Cession de parts sociales : le complément de prix

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Cession de parts sociales : le complément de prix

La société par actions simplifiée Société de Diffusion Papier Diazo et Dessin (Sodipadd) était détenue par les époux [K] et leur fille [W]. Le 9 novembre 2018, ils ont accepté une offre d’acquisition de leurs parts par M. [O], avec un prix de cession de 400.000 euros, dont une partie était conditionnée à la vente d’un stock de produits Beaux-arts. Les conditions suspensives ont été levées, et le contrat de cession a été signé le 29 janvier 2019. M. [O] a ensuite été caution pour le paiement d’un solde de 100.000 euros, qui n’a pas été réglé. Les consorts [K] ont assigné M. [O] et la société Maujito, qui s’était substituée à lui, en paiement. Le tribunal de commerce a condamné M. [O] et la société Maujito à payer une somme de 98.531,53 euros aux consorts [K] et a ordonné une réduction du prix de vente de 1.000 euros. La société Maujito a été placée sous sauvegarde de justice le 18 mai 2022, et les consorts [K] ont déclaré leurs créances. Un appel a été interjeté par la société Maujito et M. [O]. Un plan de sauvegarde a été adopté pour la société Maujito, et les parties ont formulé diverses demandes et prétentions devant la cour.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
22/03479
3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°323

N° RG 22/03479 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SZ36

(Réf 1ère instance : 2021002572)

M. [S] [O]

S.A.R.L. MAUJITO FINANCES

C/

M. [E] [K]

Mme [F] [K]

Mme [W] [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me MERCIER

Me GUIDEC

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, Rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANTS :

Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me LE MOING substituant Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.A.R.L. MAUJITO FINANCES

immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 848 834 420, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me LE MOING substituant Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

PARTIE INTERVENANT VOLONTAIREMENT :

S.C.P. DOLLET COLLET

prise en la personne de Maître [V] [C], ès qualité de mandataire judiciaire de la société MAUJITO FINANCES, nommée par jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde rendu le 18 mai 2022 par le Tribunal de commerce Nantes

[Adresse 9]

[Localité 8]

intervenant volontaire par conclusions du 31.08.2022

Représentée par Me LE MOING substituant Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [E] [K]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 13]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT – SAMSON – GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Madame [F] [K]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT – SAMSON – GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Madame [W] [K]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT – SAMSON – GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE :

La société par actions simplifiée Société de Diffusion Papier Diazo et Dessin (la Sodipadd) était détenue par les époux [K] et leur fille [W], à hauteur respectivement de :

– 2.555 actions pour M. [E] [K],

– 1.940 actions pour Mme [F] [I] épouse [K],

– 5 actions pour Mme [W] [K].

La Sodipadd exploitait deux activités :

– L’une de produits pour les beaux-arts,

– L’autre de matériels et supports d’impression pour le grand format.

Le 9 novembre 2018, les consorts [K] ont accepté une offre d’acquisition des parts sociales de la Sodipadd présentée par M. [O].

Cette cession était soumise à la réalisation d’un certain nombre de conditions suspensives dans un certain délai.

Le prix de cession était composé d’une partie fixe et de plusieurs parties variables.

La partie fixe du prix de cession était de 400.000 euros payable en deux fois.

– La somme de 300.000 euros devait être payée à la date de constatation de la réalisation des conditions suspensives et du transfert de propriété.

– Pour le solde de 100.000 euros, les cédants concédaient un crédit-vendeur. Cette somme correspondait à la valeur retenue par les parties pour le stock de produits Beaux-arts vendus au comptoir en magasin, activité que M. [O] ne souhaitait pas poursuivre. Cette somme devait être réglée grâce à la vente de ce stock dans un délai de 6 mois suivant la réalisation de la cession.

Si, dans ce délai de 6 mois, le chiffre d’affaires n’avait pas atteint 100.000 euros, permettant ainsi de régler l’intégralité du solde du prix de cession, un point sur le chiffre d’affaires hors taxe généré par la vente du stock des produits K Beaux-Arts devait être effectué contradictoirement au 30 septembre 2019 et au 31 décembre 2019, et le solde du prix de cession devait être payé à ces échéances, éventuellement diminué de la somme manquante.

Les conditions suspensives ont toutes été levées, et, le 29 janvier 2029 les parties ont signé le contrat de cession d’actions de la société Sodipad. Ce contrat comportait une garantie de passif.

Le 15 mars 2019, les cédants ont régularisé les ordres de mouvements de l’intégralité des titres de la Sodipadd au profit de la société Maujito Finances (la société Maujito), société constituée par M. [O] et qui s’est substituée à lui dans ses engagements.

Le même jour, M. [O] s’est porté caution du paiement du solde de prix de 100.000 euros.

Le solde du prix n’ayant pas été payé, les consorts [K] ont assigné M. [O] et la société Maujito en paiement.

Se prévalant de manquements de M. [K] à son engagement d’accompagnement et de la garantie de passif, M. [O] et la société Maujito ont assigné les consorts [K] en paiement.

Par jugement du 25 avril 2022, le tribunal de commerce de Nantes a :

– Condamné solidairement la société Maujito et M. [O] en sa qualité de caution, à payer la somme totale de 98.531,53 assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2019 aux consorts [K],

– Ordonné la réduction du prix de vente de la Sodipadd à hauteur de 1.000 euros et condamné les consorts [K] à payer cette somme à la société Mojito,

– Ordonné la compensation de toutes les créances réciproques,

En conséquence :

– Condamné solidairement la société Maujito et M. [O] en sa qualité de caution, à payer la somme totale de 97.531,53 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2019 répartie comme suit :

‘ M. [E] [K] : 97.531,53 euros x (2555/4500) = 55.376,24 euros,

‘ Mme [F] [K] : 97531,53 x (1940/4500) = 42.046,93 euros,

‘ Mme [W] [K] : 97531,53 x (5/4500) = 108.39 euros,

– Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– Condamné solidairement la société Maujito et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à M. [E] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné solidairement la société Maujito et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à Mme [F] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné solidairement la société Maujito et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à Mme [W] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 18 mai 2022, la société Maujito a été placée sous sauvegarde de justice le 18 mai 2022, la société Dolley-Collet, prise en la personne de Mme [C], étant désignée mandataire judiciaire.

Le 16 juin 2022, M. [K] a déclaré sa créance auprès du mandataire pour un total de 60.072,35 euros, Mme [F] [K] pour 46.079,06 euros et Mme [W] [K] pour 686,05 euros.

La société Maujito et M.[O] ont interjeté appel le 3 juin 2022.

La société Dolley-Collet, ès qualités, est intervenue volontairement à l’instance.

Le 16 juin 2023, un plan de sauvegarde a été adopté au profit de la société Mojito, modifié le 28 juillet 2023. La société Dolley-Colley a été désignée commissaire à l’exécution du plan.

Le 11 septembre 2024, sur interrogation de la cour, la société Dolley-Colley est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Les dernières conclusions de la société Maujito, la société Dolley-Colley, ès qualités, et M.[O] sont en date du 9 mai 2024. Les dernières conclusions des consorts [K] sont en date du 15 mai 2024.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

La société Maujito, la société Dolley-Collet, ès qualités, et M.[O] demandent à la cour de :

– Recevoir la société Dolley-Collet, ès qualités, en son intervention volontaire,

– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence :

– Débouter les consorts [K] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Maujito et M. [O],

– Subsidiairement, si la cour devait reconnaître l’obligation à paiement de la société Maujito et de M. [O], limiter la condamnation à intervenir à hauteur de 64.368,53 euros,

En toute état de cause :

– Dire et juger la société Maujito et M. [O] recevables en l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

– Condamner les consorts [K], in solidum, à régler à la société Maujito les sommes suivantes :

– 14.746,24 euros au titre des litiges sociaux insuffisamment provisionnés ou non provisionnés,

– 15.014,92 euros au titre de la dépréciation des stocks devenus invendables,

– 86.043,50 euros au titre de la survalorisation des stocks de produits négoces,

– 30.414,8 euros au titre de la survalorisation des stocks de produits Beaux-arts,

– 13.946 euros, au titre de la valorisation de défaut d’accompagnement par M. [K],

Soit une somme globale de 160.165,46 euros.

– Ordonner, le cas échéant, la compensation de toutes les créances réciproques,

– Condamner les consorts [K], in solidum, à régler à la société Maujito et à M. [O], chacun, une somme de 5.000 euros, au titre de leur préjudice moral,

– Condamner les consorts [K] , in solidum, à régler à la société Maujito et à M. [O], chacun, une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance.

Les consorts [K] demandent à la cour de :

Sur le principe de la créance des consorts [K] :

– Voir confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Maujito et M. [O], en sa qualité de caution, à régler aux consorts [K] le solde du prix de cession de la Sodipadd,

Sur le quantum de la créance des consorts [K] :

– Voir infirmer le jugement en ce qu’il a limité le paiement aux consorts [K] du solde du prix de cession à la somme de 97.531,53 euros,

Sur appel incident, rejugeant :

– Voir fixer au passif de la société Mojito, au titre du solde du prix de cession de la société Sodipadd, la créance des consorts [K] à 100.000 euros répartie de la manière suivante :

– A M. [E] [K], la somme de (2555/4500) * 100.000 = 56.777,77 euros,

– A Mme [F] [K], la somme de (1940/4500) * 100.000 = 43.111,11euros,

– A Mme [W] [K], la somme de (5/4500) * 100.000 = 111,11euros,

– Voir condamner M. [O], en sa qualité de caution, à verser à titre de paiement du solde du prix de cession de la Sodipadd les sommes suivantes :

– A M. [E] [K], la somme de (2555/4500) * 100.000 = 56.777,77 euros,

– A Mme [F] [K], la somme de (1940/4500) * 100.000 = 43.111,11euros,

– A Mme [W] [K], la somme de (5/4500) * 100.000 = 111,11 euros,

– Voir dire et juger que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019 pour la fraction correspondant au solde du prix de cession de 64.000 euros et à compter du 31 décembre 2019 pour la fraction correspondant au solde du prix de cession de 36.000 euros, dates d’exigibilité de ces sommes,

Sur les demandes au titre de la garantie de passif et de réduction de prix:

– Voir infirmer le jugement en ce qu’il a accordé une réduction de prix de 1.000 euros à la société Maujito,

Sur appel incident, rejugeant :

– Voir débouter la société Sodipadd et M. [O], en sa qualité de caution, de l’intégralité de leurs demandes,

– Voir condamner solidairement la société Maujito et M. [O] à verser à M. [E] [K], à Mme [F] [K] et à Mme [W] [K] la somme de 10.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur le complément de prix :

Le contrat de cession prévoyait le paiement d’un solde du prix pour 100.000 euros dans les six mois de la cession :

– à hauteur de 100.000 euros dans un délai de six mois suivant le 29 janvier 2018, sous réserve de l’écoulement du stock de produits beaux-arts à hauteur de ce montant.

Le paiement de ce solde du prix fixe était ainsi conditionné à la réalisation d’un chiffre d’affaires sur la vente du stock de produits beaux arts :

Si le chiffre d’affaires hors taxe du stock des produits beaux-arts écoulés dans cette période n’atteint pas cent mille (100.000) euros, le solde de la partie fixe du prix de cession sera payé en fonction de l’écoulement de ce stock.

[…]

L’écoulement du stock de produits beaux-arts pour un montant minimum de 100.000 euros et le paiement corrélatif du solde du prix de cession pour un montant de 100.000 euros devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2019. Si à cette date le chiffre d’affaires hors taxe résultant du stock écoulé des produits beaux-arts n’est pas au moins égal à 100.000 euros, la différence entre le chiffre d’affaires hors taxe du stock écoulé et 100.000 euros viendra en réduction de la partie fixe du prix de cession.

A titre d’exemple, si, dans un délai de six mois à compter de la date de réalisation, les ventes hors taxe du stock des produits beaux-arts s’élèvent en comptabilité à 90.000 euros HT, l’acquéreur paiera au terme des six mois aux cédants un montant de 90.000 euros au titre de la partie fixe du prix de cession payable à terme.

La société Maujito devait donc la somme de 100.000 euros mais à condition qu’elle ait pu vendre le stock de produits beaux-arts pour au minimum cette somme. Si elle ne parvenait pas à atteindre ce montant, elle ne devait payer que le montant du chiffre d’affaires hors taxe réalisé.

Il apparaît ainsi que la somme de référence, le chiffre d’affaires, ne correspondait pas nécessairement à la valeur du stock à la date de cession. La consistance du stock ou sa valorisation n’étaient pas des éléments d’appréciation convenus par les parties. L’absence d’inventaire du stock à la date de la cession est donc sans effet sur l’issue du litige. Le mécanisme de calcul du solde de prix fixe convenu entre les parties permettait au contraire d’éviter d’avoir recours à un inventaire valorisé à la date de la cession, seul le prix de vente effectif du stock hors taxe étant pris en compte.

Il convient de rechercher quel est le chiffre d’affaires qui a été réalisé au titre de la période de référence de six mois par la vente de produits beaux-arts qui se trouvaient en stock à la date de la cession.

C’est à Mme [F] [K], cédante et salariée de la société cédée, qu’il revenait prioritairement d’écouler le stock :

Madame [F] [K] en sa qualité de salariée de la Société s’engage à exécuter son contrat de travail avec mission prioritaire l’écoulement du stock des produits beaux-arts au plus tard le 31 décembre 2019. Mme [F] [K] s’engage à écouler le stock aux conditions qu’elle jugera utiles et au minimum à prix coutant.

Il apparaît ainsi que Mme [F] [K], quoique salariée, bénéficiait d’une grande latitude pour vendre au mieux le stock en question. Il est vrai qu’étant également cédante, elle était intéressée à la réalisation d’un chiffre d’affaires maximum afin d’accroitre la somme devant lui revenir au titre du solde du prix fixe.

La société Maujito est restée en charge de la gestion de la société pendant les six mois de référence. Elle est la seule à disposer de l’ensemble des factures de ventes et du livre de caisse. C’est donc à elle qu’il revient d’établir le montant du chiffre d’affaires réalisé au titre de la vente du stock de produits beaux-arts au cours de cette période.

Malgré les demandes formées en ce sens, elle ne produit pas l’ensemble du livre de caisse ou des factures afférentes à la vente de produits beaux-arts au cours de la période de référence. La production de l’ensemble des factures permettraient pourtant tout particulièrement de déterminer quelle est la part du chiffre d’affaires réalisé correspondant à des produits beaux-arts. Il ne peut utilement être reproché aux consorts [K] de ne pas produire l’ensemble des pièces nécessaires au calcul du chiffre d’affaires de référence alors qu’ils ne peuvent pas y avoir accès.

Par lettre du 20 novembre 2019, la société Maujito a indiqué qu’entre le 29 janvier 2019 et le 30 octobre 2019 le chiffre d’affaires réalisé au titre de la vente des produits des beaux-arts s’était élevé à la somme estimée provisoire de 98.700 euros HT.

Les cédants se prévalent pour la même période d’un chiffre d’affaires de 98.351,54 euros.

Au vu de ces éléments, la cour retiendra un chiffre d’affaires hors taxe sur la vente des produits beaux-arts pendant cette période pour la somme de 98.700 euros.

La société Maujito justifie avoir acheté pour 12.264,55 et 1.788 euros hors taxe de produits beaux-arts au cours de la période considérée. Elle produit les factures d’achat correspondantes dont il résulte qu’il s’agissait bien de produits de type beaux-arts. La vente de ces produits au cours de la période de référence ne correspond donc pas à une vente de produits qui se trouvaient en stock à la date de la cession.

Les cédants contestent cependant que les ventes correspondantes à ces produits nouvellement achetées soient comprises dans la somme de 98.700 euros présentée comme ayant été le montant total du chiffre d’affaires sur les produits beaux-arts au cours de la période.

Il apparaît en effet qu’il n’est pas possible de vérifier dans quelles conditions ces nouveaux produits ont été revendus, à quels prix, ni dans quelles conditions les ventes correspondantes ont été enregistrées en comptabilité.

Il n’est pas possible de faire correspondre les marchandises figurant sur les factures d’achat présentées par la société Maujito avec les marchandises figurant sur les factures présentées par les consorts [K] comme afférentes au chiffre d’affaires dont ils ont connaissance.

Les cédants se prévalent en outre d’une vente de produits beaux-arts pour la somme de 10.000 euros HT. Ils produisent en ce sens une facture de ce montant en date du 15 janvier 2020 de ventes stock articles magasin beaux-arts à la société Cre’Attitude. Dans son attestation du 14 octobre 2020, M. [J], commerçant, indique avoir acheté un stock d’une valeur de 9.200 euros HT à la société Sodipadd le 15 janvier 2020.

Ces pièces ne permettent pas d’établir l’existence d’une vente de produits beaux-arts en fin d’année 2019.

Le courriel de Mme [P], de la société Dalbe, en date du 3 décembre 2019 fait état d’une proposition d’achat du stock. Cette pièce ne permet pas de déterminer si cet achat s’est concrétisé ni dans quelles conditions ou à quelle date. Il en est de même des quelques photographies de mauvaise qualité, non datées, produites par les cédants devant la cour.

A défaut de preuve par la société Maujito de l’origine du chiffre d’affaires qu’elle a elle même reconnu, il y a lieu de retenir que le stock à la date de la cession a été revendu dans les six mois pour la somme hors taxe de 98.700 euros. Le solde du prix fixe sera fixé à cette somme.

Il y a donc lieu de fixer au passif de la société Mojito, au titre du solde du prix de cession de la société Sodipadd, la créance des consorts [K] à 98.700 euros répartie de la manière suivante :

– A M. [E] [K], la somme de (2555/4500) * = 56.039,66 euros,

– A Mme [F] [K], la somme de (1940/4500) * 198.700 = 42.550,66 euros,

– A Mme [W] [K], la somme de (5/4500) * 98.700 = 109,66 euros,

Il y a également lieu de condamner M. [O], en sa qualité de caution, à verser à titre de paiement du solde du prix de cession de la Sodipadd les sommes suivantes :

– A M. [E] [K], la somme de 56.039,66 euros,

– A Mme [F] [K], la somme de (1940/4500) * 98.700 = 42.550,66 euros,

– A Mme [W] [K], la somme de (5/4500) * 98.700 = 109,66 euros,

Conformément à la demande des consorts [K], ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019 pour la fraction correspondant au solde du prix de cession de 64.000 euros et à compter du 31 décembre 2019 pour la fraction correspondant au solde du prix de cession de 34.700 euros, dates d’exigibilité de ces sommes.

Sur la garantie de passif :

La société Maujito se prévaut de la garantie d’actif prévue au contrat. Les cédants font tout d’abord valoir que les demandes de mise en oeuvre de cette garantie auraient été formées hors des délais prévus au contrat.

Le contrat de garantie d’actif et de passif prévoit que toute réclamation du bénéficiaire devra être engagée dans les 30 jours :

10.2

[…]

(c) La réclamation devra être adressée dans le délai de trente (30) jours à compter de laquelle la société aura connaissance des faits ou évènements donnant lieu à ladite réclamation. Toutefois, si les circonstances le requièrent (par exemple en cas de procédure de référé ou de notification assortie d’un délai impératif de réponse plus court ou égal au délai de trente (30) jours, l’acquéreur devra adresser la réclamation au représentant des cédants en temps utile permettant à celui-ci de répondre conformément à l’article 10.2(d).

(d) Le représentant des cédants disposera d’un délai de soixante (60) jours à compter de la date de réception d’une réclamation pour notifier à l’acquéreur s’il objecte ou non à ladite réclamation. Dans le cas où le représentant des cédants n’aurait pas notifié à l’acquéreur sa position sur la réclamation dans le délai de soixante (60) jours susvisé, le représentant des cédants sera considéré comme ayant admis la réclamation dans son principe. Le montant de la réduction de prix dû par les cédants à l’acquéreur sera alors déterminé conformément à l’article 10.2(f).

Il convient de noter que les parties ont prévu une sanction du défaut de réponse du cédant mais n’en n’ont pas prévu pour le défaut de respect du délai de 30 jours par l’acquéreur.

Il en résulte que le non respect par l’acquéreur du délai de 30 jours ne pourrait être sanctionné que dans la mesure où il aurait occasionné un préjudice pour le cédant, l’empêchant notamment de faire valoir des contestations en temps utile.

En l’espèce, le cédant ne se prévaut pas d’un empêchement de faire valoir des contestations en temps utile lui ayant occasionné un préjudice. En tout état de cause, il n’en justifie pas.

Les demandes formées par la société Maujito l’ont bien été dans le délais de 36 mois suivant la date de la cession. A défaut de sanction attachée au respect du délai de 30 jours visé supra, les demandes formées au titre de la garantie d’actif ne sont pas forcloses.

La société Maujito se prévaut d’insuffisance de provision au titre des litiges sociaux.

Le cédant s’est engagé à garantir l’acquéreur, à titre de réduction de prix, une somme égale à 100% de toute charge trouvant sa cause ou son origine dans les faits ou circonstances antérieur résultant d’une inexactitude ou du caractère erroné de l’une quelconque des déclarations et garanties des cédants diminuée le cas échéant du montant de toute provision constituée dans les comptes de référence.

Les parties ont convenu que toute information figurant en annexe au contrat constituerait une exception à la déclaration à laquelle elle se réfère et à l’engagement de garantie des cédants en relation avec ladite déclaration, pour autant que ladite annexe identifie clairement le risque associé avec un niveau de précision raisonnable et, le cas échéant, indique le passif associé à celui-ci.

Les comptes de référence ont provisionné la somme de 55.555 euros au titre du litige prud’homal [G], outre une charge exceptionnelle inscrite en comptabilité à hauteur de la somme de 4.000 euros. L’existence de ce litige est mentionné en annexe 9.18 du contrat de cession. Les demandes formées en justice par M. [G] y sont exactement mentionnées ainsi que le fait qu’un appel soit en cours contre la décision de première instance et qu’une décision de la cour d’appel était attendue fin mars début avril.

Les déclarations des cédants figurant dans le contrat de cession n’étaient ni inexactes ni erronées. La mention précise de ce litige dans l’annexe 9.18 constituait une exception à la déclaration telle que prévue au contrat de cession.

La société Mojito ne peut donc pas prétendre à garantie au titre de ce litige.

L’annexe 9.18 du contrat de cession fait mention du dossier [R] au titre des litiges sociaux. Les demandes présentées par M. [R] y sont détaillées poste par poste ainsi que les sommes demandées par lui. Il était précisé à l’acte de cession que le dossier avait été plaidé et mis en délibéré.

Les déclarations des cédants figurant dans le contrat de cession n’étaient ni inexactes ni erronées. La mention précise de ce litige dans l’annexe 9.18 constituait une exception à la déclaration telle que prévue au contrat de cession.

La société Mojito ne peut donc pas prétendre à garantie au titre de ce litige.

La société Maujito fait valoir que les stocks de papier n’auraient pas été dépréciés dans les comptes de la société alors que certains rouleaux avaient été acquis près de 10 ans auparavant. Elle aurait du de ce fait passer une provision de dépréciation à hauteur de 15.014,92 euros.

La société Maujito ne justifie cependant pas d’une dépréciation de la valeur de ces stocks. Il s’agit de rouleaux de papier sans date de péremption et il n’est pas justifié qu’ils aient été mal conservés ou que leur valeur ait diminué depuis leur acquisition. La société Maujito ne justifie notamment pas que les formats des rouleaux de papier soient devenus obsolètes ni que le type de papier stocké ne corresponde plus aux besoins de certains clients.

Il en est de même pour ce qui concerne la valeur du stock de l’activité négoce. La société Maujito se prévaut d’incohérences dans l’évaluation de la valeur comptable du stock. Mais elle ne justifie d’aucun inventaire précis ni d’aucune dépréciation réelle de la valeur du stock en question. Elle ne raisonne que par déduction sans analyse précise de la valeur des éléments de stocks.

En outre, si un problème de livraison a pu survenir avant la date de cession, les marchandises livrées étant en quantités supérieures à celles commandées et facturées, il est justifié que le prix de cession a pris en compte cette anomalie et a en conséquence été diminué de 50.000 euros.

Pour ce qui concerne la valeur du stock beaux-arts, il a été vu supra que les parties ont convenu qu’elle pouvait être inférieure à la somme de 100.000 euros. C’est la raison pour laquelle le solde de prix ne devait être calculé qu’au vu du prix de revente effectif de ce stock pendant une période de six mois. La société Maujito avait donc une connaissance de la situation. Le fait que l’évaluation de ce stock en comptabilité pour la somme de 135.245 euros puisse été inexacte avait donc été clairement indiqué à l’acquéreur. Cette évaluation pouvait donc être erronée mais l’acquéreur en avait été informé et avait pris en compte cette éventuelle erreur comptable dans le prix d’acquisition.

Il y a lieu de rejeter les demandes de paiement formées par la société Maujito au titre de la garantie d’actif et de passif.

Sur les manquements de M. [K] :

La société Maujito fait valoir que M. [K] aurait manqué à son obligation contractuelle de présentation des principaux clients et fournisseurs et d’accompagnement postérieurement à la cession.

Le contrat de cession prévoit l’organisation par M. [K] d’un contact téléphonique avec les principaux fournisseurs et les principaux clients de la société. Cet engagement n’est cependant prévu qu’au titre des conditions suspensives. Si la société Maujito estimait que M. [K] n’avait pas rempli ces obligations à ce titre, il lui appartenait de ne pas signer l’acte définitif de cession. La signature de cet acte montre au contraire que M. [K] a rempli cette obligation d’une façon jugée satisfaisante par l’acquéreur.

Le contrat de cession prévoit un accompagnement de M. [E] [K] :

7.6 Accompagnement de Monsieur [E] [K] :

(a) M. [E] [K] s’engage à apporter son soutien et son assistance à l’acquéreur pour la transition de la direction de la société et à coopérer avec l’acquéreur pour la présentation de la nouvelle direction aux salariés, fournisseurs et clients de la société.

(b) [E] [K] s’engage au cours de l’accompagnement à prospecter de nouveaux et anciens clients et développer l’activité dans la perspective d’atteindre la marge brute permettant l’acquisition de la partie variable du prix de cession.

© La rémunération de cet accompagnement est incluse dans le prix de cession. Toutefois, M. [E] [K] sera remboursé de ses frais de déplacement et de représentation engagés dans le cadre de l’exécution de l’accompagnement sur présentation de justificatifs.

(d) L’accompagnement de M. [E] [K], réalisé aux heures normales de bureaux de la société, aura une durée de quatre mois à compter de la date de réalisation décomposée comme suit :

(i)Un mois à raison de cinq jours par semaine (le 1er mois suivant la date de réalisation);

(ii) Deux mois à raison de trois jours par semaine, et

(iii) Un mois à raison d’un jour par semaine.

Le contrat est peu précis sur la consistance exacte de l’accompagnement par M. [K]. Seules les conditions d’horaires de cet accompagnement sont précisées, la notion de prospection et de développement ne le sont pas.

Il résulte du relevé téléphonique de la société qu’au cours du mois de novembre 2019 le numéro de téléphone portable attribué à M. [K] a généré des dépenses non comprises dans les forfaits pour 22,67 euros et aucune dépense en décompte des forfaits. Cet élément n’est probant ni dans un sens ni dans un autre quant à l’activité d’accompagnement de M. [K].

M. [K] indique qu’il a été empêché de remplir son accompagnement, le cessionnaire ne l’ayant pas sollicité et l’ayant exclu de toutes négociations. Il ajoute qu’il aurait tenté de démarcher de nouveaux clients mais qu’en l’absence d’aval du cessionnaire il n’aurait pas pu valider les propositions commerciales.

C’est à M. [K] qu’il revient d’établir qu’il s’est acquitté de son obligation d’accompagnement. Il ne produit aucun élément sur cette activité, comme par exemple une copie d’agenda, copie de comptes rendus de rendez vous, propositions commerciales non validées par le cessionnaire.

Il devra donc être réputé ne pas avoir accompli sa mission d’accompagnement.

La société Maujito demande au titre de ce manquement une réduction de prix fondée sur les dispositions de l’article 1223 du code civil. Il ne s’agit donc pas d’une demande de paiement de dommages-intérêts.

Le contrat de cession prévoit que le prix comporte le coût de la prestation de M. [K]. Au vu de la rémunération passée de M. [K] et du nombre de jours de travail qu’il devait accomplir, il y a lieu de fixer à la somme de 13.308 euros la réduction de prix correspondante à l’absence de prestation d’accompagnement de M. [K].

Les consorts [K] seront condamnés solidairement à payer cette somme.

Il y a lieu d’ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d’autre.

Sur le préjudice moral :

La société Maujito et M. [O] font valoir qu’ils auraient subi un préjudice moral, la première pour avoir été placée en procédure de sauvegarde au fait de sa situation financière, le second pour avoir le sentiment au quotidien d’avoir été trompé.

Ce préjudice n’est pas établi. Il n’est pas plus établi que les manquements des acquéreurs à leurs obligations aient été à l’origine de la mauvaise situation financière de la société Maujito.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [O] aux dépens d’appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

– Confirme le jugement en ce qu’il a :

– Ordonné la compensation de toutes les créances réciproques,

– Condamné solidairement la société Maujito Finances et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à M. [E] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné solidairement la société Maujito Finances et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à Mme [F] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné solidairement la société Maujito Finances et M. [O] en sa qualité de caution à payer la somme de 500 euros à Mme [W] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Fixe au passif de la société Maujito Finances , au titre du solde du prix de cession de la Société de Diffusion Papier Diazo et Dessin, la créance des consorts [K] à la somme de 98.700 euros répartie de la manière suivante :

– A M. [E] [K], la somme de 56.039,66 euros,

– A Mme [F] [K], 42.550,66 euros,

– A Mme [W] [K], 109,66 euros,

– Condamne M. [O], au titre de son engagement de caution du paiement du solde du prix de cession de la Société de Diffusion Papier Diazo et Dessin, à payer :

– A M. [E] [K], la somme de 56.039,66 euros,

– A Mme [F] [K], la somme de 42.550,66 euros,

– A Mme [W] [K], la somme de 109,66 euros,

– Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019 pour 64.000 euros et à compter du 31 décembre 2019 pour le solde de 34.700 euros,

– Condamne solidairement M. [E] [K], Mme [F] [K] et Mme [W] [K] à payer à la société Maujito Finances la somme de 13.308 euros,

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne M. [O] aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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