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La loi HADOPI du 12 juin 2009 a instauré un principe de cession automatique des droits d’exploitation des oeuvres des journalistes à l’employeur dès la conclusion du contrat de travail. Il s’agit d’un régime dérogatoire des droits d’auteur favorable aux entreprises de presse.
Les dispositions régissant le droit d’exploitation des journalistes sont fixées par l’article L 132-5 du code de la propriété intellectuelle. Le titre de presse est l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué et l’ensemble des déclinaisons du titre quels qu’en soient les supports, les modes de diffusion, et de consultation. Selon l’article L 132-36, la convention liant un journaliste professionnel qui contribue de manière permanente ou occasionnelle à l’élaboration d’un titre de presse emporte sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, publiées ou non.
Selon l’article L 132-40 du même code lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle édite plusieurs titres de presse un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l’oeuvre par d’autres titres de la société ou du groupe auquel il appartient à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse.
Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés. L’exploitation de l’oeuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification dudit journaliste et si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l’oeuvre a été initialement publiée. Ces exploitations hors du titre de presse donnent lieu à rémunération complémentaire sous forme de droit d’auteur ou de salaire dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise conclu.
Si en matière de droits d’auteur, la preuve de la cession de ses droits au profit d’un tiers, personne morale ou physique pèse sur le cessionnaire, dans le cadre du régime légal dérogatoire des journalistes, en vertu de l’article L 132-36 du code de la propriété intellectuelle, la cession des droits est automatique sauf dispositions contraires du contrat de travail.
Au-delà de l’expiration du contrat de travail du journaliste, l’exploitation de l’oeuvre dans le titre de presse est rémunérée à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire dans les conditions de l’accord cadre et à défaut de tout autre accord collectif.
En l’espèce, l’éditeur s’est prévalu de l’accord cadre du 26 novembre 2012 sur les droits d’auteur des journalistes professionnels au sein des entreprises de presse périodique régionale, accord de branche pris en application des dispositions de la loi dite HADOPI du 12 juin 2009 (droits d’auteur à hauteur de 10 % du salaire mensuel de base au journaliste durant l’exécution de son contrat lui permettant la réutilisation des photographies après la rupture de la relation contractuelle sans donner lieu à rémunération supplémentaire).
En vertu de l’article L 132-6 du code de la propriété intellectuelle, la cession automatique des droits du journaliste ne s’applique qu’en l’absence de dispositions contraires du contrat de travail. Selon l’article L 111-2 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique du seul fait de sa réalisation même inachevée de la conception de l’auteur.
Une personne morale ne peut être investie à titre originaire des droits sur une oeuvre de l’esprit protégée au titre du droit d’auteur qu’en présence d’une oeuvre collective. Dans le cas contraire, la paternité de l’oeuvre revient nécessairement à une ou plusieurs personnes physiques.
La personne morale qui revendique des droits patrimoniaux sur une oeuvre les tient nécessairement de ce ou ces auteurs personnes physiques ou d’une personne morale les ayant acquis. Il lui appartient de prouver l’existence d’une cession de droits à son profit.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 06 Juillet 2022
N° RG 21/07522 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N4I6
Décision du Président du TJ de LYON en référé du 07 septembre 2021
RG : 21/00572
[H]
C/
S.A. ROSEBUD
APPELANT :
Monsieur [S] [H], né le 24 septembre 1972 à [Localité 3] (69), de nationalité française, domicilié [Adresse 2], de profession reporter-photographe
Représenté par Me Albane LAFANECHERE, avocat au barreau de LYON, toque : 3307
INTIMÉE :
La société ROSEBUD, dont le siège social est situé [Adresse 1] représentée par ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
Représentée par Me Sébastien PONCET de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1674
******
Date de clôture de l’instruction : 17 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Mai 2022
Date de mise à disposition : 06 Juillet 2022
Audience présidée par Karen STELLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
— Christine SAUNIER-RUELLAN, président
— Karen STELLA, conseiller
— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
[S] [H] est un reporter-photographe qui a été employé en cette qualité de du 30 juillet 2009 au 13 décembre 2018 par la société ROSEBUD, une société d’édition de presse régionale et notamment plusieurs titres différents. Monsieur [H] était notamment salarié pour l’hebdomadaire TRIBUNE DE LYON dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Par avenant du 1er février 2011, il a accepté de réaliser des reportages photographiques pour le magasine EXIT. En 2013, la société ROSEBUD a demandé à ses journalistes et son photographe d’étendre leur activité sur tous les supports édités par ROSEBUD, sauf ceux en édition déléguée sans complément de salaire.
Il a donc fourni durant dix ans des photographies pour illustrer les articles de tous les titres édités par ROSEBUD.
Il a été licencié le 13 décembre 2018 pour faute grave en ce qu’il aurait collaboré avec la METROPOLE DU GRAND LYON qui porte atteinte à l’indépendance du titre de presse TRIBUNE DE LYON. La société ROSEBUD a conservé l’ensemble de ses photographies.
Celle-ci a reproduit certaines de ses photographies sans son autorisation pour illustrer TRIBUNE DE LYON et d’autres titres sur des supports papier et/ou numériques. Il n’a pas été rémunéré.
Ses photographies ont même été mises à disposition de magazines dont ROSEBUD assure l’édition déléguée comme le magazine des experts-comptables, notamment PAROLES D’EXPERT.
Le 13 février 2019, il a écrit à ROSEBUD en joignant une facture correspondant à ses droits d’auteur pour les usages passés, sur la base des tarifs pratiqués par ROSEBUD sur ses photographies de pigiste. Il a proposé de formaliser un accord pour les usages futurs. Il a également signalé que des photographies n’étaient pas créditées à son nom ce qui est une atteinte à son droit moral d’auteur justifiant une indemnisation.
Le 24 juin 2019, son conseil a adressé à ROSEBUD une mise en demeure de cesser ses agissements délictueux et de réparer son préjudice. En vain.
Par requête du 27 juin 2019, il a contesté son licenciement qui est une mesure discriminatoire. Il a interjeté appel du jugement du conseil des prud’hommes ayant rejeté sa demande.
En février 2020, il a constaté la réutilisation de ses photographies dans le nouveau mensuel LYON DECIDEURS, titre d’une société détenue à 90 % par ROSEBUD et créée par le dirigeant de ROSEBUD. Il s’agit d’une mise à disposition de ses oeuvres auprès d’un tiers sans son autorisation, sans rémunération, ni même sans l’informer.
Le 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire a ordonné à LYON DECIDEURS de cesser toute exploitation de ses photographies en lui accordant une provision. A défaut d’appel, cette décision est définitive.
Compte tenu de la réutilisation illicite de plus d’un millier de photographies, sur divers supports et sur trois ans malgré des mises en garde, par acte du 24 mars 2021, il a assigné la société ROSEBUD devant le juge des référés du tribunal judiciaire de LYON aux fins de’:
lui faire interdire dans les 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance tout usage quel qu’il soit et sur quel que support que ce soit de ses photographies sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;
lui faire interdire d’inclure son nom dans l’Ours de ses titres de presse et de faire référence à lui comme collaborateur sous la même astreinte et dans le même délai ;
se réserver la liquidation de l’astreinte ;
la faire condamner à lui payer 89 000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant de l’atteinte à son droit patrimonial d’auteur ;
la faire condamner à lui payer une provision de 16 500 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur ;
la faire condamner à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.
La société ROSEBUD a conclu au mal-fondé des demandes de provision en raison d’une contestation réelle et sérieuse et a demandé au juge de se déclarer incompétent.
A titre subsidiaire, elle a conclu au rejet des demandes provisoires infondées et à la condamnation de Monsieur [H] à lui payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 7 septembre 2021, le juge des référés a’:
débouté la société ROSEBUD de sa demande aux fins d’incompétence ;
débouté Monsieur [H] de ses demandes au titre de ses droits patrimoniaux d’auteur ;
dit qu’en omettant d’attribuer à Monsieur [H] la paternité de certaines photographies et en procédant à leur recadrage, la société ROSEBUD a porté atteinte aux droits moraux d’auteur de Monsieur [H] ;
condamné la société ROSEBUD à payer à Monsieur [H] une provision de 1 200 euros à valoir sur son préjudice tiré de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur ;
débouté Monsieur [H] de ses demandes d’interdiction ;
condamné la société ROSEBUD à payer à Monsieur [H] 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le juge des référés a retenu en substance que’:
la compétence matérielle et territoriale n’est pas en cause. Il y a lieu d’examiner le caractère sérieux des contestations soulevées ;
la demande est examinée suivant l’article 835 du code de procédure civile ;
Selon l’article L 111-2 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique du seul fait de sa réalisation même inachevée de la conception de l’auteur. Une personne morale ne peut être investie à titre originaire des droits sur une oeuvre de l’esprit protégée au titre du droit d’auteur qu’en présence d’une oeuvre collective. Dans le cas contraire, la paternité de l’oeuvre revient nécessairement à une ou plusieurs personnes physiques. La personne morale qui revendique des droits patrimoniaux sur une oeuvre les tient nécessairement de ce ou ces auteurs personnes physiques ou d’une personne morale les ayant acquis. Il lui appartient de prouver l’existence d’une cession de droits à son profit ;
Les dispositions régissant le droit d’exploitation des journalistes sont fixées par l’article L 132-5 du code de la propriété intellectuelle. Le titre de presse est l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué et l’ensemble des déclinaisons du titre quels qu’en soient les supports, les modes de diffusion, et de consultation. Selon l’article L 132-36, la convention liant un journaliste professionnel qui contribue de manière permanente ou occasionnelle à l’élaboration d’un titre de presse emporte sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, publiées ou non. Selon l’article L 132-40 du même code lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle édite plusieurs titres de presse un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l’oeuvre par d’autres titres de la société ou du groupe auquel il appartient à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés. L’exploitation de l’oeuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification dudit journaliste et si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l’oeuvre a été initialement publiée. Ces exploitations hors du titre de presse donne lieu à rémunération complémentaire sous forme de droit d’auteur ou de salaire dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.
Selon l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d’une oeuvre faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. L’appréciation de la contrefaçon commande de se déterminer par un examen d’ensemble en se fondant sur les ressemblances entre les oeuvres, la multitude, et la force des différences pouvant néanmoins neutraliser des ressemblances insignifiantes ;
Monsieur [H] est l’auteur des photographies litigieuses et titulaire initial des droits d’auteur y afférant ;
En vertu de l’article L 132-6, la cession automatique des droits du journaliste ne s’applique qu’en l’absence de dispositions contraires du contrat de travail ;
Monsieur [H] prétend que son contrat ne prévoyait pas la cession automatique de ses droits. En son article VIII sur les droits d’auteur, il est prévu que conformément aux articles L 113-2 al 3 et L 113-5 du CPI, les travaux de Monsieur [H] font partie intégrante de l’oeuvre collective du journal TRIBUNE DE LYON et la SARL ROSEBUD est investie des droits d’auteur. Dès lors, il est prévu que la société dispose du droit de reproduire et d’exploiter tout ou partie des photographies et des articles rédigés par [S] [H] ;
Pour la société ROSEBUD, les journaux qu’elle publie et qu’elle édite sous son nom sont des oeuvres collectives. Aucun des salariés ayant collaboré à son élaboration ne peut prétendre à la titularité des droits d’auteur (L 113-5) et le contrat de travail de Monsieur [H] vise expressément les textes relatifs à l’oeuvre collective ;
L’accord cadre du 26 novembre 2012 serait applicable. Il prévoit une redevance due au titre de l’exploitation des oeuvres journalistiques, en ce compris celles effectuées au-delà de la rupture du contrat de travail. Elle aurait procédé à ce versement ;
Monsieur [H] soutient que la société ROSEBUD ne démontre pas son adhésion au syndicat signataire de cet accord avant l’année 2020. Celle-ci produit une attestation en sens inverse du président du syndicat qui ne satisfait pas aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Toutefois, cette pièce a valeur informative. Monsieur [H] soutient que si son contrat de travail diffère des dispositions de l’accord cadre, cela implique que les parties ont entendu se placer hors de ce contrat. La question de l’applicabilité de l’accord cadre est une contestation sérieuse qui implique un rejet des demandes en contrefaçon des droits patrimoniaux d’auteur ;
Sur l’atteinte aux droits moraux, en application de l’article L 111-1, le droit moral comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral outre des attributs d’ordre patrimonial. Selon l’article L 121-1, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. L’auteur a le droit de veiller sur l’intégrité de son oeuvre, empêcher des altérations, des déformations, modifications additions ou suppressions. Il ne peut être apporté de modifications à l’ouvrage que dans la seule mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques, ou de sécurité publique ;
La société ROSEBUD conteste la paternité de Monsieur [H] sur certaines photographies. En l’absence de plus d’éléments, il y a une contestation sérieuse ;
En revanche, six photographies sont l’oeuvre de Monsieur [H]. Elles sont présentes sur la page Facebook du journal LYON DECIDEURS. Il y a un lien URL renvoyant au site TRIBUNE DE LYON sur lequel les photographies sont bien créditées ;
La société ROSEBUD reconnaît exploiter sur sa page Facebook des photographies qui ne sont pas créditées directement, ce qui constitue une atteinte à la paternité du demandeur ;
Pour les photographies créditées dans l’Ours, cette pratique satisfait à la condition de respect du droit la paternité de l’auteur’: il s’agit d’une contestation sérieuse ;
Le droit au respect de l’oeuvre n’est pas forcément atteint en présence de l’utilisation d’une photographie pour illustrer une actualité différente de celle d’origine alors qu’il s’agit bien de la bonne personnalité qui est représentée. Le caractère prétendument critiquable de telles pratiques au regard de l’éthique éditoriale et du droit à l’image des personnes photographiées est indifférent sur le terrain du droit d’auteur ;
la société ROSEBUD reconnaît avoir recadré ou détouré cinq photographies. La modification dont il n’est pas possible de déterminer l’ampleur, faute de comparatif avec l’original, est intervenue sans le consentement de l’auteur et il n’est pas expliqué en quoi cela était nécessaire.
Suivant déclaration électronique d’appel, en date du 12 octobre 2021, appel a été interjeté par le conseil de Monsieur [H] à l’encontre de toutes les dispositions.
La procédure a été orientée à bref délai et les plaidoiries fixées au 17 mai 2022. à 9 heures.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 février 2022, Monsieur [H] demande à la Cour, de’:
confirmer partiellement sur le débouté de l’exception d’incompétence, sur la condamnation sur le principe de la reconnaissance de l’atteinte au droit moral mais pas sur le quantum, sur les frais irrépétibles et les dépens, outre le débouté de la société ROSEBUD de ses demandes ;
infirmer partiellement l’ordonnance sur le rejet sur de ses demandes au titre de ses droits patrimoniaux, sur la provision limitée à 1 200 euros et sur le débouté sur les demandes d’interdiction.
Statuant à nouveau,
dire qu’en réutilisant les photographies de Monsieur [H] sans son autorisation, elle a porté atteinte à ses droits patrimoniaux sur ses photographies ;
lui interdire sous 15 jours et sous astreinte tout usage de ses photographies ;
la condamner à une provision de 95 000 euros sur l’atteinte à ses droits patrimoniaux ;
dire qu’en omettant d’attribuer à Monsieur [H] la paternité de ses photographies, la société ROSEBUD a porté atteinte à son droit moral, soit le droit au respect de son nom et de sa qualité ;
lui interdire sous 15 jours et sous astreinte de 500 euros par infraction tout usage de photographie non créditée ;
dire qu’en procédant au recadrage des photographies et en réutilisant certaines de ses photographies pour illustrer des articles d’une actualité différente elle a porté atteinte au droit moral d’auteur en ce qu’elle a manqué au respecté de ses oeuvres ;
lui interdire sous 15 jours et sous astreinte de 500 euros par infraction tout usage de photographie recadrée ;
la condamner à 20 000 euros de provision pour atteinte à son droit moral ;
lui interdire 15 jours et sous astreinte de 500 euros par infraction d’inclure le nom d'[S] [H] dans l’Ours de ses titres de presse et de faire référence à lui comme collaborateur ;
se réserver la liquidation de l’astreinte ;
débouter la société ROSEBUD de ses demandes et conclusions ;
la condamner à 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 janvier 2022, la société ROSEBUD demande à la Cour de’:
A titre principal,
confirmer l’ordonnance sur le débouté des demandes d’interdiction et de provision à hauteur de la somme de 89 000 euros au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur ;
infirmer sur l’incompétence, sur l’atteinte au droit moral, sur la provision de 1 200 euros, au titre de l’atteinte au droits moraux, sur la condamnation à l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, ainsi que sur le rejet de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
constater sur les demandes provisionnelles sont infondées et injustifiées ;
constater qu’il existe une contestation réelle et sérieuse.
Par conséquent :
se déclarer incompétent pour les demandes provisoires ;
les rejeter ;
le condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens.
Subsidiairement,
limiter le montant des dommages et intérêts à de plus juste proportions.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 17 mai 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 6 juillet 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5,31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur le pouvoir juridictionnel de la juridiction des référés :
C’est à tort que la société ROSEBUD soutient l’incompétence de la Cour et du juge des référés au motif qu’il y aurait des contestations sérieuses pour s’opposer aux demandes de Monsieur [H] puisqu’en matière de trouble manifestement illicite, le juge des référés peut intervenir malgré l’existence de contestations sérieuses et qu’en matière d’octroi de provision, la contestation sérieuse n’est qu’une limite à son pouvoir juridictionnel lequel est bien tant territorialement que matériellement compétent. En ce cas, les demandes ne sont tout simplement pas recevables puisque seul le juge du fond a le pouvoir de les trancher.
Ainsi, il y a lieu de rejeter la demande aux fins d’incompétence présentée encore à hauteur d’appel par la société ROSEBUD et de confirmer l’ordonnance sur ce point.
Sur les demandes au titre des atteintes alléguées aux droits patrimoniaux de Monsieur [H] :
Les demandes de Monsieur [H] sont de deux types’: l’une sous forme d’interdiction d’utilisation des photographies sous astreinte, et l’autre sous forme de provision à valoir sur la réparation de son préjudice. Il s’agit de deux fondements juridiques différents.
Sur le trouble manifestement illicite et les mesures d’interdiction sous astreinte
Pour le premier type de demande, Monsieur [H] soutient qu’il est victime à chaque utilisation de ses photographies sans son autorisation et sans rémunération d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Selon l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile : « Le président peut (‘), même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite’». Ainsi, peu important l’existence, à ce stade, de contestations sérieuses. Cependant, il appartient à Monsieur [H] de démontrer que le trouble qui lui est causé est manifestement illicite.
Il est rappelé que selon l’article 484 du code de procédure civile, «’l’ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires ». Dans ce cas, le juge des référés peut prendre toutes mesures qu’il estime nécessaire pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Mais, statuant au provisoire, il ne peut prononcer des mesures définitives.
Néanmoins, le juge des référés ne peut pas trancher des questions de fond. Il reste le juge de l’évidence. Ainsi, en matière de trouble manifestement illicite résultant de la violation de règles juridiques et notamment contractuelles, dès qu’il s’agit d’interpréter des clauses peu claires d’un contrat ou d’un acte juridique, de se livrer à des recherches ou de porter des appréciations sur des pièces contradictoires, le juge des référés ne pourra pas considérer que le trouble est manifestement illicite.
En l’espèce, il est constant et non contesté que Monsieur [H] est l’auteur des photographies litigieuses et partant titulaire initial des droits d’auteur y afférant. La société ROSEBUD ne dénie pas avoir exploité comme indiqué le fonds des photographies prises par son ex-salarié.
Or, la loi HADOPI du 12 juin 2009 a instauré un principe de cession automatique des droits d’exploitation des oeuvres des journalistes à l’employeur dès la conclusion du contrat de travail. Il s’agit d’un régime dérogatoire des droits d’auteur favorable aux entreprises de presse.
Si en matière de droits d’auteur, la preuve de la cession de ses droits au profit d’un tiers, personne morale ou physique pèse sur le cessionnaire, dans le cadre du régime légal dérogatoire des journalistes, en vertu de l’article L 132-36 du code de la propriété intellectuelle, la cession des droits est automatique sauf dispositions contraires du contrat de travail.
Force est de constater que le contrat de travail a été signé le 30 juillet 2009 soit après l’entrée en vigueur de la loi HADOPI le 14 juin 2009.
La société ROSEBUD soutient également que le contrat de travail lui permet de réutiliser les photographies de son journaliste sans son accord ainsi que cela ressort de l’article VIII «’droits d’auteur’» du contrat de travail de Monsieur [H] qui prévoit que :
«’les travaux de [S] [H] font partie intégrante de l’oeuvre collective du journal TRIBUNE DE LYON et la SARL ROSEBUD est investie des droits d’auteur’».
Il est expressément prévu qu’il résulte de ces dispositions que la société dispose du droit de reproduire et d’exploiter tout ou partie des photos et articles rédigés par [S] [H].
La société ROSEBUD fait valoir que la contrepartie de la cession à titre exclusif de ces droits d’auteur est le salaire pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou à défaut tout autre accord collectif. Au-delà de cette période, l’exploitation de l’oeuvre dans le titre de presse est rémunérée à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire dans les conditions de l’accord cadre et à défaut de tout autre accord collectif.
Elle se prévaut de l’accord cadre du 26 novembre 2012 sur les droits d’auteur des journalistes professionnels au sein des entreprises de presse périodique régionale, accord de branche pris en application des dispositions de la loi dite HADOPI du 12 juin 2009. Elle fait valoir qu’elle a payé des droits d’auteur à hauteur de 10 % du salaire mensuel de base à son journaliste durant l’exécution de son contrat lui permettant la réutilisation des photographies après la rupture de la relation contractuelle sans donner lieu à rémunération supplémentaire. Il est prévu qu’en cas de licenciement, aucune indemnité n’est due, celle-ci ayant été versée au fur et à mesure des rétributions annuelles.
Monsieur [H] soutient que l’accord-cadre ne serait que la reproduction de la loi HADOPI et que les parties ont entendu ne pas se référer à la loi HADOPI dans le contrat de travail et y déroger.
Or, force est de constater que le contrat de travail de Monsieur [H] conclu après l’entrée en vigueur de la loi HADOPI ne déroge pas expressément au régime légal et ce n’est que par un argumentaire de plus de deux pages développé dans ses écritures que Monsieur [H] tente de démontrer que son contrat de travail déroge au régime légal. Il en est de même de son argumentation quant à l’inapplicabilité de l’accord cadre du 26 novembre 2012. Or, le fait de devoir se livrer à des argumentations longues pour tenter, par des déductions, d’ emporter la conviction démontre en soi le fait que si trouble illicite il y a, il est loin d’être manifeste. Contrairement à ce que prétend Monsieur [H], aucun écrit produit n’est clair quant à l’absence de cession automatique de ses droits d’auteur à ROSEBUD.
Ainsi, il ne peut qu’être conclu que seul le juge du fond est à même de se prononcer sur le caractère illicite des exploitations sans rémunération après son licenciement de ses photographies par ROSEBUD. Ainsi, il n’y a pas lieu à référé sur sa demande aux fins d’injonction de ne pas utiliser ses photographies sous astreinte. La Cour confirme l’ordonnance en ce qu’elle n’a pas fait droit à ladite demande, sauf à préciser qu’il n’y avait pas lieu à référé.
Sur la demande de provision
En application de l’article 835 alinéa 2 du code précité, le juge des référé peut allouer une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Le fait de devoir se livrer à des analyses approfondies des pièces, du contrat de travail et de l’accord cadre pour apprécier l’obligation à réparation par ROSEBUD pour des atteintes au droit patrimonial de Monsieur [H] qui ne ressortent pas de l’évidence constituent également autant de contestations sérieuses qui s’opposent à sa demande de provision à valoir sur la réparation de son préjudice résultant des atteintes alléguées à son droit patrimonial d’auteur.
La Cour confirme l’ordonnance en ce qu’elle n’a pas fait droit à ladite demande sauf à préciser qu’il n’y avait pas lieu à référé.
Sur les demandes au titre des atteintes alléguées au droit moral de Monsieur [H]
Les demandes de Monsieur [H] sont également de deux types’: l’une sous forme d’interdiction d’utilisation des photographies sous astreinte et l’autre sous forme de provision à valoir sur la réparation de son préjudice. Il s’agit de deux fondements juridiques différents’: la cessation d’un trouble manifestement illicite par des mesures provisoires ou de remise en état appropriées fondée l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile et l’allocation d’une provision à valoir sur la réparation de son préjudice, ce qui suppose l’absence d’une contestation sérieuse en application des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur le trouble manifestement illicite et les mesures d’interdiction sous astreinte :
Selon l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Il est constant que ce droit moral est attaché à la personne de l’auteur: il est perpétuel, imprescriptible, inaliénable et incessible. L’auteur conserve l’exercice de son droit en toutes circonstances.
En premier lieu, Monsieur [H] a droit à la paternité de son oeuvre soit le droit d’être identifié comme auteur de l’oeuvre exploitée. Or, il est constant que des photographies n’ont pas été créditées de son nom ou porteur de la mention DR soit Droits Réservés comme s’il n’était pas identifiable. Certaines photographies ont même été créditées au nom d’un autre photographe. Il a pu le vérifier sur la version papier et sur le site internet de TRIBUNE DE LYON. Ces photographies devraient être créditées par la mention OC ou [S] [H]. La pièce 39 qui récapitule l’existence de 252 sur 600 photographies non créditées dans le support papier de TRIBUNE DE LYON entre le 14 décembre 2018 et le 15 juin 2021permet de considérer que cela représente plus de 40 % des photographies.
Le fait que le nom de Monsieur [H] apparaisse avec les noms des autres photographes dans l’Ours de l’hebdomadaire est insuffisant car il est impossible de savoir en lisant le magazine quel est l’auteur de la photographie non créditée.
Dans la version WEB de TRIBUNE DE LYON, la pièce 40 justifie ses allégations à propos des 120 photographies non créditées sur 600, ce qui représente 20 % des photographies entre le 14 décembre 2018 et le 15 juin 2021. Ces constats d’absence de crédit de nombreuses photographies d'[S] [H] ont été également faits par huissier de justice lors de ses recherches sur le site tribunedelyon.fr sur la période de juillet 2019 à décembre 2018, les recherches ayant été délibérément restreintes du fait du nombre très important des photographies du journaliste (pièce 8).
Sur le compte Facebook de TRIBUNE DE LYON, aucune de ses photographies n’est créditée de son nom, contrairement à une autre journaliste salariée [X] [K], ce qui démontre que la démarche est techniquement possible.
Sur les autres supports, Monsieur [H] a découvert que des photographies ont été non créditées à son nom dans les magazines EXIT MAG et PAROLES D’EXPERTS (pièces 11, 11.1 et 12).
Le fait que cela puisse être de purs oublis n’a aucun effet juridique et n’ôte pas le caractère manifestement illicite à ces atteintes au droit moral d'[S] [H] dont chaque photographie doit être créditée de son nom ou ses initiales. A défaut, ROSEBUD doit s’abstenir de les utiliser.
Monsieur [H] démontre que malgré la condamnation de première instance, ROSEBUD a continué ses pratiques inexcusables en faisant notamment paraître encore 10 photographies sur 64 sur le site TRIBUNE DE LYON entre le 20 décembre 2021 et le 20 février 2022 (pièce 10.3), 18 photographies sur Facebook (pièce 28.3) et 9 photographies sur la parution photo de TRIBUNE DE LYON (pièce 9.3) non créditées régulièrement.
Le fait de ne pas créditer les photographies de Monsieur [H] constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
En second lieu, le droit moral protège toute atteinte à l’intégrité de l’oeuvre qui doit être respectée. Ce droit permet à l’auteur de défendre son oeuvre contre toute altération et de toute atteinte à l’esprit de l’oeuvre.
Monsieur [H] a constaté que de très nombreuses photographies ont été recadrées, tronquées, modifiées voire ont fait l’objet d’un photomontage sans son accord. Plus de 200 photographies ont été recadrées dans l’édition papier TRIBUNE DE LYON et la moitié de celles reprises dans les magazines EXIT MAG et PAROLES D’EXPERT.
Un recadrage ou «’détourage’» et toutes modifications, sans autorisation de son auteur, constituent un trouble manifestement illicite quelles que soient les contestations sérieuses soulevées par ROSEBUD.
Il convient, à titre de mesures provisoires ou de remises en état, de prendre les mesures les plus adaptées, le juge des référés et la Cour à sa suite disposant de la plus grande latitude en la matière, pour faire cesser le trouble manifestement illicite.
Outre l’intégrité matérielle de l’oeuvre, celle-ci a été atteinte dans son esprit par détournement du contexte. Durant son emploi, Monsieur [H] a pris des photographies pour illustrer des thèmes précis ou servir un propos spécifique. Il était reporter-photographe assurant la réalisation de reportages photographiques pour illustrer des articles de l’hebdomadaire TRIBUNE DE LYON et ses suppléments. Le contexte d’actualité l’a nécessairement conduit à des choix artistiques sur le sujet, le cadrage et l’éclairage. Il s’agit de la valeur ajoutée créatrice du photographe. Or, il est manifeste que ROSEBUD a réutilisé des photographies dans d’autres contextes que le contexte initial (pièce 16). Parfois, une même photographie a été réutilisée 10 ans après pour illustrer un thème contraire tout en étant recadrée et créditée à un autre nom. (pièce 16 photographie n°2).
Or, une photographie d’actualité ne peut être dissociée du contexte du sujet étudié qu’elle a pour but d’illustrer. Le simple fait de dissocier l’image de son contexte initial et de s’en servir pour illustrer une actualité sans aucun rapport ne peut que dénaturer la photographie. Ce type de pratiques constitue un trouble manifestement illicite quelle que soit l’existence d’éventuelles contestations mêmes sérieuses. Il convient dès lors de mettre fin à ce trouble causé de manière manifeste au droit moral de l’auteur.
Le fait de faire figurer dans l’Ours le nom ou les initiales d'[S] [H] s’agissant de photographies qui ont pu être détournées de leur contexte alors qu’il peut craindre la mise en jeu de sa responsabilité par les personnes dont le droit à l’image a pu être atteint, ces dernières n’ayant donné leur accord pour une photographie que dans un contexte précis et non pour tout autre usage, constitue un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.
Sur les mesures provisoires ou de remise en état, il est rappelé que le juge des référés, et la Cour à sa suite, a la plus grande latitude en la matière et doit prendre la ou les mesures propres à faire cesser le trouble au besoin en prévoyant une astreinte.
Il est nécessaire de tenir compte du fait qu’en l’état du litige, la société ROSEBUD dispose apparemment du droit d’exploiter patrimonialement les photographies de son ancien reporter-photographe. Mais ce droit d’exploitation est limité par son obligation de ne pas porter atteinte au droit moral de l’auteur.
Ainsi, toutes les photographies utilisées doivent être créditées à son nom ou ses initiales quel que soit le support utilisé et aucune photographie ne doit, à l’avenir, subir la moindre modification matérielle ni illustrer un contexte d’actualité différent du contexte d’origine sans l’autorisation d'[S] [H]. S’agissant des photographies qui ont été modifiées et qui ont été utilisées dans un autre contexte que le contexte d’origine, la société ROSEBUD ne doit pas faire apparaître [S] [H] dans l’Ours, ni le citer comme collaborateur.
En conséquence, la Cour:
— Enjoint à la société ROSEBUD de ne pas utiliser les photographies dont Monsieur [H] est l’auteur dans toutes ses éditions quel qu’en soit le support, soit l’hebdomadaire TRIBUNE DE LYON, son supplément «’Salade Lyonnaise’», tous autres suppléments notamment la Croix Roussienne et Mon Annonce Légale, l’hebdomadaire EXIT MAG et le GRAINS DE SEL, ainsi que toutes ses autres éditions y compris sur les sites WEB et comptes Facebook associés de la société, en y apportant, sans son autorisation, des modifications matérielles de quelque manière que ce soit (détourage, recadrage…) et en les utilisant, sans son autorisation, dans un contexte d’actualité et de sujet différent que celui pour lequel [S] [H] a pris ladite photographie.
— Enjoint à la société ROSEBUD de créditer au nom ou aux initiales d'[S] [H] les photographies qu’elle utilisera.
— Enjoint à la société ROSEBUD de ne pas inclure, à l’avenir, le nom et les initiales d'[S] [H] dans l’Ours de ses titres de presse et ses sites WEB et réseaux sociaux ainsi que la mention de collaborateur.
— Enjoint à la société ROSEBUD de supprimer le nom et les initiales d'[S] [H] dans l’Ours de ses titres de presse et ses sites WEB et réseaux sociaux ainsi que la mention de collaborateur pour toutes les photographies qui ont été, depuis son licenciement, modifiées par recadrage ou détourage et/ou qui ont été utilisées pour illustrer un contexte d’actualité ou un sujet différent que celui illustré à l’origine par l’auteur, si ces photographies sont encore accessibles.
La Cour infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle n’a pas fait droit à ces mesures d’interdiction sous astreinte par infraction constatée, l’astreinte étant seule de nature à permettre l’exécution de la décision car la société ROSEBUD s”est obstinée à ne pas prendre de précautions et à faire paraître notamment des photographies non créditées malgré sa condamnation de première instance à verser une provision en réparation de l’atteinte au droit moral de son ancien reporter photographe. La Cour assortit injonctions ci-dessus faites à la société ROSEBUD d’une astreinte suivant les modalités prévues et détaillées au dispositif du présent arrêt.
Sur la demande de provision pour atteinte au droit moral de l’auteur
[S] [H] sollicite une provision à valoir sur la réparation de son préjudice résultant des atteintes à son droit moral d’auteur. En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, l’allocation d’une provision en référé ne peut être prononcée que si l’obligation à réparation n’est pas sérieusement contestable, la provision étant fixée à hauteur du quantum qui n’est sérieusement contestable.
L’omission du nom de Monsieur [H] lui cause nécessairement un préjudice n’étant pas reconnu comme l’auteur du travail.
Il a pu légitimement être choqué par le nombre important de photographies modifiées, recadrées, détourées et détournées du contexte original. Cela lui a nécessairement causé un préjudice moral outre la crainte que sa responsabilité civile puisse être mise en cause par les personnes figurant sur des photographies qui pourraient être heurtées par le fait qu’ils n’avaient pas donné leur accord pour un autre usage. Il a en effet produit une attestation de Madame [M] qui a dit avoir eu la «’désagréable surprise’» de découvrir une photographie de sa famille en pleine page de la TRIBUNE DE LYON le 19 mars 2020 pour illustrer un dossier sur la pandémie alors qu’en octobre 2017, cette photographie a été acceptée pour un dossier sur l’immobilier. Enfin, a été mis en évidence, le cas d’un cliché qui a nécessairement atteint moralement [S] [H] à titre personnel puisqu’une photographie de sa mère, décédée en 2016, a été réutilisée hors contexte le 15 décembre 2021.
La Cour a les éléments suffisants pour fixer le montant de la provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice moral de Monsieur [H] en tenant compte de la durée de l’atteinte sur trois années, du nombre de photographies concernées estimées à 200, toutes causes d’atteintes au respect de l’oeuvre confondues, et du cas particulier de la photographie de la mère de l’appelant. Ainsi, le montant non sérieusement contestable de la provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice moral d'[S] [H] s’établit à 10 000 euros.
La Cour confirme l’ordonnance déférée sur le principe de la condamnation à provision de la société ROSEBUD mais la réforme sur le quantum alloué. Statuant à nouveau sur ce point, la Cour condamne la société ROSEBUD à payer à Monsieur [H] une provision de 10 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant des atteintes à son droit moral d’auteur.
Sur la liquidation de l’astreinte :
En l’absence de circonstances particulières, il n’y a pas lieu pour la Cour de se réserver la liquidation de l’astreinte et de porter une atteinte non justifiée par un motif légitime au double degré de juridiction. La Cour rejette cette demande formulée par [S] [H].
Sur les demandes accessoires :
[S] [H] a été accueilli dans une partie importante de son appel. Il s’ensuit que la partie perdante est la société ROSEBUD. La société ROSEBUD doit, en conséquence, être condamnée aux entiers dépens.
La Cour approuve le juste sort des dépens de première instance et confirme l’ordonnance sur ce point et condamne la société ROSEBUD aux entiers dépens d’appel.
En équité, la Cour confirme la condamnation de la société ROSEBUD aux frais irrépétibles de première instance et la condamne à payer une indemnité supplémentaire de 3000 euros à [S] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Corrélativement, la Cour déboute la société ROSEBUD de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette la demande aux fins d’incompétence présentée à hauteur d’appel par la société ROSEBUD et confirme l’ordonnance sur ce point ;
Confirme l’ordonnance en ce qu’elle n’a pas fait droit aux demandes d’interdiction sous astreinte d’utiliser toutes photographies quel que soit le support, sauf à préciser qu’il n’y avait pas lieu à référé ;
Confirme l’ordonnance en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande de provision de Monsieur [H] en réparation du préjudice résultant d’atteintes patrimoniales à son droit d’auteur, sauf à préciser qu’il n’y avait pas lieu à référé ;
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle n’a pas fait droit aux mesures d’interdiction sous astreinte par infraction constatée, s’agissant du trouble manifestement illicite constitué par les atteintes au droit moral de l’auteur par absence de crédit de photographies à son nom ou ses initiales, par modification matérielle apportée à des photographies et par détournement de leur contexte initial,
Statuant à nouveau sur les mesures provisoires ou de remise en état à prendre pour faire cesser ledit trouble manifestement illicite ci-dessus décrit,
Enjoint à la société ROSEBUD à ne pas utiliser les photographies dont Monsieur [H] est l’auteur dans toutes ses éditions quel qu’en soit le support, soit l’hebdomadaire TRIBUNE DE LYON, son supplément «’Salade Lyonnaise’», tous autres suppléments notamment la Croix Roussienne et Mon Annonce Légale, l’hebdomadaire EXIT MAG et le GRAINS DE SEL, ainsi que toutes ses autres éditions y compris sur les sites WEB et comptes Facebook associés de la société, en y apportant, sans son autorisation, des modifications matérielles de quelque manière que ce soit (détourage, recadrage…) et en les utilisant, sans son autorisation, dans un contexte d’actualité et de sujet différent que celui pour lequel [S] [H] a pris ladite photographie, sous astreinte de 500 euros par infraction commise passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, cette astreinte étant provisoire et courant tant qu’une décision sur le fond ne l’a pas remise en cause ;
Enjoint à la société ROSEBUD de créditer au nom ou aux initiales d'[S] [H] les photographies qu’elle utilisera, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, cette astreinte étant provisoire, courant tant qu’une décision sur le fond ne l’a pas remise en cause;
Enjoint à la société ROSEBUD de ne pas inclure, à l’avenir, le nom et les initiales d'[S] [H] dans l’Ours de ses titres de presse et ses sites WEB et réseaux sociaux ainsi que la mention de collaborateur, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, cette astreinte étant provisoire, courant tant qu’une décision sur le fond ne l’a pas remise en cause;
Enjoint à la société ROSEBUD de supprimer le nom et les initiales d'[S] [H] dans l’Ours de ses titres de presse et ses sites WEB et réseaux sociaux ainsi que la mention de collaborateur pour toutes les photographies qui ont été, depuis son licenciement, modifiées par recadrage ou détourage et/ou qui ont été utilisées pour illustrer un contexte d’actualité ou un sujet différent que celui illustré à l’origine par l’auteur, si ces photographies sont encore accessibles, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, cette astreinte étant provisoire, courant tant qu’une décision sur le fond ne l’a pas remise en cause ;
Confirme l’ordonnance déférée sur le principe d’une condamnation de la société ROSEBUD à payer une provision à [S] [H] à valoir sur son préjudice au titre de son droit moral d’auteur mais la réforme sur le quantum.
Statuant à nouveau sur le quantum de la provision allouée et sur ce point :
Condamne la société ROSEBUD à payer, en deniers ou quittances, à Monsieur [H] une provision d’un montant de 10 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant des atteintes à son droit moral d’auteur ;
Rejette la demande d'[S] [H] aux fins de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
Confirme l’ordonnance déférée sur les frais et dépens de première instance.
Y ajoutant,
Condamne la société ROSEBUD aux entiers dépens d’appel ;
Condamne la société ROSEBUD à payer une indemnité supplémentaire de 3 000 euros à [S] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Déboute la société ROSEBUD de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT