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Si même en l’absence de contrat écrit, le journaliste pigiste n’a pas cédé ses droits d’auteur, et s’il ne s’est pas non plus engagé à une exclusivité à l’égard de l’éditeur, il est, en sa qualité de salarié, tenu à une obligation générale de loyauté, laquelle implique que lorsqu’il adresse un article en vue de sa publication à son employeur, il ne peut le rendre public sur internet sans le signaler à ce dernier et encore moins solliciter son autorisation.
La mise en ligne par un journaliste pigiste, sur les réseaux sociaux (Facebook), d’un article dont il est l’auteur, qui devait paraître quelques jours après dans le titre de presse de son employeur, est une faute justifiant une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 20 Octobre 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/11007 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4AD5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Mars 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° F 15/03805
APPELANT
Monsieur Z X
[…]
[…]
représenté par Me Z KATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque G619
INTIMEE
SAS FGH INVEST
[…]
[…]
représentée par Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525 substitué par Me Alexandra DESMEURE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne MENARD, Présidente de chambre
Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
Greffier : Mme Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRET :
— contradictoire
— par Mme Anne MENARD, Présidente de chambre assistée de Mme Juliette JARRY, greffière présente lors la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Anne MENARD, Présidente de chambre et par Juliette JARRY, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Exposé du litige
Monsieur Z X a été engagé par la société FGH INVEST suivant contrat à durée déterminée le 1er janvier 2014, dans le cadre de la création du magazine ‘le 1″. Ce contrat a pris fin le 30 juin 2014. Il a continué à collaborer avec le journal en qualité d’auteur, et en novembre 2014, la société a régularisé depuis le mois de juillet 2014 ses fiches de paie au statut de journaliste pigiste.
Il a été licencié pour faute grave le 9 février 2015 pour avoir mis en ligne sur son compte Facebook et sur le site d’un journal concurrent un article qui devait paraître quelques jours après dans le 1.
Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 31 mars 2015. Il a été débouté de toutes ses demandes par jugement du 8 mars 2017.
Monsieur X a interjeté appel de cette décision le 7 août 2017.
Par conclusions récapitulatives du 13 février 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, il demande à la cour de condamner la société FGH INVEST à lui payer les sommes suivantes :
• 3.842 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
• 384,2 euros au titre des congés payés afférents
• 34.578 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
• 3.842 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement
• 11.536 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des circonstances brutales et vexatoires de la rupture
• 3.842 euros à titre d’indemnité de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
• 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Par conclusions récapitulatives du 28 février 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société FGH INVEST demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter monsieur X de toutes ses demandes, et de le condamner au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
– Sur la demande de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Il convient à titre liminaire d’indiquer que contrairement à ce qui ressort des développements de monsieur X dans ses conclusions, la société FGH INVEST n’a pas contesté sa qualité de salarié dans le cadre de la présente instance. La cour la tient donc pour acquise.
Il est constant que la relation de travail a commencé par un contrat à durée déterminée, et ne s’est jamais été arrêtée, des fiches de paie ayant été établies pour chaque mois, en partie par voie de régularisation rétroactive.
Aux termes de l’article L1243-11 du code du travail, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Le contrat s’est donc poursuivi en contrat à durée indéterminée, sans qu’il y ait lieu à requalification, dès lors qu’aucun nouveau contrat de travail à durée déterminée n’a été proposé au salarié.
– Sur l’existence d’un licenciement verbal
Monsieur X fait valoir en premier lieu que le licenciement était consommé dès l’envoi le 12 janvier d’un courriel par lequel l’employeur mettait fin à la relation de travail, de sorte qu’étant intervenu avant toute procédure et avant l’envoi d’une lettre motivée, il est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le courriel en question était rédigé dans les termes suivants :
‘Je constate que ta chronique, que je t’avais déjà expressément demandé de retirer vendredi après-midi de ton compte Facebook, se retrouve aujourd’hui de nouveau sur ton compte dans son intégralité, et aussi, par un autre lien, sur le site de l’obs, bibliobs.
(…)
Je considère qu’il s’agit là d’une faute grave.
Malheureusement il me semble difficile à ce stade de poursuivre notre aventure éditoriale commune’.
Parallèlement à ce mail, une convocation à un entretien préalable a été envoyée à monsieur X.
Le courriel envoyé concomitamment à la lettre de licenciement, s’il annonce cette procédure et l’explique, ne met pas fin au contrat de travail, dès lors que son rédacteur, s’il indique considérer que le salarié a commis une faute grave, réserve néanmoins l’issue puisqu’il mentionne seulement qu’il lui semble difficile à ce stade de poursuivre la relation.
Ce courriel n’a donc pas mis fin de manière explicite à la relation de travail, de sorte qu’il ne peut être considéré comme un licenciement verbal.
Il ne sera pas fait droit par conséquent à la demande au titre du défaut de respect de la procédure de licenciement.
– Sur le fond
En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur;
La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :
‘Nous avons, au mois d’avril 2014, créé un nouveau journal hebdomadaire dénommé ‘le 1″, dont la particularité est de faire réagir, sur un sujet donné, les personnalités les mieux à même d’apporter un éclairage pertinent.
La majorité des articles publiés dans Le 1 proviennent donc de personnes ayant acquis une notoriété dans leur métier (romanciers, chercheurs, poètes, artistes, économistes, scientifiques) et dont la participation au 1 n’est qu’une activité accessoire, rémunérée en droits d’auteur.
Nous avons ainsi fait appel à vous en raison de votre renommée acquise en tant que philosophe et écrivain.
Vous avez accepté, en vue du lancement du journal, de participer de manière hebdomadaire aux réunions de réflexion au contenu éditorial. Nous vous avons, à cet effet, consenti un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 1er janvier au 30 juin 2014, vous assurant une rémunération de 500 euros nets par mois.
Parallèlement, vous avez rédigé des articles intitulés ‘Parlons philo’ où vous apparaissez comme ‘Z X, essayiste et romancier’. Pour tous ces articles, vous nous avez systématiquement fourni, jusqu’en octobre 2014, des ‘notes de cession de droits d’auteur’, que nous vous avons réglées.
Or en Novembre 2014, vous nous avez brusquement indiqué que, contrairement à ce que nous pensions, vous tiriez l’essentiel de vos revenus de votre collaboration pour le 1 et qu’en raison de la précarité de votre situation, il était nécessaire pour vous de bénéficier de la protection du statut de journaliste. Bien qu’extrêmement surpris, nous ne nous avons pas demandé de justifier de la réalité de vos ressources et nous avons accédé à votre demande d’établir des fiches de paie de pigiste, de façon rétroactive à partir du 1er juillet 2014.
Dès réception des fiches de paie, vous nous avez demandé d’effectuer les formalités vous permettant de bénéficier d’une carte de presse et, là encore, nous vous avons donné satisfaction.
Au mois de décembre 2014, vous avez affirmé que, puisque nous avions accepté de requalifier rétroactivement à compter du 1er juillet 2014 les notes de cession de droits d’auteur en bulletins de paie de pigiste, nous étions alors dans l’obligation de régulariser votre situation en vous faisant bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Comme cette fois là, nous ne nous sommes pas exécutés, vous avez alors décidé de provoquer la rupture de la collaboration de la façon suivante :
Le 9 janvier 2015, nous avons constaté que vous aviez diffusé sur votre compte Facebook l’article qui devait paraître dans le 1 le 12 janvier 2015. Je vous ai alors personnellement adressé un mail vous demandant de retirer immédiatement votre article et vous vous êtes empressé de diffuser ce dernier, toujours dans son intégralité, sur le site de l’Obs ‘bibliobs’. Je vous ai alors immédiatement averti par mail que je considérais qu’il s’agissait là d’une autre grave et qu’il me semblait difficile à ce stade de poursuivre notre aventure éditoriale commune.
De façon à ce que vous puissiez bénéficier de toutes les garanties de la procédure de licenciement, je vous ai convoqué le 14 janvier 2015 à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 janvier 2015.
Or le 21 janvier 2015, vous nous avez adressé une lettre vous indignant de ce que vous ayons osé vous réclamer l’exclusivité de votre article comme si vous étiez un simple journaliste, alors qu’en votre qualité de philosophe et de romancier renommé, vous auriez fait l’objet de nombreuses demandes d’internautes désireux de retrouver votre texte et de le partager avec vous. Vous précisez que votre comportement était justifié par les événements exceptionnels (attentats Charlie Hebdo). Toutefois, nous écrivez également : ‘Depuis début septembre 2014, j’ai toujours mis en ligne, chaque semaine, la veille de la sortie du 1, soit un large extrait de ma chromique, soit l’intégralité, sans que jamais vous ne trouviez à y redire’. Il va de soi que nous n’étions pas au courant.
Vous vous positionnez donc, non pas comme un journaliste salarié qui doit obtempérer aux ordres qui lui sont donnés par sa hiérarchie, ni même comme un journaliste pigiste qui doit réserver au journal qui le paie l’exclusivité de ses articles, mais comme un écrivain, selon la mention qui figure à votre demande sur vos cartes de visite du 1, qui n’entend fournir au 1 que des articles largement diffusés préalablement, et qui pour autant exige une rémunération qui ne peut prendre la forme à ce moment-là que d’une cession de droits d’auteurs.
C’est à l’évidence parce que vous vous considérez, non pas comme un salarié du 1, mais comme un auteur indépendant que vous avez dédaigné de vous présenter à l’entretien que nous vous avions fixé pour que vous puissiez vous expliquer sur les manquements que vous aviez commis, cet entretien étant également le moyen pour nous d’identifier si, comme vous le soutenez à présent, votre collaboration pour le 1 était devenue votre source de revenus essentielle, réduisant à la portion congrue l’activité qui fait votre réputation et pour laquelle nous nous étions adressé à vous, soit celle de philosophe et de romancier.
En conséquence, nous considérons qu’en diffusant préalablement sur internet vos articles parus dans le 1 et en refusant d’obtempérer à l’injonction qui vous a été faite de supprimer des réseaux sociaux votre article qui devait paraître dans le 1 le 12 janvier 2015, vous avez commis des manquements caractérisant la faute grave et empêchant toute poursuite de la collaboration’.
Monsieur X fait valoir en premier lieu que la publication de son article sur les réseaux sociaux doit s’analyser dans le contexte d’émotion suscitée par l’attentat de Charlie Hebdo ; qu’il s’agissait pour lui de rendre un hommage ‘à chaud’ à ses confrère assassinés dans un esprit de solidarité et de communion. Il précise que compte tenu de ces événements, le 1 a bien entendu décidé d’y consacrer son contenu, et que c’est dans ce contexte qu’il a proposé son texte au journal, sans pour autant avoir obtenu de réponse du comité de rédaction.
Il soutient par ailleurs que le fait de partager ses articles sur les réseaux sociaux était une pratique habituelle, pour lui-même et d’autres de ses confrères. Il conteste que le support papier ait à subir un quelconque préjudice d’une publication parallèle sur les réseaux sociaux, laquelle peut même avoir pour effet de susciter un intérêt pour le journal.
Il conteste également que puisse être considéré comme fautif le fait pour un auteur de publier une oeuvre de l’esprit, dont il est demeuré propriétaire, y compris lorsqu’elle a été créée dans le cadre d’un contrat de travail.
Enfin, il soutient qu’en ce qui concerne la publication dans l’Obs, il s’est contenté de transmettre son texte à madame Y, alors directrice adjointe du journal, et que c’est cette dernière qui a pris l’initiative de le mettre en ligne, sans solliciter son autorisation.
La société FGH INVEST fait valoir de son côté que l’argument selon lequel monsieur X n’aurait pas su que l’article allait être publié lorsqu’il l’a diffusé sur les réseau sociaux est nouveau, et qu’en première instance, il avait clairement indiqué que l’article avait vocation à être publié dans le 1.
Elle souligne également que contrairement à ce qui est invoqué, il n’existait bien évidemment pas de pratique habituelle en la matière, et que si monsieur X avait pu se croire autorisé par le contexte d’émotion lié aux attentats à déroger à ses obligations, il n’a pas pour autant retiré son article à la demande de son employeur, ne lui a pas répondu, et a réitéré sa diffusion sur un autre média.
*
En l’espèce, il convient à titre liminaire de souligner la contradiction qu’il existe entre le fait de relater le contexte d’émotion dans lequel les faits reprochés ont été commis, tout en soutenant qu’il s’agissait en réalité d’une pratique habituelle.
En tout état de cause, monsieur X ne justifie d’aucun précédent où il aurait publié un article sur le net avant sa sortie papier dans sa totalité. Tous les exemples produits constituent des extraits, renvoyant au journal à paraître pour la suite, ce qui n’est pas le cas de l’article publié les 9 et 10 janvier, la parution du ‘1″ étant prévue le 14.
Si comme il le soutient, monsieur X ignorait si l’article qu’il venait d’envoyer (quelques heures avant) à son employeur serait publié, il pouvait aisément l’interroger, ce qu’il s’est abstenu de faire.
En ce qui concerne la diffusion le 10 janvier 2015 dans l’Obs, monsieur X ne peut pas sérieusement soutenir qu’ayant la qualité de journaliste, il adresse un article à la directrice adjointe d’un journal, sans que cela constitue en soi une demande de diffusion. En tout état de cause, la teneur des échanges entre lui et madame Y n’accrédite pas la thèse selon laquelle cette dernière aurait publié spontanément l’article sans solliciter son autorisation.
Le vendredi 9 janvier 2015 à 16h03, monsieur X écrit à madame Y :
‘Chère Aude, une chronique pour Charlie’
Cette dernière lui répond le jour même :
‘Tu la publies où’
Je te lis dès que possible…’
Le 10 janvier 2015 à 13h13, monsieur X lui répond :
‘Pour l’instant elle n’est pas publiée, bise’.
Or lorsqu’il a fait cette dernière réponse, il avait déjà reçu le courriel de son employeur lui demandant de retirer sa précédente diffusion, et précisant ‘Ta chronique, comme tous les contenus du 1, ne peut être diffusée avant la parution du numéro sur le papier, soit mercredi prochain’.
Lorsqu’il a répondu à madame Y que son article n’était pas encore publié, il avait donc reçu explicitement par la direction du ‘1″ que sa publication était prévue quatre jours plus tard.
Les éléments factuels visés dans la lettre de licenciement sont donc établis. Il convient de rechercher si au regard de la spécificité de la profession de journaliste, ils revêtent un caractère fautif.
En l’absence de contrat écrit, monsieur X n’a pas cédé ses droits d’auteur, et il ne s’est pas non plus engagé à une exclusivité à l’égard de la société FGH INVEST.
Toutefois, en sa qualité de salarié, il était tenu à une obligation générale de loyauté, laquelle implique que lorsqu’il adresse un article en vue de sa publication à son employeur, il ne peut le rendre public sur internet sans le signaler à ce dernier et encore moins solliciter son autorisation.
Le contexte d’émotion qui a immédiatement suivi l’attentat de Charlie Hebdo était de nature à expliquer que monsieur X ait diffusé son article sur son compte Facebook, qui n’est pas directement concurrent du journal pour lequel il travail et qui lui fournit la quasi-totalité de ses revenus. En revanche, ayant été informé par son employeur de ce qu’il lui demandait de s’abstenir de toute diffusion, et ayant reçu confirmation que l’article serait publié le 14, le fait d’avoir affirmé à madame Y que l’article n’était pas publié, et de lui avoir ainsi permis de le diffuser, constitue non seulement un comportement déloyal, mais également un acte d’insubordination. En effet, il avait adressé cet article pour publication au ‘1″ le 9 janvier, et avait reçu le jour même confirmation à 16h48 qu’il serait publié, de sorte qu’il se trouvait dans le cadre d’un lien salarial.
L’ensemble de ces éléments justifiait la rupture du contrat de travail par l’employeur. En revanche, il ne rendait pas impossible sa poursuite pendant la durée du préavis d’une durée de un mois, de sorte qu’il sera fait droit à la demande formé au titre du préavis, soit la somme de 3.842 euros, outre 384,20 euros au titre des congés payés afférents.
Les circonstances de l’espèce ne permettent pas de retenir le caractère brutal et vexatoire de la rupture, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté monsieur X de sa demande au titre de l’indemnité de préavis.
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne la société FGH INVEST à payer à monsieur X la somme de 3.842 euros à titre d’indemnité de préavis, outre celle de 384,20 euros au titre des congés payés afférents.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société FGH INVEST aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente