l’origine du préjudice allégué.



En engageant une action dès 1987, la société Editions du Félin aurait obtenu la reconnaissance de ses droits et l’interdiction, qu’elle réclame aujourd’hui, de l’exploitation des titres litigieux par la société EMI puis Warner Musique France et le préjudice ne se serait pas produit.



Or, ce préjudice n’a pu se réaliser que parce que la société Editions du Félin a laissé la société EMI exploiter, au vu et au su de chacun, ces titres avec un succès incontestable.



En tant que professionnelle du monde musical, qui plus est en tant que société de production phonographique et d’édition musicale, la société Editions du Félin ne peut pas sérieusement prétendre avoir ignoré pendant 10 ans l’exploitation qui était faite de ces oeuvres, compte tenu notamment de l’immense succès du titre ‘ Etienne ‘ resté plusieurs semaines en tête du ‘Top 50’, référence incontestable du succès d’un titre audio.



Cette exploitation n’a pu se faire qu’avec son accord implicite.



Du reste, la société Editions du Félin, qui n’a jamais pris l’initiative d’une procédure contre la société EMI en vue de faire reconnaître ses droits, n’explique pas son inaction sur le terrain civil.



Quoiqu’en dise la société Editions du Félin, une telle attitude est fautive dans la mesure où elle a laissé la société EMI exploiter pendant 10 ans les titres litigieux, dont elle se savait propriétaire, laissant cette société engager et supporter les frais nécessaires pour promouvoir ces titres, avec le succès qu’on lui connaît.



Enfin, à supposer même que la société Editions du Félin ait pu ignorer la cession litigieuse intervenue en fraude de ses droits, elle aurait dû s’étonner de ne pas percevoir les redevances tirées de la cession de licence qu’elle dit avoir accordée à la société Comotion Musique sur ces deux titres.



En effet, alors que la société Editions du Félin ne conteste pas avoir concédé à la société Comotion Musique une licence d’exploitation des deux titres phares de l’artiste, elle ne démontre pas avoir perçu ou même simplement réclamé le paiement des redevances devant lui revenir.



Il résulte de ce qui précède que :



– la société Editions du Félin a commis une faute en laissant s’écouler une période plus de dix années avant de contester l’exploitation faite par la société EMI des titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ ;





– elle a également commis une faute en entretenant une confusion entre elle, producteur, et la société Comotion Musique, titulaire d’une licence d’exploitation des deux titres ;



– la société EMI a été trompée et a pu croire, en raison des fautes des appelantes, avoir acquis les droits d’exploitation de ces oeuvres.



Ces fautes sont la cause exclusive des préjudices allégués devant la cour, puisque toute action en temps utile devant les juridictions civiles aurait immédiatement mis fin à l’exploitation litigieuse et la société Editions du Félin n’aurait pas aujourd’hui à se plaindre des préjudices conséquents qu’elle revendique aujourd’hui.



Il n’est au demeurant démontré aucune autre faute pouvant avoir concourru à la réalisation du dommage.



Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de toutes leurs demandes indemnitaires.





– Sur la faute de Mme [X]



Le jugement du 24 janvier 2003 a mis hors de cause Mme [X] en soulignant que le conflit avait pour origine des désaccords entre M. [O] et M. [H].



Toutefois, indépendamment de la question de la bonne foi, il est indéniable que l’artiste a manqué à son engagement contractuel à l’encontre de la société Editions du Félin puisqu’elle a cédé à la société EMI des droits dont elle n’était plus titulaire.



Les appelantes affirment que Mme [X] savait ‘ pertinemment ‘ qu’en signant le contrat de cession du 26 octobre 1987, elle portait atteinte aux droits de la société Editions du Félin.



Pourtant, elles ne versent aucun élément concret et probant à l’appui de cette assertion, étant rappelé que la bonne foi se présume.



Aucune des décisions antérieures rendues dans le cadre de cette affaire n’a retenu la mauvaise foi de l’artiste, le tribunal de grande instance de Paris, dans son arrêt du 20 mars 2015, soulignant au contraire à juste titre que si [F] [D] a manifestement contredit son engagement contractuel en signant notamment le contrat du 26 octobre 1987 avec la société EMI, son comportement pouvait s’expliquer par la confusion sur les rôles respectifs des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique et qu’elle a pu légitimement penser que le producteur était bien la société Comotion Musique, et non la société Editions du Félin.



Du reste, le tribunal correctionnel a souligné que rien ne permettait de remettre en cause la bonne foi de Mme [X].



Mme [X], pas plus que les tiers, ne distinguait clairement la société Editions du Félin et la société Comotion Musique, créée spécifiquement par le dirigeant de la première et le dirigeant de la société Comotion.



Cette proximité se poursuit jusque dans cette procédure puisque les deux sociétés, dont les intérêts pourraient objectivement être considérés comme divergents compte tenu du rôle de la société Comotion Musique dans la naissance de ce litige, agissent ensemble avec un conseil commun.



Il n’ y a donc pas lieu de retenir une faute à l’encontre de Mme [X] et de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique des demandes formées à son encontre.





II Sur l’appel à l’encontre du jugement du 20 mars 2015



Dans son jugement du 20 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris :



– s’est dessaisi des demandes formées en ce qui concerne les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ au profit de cette cour, en raison de la litispendance avec l’affaire enrôlée devant elle dans le cadre de la procédure ‘ commerciale’ ;



– a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes indemnitaires au motif que ces dernières ne démontraient ni la faute contractuelle de Mme [X], ni la faute délictuelle de la société EMI.



La cour d’appel de Paris a confirmé le renvoi de l’affaire pour ce qui concerne les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘ puis, constatant l’identité des parties et des causes avec l’affaire pendante devant la cour d’appel de Versailles, seule l’étendue des demande différant (la procédure commerciale ne concernant que les titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘, la procédure civile portant sur les autres albums de l’artiste), a renvoyé pour le tout devant la présente cour.





Moyens des parties



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique font valoir que :



– la société Emi a signé le contrat de cession des droits des titres litigieux en fraude des droits de la société Editions du Félin



– en produisant trois albums entre le 26 octobre 1987 (Labyrinthe, Nomade et Gobe), sur la base du contrat conclu à cette date, et le 15 avril 1999, date de la résiliation judiciaire du contrat conclu avec Editions du Félin prononcée par la chambre sociale de la cour d’appel de Paris, la société EMI s’est livrée à des actes de concurrence déloyale ;



– la violation par la société Emi de l’exclusivité des enregistrements concédée par Mme [X] à Editions du Félin constitue une faute délictuelle ;



– Mme [X] a manqué à ses engagements contractuels en signant avec Emi un contrat d’enregistrement exclusif alors que celui précédemment signé avec Editions du Félin n’avait pas été résilié ;



– la bonne foi dont elle se prévaut, à la supposer établie, n’est pas une cause exonératoire de sa responsabilité ;



– le manquement contractuel de Mme [X] auquel la société Emi a participé constitue pour cette dernière une faute délictuelle ;



– en réplique à Mme [X] qui invoque la compétence du conseil des Prud’hommes, qu’en application de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, aujourd’hui les tribunaux judiciaires.



La société Warner avance les mêmes moyens que ceux développés au soutien de l’appel à l’encontre du jugement du 24 janvier 2003 sur son exonération de responsabilité à raison des fautes des appelantes.



Elle conteste avoir eu connaissance du contrat d’exclusivité qui liait Mme [X] à la société Editions du Félin, notamment parce que les contrats de licence conclus avant le contrat de cession de droits mentionnaient la société Comotion Musique comme étant le producteur des titres cédés.





Mme [X]



A titre liminaire, la cour observe que dans les motifs de ses conclusions récapitulatives n°2, Mme [X] demande à la cour de rejeter les conclusions notifiées par les appelantes le 23 février 2023 en raison de leur tardiveté au regard de la date d’audience du 13 mars 2023 et de l’impossibilité alléguée d’y répondre.



Cette prétention n’est toutefois pas reprise dans le dispositif de ses conclusions.



Par ailleurs, l’audience prévue le 13 mars 2023 a été renvoyée au 15 juin 2023, sans qu’au demeurant Mme [X] ne notifie de nouvelles conclusions.



La cour n’est donc pas saisie de cette demande.



Pour le reste, Mme [X] conclut in limine litis :



– à l’incompétence du tribunal judiciaire au profit du conseil des Prud’hommes au motif que ce que lui reproche la société Editions du Félin est une violation du contrat de travail qui la liait à celle-ci ;



– à la prescription de l’action de la société Editions du Félin, qui a eu connaissance du contrat du 26 octobre 1987, le 25 février 1988, en l’absence de tout acte ayant valablement pu interrompre la prescription ;



– à l’autorité de la chose jugée, dans la mesure où le juge d’instruction ne l’a pas renvoyée devant le tribunal correctionnel et où celui-ci, dans les motifs du jugement, a énoncé qu’il n’y avait pas lieu de mettre en cause sa bonne foi.





Appréciation de la cour



– Sur la prescription



Mme [X] soutient que l’action des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique serait prescrite à son égard.



Cette fin de non recevoir a déjà été soulevée devant la cour d’appel de Paris, statuant sur appel du jugement rendu le 24 janvier 2003.



Mme [X] occulte totalement la procédure commerciale de ce litige (jugement tribunal de commerce du 24 janvier 2003, arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 janvier 2011, arrêt Cour de cassation 28 juin 2012) puisqu’elle conclut explicitement et exclusivement au regard du jugement rendu le 20 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Paris (page 3 de ses conclusions ‘ Statuant sur l’appel interjeté par les sociétés Editions du Félin et Commotion Musique d’un jugement rendu le 20 mars 2015 par le tribunal judiciaire (SIC) de Paris …’).



Pourtant, Mme [X] était partie à la procédure commerciale. Elle a été mise hors de cause par le jugement du tribunal de commerce du 24 janvier 2003, mais la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 12 janvier 2011, a infirmé ledit jugement, sauf en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes contre la société EMI, Arcade Music Company et Mme [X].



Dans sa motivation, la cour d’appel juge que ‘ Considérant que les sociétés Éditions du Felin et Comotion Musique ont assigné Mme [X] en intervention forcée le 11 mars 1998, soit moins de dix ans après la manifestation du dommage ; que, par application des dispositions susvisées de l’article 2270-1 du code civil, la fin de non recevoir tirée par Mme [X] de la prescription de l’action dirigée contre elle sera rejetée ‘.



Certes, la cour d’appel n’a pas expressément indiqué dans le dispositif de l’arrêt ‘ Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription ‘ mais ayant bien mentionné ‘ Rejette toute autre demande contraire à la motivation ‘, le rejet de la fin de non recevoir est bien revêtu de l’autorité de la chose jugée.



Cette décision est opposable à Mme [X].



Elle vaut non seulement pour ce qui concerne les demandes formées dans le cadre de la procédure commerciale mais également pour ce qui concerne la procédure civile, puisqu’il y a identité des parties et identité de cause, même si l’objet de la procédure civile, en ce qu’elle vise outre l’exploitation des titres ‘ Etienne ‘ et ‘ Un espoir ‘, les titres ultérieurs de l’artiste.



Cette disposition n’a en outre pas été remise en cause par l’arrêt de la Cour de cassation. Elle est donc irrévocable.



Au surplus, l’absence de prescription est manifeste.



En effet, en application de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose que les actions en responsabilité extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.



Les sociétés Editions du Félin et Commotion Musique soutiennent ne pas avoir eu connaissance, avant le procès engagé le 24 février 1997 par la société EMI contre la société Arcade Music Company, du contrat du 26 octobre 1987, qui est à la source des dommages dont elles réclament réparation.



Indépendamment de la date à laquelle les intéressées ont eu connaissance de ce contrat, il doit être rappelé qu’elles sont intervenues volontairement à cette procédure en déposant de conclusions en mars 1997, donc en tout état de cause avant l’expiration du délai de prescription.



Cette intervention a interrompu le délai de prescription de toute action fondée sur ce contrat.



Or, la procédure civile, dans le cadre de laquelle Mme [X] se place pour invoquer la prescription, a été engagée par actes des 6 et 8 octobre 1999, donc avant expiration du nouveau délai de prescription de 10 ans.





L’action engagée par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique devant la juridiction civile n’est donc pas prescrite.



Le jugement du 20 mars 2015 sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.





Sur l’exception d’incompétence



Mme [X] revendique la compétence du conseil des Prud’hommes de Paris.



Il n’est pas contesté que le contrat qui lie un artiste à son producteur est un contrat de travail.



C’est toutefois exactement que les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique rappellent les dispositions de l’article L331-1 du code de la propriété littéraire et artistique aux termes duquel ‘ Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire ‘.



Il est effectivement reproché à Mme [X] d’avoir, en violation du contrat qui la liait à son producteur, cédé des droits dont elle n’était plus titulaire, mais l’action est bien au principal fondée sur les règles qui régissent la propriété littéraire et artistique.



Le fait que le fait générateur de l’action (la cession de droits en fraude des droits de l’employeur) constitue une violation du contrat de travail ne suffit pas à exclure la compétence de la juridiction de droit commun, d’autant moins que Mme [X] n’est pas seule en cause, la responsabilité de son agent, M. [H], est également recherchée ainsi que celle de la société EMI Music.



Le conseil des Prud’hommes, s’il avait à connaître de cette affaire, n’aurait qu’une vision partielle du litige.



Du reste la juridiction prud’hommale a déjà été saisie de l’aspect ‘ droit du travail’ de cette affaire (jugement du conseil des Prud’hommes du 19 novembre 1997 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 avril 1999).



Dès lors, la compétence de la juridiction civile de droit commun, en l’espèce le tribunal de grande instance, aujourd’hui le tribunal judiciaire, est établie.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme [X].





– Sur l’autorité de la chose jugée



Mme [X] invoque de nouveau l’autorité de la chose jugée tirée de la décision rendue par le tribunal correctionnel de Nanterre le 26 mai 1995. Il est en effet relevé dans les motifs de cette décision que ‘ il n’y a pas lieu de mettre en cause la bonne foi de l’artiste [F] [D] ‘.



C’est pourtant exactement que le tribunal de grande instance de Paris a relevé que cette procédure concernait M. [H], poursuivi pénalement pour des faits de faux et usage de faux en écriture privée et qu’il n’ y avait ni identité d’objet, ni identité de parties, ni identité de cause avec le présent litige.



Aux motifs exacts adoptés par la cour, il sera souligné que seul M. [H] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, que si le nom de Mme [X] est cité, c’est uniquement en réplique aux explications avancées par ce dernier et enfin que l’autorité de la chose jugée n’est attachée qu’au dispositif de la décision.



Or, la phrase du jugement invoquée par Mme [D] relève de la seule motivation du jugement.



Le jugement du 20 mars 2015 sera confirmé sur ce point.





2 Sur la faute délictuelle de la société EMI



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique invoquent une faute délictuelle de la part de la société EMI en affirmant que celle-ci a participé à la violation par l’artiste [F] [D] de son contrat d’exclusivité avec Editions du Félin, ce qui caractériserait à la fois une faute délictuelle et un acte de concurrence déloyale.



Elles affirment ainsi que la société EMI avait connaissance de l’existence du contrat du janvier 1987 sans toutefois le démontrer avec toute la rigueur nécessaire.



Ainsi que l’a relevé le tribunal correctionnel, l’original de ce contrat n’a jamais été retrouvé. De plus, la cour retient, comme les juridictions précédentes qui ont eu à connaître de ce litige, que la plus grande confusion régnait sur les rôles et droits respectifs des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique.



A cet égard, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la Cour de cassation n’a nullement censuré la cour d’appel pour s’être fondée sur la confusion sciemment entretenue par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique sur leurs rôles respectifs, mais seulement pour avoir rejeté les demandes d’indemnisation de la victime sans démontrer que leur faute était la cause exclusive de leur préjudice.



Rien n’interdit à cette cour de retenir, si ce n’est une collusion frauduleuse, du moins une attitude ambigüe de la part des sociétés appelantes, ne pouvant qu’induire en erreur les tiers, notamment la société EMI qui a pu de bonne foi penser contracter avec le véritable titulaire des droits.



En effet, avant même la signature du contrat de cession litigieux, la société Comotion Musique a concédé deux contrats de licence à la société EMI, les 15 mai et 8 octobre 1987, signés par les deux dirigeants de la société Comotion Musique, sans la moindre réaction de la société Editions du Félin.



Il sera rappelé que la société Comotion Musique a été créée par M. [O], gérant de la société Editions du Félin, et par M. [H], gérant de la société Comotion, et que les liens notamment financiers entre ces deux sociétés étaient particulièrement étroits.



Rien ne démontre qu’au contraire, la société EMI pouvait savoir, en signant le contrat du 26 octobre 1987, que Mme [X] agissait en violation de l’accord d’exclusivité qui la liait à la société Editions du Félin et que la société Comotion Musique n’était pas titulaire des droits qu’elle prétendait céder.







C’est ainsi fort pertinemment que la société Warner souligne que les contrats de licence conclus avant le contrat de cession de droits mentionnaient la société Comotion Musique comme étant le producteur des titres cédés.



Il sera en outre rappelé que Mme [X] elle-même s’est mépris, en toute bonne foi, sur le rôle de chacune de ces deux sociétés, pensant pouvoir signer un nouveau contrat avec la société Comotion Musique, cette société devenant à ses yeux son nouveau producteur.



Il ne peut pas, dans ces conditions, être sérieusement reproché à la société EMI de ne pas avoir perçu l’irrégularité du contrat de cession des droits, la société Comotion Musique agissant aux yeux de tous comme si elle était effectivement le producteur de [F] [D].



L’action en concurrence déloyale supposant de démontrer une faute de son auteur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le jugement du 20 mars 2015 sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de leurs demandes à l’encontre de la société Warner.





3 Sur la faute contractuelle de Mme [X]



Il sera renvoyé à la motivation adoptée par la cour dans le cadre de l’examen de l’appel du jugement du 24 janvier 2003, la faute reprochée à Mme [X] par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique étant toujours la même.



C’est en outre par des motifs pertinents, que la cour adopte au surplus, que le tribunal de grande instance de Paris, a estimé que la faute alléguée à l’encontre de Mme [X] n’était pas démontrée.



Le jugement rendu le 20 mars 2015 sera donc également confirmé sur ce point.





4 Sur la faute de M. [H]



Les appelantes font valoir que M. [H] a commis des délits pénaux (abus de pouvoirs, faux et usage de faux) pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre suivant jugement du 26 mai 1995, et que les actes délictueux rédigés par lui ne leur sont pas opposables



Toutefois, si la faute de M. [H] est incontestable, en ce qu’il a signé seul un nouveau contrat avec [F] [D] alors qu’il aurait dû, en application des statuts de la société, co-signer ce contrat avec M. [I], co-gérant, il y a lieu de faire les mêmes observations que précédemment sur la faute de la victime qui a laissé la société EMI exploiter les titres de l’artiste pendant 10 ans sans réagir.



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique ont eu connaissance de l’existence de ce second contrat dès 1988, puisqu’elles ont déposé une plainte avec constitution de partie civile le 29 mars 1988 pour dénoncer les agissements de M. [H].



De plus, il est constant que la société Comotion Musique a transigé avec M. [H] le 8 juillet 1988 dans le cadre de son licenciement mais elle s’est abstenue de verser au débat ce document qui aurait pu remettre en question son droit de poursuivre celui-ci pour obtenir une quelconque indemnisation.



En outre, M. [H] ayant été condamné par le tribunal correctionnel à indemniser la société Comotion Musique, celle-ci n’est même pas recevable à réclamer de nouveau une indemnisation.



S’agissant de la société Editions du Félin, sa faute, déjà démontrée, directement et exclusivement à l’origine de son préjudice, exclut son droit à indemnisation.



Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.





III Sur les demandes des appelantes autres qu’indemnitaires



– Sur les demandes d’interdiction



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique demandent qu’il soit fait interdiction à la société Warner de reproduire et de représenter directement ou indirectement, le vidéoclip du titre « Etienne », sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée, et de reproduire, de représenter et d’exploiter directement ou indirectement, tout ou partie des enregistrements phonographiques et vidéographiques des interprétations de [F] [D] des titres Etienne et Un espoir et ce sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.



Cette demande apparaît fondée compte tenu de l’issue du litige qui reconnaît comme véritable producteur de ces oeuvres la société Editions du Félin.



Cependant, il est constant que depuis 2011, la société Warner a cessé toute exploitation de l’oeuvre de [F] [D], de sorte que l’astreinte ne se justifie nullement.



En revanche, la demande de faire interdiction à la société Warner de se dessaisir, à quelque titre que ce soit, des sommes de toute nature, perçues ou à percevoir quelque soient leurs provenances (ventes, licences, diffusions, droits voisins, droits secondaires ‘) auprès de quiconque, à l’exception de la sociétés Editions du Felin, est totalement infondée. En tout état de cause, la cour ne peut préjuger de droits sur ces sommes qui pourraient avoir été acquis ou qui viendraient à être acquis par des tiers tels d’éventuels créanciers des appelantes.



Cette demande sera rejetée.



– Sur les demandes à l’égard de la SCPP



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique demandent à la cour de condamner la SCPP à verser à la société Editions du Felin tous les droits voisins collectés au titre des enregistrements audio et audiovisuels Etienne et Un espoir.



La SCPP n’étant pas partie à la procédure, il a été demandé par message RPVA aux appelantes de justifier de la mise en cause de cette société.



Il n’a été apporté aucune réponse à cette requête.



Par conséquent, la demande présentée à l’encontre de la SCPP est irrecevable.









– Sur la publication de la décision



Compte tenu de la solution apportée au litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication des sociétés Editions du Félin et Comotion Musique, laquelle avait valeur de sanction qui ne se justifie donc aucunement.





IV Sur la demande reconventionnelle de la société Warner



La société Warner sollicite le remboursement de la somme de 139 330 euros, correspondant à la somme actualisée de 500 000 francs que la société EMI aurait versée à la société Comotion Musique à l’occasion du contrat du 26 octobre 1987 par lequel cette dernière a entendu céder les droits exclusifs d’exploiter les oeuvres de [F] [D].



Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique, cette demande n’est ni nouvelle, ni prescrite, puisqu’elle a été présentée dès 2001 dans les conclusions déposées devant le tribunal de commerce



En revanche, la société Warner ne rapporte pas la preuve du paiement effectif de cette somme de 500 000 francs par la société EMI à la société Comotion Musique.



Cette demande sera donc rejetée.





V Sur la demande pour procédure abusive présentée par Mme [X]



Pas plus qu’en première instance, Mme [X] ne démontre que la procédure engagée à son encontre soit empreinte de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière faisant dégénérer en abus le droit d’ester en justice.



Le jugement du 20 mars 2015 sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.





VI Sur les demandes accessoires



Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions des deux jugements relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.



Les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique seront condamnées aux dépens de la procédure d’appel, qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.



Elles seront également condamnées à payer à la société Warner la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à Mme [X] celle de 25 000 euros.


Dispositif

PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant par défaut, par mise à disposition, dans les limites de la saisine et de l’appel,



Sur l’appel du jugement du tribunal de commerce du 24 janvier 2003,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



Sur l’appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2015,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



Ajoutant aux deux jugements,



DÉBOUTE les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique de toutes leurs demandes formées à l’encontre de la société Warner Music, Mme [X] au titre des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale, des fautes commise à son égard, et du préjudice moral,



DÉCLARE irrecevables les demandes formées par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à l’encontre de la SCPP,



DÉBOUTE la société Warner Music France de sa demande en répétition de l’indu,



FAIT interdiction en tant que de besoin à la société Warner Music France de reproduire et de représenter directement ou indirectement, le vidéoclip du titre « Etienne »,



FAIT interdiction en tant que de besoin à la société Warner Music France de reproduire, de représenter et d’exploiter directement ou indirectement, tout ou partie des enregistrements phonographiques et vidéographiques des interprétations de [F] [D] des titres Etienne et Un espoir,



DÉBOUTE les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique du surplus de leurs demandes,



CONDAMNE in solidum les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique aux dépens de la procédure d’appel, qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,



CONDAMNE in solidum les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à payer à la société Warner Music France la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE in solidum les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique à payer à Mme [X] la somme de 25 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,



REJETTE toutes autres demandes.



– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,



– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier, La Présidente,


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