Cession du fonds de commerce et reprise des salariés

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Cession du fonds de commerce et reprise des salariés
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République française
Au nom du peuple français
Arrêt n° 22/00329
14 juin 2022
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N° RG 19/02948 –
N° Portalis DBVS-V-B7D-FFJE
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH
17 octobre 2019
19/00037
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Quatorze juin deux mille vingt deux
APPELANTE :
Mme [D] [P] veuve [V] venant aux droits de son époux M. [S] [V], décédé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES
INTIMÉS :
M. [L] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Hanane BEN CHIKH, avocat au barreau de METZ
Association UNEDIC Délégation CGEA AGS de NANCY prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES
SELAS [O] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [M] [O] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL TRANSPORTS [V] RENE et FILS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Laëtitia WELTER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
M. [L] [I] a été embauché à compter du 25 septembre 2017 par la SARL Transports [V] [S] et Fils (ci-après la SARL [V]) en contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur longue distance.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Il percevait une rémunération mensuelle brute de 1 489 euros bruts hors primes et heures supplémentaires.
Le fonds de commerce exploité par la SARL [V], constituée entre M. [S] [V] et ses deux enfants, faisait l’objet d’un contrat de location gérance en date du 30 janvier 1979, le fonds appartenant aux époux [S] [V] et [D] [P].
La SARL [V] a fait l’objet d’un redressement judiciaire par jugement du 14 novembre 2017 de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Sarreguemines, converti en liquidation judiciaire par un jugement ultérieur du 10 avril 2018.
Me [O], désigné en qualité de mandataire judiciaire, a informé par courrier du 16 avril 2018 les époux [V] de la résiliation du contrat de location gérance et du transfert des contrats de travail en cours, au nombre de trois.
Le 23 avril 2018, Me [O] a notifié à M. [I] son licenciement pour motif économique à effet du 23 mai 2018 « pour le cas où la SARL transports [V] [S] & Fils serait reconnue responsable de son contrat de travail ».
Par demande introductive d’instance du 14 juin 2018, M. [S] [V] a fait citer M. [L] [I] et Me [O], es qualité de liquidateur de la SARL [V] devant le conseil de prud’hommes de Forbach, en présence de l’Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy, aux fins de voir dire qu’il n’était pas tenu de poursuivre les contrats de travail des salariés attachés au fonds transféré à raison de la ruine de ce fonds.
Le salarié a formé diverses demandes reconventionnelles et, par jugement en date du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. [S] [V] de l’ensemble de ses demandes, dit que le contrat de travail de M. [I] s’est poursuivi avec M. [V] après la liquidation de la SARL [V], constaté que le fonds n’était pas ruiné et que le contrat de travail a été rompu le 23 mais 2018 et a fait droit aux demandes reconventionnelles du salarié en :
fixant à la liquidation judiciaire de la SARL [V], à titre de créances privilégiées les sommes suivantes :
* 758,59 euros bruts correspondant au salaire pour la période allant du 1er au 13 novembre 2017,
* 242,94 euros bruts correspondant au reliquat de salaire du mois de janvier 2018,
* 1 498,50 euros bruts correspondant au salaire du mois de février 2018,
* 870,09 euros bruts correspondant au salaire du 1er mars 2018 au 18 mars 2018,
* 1 416,50 euros brut au titre des heures supplémentaires non payées ;
le jugement étant déclaré opposable à l’Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy ;
condamnant M. [S] [V] à lui payer les sommes de :
* 1 498,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 149,85 euros bruts pour les congés payés afférents,
* 800 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamnant M. [S] [V] aux dépens de l’instance.
M. [S] [V] a régulièrement formé appel de ce jugement par déclaration par voie électronique du 15 novembre 2019.
M. [V] étant décédé le 12 septembre 2020, Mme [D] [P], venant aux droits de son époux par l’effet de la communauté universelle adoptée entre eux, est intervenue volontairement aux débats, et, par dernières conclusions en date du 26 novembre 2020, elle reprend la demande tendant à ce qu’il soit dit que M. [V] n’était pas tenu de poursuivre les contrats de travail des salariés de la SARL [V] et n’est donc redevable d’aucune somme au titre de ces contrats. Elle sollicite aussi que M. [I] soit débouté de toutes ses prétentions et que la SELAS [O], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL [V], soit condamnée aux dépens et à lui payer une somme de 3 600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions entrées au RPVA le 4 février 2021, M.[I] demande de débouter Mme [D] [P] veuve [V] venant aux droits de M.[S] [V] décédé de toutes ses demandes, fins et prétentions, débouter la SARL [V], représentée par Maître [M] [O], et l’AGS-CGEA de [Localité 6] de leurs appels incidents, donner acte de ce que la somme de 758,59 euros brut correspondant à son salaire pour la période allant du 1er au 13 novembre 2017 n’est plus sollicitée à hauteur d’appel pour avoir déjà été réglée, donner acte qu’il sollicite à hauteur d’appel le paiement de la somme de 397,13 euros brut correspondant à son maintien de salaire pour la période allant du 1er mars 2018 au 18 mars 2018, laquelle devra donc être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [V] prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [M] [O]. Pour le surplus, il demande de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [D] [P] veuve [V] venant aux droits de M. [S] [V] décédé à lui payer la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
La SARL Transports [V], représentée par Me [O], demande, par conclusions datées du 31 décembre 2020, que le jugement soit confirmé en ses dispositions concernant l’action de M. [V] et qu’il soit statué ce que de droit quant à la condamnation de Mme [V] au paiement des sommes découlant de la rupture du contrat de travail ou subsidiairement que ces montants soient réduits à de plus justes proportions.
Cette intimée forme un appel incident pour demander que M. [I] soit débouté de ses demandes de fixation de créances à l’encontre de la procédure collective. Elle sollicite aussi que les dépens soient mis à la charge de Mme [V].
Par conclusions datées du 31 décembre 2020, l’Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy formule les mêmes prétentions et appel incident que la SARL [V] et rappelle les conditions et les limites de sa garantie.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2021.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le transfert des contrats de travail
Il est constant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2018, Me [O], es qualité, a écrit à M. et Mme [S] [V] pour les informer de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Transports [V] [S] & Fils et les prier de bien vouloir noter qu’il résilie le contrat de location-gérance les liant à cette société, avec effet au 19/04/2018, ajoutant que :
« En tant que propriétaires du fonds de commerce, la charge des contrats de travail vous revient.
Vous trouverez ci-joint la liste des salariés.
Il vous appartient en conséquence de faire votre affaire de la reprise des contrats ou du licenciement des personnes concernées, l’Association pour la Gestion du régime d’Assurance des Créances des Salariés ne prenant pas en charge les créances de salaires ou autres indemnités dues postérieurement à la résiliation du contrat de location gérance, excepté notamment dans le cas où vous pouvez démontrer que le fonds est devenu vétuste et que vous n’êtes plus en mesure de l’exploiter. Pour ce faire, il convient de saisir le juge commissaire du tribunal de grande instance de Colmar. » (à noter l’erreur sur le tribunal concerné)
Me [O] précisait aussi qu’il allait adresser à chacun des salariés une lettre de licenciement au cas où les AGS accepterait leur prise en charge, laquelle ne les dispensait cependant pas de leurs obligations.
M. et Mme [V] n’ont pas saisi le juge commissaire mais M. [V], aux droits duquel vient aujourd’hui son épouse, a demandé à la juridiction prud’homale de faire constater cette ruine du fonds de commerce, en invoquant essentiellement, outre son grand âge, 91 ans au moment de la restitution du fonds, l’absence de moyens d’exploitation et la perte de la clientèle.
La Cour rappelle qu’aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Cette disposition a vocation à s’appliquer en matière de location-gérance d’un fonds de commerce, lorsque le contrat de location-gérance est résilié et qu’il est fait retour du fonds au bailleur.
Comme le prévoit la jurisprudence, le transfert qui doit intervenir doit s’entendre de celui d’une entité économique autonome, qui est définie comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre. Il faut également que soient transférés des moyens d’exploitation nécessaires à la poursuite de l’activité et que l’entité en cause conserve son identité économique.
Par ailleurs, s’agissant plus précisément d’une location-gérance, le transfert ne peut s’opérer qu’à condition que le fonds ne soit pas ruiné, à savoir que l’activité n’ait pas totalement disparu, que les éléments incorporels du fonds subsistent et que les éléments corporels indispensables à la poursuite de l’activité soient retournés au bailleur, à supposer qu’il en soit le propriétaire, de sorte qu’il puisse être considéré que le fonds est toujours exploitable, la charge de la ruine du fonds incombant à celui qui l’invoque.
La Cour rappelle encore qu’un fonds de commerce est défini comme un ensemble d’éléments corporels et incorporels affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle et comprend aux termes du code de commerce (selon les éléments pouvant donner lieu à nantissement) : l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage servant à l’exploitation du fonds, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de
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qui y sont attachés.
En l’espèce, le contrat signé le 30 janvier 1979 entre les époux [S] [V] ‘ [D] [P] et M. [M] [V], agissant au nom de la SARL Transports [V] [S] & Fils stipule qu’a été donné en location-gérance par les premiers à la seconde un fonds de commerce de transports routiers, service de transport public de marchandises, déménagement, comprenant :
l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage y attachés,
les éléments corporels servant à son exploitation, tels qu’ils figurent dans un état descriptif et estimatif annexé à l’acte.
Cet acte comporte aussi dans son article 12 une disposition aux termes de laquelle « le matériel et les objets mobiliers incorporés au fonds par le locataire-gérant resteront en toute hypothèse sa <
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personnelle et il pourra les retirer en quittant les lieux. », ce qui indique une obligation de restitution du locataire-gérant limitée aux seuls éléments corporels inclus dans le fonds à l’origine, éventuellement à ceux qui les ont remplacés, – le bail comportant aussi une clause obligeant le locataire-gérant à entretenir les biens loués et remplacer à ses frais les objets perdus, volés ou détruits, fût-ce par vétusté -, mais pas aux biens nouvellement acquis qui restent sa <
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personnelle et qu’il peut reprendre en quittant les lieux, sous-entendu à la fin du bail.
En l’occurrence, les seuls éléments corporels figurant sur l’inventaire des biens de la SARL [V] dressé le 23 novembre 2017 par Me [J], Huissier de Justice, suite au jugement de redressement judiciaire, qui ont été désignés comme étant la <
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de M. [V] [S], étaient un chargeur de batterie et un compresseur pour pistolet à peinture, dont l’appelante indique avoir eu restitution à l’exception de tout autre bien, ce qui n’est pas discuté par les intimés.
Tous les autres éléments inventoriés, dont tous les matériels de transport, tracteurs et remorques, ont été désignés soit comme faisant l’objet de contrats de leasing, soit comme étant la <
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de la société, de sorte qu’ils ont été soit retournés à leur bailleur, soit été inclus dans l’actif de la société devant servir à désintéresser ses créanciers, ce que confirment les divers rapports de Me [O], valorisant les biens mobiliers inventoriés par Me [J] à 9 140 euros HT, soit 11 292 euros TTC.
Tous ces biens ont donc été considérés comme ayant été acquis par le locataire-gérant et comme étant sa <
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personnelle, conformément aux termes de l’article 12 du contrat susvisé, sans intégration dans le fonds loué.
Il n’y a dès lors eu retour au bailleur d’aucun élément corporel susceptible de permettre utilement la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce et la conservation de son identité économique propre, dédiée à une activité de transport routier de marchandises ou de déménagement.
S’agissant des éléments incorporels, dont les intimés font grand cas, il est d’abord constaté que le fonds donné en location-gérance ne comportait aucun droit au bail, Mme [V] justifiant en l’occurrence que la SCI [V], propriétaire du terrain qui abrite les locaux de l’entreprise, a loué directement ce terrain à la SARL Transports [V] [S] & Fils par contrat de bail de locaux commerciaux en date du 30 décembre 1991 à charge d’y édifier les bâtiments nécessaires à son activité.
S’agissant de la clientèle, élément dirimant pour une poursuite de l’activité, l’appelante justifie suffisamment de la disparition de celle existante au moment de la location-gérance et de celle acquise par la SARL [V] en cours de contrat, en l’occurrence par suite de la liquidation judiciaire de cette dernière qui a entraîné la cessation immédiate de l’exploitation, en produisant :
une attestation de M. [M] [X], ancien gérant de la SARL [V], qui explique que le fonds de commerce avait perdu toute consistance lors de sa restitution à M. [S] [V], qu’en effet la clientèle constituée par ce dernier 40 ans auparavant (sous entendu lors de la conclusion du contrat de location-gérance) avait quasiment disparu et les clients existants étaient liés au gérant de la SARL Tranports [V] et n’entendaient pas travailler avec une autre personne, le témoin ajoutant qu’aucun matériel n’avait été restitué avec le fonds de commerce, de sorte que M. [V] ne pouvait effectuer aucune prestation ;
cinq courriers ou mails émanant des sociétés Homanit GmbH à Losheim am See (Allemagne), Transfret à [Localité 7], Transports Da Soler de Gaubiving, Heppner de [Localité 5] et Logipresse d'[Localité 4], attestant qu’elles ont toutes cessé leur collaboration avec la SARL [V] suite à sa liquidation et/ou que cette activité ne se poursuivra pas avec une autre entité juridique ou un repreneur, pour certaines faute de contrat les y obligeant.
La preuve étant libre en matière prud’homale, il n’y pas lieu de considérer le témoignage de M. [X] comme impropre à justifier de la perte de la clientèle, bien qu’il soit le gendre des époux [S] [V], dès lors que son attestation est précisément corroborée par les anciens donneurs d’ordre de la société.
Par ailleurs, même si Me [O] a donné un avis favorable le 3 janvier 2018 à une prolongation de la période d’observation, sur présentation par M. [X] d’un compte de résultat prévisionnel sur la période de janvier à juin 2018 pouvant être bénéficiaire de 14 347 euros (à condition que le gérant accepte de baisser sa rémunération de 2 800 à 1500 euros), ce mandataire a aussi constaté qu’à fin février 2018 le résultat d’exploitation sur 3,5 mois, depuis l’ouverture du redressement judiciaire, était négatif de 31 234 euros, ce qui a amené la chambre commerciale à considérer qu’aucun redressement n’était possible et donc à convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, comme recommandé par le mandataire judiciaire, aucune recherche d’un repreneur n’ayant donc été envisagée.
L’exploitation du fonds de commerce, à supposer même qu’elle restait possible sans moyens matériels dédiés, n’était donc plus viable, a fortiori sans clientèle acceptant de travailler pour un successeur.
Il convient en définitive de constater que le fonds était ruiné au moment de la résiliation du contrat de location-gérance, aucune entité économique exploitable n’ayant été transférée à M. [S] [V] et son épouse, tous deux bailleurs de ce fonds, par suite de l’arrêt de toute activité, du non retour des moyens matériels nécessaires à une reprise de cette activité et de la perte de la clientèle.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et il sera dit qu’il n’y a pas eu transfert du contrat de travail de M. [I] à M. [S] [V] et son épouse [D] [P] sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail du fait de cette ruine du fonds, de sorte que ces derniers ne peuvent être tenus au paiement d’une somme quelconque au titre de l’exécution ou de la rupture de ce contrat de travail.
M. [I] sera donc débouté de ses demandes dirigées contre l’appelante, en l’occurrence il avait demandé la confirmation du jugement concernant la condamnation de M. [V] à lui payer l’indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents.
Sur les demandes de M. [I] contre la liquidation judiciaire de la SARL [V]
La SARL [V] étant restée l’employeur de M. [I] jusqu’au licenciement pour motif économique prononcé par Me [O] es qualité, c’est à la liquidation judiciaire de cette société que doivent être fixées les créances du salarié.
S’agissant du rappel de salaire du 1er au 13 novembre 2017, les parties s’accordent sur le fait que ce salaire a été payé à M. [I] le 21 décembre 2017 si bien que cette demande n’a plus d’objet et que le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point en ce sens.
S’agissant du rappel de salaire pour les mois de janvier et de février 2018, n i le liquidateur judiciaire, ni l’AGS ne contestent le principe et le montant des créances réclamées par le salarié à ce titre, dont ils estimaient seulement qu’elles devaient incomber aux époux [V] et qu’elles doivent être exclues de la garantie du CGEA AGS, de sorte que ces créances restent à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL [V].
S’agissant du rappel de salaire du 1er au 18 mars 2018, le liquidateur judiciaire et l’AGS CGEA de Nancy soutiennent que les indemnités journalières de la part de la sécurité sociale (IJSS) reçues par le salarié sont incompatibles avec le maintien du salaire. Après déduction des indemnités journalières perçues par M. [I] compte tenu de son arrêt pour accident du travail, il convient de fixer la créance de ce dernier au passif de la SARL [V] à la somme de 397,13 euros bruts (1 498,50 euros – 628,41 euros déjà payé – 472,96 euros d’IJSS).
S’agissant du rappel d’heures supplémentaires, le liquidateur judiciaire et l’AGS CGEA de Nancy estiment qu’en l’absence de vérifications opérées par un tiers, les éléments produits par le salarié ne sont pas de nature à justifier la réalité des heures effectuées.
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.
Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l’employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments. Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En l’espèce, les relevés des disques chronotachygraphes annexés aux bulletins de salaire par l’employeur et produit par M. [I] dans le cadre de la présente instance laissent apparaître des heures supplémentaires qui n’ont pas été payés, ce qui permet d’étayer la demande de rappel de salaire des heures supplémentaires en l’absence d’élément mettant en doute l’utilisation sérieuse des disques chronotachygraphes par le salarié.
En conséquence, à défaut de réponse de l’employeur sur les heures de travail réalisées, il y a lieu de fixer la créance de M. [I] au passif de la SARL [V] à la somme réclamée de 1 416,50 euros bruts au titre des heures supplémentaires de septembre 2017 à février 2018.
Le jugement entrepris sera confirmé pour avoir fixé ces quatre créances sur l’état des créances privilégiées de la société en liquidation, avec opposabilité à l’Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy, mais sera amendé quant au montant retenu au titre du rappel de salaire du 1er au 18 mars 2018.
S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, leur paiement incombe aussi en principe à la liquidation judiciaire de la SARL [V], mais force est à la Cour de constater que M. [I] a demandé la confirmation du jugement entrepris, sans former de demande subsidiaire de fixation de ces créances à cette liquidation judiciaire au cas où il serait fait droit à la demande des époux [V].
La Cour ne pouvant statuer ultra petita, il ne sera donc pas décidé d’une telle fixation.
M. [I] sera par contre débouté des demandes formées à ce titre contre les époux [V].
Sur le surplus
Les dépens de première instance et d’appel accroîtront les frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL [V].
L’équité n’impose pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties, étant observé que M. [I] a dirigé sa demande à ce titre que contre M. [V], puis Mme [V].
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que lors de son transfert le fonds n’était pas ruiné et dit que le contrat de travail de M. [L] [I] s’est poursuivi avec M. [S] [V] après la liquidation judiciaire de la SARL Transports [V] [S] & Fils, débouté M. [S] [V] de l’ensemble de ses demandes et condamné ce dernier aux dépens ainsi qu’à payer à M. [L] [I] les montants retenus au titre de l’indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents et de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a fixé au passif de la SARL Transports [V] [S] & Fils, à titre de créances privilégiées, les sommes de 758,59 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période allant du 1er au 13 novembre 2017 et de 870,09 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er au 18 mars 2018.
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit qu’il n’y a pas eu transfert du contrat de travail de M. [L] [I] sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail à M. [S] [V] ou son épouse, née [D] [P] par suite de la résiliation du contrat de location-gérance, à raison de la ruine du fonds de commerce ;
Déboute M. [L] [I] de ses demandes dirigées contre M. [S] [V] ou son épouse, née [D] [P] ;
Déclare la demande de rappel de salaire du 1er au 13 novembre 2017 sans objet ;
Fixe à la liquidation judiciaire de la SARL Transports [V] [S] & Fils, représentée par Me [O], son mandataire liquidateur, es qualité, une créance de 397,13 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er au 18 mars 2018 ;
Dit que les dépens de première instance et d’appel seront traités comme des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Transports [V] [S] & Fils ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée
La Conseillère

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