Votre panier est actuellement vide !
8 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-26.010
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 858 F-D
Pourvoi n° Q 19-26.010
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
1°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Camino Azul, dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic la société CGS Département gestion, domicilié [Adresse 2],
2°/ la société La Closerie Lourdes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ la société Perin-Borkowiak, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Closerie Lourdes,
ont formé le pourvoi n° Q 19-26.010 contre l’arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d’appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Cristal, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ à la société Camino Azul, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société [V] [B] et [M] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à M. [P] [C], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur de la société Camino Azul,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence Camino Azul, de la société La Closerie Lourdes et de la société Perin-Borkowiak, ès qualités, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [V] [B] et [M] [I], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Camino Azul et de M. [C], ès qualités, après débats en l’audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 8 octobre 2019), la société civile immobilière Camino Azul (la SCI Camino Azul) a fait édifier une résidence de tourisme qu’elle a vendue par lots en l’état futur d’achèvement.
2. Par acte du 9 novembre 2005, la société civile professionnelle [V] [B] et [M] [I] (le notaire) a établi le règlement de la résidence et reçu les différents actes de vente entre 2005 et 2007.
3. L’exploitation commerciale par un bailleur unique, auquel les acquéreurs étaient tenus de donner leur lot à bail, a été assurée par la société GRTC, qui, en raison du caractère déficitaire de l’exploitation, a cessé de payer les loyers aux copropriétaires dès l’année 2008.
4. Ceux-ci ont accepté la résiliation de tous les baux commerciaux et ont créé la société La Closerie Lourdes afin de reprendre la gestion de la résidence.
5. Par acte du 31 décembre 2010, publié le 19 août 2011, le règlement de copropriété a été modifié à l’initiative de la SCI Camino Azul, afin de diviser les lots n° 1 et 2, dont elle était restée propriétaire, en différents lots, dont deux ont, le même jour, été vendus à la société civile immobilière Cristal (la SCI Cristal).
6. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Camino Azul (le syndicat des copropriétaires), estimant que les lots demeurés la propriété de la SCI Camino Azul et ceux acquis par la SCI Cristal constituaient des parties communes nécessaires à l’exploitation commerciale conformément à la notice descriptive annexée aux actes de vente, et la société La Closerie Lourdes, estimant subir un préjudice compte tenu de l’impossibilité d’assurer un certain nombre de prestations faute de locaux correspondants, ont assigné les SCI Camino Azul et Cristal en revendication de lots et indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le syndicat des copropriétaires et la société La Closerie Lourdes font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables leurs conclusions n° 3 et 4, de rejeter leurs demandes, d’ordonner l’expulsion de la société La Closerie Lourdes et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation, alors :
« 1°/ que si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ont été déposées en temps utile, ils doivent répondre aux conclusions, même déposées après l’ordonnance de clôture, qui répondent à celles sollicitant le rejet pour tardiveté, en faisant valoir les raisons pour lesquelles les conclusions litigieuses ne sont pas tardives ; qu’en déclarant irrecevables comme tardives les conclusions n° 3 du syndicat des copropriétaires et de la société La Closerie Lourdes, à la demande de la SCI Camino Azul dans des écritures déposées le 14 mai 2019, soit après l’ordonnance de clôture, sans répondre aux conclusions n° 4 du syndicat des copropriétaires et de la société La Closerie Lourdes déposées en réponse à ces conclusions d’irrecevabilité, qui faisaient notamment valoir que les conclusions n° 3 n’ajoutaient aucun moyen nouveau ou prétention nouvelle et ne faisaient que répondre à la demande de paiement d’une indemnité d’occupation, la cour d’appel a violé les articles 15, 16 et 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en toute hypothèse, le juge ne peut écarter des débats des conclusions et pièces déposées avant l’ordonnance de clôture, sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a écarté les conclusions n° 3 du syndicat des copropriétaires et de la société La Closerie Lourdes, déposées six jours avant la date prévue pour la clôture, en considérant que « le destinataire ne disposait en pratique que de deux jours ouvrables et demi pour y répondre, puisque le mercredi 8 mai 2019 était un jour férié » et que « eu égard à la difficulté du dossier, les conclusions n° 3 méconnaissent le principe du contradictoire » ; qu’en se prononçant ainsi, sans expliquer en quoi le temps dont disposait la SCI Camino Azul pour répondre à ces conclusions n° 3, qui ne faisaient qu’ajouter aux précédentes une réponse à sa demande de paiement d’indemnités d’occupation, aurait été insuffisant ni en quoi ce dépôt qualifié de tardif portait atteinte au principe de la contradiction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16, 779 et 783 du code de procédure civile ;
3°/ En outre, un jour ouvrable est un jour qui peut être légalement travaillé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a écarté les conclusions n° 3 du syndicat des copropriétaires et de la société La Closerie Lourdes, déposées six jours avant la date prévue pour la clôture, en considérant que « le destinataire ne disposait en pratique que de deux jours ouvrables et demi pour y répondre, puisque le mercredi 8 mai 2019 était un jour férié » et que « eu égard à la difficulté du dossier, les conclusions n° 3 méconnaissent le principe du contradictoire » ; qu’en se prononçant ainsi, tandis qu’il résultait de ses propres constatations que les conclusions litigieuses avaient été notifiées le vendredi 3 mai 2019 à 10h56 et que la clôture avait été prononcée le jeudi 9 mai, de sorte qu’a minima les parties adverses disposaient de quatre jours ouvrables (vendredi, samedi, lundi et mardi) pour répondre, et non deux jours et demi, la cour d’appel a violé les articles 15, 16, 779 et 783 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. La cour d’appel, qui a constaté que la SCI Camino Azul avait déposé ses dernières conclusions sur le fond le 15 janvier 2019, a relevé que les conclusions n° 3 avaient été déposées le vendredi 3 mai 2019 à 10 heures 56, six jours avant l’ordonnance de clôture.
9. Elle a souverainement retenu, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu’eu égard à la difficulté du dossier, ces écritures méconnaissaient le principe de la contradiction et devaient être écartées des débats par application de l’article 16 du code de procédure civile.
10. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. Le syndicat des copropriétaires et la société La Closerie Lourdes font grief à l’arrêt de rejeter les demandes du premier tendant à la restitution de leurs lots respectifs par les SCI Camino Azul et Cristal et à l’annulation du modificatif du règlement de copropriété du 19 août 2011, de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts formées contre le notaire, d’ordonner sous astreinte l’expulsion de la société La Closerie Lourdes et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation, alors :
« 1°/ qu’en matière de vente d’immeuble à construire, la notice descriptive et les plans annexés aux actes de vente en l’état futur d’achèvement ont une valeur contractuelle et sont opposables au vendeur ; qu’en l’espèce, le syndicat des copropriétaires faisait valoir que la note descriptive annexée aux actes de vente qualifiait de partie commune notamment la salle de restaurant, ce qui était conforté par les plans également annexés à ces actes et par les plaquettes publicitaires remises aux potentiels acquéreurs; qu’il faisait également valoir que la portée des actes de vente était obscure, compte tenu des termes du règlement de copropriété, et que le juge devait dès lors interpréter la volonté des parties en faveur de l’acquéreur ; qu’en décidant que la note descriptive n’avait pas de valeur contractuelle, pour ensuite considérer que seul le règlement de copropriété fixait les droits des parties, se dispensant dès lors de rechercher si les actes de vente comportaient une ambiguïté qui devait se résoudre en faveur des acquéreurs, ce qui imposait de qualifier les locaux à usage de restaurant et leurs annexes de parties communes et d’en attribuer la propriété initiale au syndicat des copropriétaires, la cour d’appel a violé les articles 1134 ancien, devenu 1103, et 1604 du code civil ;
2°/ que subsidiairement, pour les résidences de tourisme placées sous le statut de la copropriété déjà existantes au 1er juillet 2014, lorsque les locaux à usage collectif faisant l’objet d’un lot distinct propriété d’un copropriétaire ne sont pas entretenus, entraînant un déclassement de cette résidence ou l’impossibilité de la commercialiser en offrant l’intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux autres copropriétaires, l’assemblée générale des copropriétaires peut saisir le tribunal d’une demande aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater abandon afin que ces lots deviennent la propriété indivise du syndicat des copropriétaires ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a rejeté la demande en restitution formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence Camino Azul en considérant notamment qu’il ne rapportait pas la preuve que la SCI Camino Azul ou la SCI Cristal avaient abandonné certains lots sur lesquels elles étaient titrées, en l’absence de volonté positive en ce sens ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le grand local situé au rez-de-chaussée appartenant à la SCI Camino Azul n’était ni entretenu ni exploité, alors même qu’il correspondait à un espace commun de la résidence de tourisme, si les lots n° 2 et 3 n’avaient jamais été achevés par la SCI Camino Azul et n’étaient pas non plus utilisés, et si dès lors il en résultait que les lots privatifs correspondants, affectés à l’usage collectif de la résidence de tourisme, n’étaient pas entretenus, ce qui autorisait le syndicat des copropriétaires à demander la restitution des lots pour qu’ils deviennent la propriété indivise des copropriétaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 58 V de la loi du 24 mars 2014. »