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7 juin 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/00579
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 07 JUIN 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00579 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OP4F
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 04 JUILLET 2018
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/014182
APPELANTS :
Monsieur [T] [U]
né le 06 Septembre 1962 à CASABLANCA (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Monsieur [S] [Z]
né le 28 Mai 1945 à Eupen (BELGIQUE)
de nationalité belge
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Monsieur [Y] [L]
né le 03 Décembre 1960 en ALGÉRIE
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1] (SUISSE)
Représenté par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
SARL AXS INGENIERIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEES :
SAS AXS MEDICAL SAS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Virginie BERTRAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Jean-François TRAMONI VENERANDI, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
SA DIAGNOSTIC MEDICAL SYSTEMS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Virginie BERTRAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Jean-François TRAMONI VENERANDI, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 17 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
Mme Marianne ROCHETTE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SAS AXS médical a été immatriculée le 28 janvier 2010 au registre du commerce et des sociétés du Havre par suite de l’apport par la SARL AXS ingénierie de la branche d’activité « développement et commercialisation des dispositifs médicaux Biomod » ; elle a pour objet la conception, le développement, la réalisation et la commercialisation de dispositifs et/ou systèmes médicaux et, de manière plus générale, applicables au domaine du vivant ; la société AXS médical a notamment développé des technologies de simulation 3D du rachis (la technologie Biomod 3S), objet de l’apport partiel d’actif par la société AXS ingénierie, puis une technologie analogue destinée aux membres inférieurs (la technologie Biomod MI) et à la posture (la technologie Kineod) ; elle dispose d’un établissement secondaire situé [Adresse 5]).
Son capital social de 1 589 800 euros, divisé en 15 898 actions d’une valeur nominale de 100 euros chacune, était réparti comme suit :
‘[T] [U], président de la société…………. 10 actions de catégorie A
‘[S] [Z], directeur général……………………. 10 actions de catégorie B
‘la société AXS ingénierie………………………… 10 980 actions de catégorie C
‘[Y] [L]…………………………………….. 4898 actions de catégorie D
Par acte sous seing privé du 6 juillet 2015, M. [U], M. [Z], M. [L] et la société AXS ingénierie ont cédé à la SA Diagnostic Medical Systems (la société DMS) l’intégralité des actions détenues dans la société AXS médical, dont l’activité à la clôture des comptes de l’exercice du 31 décembre 2014 était déficitaire, en contrepartie d’un prix fixe de 500 000 euros, de compléments de prix dits techniques liés à la mise à disposition des dispositifs Biomod 3S et Biomod MI, ainsi que de compléments de prix dits financiers devant être réglés en 2017, 2018 et 2020 sur la base des résultats de l’entreprise à la clôture des comptes des exercices 2016, 2017 et 2019 ; il a également été convenu d’une cession par la société AXS ingénierie à la société DMS d’une partie de son compte-courant créditeur à hauteur de 250 000 euros et du remboursement du solde, soit 313 863,10 euros, par la société AXS médical ; un plan stratégique 2015-2019 (business plan), validé par les parties, se trouve joint à l’acte de cession, dont il constitue l’annexe 6.1 ; enfin, les parties ont convenu que les fondateurs, MM. [U] et [Z], conserveraient temporairement leurs fonctions de président et de directeur général au sein de l’entreprise, le premier devant, par ailleurs, être membre du comité de direction au sein de la société DMS afin notamment de lui permettre de participer à toutes les décisions stratégiques relatives au déploiement de l’activité d’AXS médical.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 14 mars 2016, la société AXS médical a procédé à la révocation de M. [U] de ses fonctions de président de la société pour faute lourde, en raison d’instructions données à deux salariés de délocaliser, de supprimer ou de rendre inexploitables diverses données stockées sur le serveur NAS de l’entreprise ; l’intéressé a contesté en justice la décision de révocation prise à son encontre, mais par un jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Montpellier l’a débouté de ses demandes, jugeant légitime sa révocation pour faute lourde ; par un arrêt du 4 janvier 2022, actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation, cette cour a confirmé le jugement.
Entre-temps, par exploit du 6 octobre 2016, M. [U], la société AXS ingénierie, M. [Z] et M. [L] ont fait assigner la société AXS médical et la société DMS devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d’obtenir, à titre principal, l’annulation de l’acte de cession et, subsidiairement, la résolution de l’acte du fait du non-paiement du prix ou le paiement de dommages et intérêts.
Le tribunal, par jugement du 4 juillet 2018, a notamment :
‘prononcé la validité du contrat de cession des actions de la société AXS médical,
‘ordonné une expertise confiée à Mme [A] avec pour mission de calculer les compléments de prix tels que définis dans le contrat de cession des actions de la société AXS médical du 6 juillet 2015,
‘dit que l’expertise aura lieu aux frais avancés de la société DMS et de la société AXS médical qui consigneront, avant le 4 août 2018, la somme de 5000 euros à titre de provision à valoir sur les honoraires de l’expert,
‘débouté MM. [U], M. [Z] et M. [L], ainsi que la société AXS ingénierie, de l’ensemble de leurs demandes,
‘débouté la société DMS de sa demande d’indemnisation d’un préjudice lié aux agissements de MM. [U] et [Z],
‘condamné MM. [U], M. [Z] et M. [L], ainsi que la société AXS ingénierie à payer à la société AXS médical la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été signifié le 22 janvier 2020 à M. [U], la société AXS ingénierie, M. [Z] et M. [L], qui en ont régulièrement relevé appel le 30 janvier 2020.
Ces derniers demandent la cour, dans leurs dernières conclusions déposées le 1er mars 2022 via le RPVA, au visa des articles 1110, 1116, 1142, 1147, 1184 et 1382 du code civil dans leur rédaction applicable à la date de signature du contrat :
A titre principal,
‘constater l’erreur commise par MM. [U], [Z], [L] et la société AXS ingénierie lors de la signature et le dol de la société DMS ayant vicié leur engagement,
‘constater le caractère indéterminable et indéterminé du prix de vente des actions de la société AXS médical,
‘prononcer la nullité du contrat de cession du 6 juillet 2015,
‘condamner la société DMS à leur payer la somme de 7 550 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes de la société DMS,
A titre subsidiaire,
‘constater les manquements de la société DMS aux différentes obligations à sa charge au titre du contrat de cession du 6 juillet 2015,
‘prononcer la résolution du contrat,
‘condamner la société DMS à leur payer la somme de 7 550 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes de la société DMS,
A titre très subsidiaire,
‘constater les fautes de la société DMS et de la société AXS médical dans l’exécution du contrat de cession du 6 juillet 2015 les ayant privés des compléments de prix prévus au contrat,
‘condamner solidairement la société DMS et la société AXS médical à leur verser, à titre d’indemnisation, la somme de 5 000 000 euros,
‘condamner solidairement la société DMS et la société AXS médical à rembourser à la société AXS ingénierie le montant de son compte courant, soit la somme de 313 863,10 euros,
‘assortir les condamnations prononcées des intérêts légaux à compter de l’assignation délivrée aux intimés et ordonner la capitalisation des intérêts,
En tout état de cause,
‘confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 4 juillet 2018 en ce qu’il a débouté la société DMS de sa demande d’indemnisation d’un préjudice lié aux agissements de MM. [U] et [Z],
‘débouter, plus largement, la société DMS et la société AXS médical de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, notamment au titre de leur appel incident,
‘condamner solidairement la société DMS et la société AXS médical à leur verser, à titre d’indemnisation, la somme de 8000 euros chacun au titre l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur appel, ils font valoir pour l’essentiel que :
‘ils se sont engagés sur la base d’un « business plan validé par les parties », permettant d’escompter des compléments de prix estimés à plus de 7 millions d’euros, mais les projections contenues dans ce business plan relatives au développement de l’activité de la société AXS médical et à l’augmentation de son chiffre d’affaires, étaient exagérément optimistes en sorte que l’erreur commise, qui a impacté leur consentement, justifie en soi la nullité du contrat de cession,
‘la société DMS est activement intervenue dans la construction du business plan, ayant mandaté un banquier conseil, la société Rochefort et associés, pour l’assister dans la finalisation de celui-ci, après avoir réalisé un audit de la société AXS médical et fait procéder à des essais techniques poussés des produits développés,
‘elle leur a également caché délibérément l’exagération des simulations effectuées, notamment sa capacité à procéder aux achats de matériels Biomod qui représentaient, à partir de 2016, plus de 40 % des chiffres d’affaires du business plan validé par les parties,
‘si les prévisions du business plan n’ont pas été atteintes, c’est en raison du fait que la société DMS ne les a pas mises en ‘uvre, celle-ci n’ayant jamais eu l’intention de leur régler les compléments de prix prévus dans le contrat de cession, qu’elle n’a d’ailleurs pas comptabilisés,
‘le stratagème employé par la société DMS, consistant à faire croire à un fort complément de prix pour en dénoncer le manque de sérieux une fois le contrat signé, caractérise ainsi un dol qui affecte la validité du contrat,
‘la société DMS a procédé à une déstructuration de la société AXS médical sous couvert d’une coordination avec ses propres services, rendant ainsi les compléments de prix financiers indéterminables, alors que ceux-ci devaient être chiffrés en fonction du périmètre d’activité de la société cédée, et elle n’a pas consigné le montant de la provision fixée par le tribunal, ne permettant pas l’exécution de la mesure d’expertise,
‘elle a également manqué à ses obligations contractuelles en ne nommant pas M. [U] à son comité de direction, en révoquant celui-ci et M. [Z], au motif fallacieux qu’ils auraient commis une faute lourde, de leurs fonctions de président et de directeur général, en déstructurant la société AXS médical au mépris des engagements souscrits dans le contrat de cession et au business plan et en faisant obstacle au règlement des compléments de prix techniques 1 et 2 pour la mise à disposition des éléments techniques relatifs aux dispositifs Biomod 3S et Biomod MI en vue de leur intégration dans la station MEDeCOM,
‘les compléments de prix représentaient, selon les propres simulations de la société DMS, la somme de 250 000 euros au titre des compléments de prix techniques et la somme maximale de 7 300 000 euros au titre des compléments de prix financiers, soit 7 550 000 euros au total,
‘la perte de chance de percevoir ces compléments de prix peut être évaluée à 2/3 du montant perdu, soit 5 000 000 euros.
La société AXS médical et la société DMS, dont les dernières conclusions ont été déposées le 11 mars 2022 par le RPVA, sollicitent de voir :
A titre principal, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté MM. [U], [Z], [L] et la société AXA ingénierie, cédants des actions de la société AXS médical, de l’ensemble de leurs demandes et condamné les mêmes aux dépens de l’instance et à payer à la société AXS médical la somme de 10 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire et reconventionnel, au cas où serait prononcée la nullité ou la résolution du contrat,
‘condamner la société AXS ingénierie à restituer à la société DMS la somme de 345 326,46 euros versée au titre de la cession,
‘condamner M. [U] à restituer à la société DMS à la somme de 314,50 euros versée au titre de la cession,
‘condamner M. [Z] à restituer à la société DMS à la somme de 314,50 euros versée au titre de la cession,
‘condamner M. [L] à verser à la société DMS à la somme de 154 044,54 euros versée au titre de la cession,
‘désigner tel expert qu’il plaira afin d’établir les comptes de restitution entre les parties,
Sur l’appel incident, les recevoir en leur appel incident en ce que le tribunal a ordonné une expertise et désigné comme expert Mme [A] en qualité d’expert avec pour mission de calculer le complément de prix tel que défini dans le contrat de cession des actions de la société AXS médical du 6 juillet 2015 et débouté la société DMS de sa demande d’indemnisation d’un préjudice lié aux agissements de M. [U] et de M. [Z] et ce faisant, infirmer le jugement sur ces points et statuant à nouveau,
‘dire n’y avoir lieu à expertise dans les conditions fixées par le tribunal,
‘dire et juger que les agissements de M. [U] et de M. [Z] constituent une faute lourde détachable de leurs fonctions,
‘les condamner solidairement à payer à la société DMS une somme de 250 000 euros,
‘y ajoutant, condamner MM. [U], [Z], [L] et la société AXS ingénierie au paiement à la société AXS médical d’une somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent en substance que :
‘le business plan, qui n’est pas un élément contractuel de la clause de complément de prix, a été élaboré par M. [U] lui-même et reposait sur trois nouveaux produits, le Biomod FB, le Biomod 3S-AD, lequel devait être couplé avec la table de radiologie Platinum, et le Biomod MI, produits qui n’étaient pourtant pas finalisés,
‘les cédants ont ainsi délibérément menti sur le degré d’avancement de ces nouveaux produits sur la base desquels le business plan avait été établi,
‘ si un audit social et un audit contractuel ont été réalisés, la société DMS n’a fait procéder à aucun audit technique des matériels, des logiciels et des développements et le cabinet Rochefort et associés n’est pas intervenu dans l’élaboration du projet de business plan,
‘les compléments de prix convenus ne sont pas indéterminables, puisque le contrat en prévoit les modalités de détermination de manière précise et le recours à un tiers expert en cas de difficulté,
‘le périmètre d’activité de la société AXS médical n’a pas été modifié par l’imputation de charges ou de services ne lui incombant pas et le fait qu’elles n’ont pas provisionné l’expert judiciaire désigné par le tribunal ne peut être regardé comme un aveu du caractère indéterminé des compléments de prix, alors que les cédants se sont abstenus de mettre en ‘uvre les clauses contractuelles prévoyant le recours à un ou plusieurs experts visant précisément à chiffrer ces compléments de prix,
‘les manquements contractuels qui leur sont imputés ne sont pas justifiés, alors que M. [U] a été associé, dès la signature du contrat de cession, aux décisions stratégiques du groupe, que le business plan élaboré par ce dernier était sinon trompeur du moins manifestement surévalué comme les plannings d’avancement des projets et que l’exigibilité des compléments de prix, techniques ou financiers, n’est nullement démontrée,
‘la demande de la société AXS ingénierie en paiement du solde de son compte courant, présentée pour la première fois en cause d’appel, est irrecevable et le solde du compte courant n’est pas exigible en vertu des dispositions de l’article 3.1 du contrat, dès lors que la dégradation de la trésorerie a entraîné une variation négative de la trésorerie nette.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 17 mars 2022.
MOTIFS de la DECISION :
1-la nullité de l’acte de cession du 6 juillet 2015 :
Aux termes de l’article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention » ; selon l’article 1116 du même code, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Dans le cas présent, outre la partie fixe du prix de cession fixée à 500 000 euros et les compléments de prix dits techniques liés à la mise à disposition des dispositifs Biomod 3S et Biomod MI, les parties à l’acte de cession du 6 juillet 2015 ont convenu du paiement de compléments de prix financiers devant être réglés en 2017, 2018 et 2020 sur la base des résultats de l’entreprise à la clôture des comptes des exercices 2016, 2018 et 2020, ces compléments de prix, liés à la création de valeur au sein de la société AXS médical, correspondant, pour chaque exercice, à six fois le résultat opérationnel annuel du périmètre d’activité de la société cédée déduction faite de la dette nette du périmètre d’activité à la date de clôture de l’exercice et de la valeur initiale définitive (partie fixe du prix, complément de prix techniques, prix de cession des brevets…), le résultat obtenu étant divisé par deux ; l’article 2.2.3 de l’acte définit avec précision le mode de calcul de chaque complément de prix en précisant les éléments permettant d’obtenir le résultat opérationnel de l’exercice, la dette nette du périmètre d’activité à la clôture de l’exercice et la valeur initiale définitive.
Pour obtenir l’annulation de l’acte de cession, MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie affirment qu’ils ont été trompés sur les chiffres d’affaires prévisionnels, exagérément optimistes, mentionnés dans le business plan établi par la société DMS, et que celle-ci leur a d’ailleurs délibérément dissimulé le caractère exagéré de ces chiffres d’affaires prévisionnels qui leur laissaient espérer la perception de compléments de prix de l’ordre de 7 millions d’euros ; ils prétendent également, non sans une certaine contradiction, que les prévisions du business plan n’ont pas été atteintes du fait que la société DMS, qui n’a pas mis en ‘uvre les moyens nécessaires, ce qui revient à admettre que ces prévisions n’étaient pas exagérément optimistes et étaient donc réalisables.
L’article 6.1 de l’acte de cession dispose que les parties se sont accordées sur un projet de business plan prévoyant des prix de vente des modules Biomod permettant de déployer le plan de développement de la société AXS médical et d’atteindre les compléments de prix financiers ; ce business plan ou plan stratégique 2015-2019 figure en annexe de l’acte de cession lequel prévoit, dans son article 16, que les annexes font partie intégrante du contrat et engagent pleinement les parties ; son analyse montre que le développement de l’activité de la société AXS médical au cours des années 2015 à 2019 était principalement axé sur l’accroissement du chiffre d’affaires lié aux produits Biomod, particulièrement le produit Biomod 3S d’évaluation des pathologies déformantes du rachis couplé avec la table de radiologie Platinum, représentant plus de 60 % du chiffre d’affaires escompté ; ainsi, le résultat net cumulé, de 2015 à 2019, était évalué à titre prévisionnel à 6 576 355 euros avec un résultat net en 2019 (2 706 868 euros) prévu pour être 14 fois supérieur à celui de 2015 (191 701 euros).
Le reproche fait à la société DMS d’avoir, dans le business plan prétenduement établi par ses soins et dont elle aurait confié la finalisation à un banquier conseil, la société Rochefort et associés, après avoir fait procéder à des essais techniques et poussés des produits, présenté des chiffres prévisionnels exagérément optimistes, tend nécessairement, pour MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie, à soutenir que leur erreur sur l’appréciation des compléments de prix financiers a été provoquée par le dol de leur cocontractant.
Or, les pièces produites, notamment les courriels échangés entre octobre 2014 et juin 2015 durant la phase de négociation précontractuelle, enseignent que M. [U], président de la société AXS médical, est à l’origine de l’élaboration d’un business plan, qui a servi de base à la discussion des parties notamment quant à la détermination des compléments de prix, que l’intéressé a ensuite proposé un business plan « révisé », dont il a décrit, le 15 décembre 2014, au directeur général de la société DMS (M. [F]) les principaux aspects (chiffre d’affaires 2014 revu à la hausse, introduction des ventes fonction 3D sur Platinum au prix de vente de 30 K€, prévision des ventes de Platinum 3D sur la base estimation « prudente » de M. [R] sauf pour 2015, prévisions de vente Kineod revues à la baisse, plan de recrutement revu à la baisse, synergies et économies sensibles dégagées, résultat d’exploitation et résultat net positif des 2015, cumul des résultats nets de 2015 à 2019 : 6,6 M€ contre 3,6 M€ dans la version précédente, amélioration considérable des résultats malgré des prévisions de ventes Kineod revues à la baisse) et qu’en mars 2015, la société Rochefort et associés, apparemment en collaboration avec le commissaire aux comptes de la société DMS, a proposé, dans la perspective d’une réunion téléphonique portant sur la « valorisation du fonds de commerce », un business plan, sur la base de celui transmis par la société AXS médical, tenant compte des synergies consécutives au rapprochement des deux entreprises.
C’est bien M. [U] qui, dans son courriel du 15 décembre 2014, a estimé à 6,6 M€ le montant cumulé des résultats nets de 2015 à 2016, tel qu’il apparaît dans le plan stratégique 2015-2019 ou business plan, annexé à l’acte de cession, pour un montant de 6 576 355 euros ; rien ne permet dés lors d’affirmer que les chiffres d’affaires prévisionnels, qui y sont mentionnés, ont été déterminés par la société DMS elle-même, alors que M. [U], qui était, en tant que dirigeant de la société AXS médical, parfaitement informé de la situation de l’entreprise et de ses perspectives de développement, s’est impliqué personnellement dans l’élaboration du business plan et de sa révision et qu’à tout le moins, il était en mesure d’apprécier l’exactitude des simulations effectuées au regard du développement des produits Biomod et de leur commercialisation prévisible au cours des cinq années à venir ; le business plan « révisé » transmis le 15 décembre 2014 au directeur général de la société DMS fait d’ailleurs suite à un courriel de ce dernier, daté du 12 décembre 2014, rapportant, à propos de l’élaboration de ce business plan, les conseils de prudence du directeur commercial (M. [R]) relativement aux ventes prévisionnelles.
Lors de la négociation, les parties se sont davantage opposées sur les modalités de calcul des compléments de prix sur la base des résultats d’exploitation (EBIT) escomptés au titre des exercices 2015, 2017 et 2019, la société Rochefort et associés ayant ainsi communiqué, le 17 décembre 2014, à M. [U] plusieurs simulations de calcul de ces compléments de prix conduisant à une rétrocession nette de 7,3 M€ ou 4,2 M€ ; par courriel du 20 mars 2015, ce dernier a contesté l’évaluation, qui lui était alors proposée amenant à une rétrocession brute de 5,4 M€ (sic), notamment en ce qui concerne l’intégration de la dette dans la formule de revalorisation du prix, et après discussion, l’acte de cession a précisément défini les éléments de calcul d’une dette nette à déduire pour le calcul des compléments de prix.
L’existence d’une erreur, qu’auraient commise les cédants, en raison d’une exagération des chiffres d’affaires prévisionnels mentionnés dans le business plan, qui serait imputable aux man’uvres dolosives de la société DMS, ne se trouve donc nullement démontrée, de nature à entraîner l’annulation de la cession pour vice du consentement.
L’article 1591 du code civil dispose que le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties et l’article 1592, qu’il peut cependant être laissé à l’arbitrage d’un tiers, mais que si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’y a point de vente ; les clauses de complément de prix, notamment en matière de cession de droits sociaux, sont ainsi valables dès lors que le contrat prévoit les modalités de détermination et de versement du prix de manière suffisamment précise et le recours à un tiers expert en cas de difficulté.
En l’espèce, les appelants affirment qu’en raison de la déstructuration totale de l’activité de la société AXS médical (reprise de la partie vente et marketing des produits à court terme, intégration des équipes SAV, qualité, recherche et développement, limitation de l’activité au développement de produits et à la production de la documentation réglementaire…), la détermination des compléments de prix selon les stipulations contractuelles est devenue impossible et que d’ailleurs, la société DMS a fait obstacle à l’exécution de la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal en ne versant pas les frais d’expertise, rendant ainsi la mesure caduque.
Pour autant, il était prévu contractuellement, s’agissant des compléments de prix dits techniques (50 000 euros + 200 000 euros) simplement liés à la mise à disposition, dans le délai maximal de 12 mois à compter de l’acte de cession, de l’ensemble des éléments techniques relatifs au dispositif Biomod 3S en vue de son intégration dans la station MEDeCOM et de la mise à disposition des éléments techniques relatifs au dispositif Biomod MI permettant sa mise sur le marché et sa commercialisation, qu’en cas de désaccord, les parties s’engagent à recourir à un expert en vue de déterminer l’exigibilité des compléments de prix, expert dont les conclusions, sauf erreur manifeste ou grossière de sa part, seront réputées définitives et les lieront définitivement.
Ainsi, pour déterminer l’exigibilité du complément de prix technique I relatif à l’intégration du sous-module « reconstruction-exploitation » du module Biomod 3S dans la station MEDeCOM selon le calendrier d’étape prévu en annexe 2.2.1, les parties ont convenu que soit désigné, soit d’un commun accord, soit à la demande de l’une ou l’autre, par le président du tribunal de grande instance statuant la forme des référés, un expert en génie logiciel chargé de trancher les points de discussion ; de même, pour apprécier l’exigibilité du complément de prix technique II, conditionné par la mise à disposition des éléments techniques relatifs au module Biomod MI en vue de sa commercialisation selon le calendrier d’étape figurant en annexe 2.2.2, les parties ont convenu, en cas de désaccord portant notamment sur la pertinence des paramètres ou les performances du module, de désigner un premier expert (Mme [K], chef de service imagerie ostéo-articulaire de l’hôpital Lapeyronie à [Localité 8]) et, dans l’éventualité où le rapport de cet expert conclurait à l’absence de pertinence du cahier des charges, un second expert, désigné par la partie la plus diligente (M. [C], chef du service d’imagerie à la clinique Bois Cerf de Lausanne en Suisse ou M. [B] chef du service d’imagerie ostéo-articulaire à l’hôpital Pellegrin de [Localité 7]).
Les modalités de calcul des compléments de prix financiers au titre des exercices 2016, 2017 et 2019, correspondant à une somme équivalente à la moitié de la création de valeur réalisée au titre du périmètre d’activité de la société AXS médical, sont, comme il a déjà été indiqué, précisément définies dans l’acte de cession à l’article 2.2.3, notamment en ce qui concerne la notion de « périmètre d’activité » permettant de déterminer le résultat opérationnel s’y rapportant.
L’article 2.2.3 dispose que : « On entend par « périmètre d’activité de la société AXS médical », l’ensemble de l’activité telle que conduite à la date des présentes par la société AXS médical relative à la gamme Biomod, aux produits paramédicaux tels que Kineod ainsi qu’à toutes autres activités existantes au sein de la société AXS médical au jour de la signature des présentes, et le prolongement de ce périmètre à compter de la cession des actions ou conduite par toute entité avec laquelle la société AXS médical ferait
l’objet d’un rapprochement (par voie de fusion, de scission, d’apport en nature d’actifs, partiel d’actifs ou de branche complète d’activité ou d’une quelconque autre manière), auquel cas le périmètre d’activité devrait être redéfini de bonne foi par les parties afin de pouvoir retracer ladite activité au sein de la nouvelle entité aux fins du calcul des compléments de prix. Aux fins de calcul des compléments de prix financiers, le « périmètre d’activité de la société AXS médical » sera pris en compte à périmètre constant, en prenant en compte les charges directement afférentes aux opérations du périmètre d’activité de la société AXS médical et sans prendre en compte notamment les charges de management fees, de services ou autres imputées par le groupe DMS qui ne seraient pas affectées à ce périmètre. »
Il est ensuite prévu, à l’article 2.2.4 de l’acte de cession, que pour déterminer les compléments de prix financiers, un état des différents agrégats financiers utilisés dans la formule de calcul sera établi par le dirigeant de la société AXS médical à partir des comptes sociaux approuvés et certifiés ; il est convenu qu’à défaut d’accord, à l’expiration du délai de deux mois suivant la réception par le cessionnaire de l’état du complément de prix financier se rapportant à l’exercice considéré, un expert sera désigné par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance à l’initiative de la partie la plus diligente avec pour mission de déterminer, conformément aux modalités de calcul convenues entre les parties, le montant des agrégats financiers et par conséquent, le montant du complément de prix financier exigible ; en outre, il est stipulé, à l’article 2.2.5 de l’acte, que dans l’hypothèse où, pendant la période de calcul des compléments de prix financiers, la société AXS médical ferait l’objet d’une restructuration, en particulier d’une fusion avec une entité tierce ou si les actifs de la société faisaient l’objet d’un transfert par voie d’apport, de scission ou de quelque manière que ce soit, le cessionnaire s’engage alors à mettre en place une comptabilité « analytique » et toute autre mesure comptable et financière adéquate afin de permettre le suivi à l’identique des éléments financiers et opérationnels composant et permettant de déterminer les compléments de prix à tout moment, sans préjudice pour les cédants.
Dès lors que la mission susceptible d’être confiée à l’expert en cas de désaccord sur l’exigibilité et/ou le montant des compléments de prix aurait nécessairement eu pour objet la détermination du résultat opérationnel de la société AXS médical au titre des exercices 2016, 2017 et 2019 en fonction du périmètre d’activité de la société, telle qu’il existait à la date de la cession et donc, sans tenir compte d’éventuels transferts d’activité ou de modifications intervenues dans la situation juridique de la société cédée, MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie ne peuvent affirmer péremptoirement qu’en raison de la déstructuration (sic) de l’activité de la société AXS médical postérieurement à la cession, la détermination des compléments de prix selon les stipulations contractuelles est devenue impossible.
Certes, l’expert désigné par le tribunal (Mme [A]) a refusé sa mission, ce dont le greffe a informé les parties par lettre du 22 août 2018, les invitant à déposer une requête aux fins de remplacement de celui-ci, mais MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie, qui y avaient pourtant intérêt, n’ont pris aucune initiative particulière pour qu’un nouvel expert soit désigné, dont ils auraient pris en charge la provision à valoir sur le montant de sa rémunération, en sorte qu’ils ne sont pas fondés à soutenir que la société DMS est entièrement responsable du défaut d’exécution de la mesure d’expertise ordonnée, même si la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert avait été mise à sa charge.
En toute hypothèse, le tribunal ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, ordonner une expertise destinée à calculer les compléments de prix dits techniques et les compléments de prix dits financiers en méconnaissance des stipulations de l’acte de cession prévoyant, en cas de désaccord des parties sur les compléments de prix, la désignation soit d’un commun accord, soit par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, d’un expert en génie logiciel pour déterminer l’exigibilité du complément de prix technique I relatif à l’intégration du dispositif Biomod 3S dans la station MEDeCOM, le recours à des experts d’ores et déjà désignés dans l’acte pour apprécier l’exigibilité du complément de prix technique II, conditionné par la mise à disposition des éléments techniques relatifs au module Biomod MI en vue de sa commercialisation, et la nomination, par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance, à l’initiative de la partie la plus diligente, d’un expert chargé de déterminer, par référence aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil, les compléments de prix financiers éventuellement exigibles, conformément aux modalités de calcul prévues contractuellement.
La nullité de l’acte de cession pour indétermination du prix n’est donc pas, non plus, encourue, comme l’a justement retenu le premier juge.
2-la résolution de l’acte de cession pour inexécution par la société DMS de ses obligations contractuelles :
L’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016, énonce : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a pas point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».
Les appelants reprochent, en premier lieu, à la société DMS de n’avoir pas respecté son engagement, prévu à l’article 5.1 de l’acte de cession, de nommer M. [U], pendant une durée de cinq ans à compter de la signature de l’acte, au comité de direction au sein de DMS afin notamment de lui permettre de participer à toutes les décisions stratégiques relatives au déploiement de l’activité d’AXS médical au sein du groupe DMS et d’être informé en amont de toutes les décisions et orientations pouvant être prises à cet égard et pouvant avoir un impact sur cette activité, notamment sur sa rentabilité et le cas échéant sur les compléments de prix financiers pouvant être dus.
Les courriels échangés entre les dirigeants de la société DMS et M. [U] montrent que ce dernier, s’il n’a pas effectivement été nommé au comité de direction au sein de DMS comme prévu contractuellement, n’en a pas moins été associé à la politique commerciale du groupe, mais qu’à compter de fin 2015, début 2016, des dissensions sont apparues entre les dirigeants des deux entreprises ; ainsi, dans un courriel du 7 novembre 2015, le directeur commercial de la société DMS (M. [R]) déplorait le retard pris dans l’intégration du dispositif Biomod 3S dans la station MEDeCOM et la table de radiologie Platinum ayant pour effet de retarder la conclusion d’un contrat de commercialisation avec la société Toshiba (Medical Systems Europe) ; l’intégration de la société AXS médical au groupe DMS a également suscité des réticences de la part de M. [U] maintenu à la présidence de la société en dépit de la cession de contrôle et soucieux de préserver le périmètre d’activité de la société AXS médical, puisque par courriel du 19 janvier 2016, le directeur commercial de la société DMS a imparti à la filiale l’établissement de la documentation technique, l’homologation des produits, la recherche et le développement, tandis que la société mère reprenait la partie vente et marketing des produits et, à terme, le service après-vente.
Le manquement contractuel, liée au défaut de nomination de M. [U] au comité de direction du groupe DMS, n’apparaît pas cependant, compte tenu des circonstances, d’une gravité suffisante pour justifier que l’acte de cession soit résolu aux torts de la société DMS.
Il est ensuite fait grief à la société DMS d’avoir révoqué MM. [U] et [Z] de leurs fonctions respectives de président et de directeur général de la société AXS médical, alors que le maintien de leurs mandats sociaux était déterminant, en particulier pour le paiement des compléments de prix ; pour autant, la révocation de M. [U] de ses fonctions de président de la société pour faute lourde, notifiée à l’intéressé le 14 mars 2016, pour avoir, de concert avec le directeur général, tenté de s’approprier les données stratégiques et les savoir-faire de la société en vue de leur exploitation dans le cadre d’une nouvelle structure impliquant le débauchage de l’équipe d’ingénieurs affectés au développement des dispositifs Biomod et Kineod, a été jugée fondée par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 15 mai 2019, confirmé par un arrêt de cette cour du 4 janvier 2022 ; s’agissant de la révocation de M. [Z] de ses fonctions de directeur général, il n’est pas établi, ni même allégué, qu’elle ait été contestée en justice par celui-ci ; il n’apparaît donc pas, en l’état actuel, que la révocation des dirigeants de la société AXS médical pour des faits d’une particulière gravité soit de nature à caractériser un manquement de la société DMS à son obligation, résultant de l’acte de cession, de maintenir temporairement les mandats des dirigeants sociaux, quand bien même l’arrêt de la cour du 4 janvier 2022 a fait l’objet d’un pourvoi actuellement pendant devant la Cour de cassation.
MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie invoquent, par ailleurs, la violation des engagements souscrits au titre du business plan, reprochant à la société DMS d’avoir confié la distribution des produits à des tiers et de n’avoir pas procédé, dès la première année, à l’achat des différents produits d’AXS médical.
Or, l’acte de cession ne contient aucune disposition particulière obligeant la société DMS à commercialiser les produits issus des technologies Biomod 3S Biomod MI et Kineod via sa filiale, dont elle aurait été tenue de reconstituer la force commerciale, sachant que la mise sur le marché du premier dispositif Biomod 3S série L, dont le développement avait été subventionné en 2006 par l’agence nationale pour la recherche (ANR) et qui avait été certifié en 2008 selon la directive européenne 93/42/CEE, avait été un échec commercial à l’origine du licenciement économique en 2012 des attachés commerciaux et d’un fort endettement de l’entreprise, ainsi qu’il ressort du rapport de constat d’échec établi par BPI France ; la société DMS indique surtout que le business plan était basé sur le développement d’une nouvelle colonne AD utilisant deux projecteurs et qui, associée à un logiciel spécifique de traitement des images, devait donner lieu à la mise sur le marché d’un nouveau produit, le Biomod 3S/AD, couplé avec la table de radiologie Platinum, mais que le mode warping (permettant, selon la plaquette de commercialisation du dispositif, la correction du bougé du patient entre les deux acquisitions d’image, radiologique et optique, destiné à obtenir la modélisation 3D du rachis et du relief du dos) était toujours en cours de développement en janvier 2016, les cédants les ayant ainsi trompé sur l’état d’élaboration des technologies Biomod, dont les brevets lui avaient été cédés (notamment le brevet publié le 28 septembre 2012 auprès de l’INPI ayant pour titre « procédé et dispositif de détermination de la position et orientation des éléments osseux du rachis »), de nature à permettre une mise immédiate sur le marché et donc, d’atteindre les prévisions du business plan.
La cour ne dispose pas, en toute hypothèse, des éléments techniques lui permettant d’apprécier objectivement si la société DMS a ou pas manqué à ses engagements relatifs au paiement des compléments de prix, alors que MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie n’ont pas sollicité la désignation des experts, selon les conditions prévues dans l’acte de cession aux articles 2.2.1 et 2.2.2, afin de déterminer si les éléments techniques relatifs au dispositif Biomod 3S et au dispositif Biomod MI ont été effectivement mis à disposition de la société DMS selon les calendriers convenus, déterminant ainsi l’exigibilité des compléments de prix dits techniques I et I ; un simple retard dans la tenue des réunions visant à la mise à disposition des modules, logiciels, codes sources et documentation software ne permet pas en soi d’en déduire un manquement de la société DMS à son obligation de payer les compléments de prix convenus ; l’existence des manquements qui lui sont imputés n’est donc pas suffisamment caractérisée.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté les intéressés de leurs demandes de résolution de l’acte de cession et de paiement de dommages et intérêts en réparation des prétendus préjudices subis.
3-la demande de la société AXS ingénierie en paiement du solde créditeur de son compte-courant d’associé :
Même si elle est également fondée sur l’acte de cession du 6 juillet 2015, cette demande en paiement de la somme de 313 863,10 euros ne peut être regardée comme l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire aux prétentions soumises au premier juge, au sens de l’article 566 du code de procédure civile ; la société DMS et la société AXS médical sont dès lors fondées à prétendre que cette demande, formée pour la première fois devant la cour, est irrecevable en application de l’article 564 du même code.
4- l’expertise aux fins de calcul des compléments de prix ordonnée par le jugement dont appel :
Il a été indiqué plus haut que le tribunal ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, ordonner une expertise destinée à calculer les compléments de prix dits techniques et les compléments de prix dits financiers en méconnaissance des stipulations de l’acte de cession prévoyant, en cas de désaccord des parties sur les compléments de prix, la désignation d’experts selon les modalités convenues dans l’acte ; le jugement doit dès lors être réformé en ce qu’il a ordonné une expertise.
5- la demande dirigée à l’encontre de MM. [U] et [Z] en paiement de la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts :
Certes, MM. [U] et [Z] s’étaient engagés à conserver temporairement leurs fonctions de dirigeants sociaux afin de permettre l’intégration de la société AXS médical dans le groupe DMS et leur révocation, en mars 2016, a conduit la société DMS à procéder dans l’urgence à leur remplacement ; cependant, aucun élément n’est fourni propre à justifier le préjudice que celle-ci aurait subi de ce fait, la société DMS ne pouvant sérieusement affirmer qu’elle a également été contrainte de procéder à l’embauche directe de l’ensemble des équipes de recherche et développement pour permettre l’avancement des projets et qu’elle a subi à cet égard un préjudice ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté la société DMS de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
6-les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Succombant sur leur appel, MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie doivent être condamnés aux dépens, ainsi qu’à payer à la société AXS médical la somme de 8000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 4 juillet 2018, mais seulement en ce qu’il a ordonné une expertise destinée à calculer les compléments de prix dits techniques et les compléments de prix dits financiers, tels que définis dans l’acte de cession du 6 juillet 2015,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit n’y avoir lieu à l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la société AXS ingénierie en paiement de la somme de 313 863,10 euros, montant du solde créditeur de son compte- courant d’associé,
Condamne MM. [U], [Z] et [L] et la société AXS ingénierie aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société AXS médical la somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,