Cession de droits : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20271

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Cession de droits : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20271
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30 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/20271

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20271 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5OL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2019 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/09458

APPELANTE

LA SOCIÉTÉ ARCHIVES GÉNÉALOGIQUES ANDRIVEAU

S.A.S. , immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro B447 881 780

représentée par son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alon LEIBA de la SELARL GLOBAL SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0813

substitué à l’audience par Me Hélène LE VOURC’H, avocat au barreau de PARIS, toque : B0813

INTIMÉS

Madame [G] [T] épouse [U]

née le 31 Janvier 1947 à [Localité 10]

[Adresse 2]

PENERF

[Localité 3]

et

Monsieur [W] [T]

né le 30 Avril 1948 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Olivier BERNABÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assisté à l’audience par Me Olivier WIELBLAD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0246

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente, chargée du rapport

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

[F] [S] [E] est décédé le 24 mai 2013 à [Localité 8].

Par courriel du 28 novembre 2013, le notaire en charge de la succession du défunt a demandé à la société Archives Généalogiques Andriveau si elle acceptait d’être mandatée pour la ‘révélation de la dévolution successorale’.

Par actes des 20 et 21 janvier 2014, cette dernière a signé un contrat intitulé ‘Contrat de révélation de succession’ respectivement avec Madame [G] [T] épouse [U] et Monsieur [W] [T], cousins germains de [F] [E], prévoyant des honoraires de 33% hors taxes de l’actif net disponible de la succession ‘y compris tout contrat d’assurance ».

Par actes des 3 et 12 février 2014, M. [T] et Mme [T] épouse [U] ont respectivement donné mandat à la société Archives Généalogiques Andriveau de recueillir la succession de [F] [E].

Le 25 juin 2014, le notaire a établi l’acte de notoriété, aux termes duquel la succession est dévolue à neuf héritiers dont Mme [T] épouse [U] et M. [T] dans la branche paternelle.

Il mentionne expressément que « la société Andriveau atteste la dévolution successorale telle qu’elle est établie ci-dessus et certifie qu’à sa connaissance, il n’existe aucun autre ayant-droit venant à la succession.

La société Andriveau déclare ne pas avoir connaissance de dispositions à cause de mort non relatées aux présentes ‘.

Faisant valoir les diligences effectuées en exécution des mandats des 3 et 12 février 2014, ainsi que le fait que Mme [T] épouse [U] et M. [T] ont reçu directement les sommes au titre des assurances vie, la société Archives Généalogiques Andriveau leur a adressé, le 22 juin 2015, une facture correspondant au paiement des 33% HT prévus au contrat d’un montant de 29 202 euros TTC pour M. [T] et 29 565 euros TTC pour Mme [T] épouse [U].

La société Archives Généalogiques Andriveau avait reçu directement du notaire la somme de 21 169 euros de la part de Mme [T] épouse [U] et celle de 21 778 euros sur la part de M. [T].

Par courriel du 3 juillet 2015, Mme [T] épouse [U] et M. [T] ont contesté les honoraires sollicités. Ils ont réitéré à plusieurs reprise leur refus d’honorer ce paiement, et en dernière date par courrier de leur conseil du 28 décembre 2015, invoquant un vice de leur consentement et l’absence de justification de diligences du généalogiste.

C’est dans ce contexte que la société Archives Généalogiques Andriveau a fait assigner les consorts [T], par actes du 20 avril 2016, afin de les voir condamner au paiement des sommes dont elle les estime redevables à son encontre.

Par jugement du 10 Septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris :

– Réduit la rémunération de la SAS Archives Généalogiques Andriveau à 20% HT de l’actif net, assurance vie exclue de l’assiette de calcul ;

– Condamne le cas échéant la SAS Archives Généalogiques Andriveau à restituer à M. [W] [T] et Mme [G] [T] épouse [U] toute somme perçue au-delà de la rémunération calculée selon les modalités retenues (20% HT de l’actif net, assurance vie exclue de l’assiette) ;

– Rejette les demandes des parties plus amples ou contraires ;

– Condamne la SAS Archives Généalogiques Andriveau à payer à M. [W] [T] et Mme [T] épouse [U] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la SAS Archives Généalogiques Andriveau aux dépens ;

– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

 

Par déclaration du 30 octobre 2019, la société Archives généalogiques Andriveau a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris.

 

Par ses dernières conclusions en réponse notifiées par voie électronique (RPVA), le 28 Juillet 2020, la société Archives généalogiques Andriveau demande à la cour d’appel de Paris de :

Vu les articles 1134 ; 1147 ; 1153 ; 1315 ; 1372 ; 1375 ; 1582 et 1583 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1 er  octobre 2016, Vu les articles 1354 et suivants du code civil, Vu les articles L 341 et suivants et L 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle, Vu l’article 9 du code de procédure civile, 

– Débouter les consorts [T] de leurs demandes, moyens, fins, écritures et conclusions ; 

– Confirmer le jugement du 10 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes des consorts [T] ;

– Infirmer le jugement du 10 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a : 

– Réduit la rémunération de la SAS Archives Généalogiques Andriveau, à 20 % HT de l’actif  net, assurance vie exclue de l’assiette de calcul 

– Condamne la société SAS Archives Généalogiques Andriveau à restituer aux consorts [T] toute somme perçue au-delà de la rémunération calculée selon les modalité retenues (20 % HT de l’actif  net, assurance vie exclue de l’assiette)  

–  Rejette  les  demandes  des  parties  plus  amples  ou  contraires  la SAS Archives Généalogiques Andriveau de ses demandes  

–  Condamne  la  société  SAS Archives Généalogiques Andriveau à payer aux consorts [T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

–  Condamne la société SAS Archives Généalogiques Andriveau aux dépens.

Et statuant à nouveau : 

– Prononcer  que  les  tableaux  généalogiques  établis  par  la  SAS Archives Généalogiques Andriveau  sont  des  bases  de  données  protégées  par  les  articles L. 341 et suivants du code de la propriété intellectuelle ; 

– Prononcer que les consorts [T] sont  les  auteurs  d’une  contrefaçon  de  base  de  données  protégées  de  la  SAS Archives Généalogiques Andriveau ; 

– Prononcer  que  la  rémunération  de  la SAS Archives Généalogiques Andriveau est  due  à  hauteur  de  33%  HT  de  l’actif  net,  assurance  vie  comprise,  de  la succession  [F]  [E]  reçu  par les consorts [T] ; 

En conséquence, 

– Condamner Mme [P]  à  verser  à  la  SAS Archives Généalogiques Andriveau le solde de sa rémunération soit la somme de 30.568 euros TTC à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ; 

– Condamner M.  [T]  à  verser  à  la  SAS Archives Généalogiques Andriveau le solde  de sa rémunération soit la somme de  30.205 euros TTC à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ; 

En tout état de cause, 

– Condamner M. [T] au paiement des intérêts légaux sur toutes sommes à compter de la mise en demeure en date du 12 novembre 2015, et à défaut, à compter de l’assignation du 20 avril 2016 ; 

– Condamner Mme [P]  au  paiement  des  intérêts  légaux  sur toutes sommes à compter de la mise en demeure en date du 12 novembre 2015, et à défaut, à compter de l’assignation du 20 avril 2016

– Condamner les consorts [T] à devoir la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 code de procédure civile ; 

– Condamner solidairement et subsidiairement in solidum, Mme [T] aux frais et dépens exposés en première instance et en appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Maître Alon Leiba conformément à l’article 699 du code de procédure civile. 

– Débouter les consorts [T] de l’ensemble de leurs plus amples demandes, appels, fins et conclusions. 

 

Par leurs dernières conclusions en réponse notifiées par voie électronique (RPVA), le 9 novembre 2020, les consorts [T], demandent à la cour d’appel de Paris de :

Vu les articles 1103, 1104, 1169, 1984 et 1999 du code civil, Vu les articles 1108, 1116 et 1134 de l’ancien code civil ; Vu l’article 9 du code de procédure civile, Vu l’article L. 132-12 du code des assurances,

– Recevoir les concluants en leurs écritures et appel incident, les y déclarer bien fondés;

En conséquence,

A titre principal :

– Infirmer le jugement rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris et statuer de nouveau aux fins de :

– Prononcer la nullité des contrats de révélation signés entre les parties le 20 et 21 janvier 2014 et ayant pour objet la succession de M. [F] [E] ;

– Condamner la Société Archives Généalogiques Andriveau à restituer toutes sommes perçues au titre du contrat de révélation ayant pour objet la succession de M. [E], et ainsi tout honoraire prélevé par ses soins, soit une somme de 21.178 euros TTC prélevée sur la part de M. [T] et 21.169 euros TTC prélevée sur la part de Mme [G] [U] avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– Débouter la Société Archives Généalogiques Andriveau de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

– Confirmer partiellement le Jugement ‘rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a appliqué le principe de modération des honoraires du généalogiste ;

– L’infirmer partiellement afin de fixer la rémunération de la Société Archives Généalogiques Andriveau à 5% HT de sommes reçues ou à recevoir par les consorts [T] au titre de l’actif net de la succession de M. [E], ou à une rémunération forfaitaire de 6.000 euros chacun,

– Confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu’il a exclu de l’assiette de calcul de l’honoraire de la Société Archives Généalogiques Andriveau les sommes provenant des assurances-vie souscrites par M. [F] [E] et perçues ou à percevoir par les consorts [T] ;

– Condamner la Société Archives Généalogiques Andriveau à restituer toute somme perçue par elle au-delà du montant qui sera ainsi judiciairement défini (5 % HT de l’actif net successoral, assurances-vie exclues de l’assiette), avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– Débouter la Société Archives Généalogiques Andriveau de 1’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

En tout état de cause : 

-Condamner la Société Archives Généalogiques Andriveau à payer aux consorts [T] une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure pénale ;

– Condamner la Société Archives Généalogiques Andriveau aux entiers dépens.

 

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification des contrats intitulés ‘contrats de révélation de succession’ :

La Société Archives Généalogiques Andriveau demande à la cour de dire que les tableaux généalogiques établis par elle sont ‘une base de données protégées par les dispositions de l’article L341-1 du code de la propriété intellectuelle’ et qu’elle ‘accorde le droit d’accès à l’utilisation de sa base’ qui est sa propriété qu’elle a ‘constitué sous forme de tableau généalogique’ .

Elle rajoute qu’elle a pour activité principale de créer ces bases de données généalogiques employant 105 salariés, que cela nécessite un effort particulier de mise en forme, de synthèse et d’organisation claire sous forme de tableaux généalogiques pour que les informations soient accessibles et compréhensibles par tous, qu’elle a pris des risques ne sachant pas d’avance si elle sera rémunérée, et qu’elle n’a accepté de leur donner accès à sa base de données qu’en échange du paiement de 33 % hors-taxes du profit.

Les consorts [T] concluent que le contrat de révélation ne porte pas sur une base de données, les informations généalogiques ne pouvant être qualifiées ainsi et précisent qu’ils n’y ont pas eu accès, le document n’ayant été transmis qu’au notaire. Ils considèrent qu’il s’agit d’un contrat de prestations de services.

Il résulte de l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle, transposé de la directive 96/9 CE du parlement européen et du conseil du 11 mars 1996, que les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’oeuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles.

On entend par base de données un recueil d”uvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.

La base doit être constituée d’éléments « séparables les uns des autres sans que la valeur de leur contenu s’en trouve affectée », et qui sont disposés selon une « méthode ou un système, de quelque nature que ce soit, permettant de retrouver chacun de ses éléments constitutifs » (CJCE 9 nov. 2004, Fixtures Marketing, aff. C-444/02(2) ; Cela signifie qu’une base de données doit permettre de déterminer facilement le lieu des éléments qui la compose, de sorte qu’elle doit nécessairement être assortie d’un procédé électronique, d’un index, d’une table des matières ou d’un plan.

L’originalité d’une oeuvre peut donc être relative. Une création est susceptible d’être protégée même si elle emprunte des traits originaux à une autre pourvu qu’elle soit constituée aussi de formes originales dues au second créateur.

L’originalité peut se manifester dans la composition ou l’expression ou encore dans le choix ou la disposition des matières.

Il faut que le choix ou la disposition des données qu’elle contient constitue une expression originale de la liberté créatrice de son auteur.

Il ne peut être considéré que les tableaux généalogiques seraient comme allégué par l’appelante des bases de données, ne s’agissant pas d’éléments séparables les uns des autres sans que la valeur des contenus ne s’en trouve affectée.

Indépendamment chaque élément d’un arbre généalogique ne présente aucune valeur pour les héritiers aux fins d’établissement de leurs droits successoraux et il n’est pas démontré qu’ils soient assortis d’un procédé électronique, d’un index, d’une table des matières ou d’un plan.

En outre, par leur présentation classique et correspondant aux usages en vigueur, et constitués de données publiques émanant des services d’état civil, ils ne démontrent pas d’originalité particulière ni dans la composition, ni dans l’expression, ni dans les choix.

Ne constituant pas une expression originale de la liberté créatrice de leur auteur, le travail allégué et le savoir faire requis pour les constituer n’étant pas suffisants, ils ne pourraient en tout état de cause pas être qualifiés d’oeuvre de l’esprit et bénéficier à ce titre de la protection qui s’attache au droit d’auteur.

Aucun autre élément n’est donné à la cour concernant une éventuelle banque de données plus vaste dont ces tableaux seraient extraits et notamment concernant son architecture de sorte qu’il ne peut être apprécié si elle constituerait une expression nouvelle marquée par la personnalité de son auteur dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contiendrait, dépassant la mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante dans la conception et l’écriture du programme, les efforts et le travail consacrés à sa création n’étant pas pertinents pour déterminer son éligibilité à la protection par le droit d’auteur.

Dès lors, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle, ni de considérer que les contrats litigieux constituent’ une cession de droits de propriété intellectuelle’.

La société Archives Généalogiques Andriveau est donc déboutée de sa demande tendant à dire que  les  tableaux  généalogiques  établis  par elle sont  des  bases  de  données  protégées  par  les  articles L. 341 et suivants du code de la propriété intellectuelle et les consorts [T] auteurs  d’une  contrefaçon  de  base  de  données  protégées  de  la SAS Archives Généalogiques Andriveau.

Il y a lieu de considérer que les contrats litigieux intitulés ‘ contrats de révélation de succession’ sont des contrats de prestations de service par lesquels les consorts [T] ont mandaté la société Archives Généalogiques Andriveau aux fins de procéder à des recherches administratives et juridiques afin d’établir leurs droits dans la succession du défunt.

Sur la demande en nullité des contrats de révélation de succession formée sur appel incident par les consorts [T]:

* Sur la cause :

Sur appel incident, les consorts [T] soutiennent que les contrats sont dépourvus de cause, en ce que le défunt était leur cousin germain, qu’il était parfaitement connu d’eux, et que par conséquent l’intervention d’un généalogiste n’était pas utile en raison de la proximité familiale et géographique. Ils affirment également que l’intervention du généalogiste aurait été inutile car l’établissement d’assurances vie (SOGECAP) est entré’ directement en contact avec eux et par ses propres moyens.

La société Archives Généalogiques Andriveau fait valoir que les consorts [T] ne rapportent pas la preuve d’avoir appris le décès du défunt autrement que par son intermédiaire : dès lors ils doivent être déboutés de leur demande aux fins de nullité des contrats pour absence de cause et qu’ils ont appris également par son intermédiaire qu’ils étaient, en tant que cousin collatéral au quatrième degré, les héritiers du défunt en l’absence d’autres héritiers plus proches. Elle rajoute que grâce aux tableaux généalogiques qu’elle a établis, ils ont pu prouver leur qualité d’héritiers ce qui a permis au notaire d’établir un acte de notoriété et qu’elle apporte une garantie juridique à ce sujet. Elle mentionne qu’elle leur aura ainsi permis de recevoir des fonds des assurances-vie, l’établissement SOGECAP n’ayant pas vocation à des recherches généalogistes alors que le contrats d’assurance-vie ne les mentionnaient pas nominativement.

Aux termes de l’article 1131 ancien du code civil, applicable aux contrats conclus entre les parties le 21 avril 2014, l’obligation sans cause ne peut avoir d’effet.

Aucune pièce n’est produite par les intimés au soutien de l’existence de relations entre eux et leur cousin.

Ils ne rapportent pas la preuve qu’ils aient été informés de son décès autrement que par l’intervention du généalogiste.

En outre, la mission de la société Archives Généalogiques Andriveau est de produire tous justificatifs de leur vocation successorale.

Le courrier produit par eux pour justifier que la SOGECAP est entrée directement en contact avec eux par ses propres moyens date de juin 2016 et est donc largement postérieur aux contrats litigieux alors qu’il résulte des pièces produites par l’appelante qu’elle avait eu des échanges antérieurs avec cet organisme notamment en septembre et octobre 2014 avec la signature par son entremise par les intimés d’un pouvoir autorisant la SOGECAP à verser le capital des contrats au notaire afin de payer les droits de succession.

Ils ne rappportent pas la preuve que cet organisme aurait pu les retrouver et leur verser les fonds sans l’intervention du généalogiste alors qu’il n’est pas contesté que leurs noms ne figuraient pas à la clause bénéficiaire desdits contrats d’assurance vie.

Dès lors, les contrats de révélation de succession ne sont pas dépourvus de cause.

* Sur l’erreur et le dol :

Les consorts [T], arguent qu’il y aurait eu une erreur et un dol par réticence viciant leur consentement car au moment de la signature des contrats, le généalogiste connaissait les liens entre les héritiers et le défunt, mais qu’ils ignoraient à ce moment-là que le défunt était [F] [E], ce qui les a poussés à signer et que s’ils avaient été en possession de cette information, ils n’auraient pas accepté de signer à un taux de rémunération de 33% HT, qu’ils estiment trop élevé au regard du faible travail accompli.

Ils soutiennent également qu’il serait fallacieux de la part du généalogiste de prétendre qu’il aurait pris un risque en acceptant sa mission et engagé des dépenses « à l’aveugle » alors que l’actif net et le passif étaient au moins estimés, comme cela résulte du courriel du notaire par lequel il a été donné mandat au généalogiste. Ils concluent à l’absence d’aléa et que d’autres modalités de facturation auraient pu leur être proposées telles qu’un paiement au forfait ou au temps passé.

La société Archives Généalogiques Andriveau réplique qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir divulgué l’identité du défunt au stade de la signature des contrats puisqu’il s’agit de l’objet même du contrat de révélation. Elle précise que la rémunération du généalogiste et le pourcentage appliqué dépendent du degré de parenté, qu’elle doit rentabiliser ses investissements supportant un risque ne sachant pas si elle retrouvera des héritiers ni s’ils accepteront la succession et que l’actif net successoral n’est connu qu’à l’issue des opérations de liquidation partage qui n’avaient pas commencé au jour de la signature des contrats. En conséquence, il ne peut y avoir dol à ce sujet.

En application de l’article 1109 ancien du code civil, il n’y a pas de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; en application de l’article 1110 ancien du code civil, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle porte sur la substance de la chose qui en est l’objet et en application de l’article 1116 ancien du code civil, le dol est cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une ou l’autre des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son consentement un fait qui s’il avait été connu de lui l’aurait empêché de contracter.

Les consorts [T] ne peuvent reprocher à la société Archives Généalogiques Andriveau de ne pas leur avoir révélé le nom du défunt avant la signature des contrats alors qu’il s’agit de l’objet même des contrats intitulés ‘de révélation de succession’.

Le mail du notaire mandatant la société Andriveau ne mentionne que de façon imprécise l’actif brut et non le passif, l’actif net n’étant connu qu’à l’issue des opérations de liquidation de la succession. Il est ignoré à ce stade si un testament a pu être établi par le défunt. Lorsqu’il est mandaté par le notaire, le généalogiste entreprend des démarches et engage donc des dépenses sans connaître s’il retrouvera des héritiers et s’ils accepteront la succession donc leur résultat. Il existe donc bien un aléa.

Quant à rémunération pratiquée selon un pourcentage, ce dernier varie en fonction du lien de parenté, les recherches étant par définition plus longues s’agissant de collatéraux et après négociations, les consorts [T] ont bénéficié d’une réduction, un taux de 33% ayant été appliqué au lieu de 48 %.

Il résulte de ces éléments que les consorts [T] ne démontrent pas l’existence de manoeuvres ou d’une réticence dolosive en l’absence desquelles ils n’auraient pas contracté au sens de l’article précité ni d’une erreur de leur part alors que l’objet des contrats ne se limite pas à la révélation mais est destiné également à leur permettre d’établir leur qualité d’héritiers.

*Sur les dispositions de l’article L 111. 1 du code de la consommation :

Les consorts [T] soutiennent qu’ils n’auraient pas été informés, au jour de la signature des contrats des caractéristiques essentielles du service ni du prix du service. Ils soutiennent qu’ils n’auraient pu apprécier ni le prix, ni la qualité des prestations requises, que la simple connaissance du pourcentage ne leur permettait pas d’être en pleine possession des informations.

Ils sollicitent a` cet effet, dans leur appel incident, la nullité des contrats sur ce moyen.

La société Archives Généalogiques Andriveau fait valoir qu’au regard des dispositions de l’article L 111. 1 du code de la consommation, les informations relatives aux contrats ont été précisément communiquées concernant les caractéristiques essentielles du service et son prix et qu’elle a accepté de réduire sa rémunération à la demande des intimés.

L’article L 111. 1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour des contrats, exigeait du professionnel de mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.

Les contrats litigieux décrivent précisément, clairement et de façon compréhensible, le service qui sera rendu ainsi que son prix. La pratique d’un prix au pourcentage n’est pas une pratique prohibée. Il a par conséquent été satisfait aux dispositions précitées.

*

La décision déférée est confirmée en ce que la demande de nullité des contrats formée par les consorts [T] sur appel incident est rejetée.

Sur Les honoraires de la société Archives Généalogiques Andriveau :

La société Archives Généalogiques Andriveau fait valoir que c’est à tort que le tribunal a retiré les assurances-vie de l’assiette du calcul de la rémunération alors que la liberté contractuelle offre au généalogiste la possibilité d’asseoir sa rémunération également sur leur montant, que le tribunal ne peut modifier l’accord des parties surtout dans de telles proportions ce qui est dangereux pour la sécurité juridique des transactions et que le taux de pourcentage pratiqué est conforme aux usages de la profession.

Elle rajoute que ses diligences ont été longues et difficiles puisqu’elle a dû remonter à leurs plus anciens ancêtres communs nés en 1885 et 1889 et que ses recherches ont été effectuées sur une large étendue territoriale que sont les départements de [Localité 8], de l’Essonne, de l’Aisne, du Nord, du Haut-Rhin, du Val-d’Oise et qu’elle s’est rendue aux Pays-Bas.

Elle souligne que plus les héritiers sont éloignés plus le travail est important et qu’elle a effectué un travail concernant le traitement des questions de fiscalité sollicitant la remise des pénalités de retard et la liquidation de la succession pour le compte des intimés en collaboration avec le notaire : elle a fait procéder à un inventaire et au débarras des biens de la succession et a été l’intermédiaire dans le cadre de la vente de l’immeuble.

Les consorts [T], pour leur part, demandent à ce que les honoraires du généalogiste soient diminués, du fait de l’ absence de diligences de l’appelante en rapport avec les honoraires réclamés. Ils font valoir qu’il s’agit d’un mandat et soutiennent que comme pour tout contrat de prestation de services, le pourcentage de rémunération prévu par le contrat peut parfaitement être révisé par le juge, sans contredire la force obligatoire du contrat. Ils rajoutent qu’il n’est pas justifié des démarches accomplies et qu’elle s’impute la réalisation de démarches incombant au notaire ou destinées à faire signer des contrats de révélation.

Il résulte des contrats de révélation de succession que ‘ en contrepartie de cette révélation, l’héritier cède, délègue et transporte aux Archives Généalogiques Andriveau, à titre d’honoraires, une quotité de l’actif mobilier (y compris tout contrat d’assurance) et immobilier devant lui revenir quelqu’en soit l’importance, la nature ou l’origine, calculée sur la part nette revenant à l’héritier après déduction du passif, des droits de succession, des frais de recherches et de règlements selon les pourcentages indiqués’.

Il résulte de l’article L. 132-12 (L. no 81-5 du 7 janv. 1981) du code des assurances que « Le capital ou la rente stipulés » payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré’.

Dès lors, il ne peut être considéré que les contrats d’assurance vie, qui ne font pas partie de la succession, constituent ‘ une quotité de l’actif mobilier’ de la succession et c’est à juste titre que le premier juge les a exclus de l’assiette de calcul des honoraires de la société Archives Généalogiques Andriveau, au vu des termes même employés dans les contrats litigieux.

La décision déférée est confirmée de ce chef.

Il appartient au juge de rechercher si nonobstant la réalité des démarches accomplies, les honoraires réclamés par le généalogiste n’étaient pas excessifs au regard du service rendu, de la nature et de l’importance des diligences accomplies.

La référence aux usages n’est pas suffisante pour justifier les honoraires demandés.

Il y a lieu d’observer que le notaire a saisi l’appelante par mail le 28 novembre 2013 et que les contrats de révélation ont été signés le 20 janvier 2013 soit moins de deux mois plus tard donc que les recherches n’ont pas été très longues.

Pour justifier de ses diligences, l’appelante produit, en pièce 44, un descriptif de son salarié M.[L] faisant état de déplacements dans l’Aisne, ainsi que dans la Nièvre dont il n’est pas autrement justifié par la production par exemple de titres de transport ou de factures de restaurant ou d’hôtel.

Les autres recherches décrites par M.[L] ont toutes eu lieu en région parisienne sans qu’il soit précisé si des déplacements ont été nécessaires ou si les consultations des différentes archives ont été effectuées par internet.

Il est produit en pièce 61 une liste de collaborateurs qui seraient intervenus sur ce dossier mais ce document émane du responsable administratif et financier de l’appelante alors que nul ne peut prouver pour soi- même.

Le fait d’avoir dû remonter à des ancêtres nés à la fin du XIX ne suffit pas à caractériser une difficulté particulière dans les recherches, et il résulte du dossier que le déplacement aux Pays Bas de même qu’une partie de l’intervention de la succursale de [Localité 11] et celle de la succursale de [Localité 7] ne se rapportaient pas à des recherches, mais étaient destinés à faire signer à un héritier un contrat de révélation.

La demande de remise des pénalités de retard aux services des impôts est insuffisamment justifiée par la production d’un imprimé non signé.

L’appelante fait valoir être intervenue en tant qu’intermédiaire pour la vente du bien immobilier du défunt et avoir fait établir un inventaire.

Cependant cette mission ne figure pas au contrat de révélation et est plus à rattacher aux mandats donnés le 3 février 2014. N’étant pas agent immobilier, et ne disposant pas des autorisations afférente à cette profession, les conditions précises de son intervention ne sont pas connues.

Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a réduit le montant de la rémunération de la société Archives Généalogiques Andriveau à 20% de l’actif net, les assurances vie étant exclues de l’assiette .

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

La société Archives Généalogiques Andriveau est condamnée aux dépens d’appel et à payer aux consorts [T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Déboute la société Archives Généalogiques Andriveau de sa demande tendant à dire que  les  tableaux  généalogiques  établis  par  elle  sont  des  bases  de  données  protégées  par  les  articles L. 341 et suivants du code de la propriété intellectuelle et les consorts [T] auteurs  d’une  contrefaçon  de  base  de  données  protégées  de  la  SAS Archives Généalogiques Andriveau,

Condamne la société Archives Généalogiques Andriveau à verser aux consorts [T] une indemnité de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Archives Généalogiques Andriveau aux dépens de l’appel

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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