Cession de droits : affaire Jean-Charles de Castelbajac
Cession de droits : affaire Jean-Charles de Castelbajac
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En cas de reprise d’une société fondée par un créateur (en procédure collective) et qui porte le nom de ce dernier, la plus grande prudence s’impose en cas d’exploitation des œuvres acquises (les actifs), le périmètre des droits entre droit d’usage du patronyme et œuvres cédées peut être particulièrement flou.

Par ailleurs, la réadaptation non autorisée de dessins est constitutive de contrefaçon, l’adaptation non autorisée pouvant porter sur la combinaison de plusieurs éléments caractéristiques des oeuvres protégées au titre du droit d’auteur.

Adaptation non autorisée

Le styliste / créateur Jean-Charles de Castelbajac a obtenu gain de cause contre l’un de ses cessionnaires de droits (repreneur de sa société placée en procédure collective). Il était reproché à la société  d’avoir fait apparaître frauduleusement le nom « Jean-Charles de Castelbajac » sur des dessins réalisés et qui ne faisaient que reprendre, reproduire et adapter le travail artistique, l’univers et l’ADN des œuvres du créateur.

Périmètre des droits cédés

L’accord de cession de droits conclu entre les parties stipulait que :

« La société a la propriété, au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle, des prérogatives patrimoniales du droit d’auteur, portant sur les dessins et modèles créés dans le cadre de l’exécution du contrat par Monsieur Jean-Charles de Castelbajac et dans le cadre de ses Activités. La société aura le droit de procéder à toute adaptation d’ordre technique, les adaptations d’ordre esthétique étant soumises à la validation de Monsieur Jean-Charles de Castelbajac ».

L’objet du contrat listait les activités concernées sous la dénomination les ‘Activités’», soit les première et deuxième lignes de création visant le prêt à porter, la conception d’une ligne de création de meubles, les accessoires, les parfums et cosmétiques, la publicité et promotion des marque, le merchandising et lieux de vente, et mentionne par ailleurs ‘ il est expressément convenu que les Activités ci-dessus sont exclusives des activités dérogatoires menées par ailleurs par Monsieur Jean-Charles de Castelbajac.  Les parties sont convenues que les Activités de Jean-Charles de Castelbajac à l’exception des Activités dérogatoires) devront être exercées suivant les principes et modalités ci-après définis pour chaque type d’activité.’

Enfin, selon l’article ‘Activités dérogatoire’, il était précisé ‘par dérogation aux stipulation ci-dessus, Monsieur JC de C. pourra exercer librement des activités concurrentes dans les domaines suivants, sous réserve qu’elles ne soient pas directement financées en tout ou partie par la société: les arts plastiques et graphiques, (…), l’édition, la littérature, le théâtre, la musique, la scénographie, l’activité de design de biens meubles ou immeubles, l’architecture, la direction artistique, hors mode, d’événements publics ou privés, les alcools et spiritueux.’

Il ressort de cette distinction opérée par les parties entre les ‘Activités’, objet du contrat, financées par l’appelante, et les ‘Activités dérogatoires’, exercées librement par Jean-Charles de Castelbajac de manière concurrente, que le cessionnaire n’était en droit de revendiquer des droits de propriété intellectuelle que sur les oeuvres créées antérieurement au 31 décembre 2015 par Jean-Charles de Castelbajac, dans le cadre de ses ‘Activités’, et non dans le cadre de ses ‘Activités dérogatoires’.

Par ailleurs, dans la mesure où le créateur ne contestait pas la validité de la cession mais, uniquement, son interprétation au travers du périmètre des droits concernés, le cessionnaire n’était pas fondé à lui opposer la prescription.

Droit de modification exclu

La société cessionnaire n’était pas, en tout état de cause, en droit de modifier l’apparence des créations de Jean-Charles de Castelbajac réalisées dans le cadre de ses ‘Activités’ pour elle jusqu’au 31 décembre 2015, ni de reproduire ou adapter celles réalisées après le 1er janvier 2016.

Or, parmi les oeuvres revendiquées, 7 ont été divulguées postérieurement au 1er janvier 2016 et les 5 autres ressortissent manifestement au domaine de ses activités dérogatoires (édition, arts graphiques, design d’immeuble..).

En conséquence, le cessionnaire ne justifiait pas être bénéficiaire d’une cession de ses droits par l’auteur sur les oeuvres en cause et n’était donc pas fondée à revendiquer le moindre droit de propriété intellectuelle à leur égard.

Concurrence déloyale et le parasitisme retenus 

La juridiction a aussi constaté que des tablettes de chocolat sur lesquelles figurent les dessins reproduisant les oeuvres de Jean-Charles de Castelbajac ont connu un début de commercialisation.

Si Jean-Charles de Castelbajac n’était pas fondé à reprocher à la société d’associer en tant que tel son  nom à divers projets, puisque les actifs de la société éponyme lui ont été cédés dans le contexte de procédure collective, cette cession n’autorisait pas pour autant la société à publier des dessins faussement attribués à Jean-Charles de Castelbajac et à commercialiser des produits avec ces annonces «si le coffret est une invitation à la gourmandise, il l’est aussi avec les délicates et poétiques illustrations de Jean-Charles de Castelbajac.’ ou ‘ l’on retrouve le coup de crayon de Jean-Charles de Castelbajac ; des illustrations oniriques et colorées, accompagnées de jeux de mots jouant sur la phonétique et l’orthographe tels que ‘La mère-veilleuse’, ‘mille mère-ci’ ‘mon fir-maman’.»

Le fait de faire croire que Jean-Charles de Castelbajac serait le créateur des dessins en cause et qu’il aurait accepté de s’associer au lancement de la vente de ces chocolats, alors que lui-même, dans le cadre de ses activités personnelles, a développé des partenariats avec des marques, crée un risque de confusion dans l’esprit du public et de ses partenaires qui seront portés à croire que la collaboration annoncée reflète la vérité.

Par ailleurs, le fait que la société présente les dessins figurant sur les produits qu’elle commercialise comme étant de la main de Jean-Charles de Castelbajac constitue également des actes parasitaires, la société tentant ainsi de renouveler l’oeuvre de Jean-Charles de Castelbajac au delà des droits patrimoniaux qu’elle a régulièrement acquis, sans tirer les conséquences de droits résultant de la fin de leur relation contractuelle et, ainsi, de tirer profit de son travail et de son renom, à titre lucratif et de façon injustifiée, lui procurant un avantage indéniable tant l’apposition d’une signature connue du monde du luxe permet de favoriser les ventes de ce type d’articles.

Ces faits caractérisés sont bien distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5–Chambre 1

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général:19/13325–N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHWS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS–3e chambre–1re section–RG n° 18/05712

APPELANTE

Société PMJC

Société par actions simplifiée au capital de 500000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 534375 209

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Guénola COUSIN de la SELARL SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

INTIMÉ

Monsieur JC DE C.

Né le […] à […]

Créateur

[…]

[…]

Représenté par Me Maryline N de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON N, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Assisté de Me Edouard FORTUNET du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, toque : J001

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHEE, conseillère, qui a été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

JC de C. se présente comme un créateur français emblématique, reconnu en France et dans le monde entier pour ses créations et son travail polymorphe, et bénéficiant d’une notoriété exceptionnelle. Il expose avoir multiplié les créations au cours des dernières 50 années, notamment dans le domaine de la mode, des arts picturaux, en qualité de designer, et avoir collaboré avec des marques prestigieuses.

Il estime que ses oeuvres, marquées par sa personnalité, sont reconnaissables parmi toutes les autres, compte tenu de l’univers artistique qu’il a créé et entretenu au cours des dernières décennies, qui lui est propre et qui est dû, en particulier, à sa manière unique de dessiner (des formes simples, tracées dans un style très raffiné, le plus souvent au feutre noir selon le procédé dit de ligne claire) et à son style calligraphique très personnel.

Le 30 août 1978, il a fondé la société JC DE C., société anonyme de droit français spécialisée dans la création de vêtements et d’accessoires de mode, dont il a été le directeur artistique.

Le 3 mai 2011, cette société a été placée en redressement judiciaire et, par un jugement du 13 septembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de l’intégralité des actifs de la société JC DE C. au profit de la société PMJC, alors en cours de création. La société PMJC a pour activité la création, la distribution et la diffusion d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires.

Par une convention de prestation de services du 21 juillet 2011, la société PMJC a confié à JC de C., la direction artistique de ses collections de vêtements et d’accessoires jusqu’au 31 décembre 2015.

Le 3 février 2012, l’acte de cession d’actifs était conclu entre les sociétés JC DE C. et PMJC, aux termes duquel la société PMJC a obtenu le droit d’exploiter le signe «’X’» pour les produits liés au domaine de la mode dans les classes 18, 24 et 25.

Dans ce cadre, la société PMJC est titulaire du nom de domaine et exploite le site du même nom. Elle est également titulaire de la marque «X Paris», qu’elle présente comme une marque «arty» qui, depuis 50 ans, se donne pour mission de proposer des collections mode et maison modernes, de qualité, simples et élégantes.

Le 31 décembre 2015, le contrat de prestations de services de JC de C. est arrivé à expiration et n’a pas été renouvelé, la société PMJC nommant Mme Z A, ancienne directrice de collection, en qualité de directrice artistique.

En 2016, JC de C. a constitué la société X CREATIVE dont il est l’associé majoritaire et le dirigeant et dont l’objet social est «’la création de dessins, modèles, designs et de toute oeuvre artistiques, littéraires, photographiques, filmographies, ou de mode’; le conseil et la prestation de services de direction artistique et créative dans les secteurs industriels’; la gestion et l’exploitation de marques, dessins, modèles et droit d’auteur liés aux oeuvres créées».

En février 2017, JC de C. a été contacté par l’attaché de presse de la société LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS, notamment spécialisée dans le commerce du chocolat et de la confiserie, qui lui a présenté un projet d’illustrations d’emballage de tablette de chocolat auquel il n’a pas souhaité donner suite.

En mars 2018, JC de C. indique avoir appris qu’une gamme de chocolats signée «X PARIS» et «LE CHOCOLAT DES FRANÇAIS» était sur le point d’être lancée à l’occasion de la fête des mères, en édition limitée à 1.000 exemplaires, au prix de 20 euros par les sociétés LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS et PMJC, dont le packaging et les éléments promotionnels constituent, selon lui, un plagiat de ses oeuvres.

Le 19 mars 2018, JC de C. a demandé aux sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS de ne pas commercialiser cette collection.

Le 30 avril 2018, le conseil de la société LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS a indiqué que celle-ci avait pris la décision de suspendre son opération commerciale et de ne pas commercialiser les tablettes litigieuses, tandis que la société PMJC répondait qu’elle était titulaire des droits patrimoniaux relatifs aux dessins exploités dans le cadre du partenariat conclu avec la société LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS, et plus généralement «des droits patrimoniaux sur l’ensemble des dessins réalisés par la société JC de C. en son temps mais également sur ceux réalisés lors du contrat de prestation de services exécuté de 2011 à 2015’».

C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier du 15 mai 2018, JC DE C. a saisi le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d’auteur et concurrence déloyale.

Par jugement rendu le 6 juin 2019 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a:

—Condamné la société PMJC à payer à M. de X la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur;

—Condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à M. X la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur;

—Fait en tant que besoin défense aux sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS, de communiquer à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sur la collection de chocolats litigieux;

—Rejeté la demande de publication du présent jugement, ainsi que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS;

—Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement;

—Condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS aux dépens;

—Condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à M. de X la somme globale de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société PMJC a interjeté appel de ce jugement le 2 juillet 2019.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 mai 2020 par la société PMJC, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de:

—RECEVOIR la société PMJC en ses conclusions, moyens et prétentions, la dire bien fondée et ce faisant :

—INFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a :

—condamné la société PMJC à payer à Monsieur de X la somme de 2.500′ en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur;

—condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à Monsieur de X la somme de 10.000 ‘ en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur;

—fait en tant que de besoin défense à la société PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS de communiquer à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sur la collection de chocolats litigieux;

—ordonné l’exécution provisoire du jugement;

—condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS aux dépens;

—condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à Monsieur DE X la somme globale de 8.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.».

– STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL

—DIRE ET JUGER que Monsieur JC de C. ne rapporte pas la preuve de sa qualité d’auteur sur les dessins qu’il revendique,

—DIRE ET JUGER que Monsieur JC de C. ne rapporte pas la preuve de la titularité de ses droits patrimoniaux sur les dessins qu’il revendique,

En conséquence,

—DECLARER Monsieur JC de C. irrecevable en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A TITRE SUBSIDIAIRE

—DIRE ET JUGER que Monsieur JC de C. ne rapporte pas la preuve d’une atteinte aux droits patrimoniaux,

—DIRE ET JUGER que Monsieur JC de C. ne rapporte pas la preuve d’une atteinte aux droits moraux,

—DIRE ET JUGER que Monsieur JC de C. ne rapporte pas la preuve d’actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme

En conséquence,

—DEBOUTER Monsieur JC de C. de l’ensemble de ses demandes.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

—Condamner Monsieur JC de C. au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société PMJC;

—Condamner Monsieur JC de C. aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 février 2020 par JC de C., intimé et appelant incident, qui demande à la cour de:

—CONFIRMER le jugement rendu le 6 juin 2019 (RG 18/05712) en ce qu’il a : (i) «condamn[é] la société PMJC à payer à M. de X la somme de 2.500′ en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur», (ii) «condamn[é] in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à M. de X la somme de 10.000′ en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur», (iii) «fait en tant que de besoin défense aux sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS, de communiquer à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, sur la collection de chocolats litigieux», (iv) «rejeté la demande de dommagesintérêts pour procédure présentée par la société Lea Gourmandises des Français», (v) «ordonné l’exécution provisoire du présent jugement», (vi) «condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS aux dépens» et (vi) «condamné in solidum les sociétés PMJC et LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS à payer à M. de X la somme globale de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile»;

—INFIRMER le jugement rendu le 6 juin 2019 (RG 18/05712) en ce qu’il a : (i) «rejeté la demande de publication du présent jugement» et (ii) rejeté la demande de M. de X sur le fondement de l’article 1240 du code civil;

Statuant de nouveau :

—CONDAMNER la société PMJC à payer à M. de X la somme de vingt mille euros (20.000′) en réparation du préjudice résultant du comportement fautif de la société PMJC, sur le fondement de l’article 1240 du code civil;

—ORDONNER LA PUBLICATION du dispositif de l’arrêt à intervenir, dans un délai de dix (10)

jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de mille euros (1.000′) par jour de retard, sur la page d’accueil des sites Internet exploités, directement ou indirectement, par la société PMJC, et en particulier le site Internet www.jc-de-X.com, pendant un délai de trois (3) mois;

—ORDONNER LA PUBLICATION du dispositif de l’arrêt à intervenir, accompagné d’un message objectif et explicatif, (i) dans cinq (5) journaux ou revues au choix de Monsieur JC de C., en France et/ou à l’international, aux frais avancés de la société PMJC, sans que le coût n’excède la somme de trois mille euros (3.000′) hors taxes par insertion et (ii) pendant une durée d’un (1) mois, sur la page d’accueil des sites Internet, Facebook, Instagram, Pinterest et LinkedIn de la société PMJC, dans un encadré d’une police au moins aussi grande que les titres principaux affichés sur la page, à savoir (a) , (b) , (c) , (d) et (e) .

—AUTORISER la publication du dispositif du jugement à intervenir, dès son prononcé, sur le site internet de M. de X accessible à l’adresse www.jeancharlesdecastelbajac.com;

En tout état de cause :

—CONDAMNER la société PMJC à payer à M. de X la somme supplémentaire de 15.000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

—CONDAMNER la société PMJC aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Maryline N, avocat constitué, sur ses affirmations de droit dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2021.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés:

La société PMJC n’ayant pas intimé la société LES GOURMANDISES DES FRANÇAIS dans sa déclaration d’appel, le jugement est définitif concernant l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

– Sur la titularité des droits d’auteur:

– Sur qualité d’auteur de JC de C.:

L’appelante considère qu’il appartient, à peine d’irrecevabilité, à JC de C. de rapporter la preuve de sa qualité d’auteur et la date de la première divulgation publique des dessins qu’il lui oppose. A cet égard, elle relève que les dessins dans les pages 12, 13, 14, 23 et 26 de la pièce n°1.3 de JC de C. ne comportent ni date ni signature de l’auteur. S’agissant des dessins qui ont été publiés sur le compte Instagram de l’intimé, l’appelante soutient qu’une telle publication ne permet d’établir ni le fait que JC de C. en est l’auteur en l’absence de toute mention de son nom, ni la date de leur création. Ainsi, l’appelante demande l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a reconnu la qualité d’auteur de JC de C. sur les 11 dessins parmi ceux qui ont été opposés.

L’intimé demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a reconnu sa qualité d’auteur sur les 11 dessins précisément décrits, en considérant qu’ils portent sa signature et que les éléments versés aux débats en établissent la date certaine.

Sur ce, la cour rappelle qu’en vertu de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle, ‘la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.’

Comme l’ont justement retenu les premiers juges, JC de C. justifie de la divulgation sous son nom et aux dates mentionnées des oeuvres suivantes, clairement identifiées, contrairement à ce que soutient l’appelante:

—la couverture du magazine Stylist, qui est signée par JC de C. et dont la date est certaine, soit le 12 juin 2014, date de publication du magazine:

—la création d’un timbre poste signé par JC de C. et qui est daté de 2015:

—un dessin figurant sur la couverture du magazine VICTOIRE daté du 28 novembre 2015, posté sur INSTAGRAM le 27 novembre 2015, signé de JC de C.:

—la fresque dessinée sur la façade du Terminal Sud de l’aéroport de Paris-Orly paru dans la presse le 26 novembre 2015 qui porte sans conteste sa signature, outre la campagne de presse confirmant ces éléments de façon certaine:

—un dessin signé JC de C. publié sur INSTAGRAM le 17 octobre 2016:

—un dessin ayant servi de couverture pour le livre ’13 A TABLE’, au profit des Restos du coeur et au lancement de la campagne publicitaire portant la signature de JC de C., sorti le 3 novembre 2016 et publié sur son compte personnel le 8 novembre 2016:

—un dessin figurant sur un autographe signé de JC de C. et daté du 24 novembre 2016, publié le même jour sur INSTAGRAM:

—une photographie représentant un gant dessiné à côté de la figure d’un mannequin en collaboration avec la société AGNELLE publiée sur le compte INSTAGRAM de JC de C. le 20 décembre 2016:

—une photographie représentant un mannequin maquillé par JC de C. pour le magazine GALA (édition Noël 2016) publiée sur INSTAGRAM le 22 décembre 2016:

—un dessin signé de JC de C. publié sur son compte INSTAGRAM le 10 juin 2017:

—une fresque pour la galerie marchande Cidade Jardim de E F célébrant Noël, publiée le […]:

Si certains de ses dessins ou fresques ne portent effectivement pas la signature de JC de C., il n’en demeure pas moins que l’intimé justifie sans équivoque qu’ils ont été divulgués sous nom.

En outre, la société PMJC n’explique nullement en quoi les publications sur INSTAGRAM au nom de JC de C. ne constitueraient pas la preuve de cette divulgation ou de leur date certaine, et ce d’autant que pour certaines, elles sont corroborées par leur exposition sur le domaine public, leur commercialisation par la Poste, ou des publications dans la presse.

Par ailleurs, la société PMJC ne justifie nullement que les oeuvres revendiquées auraient été divulguées antérieurement, alors que la preuve lui en serait aisée puisqu’il n’est pas contesté que, dans le cadre de la procédure collective de la société JC de C., elle a acquis l’ensemble des archives concernées.

Il convient en conséquence de retenir que JC de C. justifie tant de sa qualité d’auteur que de la date certaine de divulgation des oeuvres ainsi revendiquées.

— Sur la cession des droits:

L’appelante estime être titulaire des droits d’auteur sur l’ensemble des créations de JC de C. antérieures au 31 décembre 2015, date de la fin du contrat de prestation, d’une part, en raison de l’acquisition le 3 février 2012 des actifs incorporels de la société JC de C. qui détenait tous les droits de propriété intellectuelle sur les créations réalisées par l’intimé et, d’autre part, en vertu de la cession de droits stipulée dans ledit contrat de prestation de services du 21 juillet 2011.

L’intimé relève d’abord que le tribunal a commis une erreur dans l’analyse du contrat du 21 juillet 2011 en considérant qu’il aurait cédé à la société PMJC ses droits patrimoniaux d’auteur sur les créations réalisées en dehors de son activité de directeur artistique de la maison de mode. Or, selon lui, ce contrat distingue les «Activités» définies à l’article 1er des «Activités Dérogatoires» définies à l’article 2.3 comme étant des activités concurrentes qu’il est autorisé à exercer, de sorte qu’aucune cession de droits n’est intervenue au profit de la société PMJC en ce qui concerne les créations réalisées dans le cadre de ces «Activités Dérogatoires» et qui ont été copiées selon lui.

JC de C. ajoute que, parmi les 28 dessins opposés, 22 dessins ont été réalisés postérieurement à la fin du contrat de prestation de services en décembre 2015 et 6 autres ont été réalisés à titre personnel ou dans le cadre des «Activités Dérogatoires», de sorte que la société PMJC ne peut revendiquer aucun droit sur ses dessins.

En tout état de cause, il souligne que le droit d’adaptation était expressément réservé par le contrat du 21 juillet 2011.

En l’espèce, pour apprécier la titularité des droits, la société PMJC n’est donc pas fondée à opposer l’acte de cession d’actifs conclu avec la société JC de C., le 3 février 2012, qui concerne nécessairement les actifs incorporels et corporels antérieurs à cette date et non les créations à venir, et ce alors qu’elle ne démontre nullement que les créations revendiquées dans la présente instance font partie des actifs acquis dans ce cadre.

Comme l’a retenu le tribunal, aucune des créations revendiquées n’étant antérieure à l’année 2014, les droits des parties sont déterminés par le ‘protocole de prestation de services’ du 21 juillet 2011.

Cet accord stipule en son article 3 que ‘la société a la propriété, au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle, des prérogatives patrimoniales du droit d’auteur, portant sur les dessins et modèles créés dans le cadre de l’exécution du contrat par Monsieur JC de C. et dans le cadre de ses Activités. La société aura le droit de procéder à toute adaptation d’ordre technique, les adaptations d’ordre esthétique étant soumises à la validation de Monsieur JC de C. (…)’

L’article 1, intitulé ‘objet du contrat’, liste les activités concernées sous la dénomination les ‘Activités’», soit les première et deuxième lignes de création visant le prêt à porter, la conception d’une ligne de création de meubles, les accessoires, les parfums et cosmétiques, la publicité et promotion des marque, le merchandising et lieux de vente, et mentionne par ailleurs ‘ il est expressément convenu que les Activités ci-dessus sont exclusives des activités dérogatoires menées par ailleurs par Monsieur JC de C., telles qu’énoncées à l’article 2.3 des présentes. Les parties sont convenues que les Activités de Monsieur JC de C. (à l’exception des Activités dérogatoires) devront être exercées suivant les principes et modalités ci-après définis pour chaque type d’activité.’

Enfin, selon l’article 2.3 intitulé ‘Activités dérogatoire’, il est précisé ‘par dérogation aux stipulation ci-dessus, Monsieur JC de C. pourra exercer librement des activités concurrentes dans les domaines suivants, sous réserve qu’elles ne soient pas directement financées en tout ou partie par la société: les arts plastiques et graphiques, (…), l’édition, la littérature, le théâtre, la musique, la scénographie, l’activité de design de biens meubles ou immeubles, l’architecture, la direction artistique, hors mode, d’événements publics ou privés, les alcools et spiritueux.’

Il ressort de cette distinction opérée par les parties entre les ‘Activités’, objet du contrat, financées par l’appelante, et les ‘Activités dérogatoires’, exercées librement par JC de C., de manière concurrente, que la société PMJC n’est en droit de revendiquer des droits de propriété intellectuelle que sur les oeuvres créées antérieurement au 31 décembre 2015 par JC de C. dans le cadre de ses ‘Activités’, et non dans le cadre de ses ‘Activités dérogatoires’, le jugement devant être rectifié sur ce point.

Par ailleurs, dans la mesure où JC de C. ne conteste pas la validité de la cession mais, uniquement, son interprétation au travers du périmètre des droits concernés, la société PMJC n’est pas fondée à lui opposée la prescription de cette demande.

En outre, comme l’a justement retenu le tribunal, la société PMJC n’est pas, en tout état de cause, en droit de modifier l’apparence des créations de JC de C. réalisées dans le cadre de ses ‘Activités’ pour elle jusqu’au 31 décembre 2015, ni de reproduire ou adapter celles réalisées après le 1er janvier 2016.

Or, la cour constate que, parmi les oeuvres revendiquées et listées par le tribunal dans son jugement dont il est demandé la confirmation par JC de C. de ce chef, 7 ont été divulguées postérieurement au 1er janvier 2016 et les 5 autres ressortissent manifestement au domaine de ses activités dérogatoires (édition, arts graphiques, design d’immeuble..).

En conséquence, il convient de dire que la société PMJC ne justifie nullement être bénéficiaire d’une cession de ses droits par l’auteur sur les oeuvres en cause et n’est donc pas fondée à revendiquer le moindre droit de propriété intellectuelle à leur égard.

– Sur l’originalité des oeuvres revendiquées:

L’appelante reproche à l’intimé de ne pas caractériser les éléments originaux des dessins en cause qui seraient repris dans les dessins litigieux. Selon elle, les éléments dans certains dessins revendiqués tels que le coeur rouge, les dessins de bouche, d’étoiles et des yeux étant reproduits dans leur forme élémentaire, sont dépourvus d’originalité, d’autant que plusieurs artistes (tels que Y, J. L, F. H) ont réalisé des dessins de visage dans les lignes simples et épurés. En outre, elle soutient que les éléments revendiqués par M. de X sont inhérents à une technique de dessin et tiennent à l’usage de couleurs (jaune, bleu, rouge) qui sont employées par plusieurs autres artistes, de sorte qu’ils ne sont pas appropriables.

Elle demande l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a caractérisé l’originalité par des considérations générales, sans examiner le caractère original oeuvre par oeuvre et qu’il a évoqué, à cet égard, «l’univers poétique» de M. de X alors que cela ne constitue pas un élément appropriable par le droit d’auteur.

L’intimé demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a retenu l’originalité sur les oeuvres détaillées, en exposant l’originalité de chacun des dessins pris individuellement et en quoi ils se rattachent à son univers artistique propre et singulier.

Sur ce, la cour rappelle que l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Et aux termes de l’article L.112-2, 12° du même code, ‘Sont considérés notamment comme oeuvres de l’esprit au sens du présent code : (‘) 7° Les oeuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie: 8° Les oeuvres graphiques et typographiques; (…)’

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une oeuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

La notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.

En l’espèce, la cour constate que JC de C. explicite oeuvre par oeuvre les éléments traduisant sa personnalité et constituant leur originalité en ces termes:

Originalité revendiquée

Sur la couverture du magazine Stylist en 2014, l’artiste JC de C. apparaît en mimétisme au milieu de ses dessins comprenant des formes simples et des traits réalisés à la peinture noire pour dessiner notamment un groupe de visages masculins et féminins, caractéristiques de son travail artistique, les sourcils et le nez sont tracés d’un même trait, grand yeux ouverts, petites narines ajoutées avec un autre trait pour certains personnages. Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner des coeurs de couleur rouge, bleue et jaune, caractéristiques du travail artistique de M. de X’; les personnages sont présentés de profil et sur le point de s’embrasser, ce que suggère le coeur colorié entre les lèvres des personnages. Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner la partie supérieure d’un corps’de femme’; les couleurs jaune, rouge et bleu qui permettent de faire ressortir les cheveux couleur or du personnage féminin’; la présence de personnages sortant d’une boîte symbolisant le cadeau que les enfants symbolisent aux yeux d’une mère. Fragments de la fresque monumentale exposée entre décembre 2015 et septembre 2018 à l’aéroport Orly Sud.

Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner la partie supérieure d’un corps d’homme, les sourcils et le nez sont tracés d’un même trait, grands yeux ouverts et petites narines ajoutées par un autre trait, visage coiffé d’un béret et tour Eiffel posée sur l’épaule, les constructions sur les épaules étant une caractéristique du travail artistique de M. de X.

Personnage féminin réalisé au feutre noir, de style épuré utilisé pour dessiner la partie supérieure d’un corps de femme, le visage entouré de cheveux ondulés, une étoile bleue

irrégulière sur l”il gauche Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner la partie supérieure d’un corps’humain; un cou allongé qui permet de faire ressortir des ailes d’anges (personnage intrinsèquement associé à l’oeuvre de M. de X)’; le clin d”il brossé d’un coup de crayon, la couleur noire utilisée pour dessiner et faire ressortir sur les joues du personnage deux coeurs rouges au niveau des pommettes’; un dessin de Tour Eiffel en arrière-plan pour situer la scène’; un pull à col rond blanc avec des rayures horizontales inachevées et aléatoires (marinière). Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner un personnage revêtu d’ailes, symbolisant l’ange dans l’oeuvre de M. de X’; le repas, thème de la campagne des restos du coeur, apparaît dans les bras de l’ange’; celui-ci est également revêtu d’un t-shirt avec des rayures bleues, horizontales inachevées et aléatoires (marinière). Les formes simples et le coup de crayon épuré utilisé pour dessiner en quelques lignes un visage féminin’; l’usage du jaune, du rouge et du bleu, couleurs emblématiques de M. de X’; les quelques traits à l’arrière du cou du personnage pour deviner les ailes d’un ange’; le coeur rouge sur la joue, et le sourcil ondulé, récurrents dans les dessins de M. de X. L’association de dessins, oeuvres graphiques, à des gants, oeuvre vestimentaire créée par M. de X’; M. de X a associé aux gants le visage d’un personnage, sur lequel le symbole de l’amour, un coeur rouge, est positionné à l’envers’; le cou du personnage dispose d’ailes, symbolisant l’ange. Le style simple de coloriage, apposant les traits caractéristiques de l’oeuvre de M. de X sous forme de body painting, à savoir (i) les coeurs rouge, sur la joue du mannequin, (ii) les ailes d’ange, au niveau de son cou et (iii) les rayures bleues et blanches, horizontales inachevées et aléatoires (marinière). Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner le buste d’un personnage féminin, dont seule la partie droite est coloriée, suggérant le sens de la lumière; le paysage se devine avec la forme d’un oiseau sur la partie supérieure gauche, et d’une étoile sur la partie supérieure droite, évoquant le jour et la nuit.

Les formes simples et le trait au feutre noir épuré utilisé pour dessiner un personnage’;

l’usage d’étoiles dessinées de manière très simple et suggérant une nuit étoilée.

Il convient donc de retenir que JC de C. ne revendique pas seulement la création d’un univers poétique mais la combinaison originale de certains éléments précisément identifiés: des personnages dont ne sont représentés que le visage et le haut du corps, réalisés d’un trait au feutre noir, les visages et les cous étant allongés, de forme simple, l’arrête du nez se prolongeant au niveau du sourcil, et, ce afin, de faire ressortir, le plus souvent des coeurs rouges au niveau des pommettes, ainsi que des ailes au niveau du cou, de manière à symboliser un ange, élément intrinsèquement lié à son oeuvre, ces personnages sont en outre revêtus d’un pull de type marinière, à col blanc, avec des rayures horizontales inachevées et aléatoires, avec un emploi quasi-exclusif des couleurs jaune, rouge et bleu et la création d’un environnement très caractéristique d’étoiles et de coeurs autour de ses personnages, reproduit comme un leitmotiv.

Les oeuvres ainsi revendiquées par JC de C. présentent ainsi chacune une physionomie propre traduisant un parti esthétique très marqué et reflétant l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Par ailleurs, si, effectivement, la notion ‘d’univers poétique’, en tant que telle n’est pas protégeable en droit d’auteur, c’est la combinaison de l’ensemble de ces éléments précisément identifiés ainsi revendiquée par l’intimé qui contribue à un créer un univers singulier et personnel, propre à l’artiste, permettant d’identifier immédiatement et sans conteste ses oeuvres.

En outre, contrairement à ce que soutient la société PMJC qui oppose un certain nombre d’antériorités, au demeurant indifférentes en droit d’auteur, s’agissant de dessins de G H, Y, I J, K L, il y a lieu de constater que les créations invoquées, si elles reprennent des dessins de personnages naïfs avec des aplats de couleurs primaires, s’en démarquent de manière nette, aucune ne présentant la combinaison arbitraire ci-dessus décrite, JC de C. ayant fait oeuvre de création, en élaborant un univers singulier, caractérisé par sa manière très spécifique de dessiner et son style calligraphique très personnel, ajoutant souvent des commentaires poétiques à ses dessins et mettant en scène des éléments revenant comme des leitmotiv, et notamment les pommettes en forme de coeur, les marinières aux rayures inachevées, les ailes d’ange dans le cou, le tracé des chevelures et le trait de crayon marquant à la fois l’arrêt du nez et des sourcils.

Enfin, il doit être relevé que l’originalité ainsi contestée par la société PMJC, est pourtant nettement mise en avant quand elle communique sur les produits proposés sous sa marque X Paris, pour les commercialiser et les promouvoir auprès du public, comme il sera vu s’agissant des faits de contrefaçon eux-mêmes.

Il convient donc de confirmer le jugement querellé en ce qu’il retenu que l’originalité de l’oeuvre étant explicitée, JC de C. était titulaire de droits d’auteur sur les oeuvres revendiquées.

– Sur les actes de contrefaçon de droits d’auteur

L’appelante conteste la ressemblance entre les oeuvres revendiquées et les dessins litigieux. Concernant l’atteinte alléguée au droit moral de l’intimé, l’appelante fait valoir que ce dernier n’établit aucune altération ou dénaturation des créations qu’il revendique et qu’il ne démontre donc pas une quelconque atteinte à son droit moral.

JC de C. considère que les éléments suivants, qui caractérisent ses dessins, sont repris sur les illustrations litigieuses:

—la forme simple et ovale du visage des personnes,

—la forme simple et davantage étirée du visage des personnes,

—le dessin du nez, du profil, se confondant avec les sourcils des personnages,

—le dessin du nez, de face, se confondant avec les sourcils des personnages,

—le dessin des lèvres des personnages,

—le dessin des yeux des personnages,

—le dessin des pommettes en forme de coeur des personnages,

—la forme des cheveux des personnages,

—les rayures horizontales inachevées et aléatoires (marinière),

—la forme du phylactère utilisé indépendamment des personnages,

—la forme de l”il indépendamment des personnages,

—la forme du coeur utilisé indépendamment des personnages,

—la forme des lèvres utilisées indépendamment des personnages,

—la forme des étoiles utilisées indépendamment des personnages.

Sur ce, la cour rappelle qu’en vertu de l’article L.123-4 du code de la propriété intellectuelle, ‘Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.’

Comme le tribunal, la cour retient que les dessins figurant sur ces tablettes reproduisent en les adaptant, la combinaison originale et arbitraire composée d’un visage féminin réalisé d’un trait noir épuré, le tracé de l’arrête du nez se prolongeant par le dessin des sourcils, un cou allongé, une chevelure ondulente caractéristique, avec des coeurs rouges sur les joues, de personnages tous vêtus d’une marinière aux rayures inachevées, avec exactement les mêmes codes couleurs toujours utilisés par l’intimé, que l’on retrouve en particulier dans les visuels divulgués les 27 novembre 2015 et 24 novembre 2016, décrits ci-dessus.

La ressemblance est encore aggravée par l’ajout d’étoiles bleus et des coeurs rouges et des messages manuscrits propres au travail de JC de C. que l’on retrouve presque dans l’intégralité des visuels divulgués.

La cour relève par ailleurs que la société PMJC, dans sa campagne de communication annonçant la sortie des produits, a pu mentionner: ‘on y retrouve le style X avec les couleurs jaune, bleu, rouge. Les emballages sont aussi décorés des personnages poétiques et décalés que l’on connaît et qui font la réputation de la griffe’ ou ‘cette collaboration est le fruit chocolaté d’un parfait équilibre entre gourmandise et poésie exemplaires, où l’on trouve le coup de crayon de JC de C., des illustrations oniriques, (…) Si le coffret est une invitation à la gourmandise, il l’est aussi avec les délicates et poétiques illustrations de JC de C.

1:

En gras dans le texte

‘, de sorte qu’il ne peut être raisonnablement soutenu par l’appelante que les dessins figurant sur ces produits ne constitueraient nullement des reproduction, adaptation ou imitation de ses dessins.

Le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a retenu que la contrefaçon, caractérisée par une adaptation non autorisée des dessins précisément identifiés par JC de C., est établie, l’adaptation pouvant porter sur la combinaison de plusieurs éléments caractéristiques des oeuvres protégées au titre du droit d’auteur.

– Sur les faits de concurrence déloyale:

JC de C. reproche à l’appelante de faire apparaître frauduleusement son nom sur les dessins qu’elle a réalisés et qui ne font que reprendre, reproduire et adapter le travail artistique, l’univers et l’ADN de ses oeuvres. Il considère que de tels actes banalisent son travail artistique et portent atteinte à sa crédibilité artistique et à sa réputation. Selon lui, ces actes constituent des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au sens de l’article 1240 du code civil. Il demande en conséquence la condamnation de la société PMJC à lui payer 20.000 euros de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et parasitaire.

En réponse, l’appelante relève que les faits invoqués par l’intimé pour établir l’existence des actes de concurrence déloyale et de parasitisme sont les mêmes que ceux présentés au titre de la contrefaçon. En outre, elle souligne que les tablettes de chocolat portant les dessins litigieux n’ont jamais été

commercialisées. Selon elle, sous couvert du grief de concurrence déloyale et parasitaire, M. de X lui reproche d’utiliser la marque «’X’» et vise à la spolier des actifs incorporels qu’elle a régulièrement acquis. Ainsi, elle demande la confirmation du jugement déféré en ce que le tribunal a débouté M. de X de ses demandes au titre de concurrence déloyale et du parasitisme.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l’intimé.

Sur ce, il convient de constater comme les premiers juges que les tablettes de chocolat litigieuses sur lesquelles figurent les dessins reproduisant les oeuvres de JC de C. n’ont jamais étaient offertes à la vente.

Cependant, JC de C. démontre que ces dessins ont fait l’objet d’une diffusion dans la presse (LA DEPECHE.fr; Journal du Luxe, edgarmagazine.com; luxe-infinity.com; miiangalery.blogspot.com; carnetsduluxe.com) et ont ainsi fait l’objet d’un début d’exploitation dans la vie des affaires.

Par ailleurs, si JC de C. n’est pas fondé à reprocher à la société PMJC d’associer en tant que tel le nom X à divers projets, puisque les actifs de la société éponyme lui ont été cédés dans le contexte de procédure collective déjà mentionné, il doit être précisé que cette cession n’autorise pas pour autant l’appelante à publier des dessins faussement attribués à JC de C. et à commercialiser des produits avec ces annonces «si le coffret est une invitation à la gourmandise, il l’est aussi avec les délicates et poétiques illustrations de JC de C.’ ou ‘ l’on retrouve le coup de crayon de JC de C.; des illustrations oniriques et colorées, accompagnées de jeux de mots jouant sur la phonétique et l’orthographe tels que ‘La mère-veilleuse’, ‘mille mère-ci’ ‘mon fir-maman’.»

Ainsi, le fait de faire croire que JC de C. serait le créateur des dessins en cause et qu’il aurait accepté de s’associer au lancement de la vente de ces chocolats, alors que lui-même, dans le cadre de ses activités personnelles, a développé des partenariats avec des marques, crée un risque de confusion dans l’esprit du public et de ses partenaires qui seront portés à croire que la collaboration annoncée reflète la vérité.

Par ailleurs, le fait que la société PMJC présente les dessins figurant sur les produits qu’elle commercialise comme étant de la main de JC de C. constitue également des actes parasitaires, la société PMJC tentant ainsi de renouveler l’oeuvre de JC de C., au delà des droits patrimoniaux qu’elle a régulièrement acquis, sans tirer les conséquences de droits résultant de la fin de leur relation contractuelle et, ainsi, de tirer profit de son travail et de son renom, à titre lucratif et de façon injustifiée, lui procurant un avantage indéniable tant l’apposition d’une signature connue du monde du luxe permet de favoriser les ventes de ce type

d’articles.

En outre, contrairement à ce que soutient l’appelante, ces faits ainsi caractérisés sont bien distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.

En conséquence, il convient de condamner la société PMJC à verser à JC de C. à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire la somme de 5.000′ et d’infirmer le jugement de ce chef.

– Sur les mesures de réparation:

L’intimé demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné l’appelante à lui payer la somme 2.500 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur et la somme de 10.000 euros en réparation de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur. Enfin, elle sollicite des mesures d’interdiction, de destruction et de publication.

Aux termes de l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, ‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’

C’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que la contrefaçon a été matérialisée à l’occasion d’un partenariat éphémère conclu entre la société PMJC et la société LES GOURMANDISES DES FRANCAIS, à l’occasion de la fête des mères, n’ayant donné lieu à aucun vente, les produits ayant uniquement été présentés dans le cadre d’une campagne de presse nationale, comme le démontrent les documents figurant en pièce 4.5 de l’intimé.

C’est donc à juste titre qu’il a été jugé que la contrefaçon n’a pu générer aucun bénéfice pour la société PMJC et que les conséquences économiques négatives n’ont été qu’extrêmement limitées pour JC de C. et qu’il lui a été accordé, au vu de chacun des critères appréciés distinctement, la somme de 2.500′ à titre de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux.

Il y a lieu de retenir également que les agissements de la société PMJC ont porté atteinte au droit moral de l’auteur s’agissant d’une adaptation de ses oeuvres non consentie et ainsi d’une dénaturation de son univers créatif. Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il lui a attribué à ce titre une somme de 10.000′.

Il convient également de confirmer les mesures d’interdiction ordonnées par le tribunal, adaptées aux faits en cause.

Le tribunal a par ailleurs justement retenu que la demande de publication, qui s’analyse en une demande de réparation complémentaire, n’était pas justifiée, le préjudice du demandeur étant suffisamment réparé par les autres dispositions de la décision.

Corrélativement, la demande de publication du présent arrêt est également rejetée.

– Sur les autres demandes:

La société PMJC, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître M N, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société PMJC à verser à JC de C., une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté JC de C. de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société PMJC a commis au préjudice de M. JC de C. des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société PMJC à verser à M. JC de C. la somme de 5.000′ en réparation du préjudice subi pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire,

Déboute M. JC de C. de ses demandes de publication,

Condamne la société PMJC aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître M N conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société PMJC à verser à M. JC de C., une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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