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28 septembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/18193
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 8
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ 140 , 27 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/18193 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZTA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018040221
APPELANTES
S.A. GENERALI IARD
[Adresse 6]
[Localité 9]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 552 062 663
S.N.C. [N]
[Adresse 15],
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 12]
Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro : 552 011 983
Représentées par Me François-Genêt KIENER de l’AARPI PARRINELLO VILAIN & KIENER, avocat au barreau de PARIS, toque : R098
INTIMÉES
S.A. ROYAL & SUN ALLIANCE ASSURANCE PLC – RSA Société anonyme d’un Etat membre de la CE ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
N° SIRET : 538 141 979
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant, Me Bertrand COURTOIS, SCP COURTOIS & FINKELSTEIN, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. BOURGEY MONTREUIL
[Adresse 21]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le numéro : 392 75 4 5 03
Représentée et assistée de Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267
S.A. LA COMPAGNIE AIG EUROPE, société de droit étranger immatriculée au LUXEMBOURG (RCS n°B 218806), dont le siège social est situé [Adresse 16]
[Adresse 16], et dont le principal établissement en France est situé [Adresse 22] – [Localité 14], (RCS NANTERRE 838 136 463), représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 22]
[Localité 14]
N° SIRET : 838 136 463
Représentée par Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002
Société XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits de la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE (fusion absorption avec transferts de portefeuille) dont le siège social est [Adresse 11] (IRLANDE),société de droit irlandais, disposant d’un établissement en France sis [Adresse 7] [Localité 9], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 9]
N° SIRET : 419 408 927
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
S.A. ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE
[Adresse 3]
[Localité 13]
N° SIRET : 552 06 3 4 97
Représentée par Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267
S.C.S. CARRIER TRANSICOLD FRANCE, Prise en la personne de tous représentants légaux, domicilié
s audit siège en cette qualité
[Adresse 18]
[Localité 10]
N° SIRET : 410 041 602
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
S.A.S. FRAPPA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
N° SIRET : 336 320 072
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
ayant pour avocat plaidant, Maîtres Annie VELLE et Virginie PERRE-VIGNAUD, avocats au barreau de LYON
S.A.R.L. A 7 – FRIGO ASSISTANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 20]
[Localité 1]
Immatriculée au RCS de AUBENAS sous le numéro : 440 58 8 1 92
Représentée par Me Yossi ELKABAS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 180, ayant pour avocat plaidant Me LAURENDON, SELARL ADK, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Julien SENEL dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
****
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société [N] appartient au groupe MONOPRIX et exploite un entrepôt de stockage et de logistique à [Localité 19].
Elle a souscrit un contrat d’assurance auprès de la compagnie d’assurance GENERALI IARD (‘GENERALI’).
La SAS BOURGEY MONTREUIL exerce une activité de transporteur sous le nom commercial de GEODIS. Elle a souscrit une police de responsabilité civile auprès de la compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et SPECIALITY SE (‘ALLIANZ’), a assuré sa flotte de camions auprès d’AIG EUROPE Ltd (‘AIG’) et souscrit une assurance transport auprès de la société AXA.
Le 5 juillet 2014, un incendie s’est déclaré dans un camion frigorifique de GEODIS qui stationnait sur le quai de l’entrepôt de [N], alors qu’il était en cours de chargement.
Le groupe froid est un équipement fabriqué par la SCS CARRIER TRANSICOLD FRANCE (‘CARRlER’), installé par la SAS FRAPPA et avait fait l’objet de réparations (remplacement de la prise de la rallonge côté camion et contrôle de l’étanchéité du circuit frigorifique) par la société A7 FRIGO ASSISTANCE (‘A7 FRIGO’).
L’incendie s’est propagé aux autres véhicules stationnés à proximité ainsi qu’au niveau des quais de chargement de l’établissement et aux bâtiments des entrepôts de la société [N].
Dans le cadre de la mobilisation de sa garantie, GENERALI a versé à la société [N] une indemnisation d’un montant total de 3 272 010 euros.
A la suite de l’échec des opérations d’expertise amiable engagées entre GENERALI, assureur de [N], et AIG, assureur de BOURGEY MONTREUIL, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, saisi à la demande de [N] a désigné au visa de l’article 145 du code de procédure civile, par ordonnance du 1er août 2014 un expert judiciaire (M. [W]) avec pour mission de se prononcer sur l’origine de l’incendie et le préjudice subi par la société [N].
Par ordonnance du 19 novembre 2014, les opérations d’expertises ont, à la demande des sociétés GEODIS et AIG, été rendues communes et opposables aux sociétés MERCEDES BENZ France SAS (constructeur du véhicule en cause, non appelé dans la cause), CARRIER, FRAPPA, A7 FRIGO, GNL SECURITE (société en charge de la sécurité sur le site de [N], non appelée dans la cause) et ALLIANZ.
Le premier expert désigné ayant été empêché dans la poursuite de sa mission, un nouvel expert, M. [D] [J], a été désigné pour le remplacer par ordonnance du tribunal de commerce de Lyon du 12 décembre 2017.
Dans le rapport d’expertise judiciaire déposé le 1er octobre 2018, les deux experts qui se sont succédé ont tous les deux retenu une cause accidentelle et un départ de feu pouvant s’expliquer soit par un défaut électrique sur le câble de liaison entre le groupe froid et la batterie de celui-ci, soit par une inflammation de matières combustibles accumulées en partie basse du groupe froid.
En conclusion de son rapport, l’expert retient que ‘l’hypothèse la plus probable est qu’avec les vibrations provoquées par le roulage du véhicule ou les vibrations du groupe de froid (d’autant que le compresseur est un compresseur à piston), il y a eu dégradation de la gaine et de l’isolant du câble positif de la batterie et qu’à la suite d’un contact entre ce câble et un élément métallique du châssis il y a eu court-circuit.’
Entre temps, les sociétés [N] et GENERALI ont, par actes extrajudiciaires en date des 21, 22, 25, 26 et 28 juin 2018, assigné les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE 8 SPECIALITY SE, CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE, aux fins, selon leurs dernières conclusions, d’indemnisation in solidum à hauteur au principal, de 264 373 euros à l’égard de [N] et de 3 122 010 euros à l’égard de GENERALI IARD.
Par décision du 19 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– Dit la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA) recevable en ses demandes,
– Débouté les sociétés [N] et son assureur GENERALI IARD de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre des sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE,
– Mis hors de cause les sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE,
– Débouté les sociétés [N] et son assureur GENERALI IARD à l’encontre de la SAS BOURGEY MONTREUIL ;
-Débouté les sociétés [N] et son assureur GENERALI IARD de leurs demandes à l’encontre de la SA AXA CORPORATE SOLUTION ASSURANCE,
-Mis hors de cause la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE,
-Dit que l’incendie survenu le 5 juillet 2014 constitue un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dite ‘loi Badinter’,
-Condamné la société AIG EUROPE LIMITED, assureur des véhicules, à relever et garantir la SAS BOURGEY MONTREUIL de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
-Mis hors de cause de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY ;
-Dit que [N] a manqué à ses obligations de gardien des véhicules de BOURGEY MONTREUIL, et de gérant de son entrepôt ;
-Dit que la responsabilité du sinistre litigieux revient à parts égales à la SAS BOURGEY MONTREUIL et la SNC [N] ;
-Condamné la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la SA GENERALI IARD la somme de 502 032 euros au titre de réparation des dommages causés au bâtiment ;
-Débouté les sociétés [N], GENERALI et ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA) de leurs demandes à titre de réparation des dommages pour pertes de marchandises ;
-Condamné AIG à payer à GENERALI IARD la somme de 769 040 euros euros à titre de réparation des dommages immatériels ;
-Condamné la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la SNC [N] la somme de 42 500 euros ;
-Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;
-Condamné les sociétés [N] et GENERALI IARD à payer in solidum les sommes suivantes :
. 15 000 euros à la SCS CARRIER TRANSICOLD FRANCE ;
. 15 000 euros à la SAS FRAPPA ;
. 15 000 euros à la SARL A7 FRIGO ASSISTANCE ;
. 15 000 euros à la SA AXA CORPORATE SOLUTION ;
– Condamné la SAS BOURGEY MONTREUIL à payer à la SNC [N] la somme de 16 178 euros au titre des frais d’expertise.
– Condamné in solidum les sociétés GENERALI IARD, [N], BOURGEY MONTREUIL et AIG EUROPE LIMITED aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 243,46 euros dont 40,36 euros de TVA.
Par déclaration électronique du 14 décembre 2020, enregistrée au greffe le 17 décembre 2020, la SA GENERALI IARD et la SNC [N] ont interjeté appel.
Aux termes de leurs dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 6 août 2021, les sociétés [N] et GENERALI demandent à la cour d’INFIRMER le jugement et statuant à nouveau, de :
– CONDAMNER in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED,
ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, XL INSURANCE COMPANY SE, à verser :
. à la compagnie GENERALI IARD une somme de 3.122.010 euros à parfaire des intérêts au taux légal à compter de l’engagement de la présente instance,
. à la société [N] une somme de 264.373 euros à parfaire des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, soit le 21 juin 2018.
A titre subsidiaire, elles demandent de CONDAMNER in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, XL INSURANCE COMPANY SE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE à verser :
– à la compagnie GENERALI IARD une somme de 3.122.010 euros à parfaire des intérêts au taux légal à compter de l’engagement de la présente instance,
– à la société [N] une somme de 264.373 euros à parfaire des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, soit le 21 juin 2018.
Elles demandent en outre d’ORDONNER la capitalisation des intérêts et de CONDAMNER in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, XL INSURANCE COMPANY SE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE à verser à la compagnie GENERALI une somme de 65.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance y compris les frais d’expertise judiciaire taxés par le tribunal de commerce de Lyon à une somme de 32.355,22 euros.
Aux termes de ses dernières écritures (n°3) transmises par voie électronique le 4 avril 2022, la société CARRIER TRANSICOLD FRANCE demande à la cour au visa des articles 954 du code de procédure civile, 1240 et 1353 du code civil, de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
Mis hors de cause la société CARRIER TRANSICOLD FRANCE ;
Rejeté les réclamations formulées au titre des pertes de marchandises ;
Condamné les sociétés GENERALI et [N] à lui payer in solidum la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction ;
– rejeter les demandes de la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société CARRIER TRANSICOLD France.
Aux termes de ses dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 31 août 2021, la société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS demande à la cour au visa du contrat de Prestations Transport Distribution Province régularisé par le 25 août 2010 et de l’article L. 133-1 du code de commerce, de :
– CONFIRMER le jugement déféré notamment en ce qu’il a mis hors de cause la société AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits de laquelle vient la société XL INSURANCE COMPANY ; en conséquence, DEBOUTER les sociétés [N], GENERALI et RSA de leurs demandes formulées à l’encontre de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits de laquelle vient la société XL INSURANCE COMPANY ;
A titre subsidiaire, elle demande de JUGER que la prétendue perte de marchandises n’est aucunement justifiée ; en conséquence, DEBOUTER les sociétés [N], GENERALI et RSA de leurs demandes formulées à l’encontre de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits de laquelle vient la société XL INSURANCE COMPANY.
En tout état de cause, elle demande de CONDAMNER les sociétés [N], GENERALI et RSA à payer aux sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits de laquelle vient la société XL INSURANCE COMPANY la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens dont distraction.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 8 juin 2021, la société AIG EUROPE SA demande à la cour, au visa des dispositions de la loi du 5 juillet 1985,des articles 1353, 1383-2 du code civil, L. 113-1, L. 121-12 du code des assurances, d’infirmer le jugement critiqué et, statuant à nouveau, de :
1/ juger que :
– l’incendie litigieux n’est pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985, n’ayant pas pour origine un élément en lien avec la fonction de circulation du véhicule,
– l’incendie litigieux, dont l’expert attribue la responsabilité à la société GEODIS au titre de son ‘obligation de maintenance préventive du groupe froid’, relève de la garantie de la société AGCS,
– la clause d’exclusion 4.1.13 opposée par la société AGCS n’est pas formelle et limitée, est sujette à interprétation, et de prononcer son inopposabilité,
– Ordonner la mise hors de cause de la compagnie AIG EUROPE en tant qu’assureur automobile de la société BOURGEY MONTREUIL et débouter toutes les parties de leurs demandes à son encontre ;
Subsidiairement, juger que le présent sinistre relève d’un cumul d’assurances entre la société AGCS et la compagnie AIG EUROPE,
– Condamner en conséquence la société AGCS et la compagnie AIG EUROPE à prendre en charge chacune la moitié des réclamations des sociétés GENERALI et [N],
2/ A titre subsidiaire,
– Dire que le droit à indemnisation de la société [N] au regard des fautes commises, est exclu s’agissant des préjudices matériels et immatériels subis suite à la propagation de l’incendie à l’entrepôt,
– La débouter, ainsi que ses assureurs GENERALI et RSA, de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la réduction de moitié du droit à indemnisation de la société [N], ainsi que des sociétés GENERALI et RSA,
– Limiter à 482.246,15 euros après réduction de moitié du droit à indemnisation, l’indemnité éventuellement allouée à la société GENERALI au titre du préjudice matériel,
– Débouter la société GENERALI de sa demande au titre de la perte de marchandises,
– Débouter la société GENERALI de sa demande au titre du remboursement des frais d’expert à hauteur de 76.823 euros,
– Débouter la société [N] de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il a limité à 42.500 euros les indemnités allouées à la société [N],
– Débouter la société RSA de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la société FRAPPA et la société CARRIER à relever et garantir la concluante de toutes réclamations formées à son encontre,
3/ En tout état de cause, condamner les sociétés GENERALI, AGCS, [N] et FRAPPA, ainsi que toute partie succombante ou l’une à défaut de l’autre, à payer à la compagnie AIG EUROPE la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction.
Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 26 mai 2021, la sociétés BOURGEY MONTREUIL, exerçant sous le nom commercial GEODIS et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY demandent à la cour :
Sur les responsabilités
Vu la loi du 5 juillet 1985,
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a fait application de la loi du 5 juillet 1985 ;
Vu les articles 1231 et suivants du code civil, et 1384 alinéa 2 du code civil (1242 alinéa 2 nouveau),
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la responsabilité contractuelle de la société BOURGEY MONTREUIL n’était pas engagée et en ce qu’il a dit et jugé que la société [N] était seule responsable de la propagation de l’incendie et devait supporter 50% des conséquences du sinistre.
Sur les garanties d’assurances AGCS et AIG
Vu les contrats d’assurance, les articles L 211-1 et suivants du code des assurances et R 211-5 du code des assurances ; juger que :
– la police AGCS exclut de son champ d’application ‘les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur dont l’Assuré est propriétaire, locataire ou gardien’, objets de l’obligation légale d’assurance, sauf pour la part des dommages excédant le montant des garanties accordées par la police d’assurance automobile ;
– même en l’absence d’application de la loi du 5 juillet 1985, les dommages sont couverts au titre de l’assurance légale obligatoire des véhicules terrestres à moteur, souscrite auprès de la société AIG EUROPE LTD ;
– le montant des garanties accordées par la société AIG EUROPE LTD est suffisant pour couvrir la totalité des dommages ;
En conséquence :
– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société AIG EUROP LIMITED, assureur des véhicules, à relever et garantir la SAS BOURGEY MONTREUIL de toute condamnation prononcée à son encontre et en ce qu’il a mis hors de cause la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY ;
– Condamner in solidum la société [N], la société GENERALI et la société AIG EUROPE LIMITED au paiement d’une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 6 avril 2022, la société FRAPPA demande à la cour au visa de la loi n°85-877 du 5 juillet 1985 et sa jurisprudence d’application, et de l’article R 211-5 du code des assurances, de :
* CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a jugé que :
– l’incendie intervenu le 5 juillet 2014 dans les locaux de la société [N] SNC constitue un accident de la circulation selon les termes de la Loi n°35-877 du 5 juillet 1985, laquelle constitue d’ordre public un régime autonome d’indemnisation ;
– la prise en charge des conséquences du sinistre relève de la garantie ‘Responsabilité Civile Automobile’ obligatoire, à raison du point de départ du sinistre localisé dans un véhicule terrestre à moteur, par application des dispositions de l’article R. 2l1-15 du code des assurances, le groupe Froid constituant un accessoire du véhicule de nature à permettre son utilisation normale en qualité de camion frigorifique, dédié au transport de produits frais en vue de l’approvisionnernent de magasins MONOPRIX ;
* JUGER que les demandes formées par les Sociétés [N] SNC et GENERALI Assurances à l’encontre de la société FRAPPA sont infondées, en raison du régime autonome d’indemnisation institué par la Loi n°85-877 du 5 juillet 1985 et du champ d’intervention de la garantie ‘Responsabilité Civile Automobile’ et, par voie de conséquence, CONFIRMER le jugement déféré et CONDAMNER l’assureur garantissant le camion appartenant à la société
GEODIS, en l’espèce la compagnie AIG EUROPE LIMITED, à l’indemnisation des dommagesconsécutifs à l’incendie ;
* CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de la société FRAPPA, en l’absence de responsabilité de celle-ci retenue dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire ;
* DEBOUTER ROYAL et SUN ALLIANCE INSURANCE PLC dans son appel incident formé à l’encontre de la société FRAPPA
* DEBOUTER la compagnie AIG EUROPE SA dans son appel incident formé à l’encontre de la société FRAPPA
* CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a condamné les sociétés [N] et GENERALI IARD à payer in solidum la somme de 15.000 euros à la SAS FRAPPA au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance ;
* CONDAMNER les sociétés [N] SNC et GENERALI Assurances à verser à la société FRAPPA une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, et STATUER ce que de droit sur les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures (n°1) transmises par voie électronique le 7 juin 2021, la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE demande à la cour au visa des articles 1240 et suivants du code civil, et du rapport de M. [J] en date du 1er octobre 2018, de :
– confirmer le jugement et ce faisant, juger :
. qu’aucun manquement contractuel, qu’aucune faute n’est démontrée à l’encontre de la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE ;
. que le sinistre et les dommages qui en seraient découlés sont dépourvus de tout lien de causalité avec les interventions de la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE ;
.que le sinistre et les dommages qui en seraient découlés ne sont aucunement imputables à la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE ;
. que la responsabilité de la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE n’est aucunement engagée;
En conséquence,
– mettre hors de cause la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE ;
– débouter la compagnie GENERALI IARD, la société [N], la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE et toute autre partie, de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE ;
Y ajoutant,
– condamner la compagnie GENERALI IARD et la société [N], ou qui mieux le devrait, à devoir verser à la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens d’appel.
A titre subsidiaire, si la cour prononce une condamnation, notamment in solidum, à l’encontre de la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE, elle demande de :
1°/ juger que le montant des dommages allégués au titre des dommages matériels au bâtiment doit tenir compte de la vétusté, conformément au principe indemnitaire ; que le poste ‘Frais de gardiennage’ n’est pas justifié ; que la demande de la compagnie GENERALI IARD au titre des dommages au bâtiment ne pourra donc excéder dans son montant : 1 004 064,31 – 39 572 = 964 492, 31 euros ;
RAMENER en tout état de cause le montant de la demande de la compagnie GENERALI IARD au titre des dommages au bâtiment à juste proportion ;
2°/ juger que le montant de préjudice allégué par la compagnie GENERALI IARD au titre de la perte de marchandises alléguée n’est aucunement justifié ; que le montant de préjudice allégué également par la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE au titre de la prétendue perte de marchandises, sur la base des mêmes éléments insuffisants que la compagnie GENERALI IARD, n’est aucunement justifié ;
Débouter en conséquence la compagnie GENERALI IARD et la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE de l’intégralité de leurs demandes au titre de la perte de marchandises alléguée ;
3°/ juger que la demande de la compagnie GENERALI IARD au titre des dommages immatériels allégués est infondée en ce qu’elle concerne le remboursement des honoraires d’expert engagé par la compagnie GENERALI IARD ; que la demande de la Compagnie GENERALI IARD au titre des dommages immatériels allégués ne pourra excéder dans son montant : 1 619 903 – 81 823 = 1 538 080 euros,
et débouter la compagnie GENERALI IARD pour le surplus ;
4°/ débouter en intégralité la société [N] de ses demandes à hauteur de 264 373 euros au titre de ses prétendus préjudices concernant une rétention annuelle d’assurance de 150 000 euros, deux franchises totalisant 85 000 euros (8 500 + 76 500), et des postes de vétusté non pris en charge par son assureur (29 373 euros) ;
Déterminer le cas échéant la part de contribution de chacun des codébiteurs ;
Débouter la compagnie GENERALI IARD, la société [N], la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE et toute autre partie, de toute demande plus ample ou contraire.
Aux termes de ses dernières écritures, comportant appel incident, transmises par voie électronique le 21 mars 2022, la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA) demande à la cour au visa de l’article 1346-1 du code civil, de :
1/ confirmer le jugement ayant déclaré recevable son action, étant subrogée conventionnellement dans les droits de la société [N] ;
2/ réformer le jugement en ce qu’il a :
– Mis hors de cause les sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE ;
– Mis hors de cause la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;
– Mis hors de cause la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY ;
– Dit que [N] a manqué à ses obligations de gardien des véhicules de BOURGEY MONTREUIL, et de gérant de son entrepôt ;
– Dit que la responsabilité du sinistre litigieux incombe à parts égales à la SAS BOURGEY MONTREUIL et à la société [N] ;
– Débouté les sociétés [N], GENERALI et ROYAL SUN ALLIANCE INSURANCE
de leurs demandes à titre de réparation des dommages pour pertes de marchandises ;
Statuant à nouveau, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, des articles R. 211-5 du code des assurances, 1231 et suivants, et 1240 du code civil,
3/ condamner in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits d’AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, CARRIER TRANSICOLD, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE à payer à la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA)la somme de 85.093 euros sauf à parfaire, à titre de réparation du préjudice subi par elle, outre les intérêts légaux à compter de ses conclusions d’intervention volontaire en date du 5 septembre 2018 ;
4/ condamner in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits d’AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, CARRIER TRANSICOLD, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE en tous les dépens ;
5/ condamner in solidum les sociétés BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE LIMITED, XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits d’AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, CARRIER TRANSICOLD, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE à payer à la compagnie ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA) une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce afin de compenser les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager pour obtenir le rétablissement de ses droits et la réparation de son préjudice.
Il convient de se reporter aux conclusions sus-visées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 9 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les sociétés [N] et GENERALI sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a fait application de la loi Badinter mais sa réformation en ce qu’il a retenu un partage de responsabilité au préjudice de la société [N] en exposant en substance que celle-ci n’a commis aucune faute à une quelconque étape du sinistre, tant lors de son déclenchement que lors de sa gestion, de nature à limiter ou exclure son indemnisation des dommages subis, comme en atteste le rapport d’expertise judiciaire, en ce que, notamment :
– c’est sur un des véhicules de la société BOURGEY que le départ de feu a été identifié ;
– c’est à l’occasion de la prestation de transport que le sinistre est survenu, et ce peu important que le véhicule soit à l’arrêt, de sorte que la responsabilité de la société BOURGEY est engagée de plein droit, sans que la société [N] ait à démontrer une faute ;
– les dispositifs anti-incendie présents sur les lieux permettaient de lutter contre les départs de feux mais pas contre les incendies déjà propagés ; les personnes les plus proches du départ de feu étaient les chauffeurs, formés pour répondre à ce genre de situation ; toutes les consignes de sécurité nécessaires pour empêcher les accidents de travail ont été respectées ;
– la responsabilité de la société BOURGEY est engagée en application de la loi Badinter et de l’article R. 211-5 du code des assurances, dès lors que l’expertise a conclu que le départ de feu a été provoqué par un élément d’équipement du véhicule ;
– la société GENERALI a versé une indemnisation ouvrant droit à un recours subrogatoire à hauteur de la somme versée.
Subsidiairement, elles invoquent la possibilité d’un cumul d’assurance.
Sur les préjudices, la société [N] expose avoir assumé des postes de vétusté non pris en charge par son assureur, deux franchises qui totalisent 85.000 euros (8.500 euros + 76.500 euros) outre une rétention annuelle d’assurance de 150.000 euros, ouvrant droit à condamnation des sociétés mises en cause à l’indemniser à hauteur de 264.373 euros, au titre de son découvert d’assurance.
Les intimées :
1 – la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC (RSA) demande en substance:
– la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé qu’elle était recevable en ses demandes, au regard de la subrogation conventionnelle dans les droits de la société [N], au visa de l’article 1346-1 du code civil, subrogation dont elle justifie, dès lors qu’elle démontre la concomitance entre le paiement de l’indemnité à MONOPRIX et la quittance subrogative ;
– l’infirmation pour le surplus des chefs qu’elle vise dans ses conclusions, dès lors que :
. la société [N] n’a commis aucune faute susceptible de limiter son droit à indemnisation;
. la responsabilité de la société BOURGEY, et de ses assureurs, est engagée au visa de la loi Badinter, et du rapport d’expertise, ainsi qu’au visa des articles L. 211-5 et R. 211-5 du code des assurances, en ce que le sinistre doit être considéré comme un accident de la circulation parce qu’il a eu lieu avec l’implication de véhicules terrestres à moteurs et doit être considéré comme faisant partie de l’assurance obligatoire ;
. la responsabilité délictuelle des sociétés CARRIER TRANSICOLD France, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE est engagée au visa de l’article 1240 du code civil et du rapport d’expertise, en ce que ce sont leurs manquements contractuels respectifs à leurs obligations en qualité de fabriquant du groupe froid, installateur du groupe froid, et entreprise en charge des opérations de maintenance et de réparation du groupe froid, qui sont à l’origine du sinistre lui ayant causé un dommage ;
. les dommages aux marchandises stockées peuvent être chiffrés au visa du constat d’expert qui a été débattu contradictoirement, et qui peut, à minima servir de preuve quant au préjudice, estimé à hauteur de 375.405 euros, au total pour un détail des sommes suivantes :
* perte totale au titre des produits chargés dans le véhicule, soit 134.399,36 euros,
* perte totale au titre des produits à quai, soit 259.592,50 euros.
2 – la société BOURGEY MONTREUIL exerçant sous le nom commercial GEODIS et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et SPECIALTY (ALLIANZ) demandent notamment de confirmer le jugement en ce qu’il a
– fait application de la loi Badinter et jugé que la responsabilité contractuelle de la société BOURGEY MONTREUIL n’était pas engagée ;
– jugé que la société [N] était seule responsable de la propagation de l’incendie et devait supporter 50% des conséquences du sinistre ;
– condamné la société AIG EUROP LIMITED, assureur des véhicules, à relever et garantir la SAS BOURGEY MONTREUIL de toute condamnation prononcée à son encontre et en ce qu’il a mis hors de cause la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY ;
en exposant notamment :
– qu’en l’absence de toute certitude sur la cause exacte de l’incendie, seule la loi Badinter peut trouver application du fait de l’implication de plusieurs véhicules dans la survenance des dommages ; qu’en l’espèce, tous les véhicules stationnés appartenaient à la société GEODIS, véhicules qui étaient assurés auprès de la société AIG EUROPE LIMITED, ayant contribué à l’incendie ;
– que les conclusions d’expertises n’ont pas permis de conclure à une cause étrangère à la fonction motrice, les experts formant seulement des hypothèses ;
– que la responsabilité contractuelle de la société BOURGEY MONTREUIL dans la survenance du sinistre ne peut être engagée en ce que l’incendie n’est pas survenu lors d’une opération de transport ;
– qu’il en va de même de sa responsabilité de droit commun (article 1384 ancien du code civil), qui ne peut pas être engagée en ce qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que tous les véhicules étaient soumis aux contrôles nécessaires, et qu’aucune obligation de maintenance n’a été violée ;
– que l’aggravation du sinistre ne peut pas non plus lui être reprochée, le préposé de BOURGEY MONTREUIL ayant suivi les indications des pompiers présents sur place, et que le camion, en cours de chargement, était encore sous la garde de la société [N] de sorte que les sociétés GENERALI et [N] doivent conserver les frais d’aggravation du sinistre à leur charge ;
– que la société ALLIANZ doit être mise hors de cause en ce que les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur sont exclus de sa garantie, cette clause faisant obstacle au cumul des garanties, sa clause d’exclusion étant opposables aux parties ;
– que la garantie d’AIG doit être engagée, au visa des articles L. 211-1, R. 111-2 et R. 111-5 du code des assurances, sur le fondement, à minima, de la garantie obligatoire des dommages dans la mesure où le véhicule en était l’origine ;
– que le dommage est couvert en ce que le bloc frigorifique est partie intégrante du véhicule assuré de sorte qu’à supposer que l’incendie ait pour cause un défaut d’entretien du bloc frigorifique, cette situation n’autorise pas la société AIG à exclure sa garantie pour les dommages subis par les tiers puisque ceux-ci relèvent de la garantie légale responsabilité civile de l’assurance automobile ;
– et que les réclamations concernant les pertes de marchandise n’ont pas fait l’objet d’un constat contradictoire.
3 – la société AIG, en sa qualité d’assureur automobile demande à titre principal d’infirmer le jugement en la mettant hors de cause, et subsidiairement de le confirmer en ce qu’il a ordonné la réduction de moitié du droit à indemnisation de la société [N] ainsi que des sociétés GENERALI et RSA, et plus subsidiairement en ce qu’il a limité à
42.500 euros les indemnités allouées à la société [N], en exposant notamment que: – au visa de l’article 1er de la du 5 juillet 1985 et des conclusions de l’expert CNPP et de l’expert GEODIS, la loi Badinter n’a pas vocation à s’appliquer, l’incendie ayant trouvé son origine dans une fonction frigorifique du camion, indépendante des fonctions motrices, le moteur thermique étant indépendant du moteur du camion et de sa batterie de sorte que sa garantie n’a pas vocation à être mobilisée ;
– au visa de l’article 1104 du code civil, il n’appartenait pas à la commune intention des parties d’assurer un dommage non automobile ;
– c’est l’assureur de responsabilité civile ALLIANZ (assureur BOURGEY MONTREUIL) qui doit mettre en oeuvre sa garantie ;
– au visa de l’article L. 113-1 du code des assurances, la clause d’exclusion du contrat ALLIANZ concernant les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur n’est ni formelle ni limitée de sorte qu’elle lui est inopposable, le risque assurable n’étant pas identifié à la lecture de la clause ;
– la clause ne peut être lue sans être nécessairement interprétée ; la responsabilité de l’assureur responsabilité civile ne saurait être exclue de principe, l’engagement de sa propre responsabilité étant sujet à débat ; la victime peut ainsi solliciter l’indemnisation des deux assureurs, ce qui est le cas en l’espèce ;
– pour sa part, la société AIG conteste tout caractère tardif de son intervention dans la cause et elle soutient qu’aucune admission de responsabilité n’a été effectuée de sa part, au contraire, le principe selon lequel l’assureur qui a pris la direction du procès renonce à opposer les exceptions de garantie dont il a connaissance, devrait se voir appliquer à la société ALLIANZ ;
– subsidiairement, la société AIG sollicite la garantie des sociétés FRAPPA et CARRIER en cas de condamnations.
4 – la société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droit d’AXA, assureur responsabilité civile du transporteur, sollicite la confirmation du jugement notamment en ce qu’il a mis hors de cause la société AXA aux droits de laquelle elle intervient, dès lors que la garantie souscrite n’est pas mobilisable, en exposant notamment que :
– la prise en charge des marchandises devait intervenir le 6 juillet 2014 et l’incendie est survenu le 5 juillet, ce qui empêche la mise en jeu de sa responsabilité civile en qualité de transporteur ;
– c’est au moment de la prise en charge des marchandises que le transporteur devient responsable de la chose au sens de l’article L. 133-1 du code de commerce ; les demandes formulées à son encontre concernant les entrepôts de stockage, les dommages au bâtiment, les dommages immatériels et la perte des marchandises stockées dans l’entrepôt doivent ainsi être rejetées.
5 – la société FRAPPA, qui a posé le groupe froid en 2008, sollicite, au visa de la loi de 85 et des articles L. 211-5 et R. 111-5 du code des assurances, la confirmation du jugement en ce qu’il a :
– jugé que l’incendie doit être qualifié comme un accident de la circulation en ce que le point du départ du sinistre est localisé dans un véhicule terrestre à moteur, et que les conséquences du sinistre relèvent de la garantie responsabilité civile automobile obligatoire en ce que le groupe froid constitue un accessoire du véhicule de nature à permettre son utilisation normale en qualité de camion frigorifique, dédié au transport de produits frais en vue de l’approvisionnement de magasins MONOPRIX ;
– écarté sa responsabilité et l’a mise hors de cause, au vu de l’expertise judiciaire, aucune faute ne pouvant lui être reprochée, du fait de la vétusté du camion, vendu en 2008 pour un sinistre ayant eu lieu en 2014 et n’étant pas responsable de l’entretien du camion.
Elle sollicite par ailleurs le débouté des appels incidents formés contre elle par les sociétés RSA et AIG, aucun devoir de conseil sur l’entretien du câble n’étant à sa charge, comme l’expert judiciaire l’a admis.
6 – la société CARRIER TRANSICOLD FRANCE sollicite, au visa des articles 954 du code de procédure civile, 1240 et 1353 du code civil, en l’absence de demande formée à son encontre par les appelantes, la confirmation de la décision en ce qu’elle l’a mise hors de cause et a condamné les sociétés GENERALI et [N] à lui payer in solidum la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– concernant l’appel incident formé par la société RSA aux fins de condamnation in solidum avec FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE à l’indemniser du préjudice subi au titre des marchandises en transit/transportées, elle soutient qu’aucune faute, et aucun lien de causalité entre le dommage invoqué et ses actions, ne sont rapportés, tout comme le préjudice invoqué, de sorte que cet appel incident doit être rejeté.
7 – la société A 7 – FRIGO ASSISTANCE sollicite, au visa de l’article 1240 du code civil et du rapport d’expertise [J], la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause, en exposant en substance qu’aucune faute ne peut lui être reprochée, et que ce n’est qu’à titre ponctuel, sur demande de la société GEODIS, propriétaire des poids lourds concernés, qu’elle intervient sur les groupes froid desdits véhicules pour des opérations de réparation (prise de quai) ou de contrôle (étanchéité du groupe froid).
1) Sur la recevabilité de l’action de la société GENERALI
En page 35 sur 47 de son jugement, le tribunal a jugé GENERALI recevable en son action subrogatoire, au vu de la confirmation par note en délibéré, du conseil d’AIG, de la réception de la preuve du paiement et de la copie du contrat, justifiant les conditions de la subrogation de GENERALI. Il a néanmoins omis de statuer sur ce point, dès lors qu’il n’est pas repris dans son dispositif.
La cour constate que AIG, qui avait soulevé cette fin de non recevoir devant le tribunal, ne l’évoque plus en cause d’appel, et que GENERALI ne développe aucun moyen sur ce chef précis omis, du jugement, dont la cour considère ainsi qu’elle n’a pas à statuer dessus et qu’il est donc définitivement acquis aux débats.
2) Sur la recevabilité de l’action subrogatoire de la société RSA
Vu l’article 1346-1 du code civil ;
La société RSA est intervenue volontairement devant le tribunal, le 6 septembre 2018, pour faire valoir son recours en sa qualité d’assureur des marchandises transportées et en transit.
Le tribunal a dit la société RSA recevable en ses demandes, au vu de la preuve du paiement de l’indemnité et de la copie de la quittance subrogative.
En cause d’appel, la société RSA, en sa qualité de subrogée conventionnellement dans les droits de la société [N], demande la confirmation du jugement sur ce point tandis que AIG, qui avait soulevé devant le tribunal l’irrecevabilité des demandes de la société RSA, demande uniquement en cause d’appel, parmi ses subsidiaires, le débouté des demandes de la société RSA.
En l’absence de contestation sur ce point et au vu des justificatifs produits, à savoir la cession de droits, établie par la société [N] au bénéfice de la société MONOPRIX EXPLOITATION (‘MONOPRIX’), émise le 21 juin 2016, la preuve du paiement de l’indemnité de 85.093 € par la compagnie RSA au bénéfice de la société MONOPRIX, intervenu le 12 juillet 2016 ainsi que la quittance subrogative datée et signée par la société MONOPRIX le même jour, soit le 12 juillet 2016, au bénéfice de la compagnie RSA, le jugement est confirmé en ce qu’il a dit la société RSA recevable en ses demandes, fondées sur la subrogation conventionnelle.
3) Sur la garantie de la société AIG, assureur automobile de la société BOURGEY MONTREUIL, au profit de la société GENERALI, assureur subrogé dans les droits de la société lésée, [N] et de la société RSA, subrogée dans les droits de [N]
Le tribunal a dit que l’incendie survenu le 5 juillet 2014 constitue un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dite ‘loi Badinter’.
Tout en ne visant pas ce chef du jugement dans leur déclaration d’appel et en demandant l’infirmation du jugement sans autre précision dans leurs dernières conclusions, les appelantes soutiennent que la responsabilité de la société BOURGEY MONTREUIL est engagée sur le fondement de la loi Badinter.
La société BOURGEY MONTREUIL et son assureur ALLIANZ demandent de confirmer le jugement sur ce point, en l’absence de certitude sur la cause exacte de l’incendie, dès lors que plusieurs véhicules sont impliqués au sens de la loi Badinter, dans la survenance des dommages, tous les véhicules stationnés ayant contribué à l’incendie appartenant à la société GEODIS, et étant assurés auprès de AIG dans le cadre d’un contrat de flotte automobile.
Ils demandent par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné AIG à relever et garantir GEODIS de toute condamnation prononcée à son encontre, faisant valoir qu’en toutes hypothèses, les garanties automobiles souscrites auprès d’AIG sont mobilisables parce que les dommages relèvent de l’obligation légale d’assurance automobile, et qu’au surplus AIG a pris la direction du procès lors des opérations d’expertise avant d’opposer un refus de garantie.
La société RSA sollicite, dans le cadre de sa subrogation, la condamnation in solidum de GEODIS et AIG à l’indemniser du préjudice subi au titre des marchandises en transit/transportées, en application également de la loi Badinter.
La société AIG sollicite l’infirmation du jugement en soutenant en substance que l’incendie litigieux n’est pas un accident de la circulation au sens de la loi Badinter, n’ayant pas pour origine un élément en lien avec la fonction de circulation du véhicule, et demande sa mise hors de cause.
Il résulte de l’article R. 211-5 du code des assurances dans sa rédaction issue du décret n° 86-21 du 7 janvier 1986 que les accidents causés par les accessoires et chutes d’objets sont couverts par l’assurance automobile obligatoire.
En l’espèce, il résulte des opérations d’expertise que l’incendie litigieux a été provoqué par un court-circuit ‘à la suite d’un contact entre ce câble [d’alimentation de la batterie du groupe froid] et un élément métallique du châssis’ ; il a ainsi pris naissance au niveau d’un accessoire nécessaire au transport et au stockage de produits frais, correspondant à l’utilisation habituelle de celui-ci.
En effet, après avoir émis trois hypothèses de départ du feu (dans le groupe frigorifique du camion litigieux, dans ou sous la caisse frigorifique de ce même camion et enfin départ lié à l’alimentation électrique du groupe frigorifique dudit camion, voire d’un autre camion), l’expert [W] s’est adjoint l’aide du CNPP, laboratoire spécialisé en matière d’incendie, qui après un examen complet du camion MERCEDES, a conclu son rapport ainsi :
‘A partir des informations portées à notre connaissance, des constatations réalisées sur la photo fournie et lors de nos investigations sur les lieux du sinistre, on peut situer la zone de départ de feu sur l’avant du camion stationné à la porte n°10 du quai ; plus précisément, du côté -droit en partie haute de la cabine.
Les constatations réalisées et les informations portées à notre connaissance permettent de dire que la cause du départ de feu est accidentelle. La cause accidentelle peut s’expliquer via plusieurs hypothèses. Dans la zone de départ de feu, plusieurs hypothèses peuvent être évoquées :
– hypothèse n°1 – défaut électrique sur le câble de liaison entre le groupe froid et la batterie de celui-ci ;
– hypothèse n°2 – inflammation de matières combustibles accumulées en partie basse du groupe froid.
En l’état des opérations d’expertise réalisées, il n’est pas possible de privilégier une des deux hypothèses évoquées’.
L’expert [J], qui a pris la suite des opérations d’expertise entamées par l’expert [W], a par la suite écarté la seconde hypothèse comme suit :
‘compte tenu de la valeur du point éclair de 251°C, j’écarte définitivement l’hypothèse selon laquelle il y aurait eu une auto inflammation d’un mélange huile/végétaux sous le moteur thermique du groupe de froid.
Reste l’hypothèse 1 du défaut électrique que le CNPP a limité à l’alimentation du groupe de froid à la batterie. En fait (sauf erreur de ma part), c’est l’alimentation du démarreur du moteur thermique du groupe de froid qui est alimenté par la batterie’.
Il conclut son rapport en mentionnant que ‘l’hypothèse la plus probable est qu’avec les vibrations provoquées par le roulage du véhicule ou les vibrations du groupe de froid (d’autant que le compresseur est un compresseur à piston), il y a eu dégradation de la gaine et de l’isolant du câble positif de la batterie et qu’à la suite d’un contact entre ce câble et un élément métallique du châssis il y a eu court-circuit.’
Ce type de véhicule est spécialement aménagé pour conserver à basse température des marchandises périssables même lorsque le véhicule ne circule pas.
L’utilisation du groupe froid au moyen d’une rallonge électrique, correspond à l’utilisation d’un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce véhicule.
Il est enfin manifeste que l’ensemble des camions incendiés par la suite, stationnés à quai, qui appartenaient également à GEODIS, ont contribué indifféremment à la propagation du sinistre. Ils étaient tous assurés auprès d’AIG dans le cadre du contrat de flotte.
En conséquence, contrairement à ce que soutient la société AIG, dès lors que la responsabilité de la société BOURGEY MONTREUIL est engagée sur le fondement de la loi Badinter, sa garantie au titre du contrat ‘automobile’ est mobilisable, sous réserve de l’application de la clause d’exclusion qu’elle invoque à titre subsidiaire, qui sera examinée ci-dessous.
L’aveu judiciaire qu’elle prête aux sociétés [N] et GENERALI quant à l’inapplicabilité de la loi Badinter au cas d’espèce n’est nullement établi, les sociétés [N] et GENERALI ayant uniquement conclu à titre subsidiaire sur la responsabilité contractuelle de plein droit de la société BOURGEY MONTREUIL à l’égard de la société [N], au regard de l’obligation de résultat issu du contrat de prestation de transport conclu entre elles.
C’est ainsi à bon droit que le tribunal de commerce a déduit des éléments de la procédure que la société GENERALI, subrogée dans les droits de la société [N], était fondée à solliciter la garantie automobile souscrite par la société BOURGEY MONTREUIL auprès de la société AIG, sous réserve des moyens développés en réplique aux moyens soutenus par ALLIANZ dans le cadre de la demande de mobilisation de sa garantie, examinés ci-dessous.
Il en est de même pour la société RSA, dans le cadre de la subrogation dont elle justifie.
Le jugement est confirmé sur ces points.
L’examen des moyens développés à titre subsidiaire par les appelantes en pages 15 à 19 de leurs écritures, concernant notamment la responsabilité contractuelle et/ou délictuelle des sociétés GEODIS, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE, est dès lors sans objet. Il en est en conséquence de même des moyens développés en réplique sur ce point par ces sociétés.
4) Sur les fautes reprochées à la société [N]
Le tribunal a, au regard du rapport d’expertise, des circonstances rapportées du sinistre et des explications données par les parties, dit que la responsabilité du sinistre litigieux revient à parts égales aux sociétés BOURGEY MONTREUIL et [N].
S’agissant de la responsabilité partielle de la société [N] dans la survenance des dommages, le tribunal a estimé, au visa de l’article 5 de la loi Badinter, que les manquements de [N] à ses obligations de gardiennage des véhicules, de surveillance et de maintien de la sécurité de son entrepôt, d’équipement des lieux en moyens suffisants et nécessaires pour répondre aux risques d’incendie et de mobilisation de son équipe de première intervention absente du site au moment du déclenchement de l’incendie sont multiples, établis et de nature à engager sa responsabilité.
Pour retenir la responsabilité partielle de la société BOURGEY MONTREUIL dans la survenance des dommages, le tribunal a retenu que le caractère accidentel de l’incendie n’est pas contesté, que l’expert judiciaire a localisé le départ de feu sur l’un des camions de la société BOURGEY MONTREUIL et que cette dernière ne peut donc prétendre se voir exonérée de toute responsabilité du sinistre dont elle a bien été la cause première, les manquements de la société [N] comptant pour son aggravation.
Les appelants, qui sollicitent l’infirmation du jugement, contestent cette analyse et soutiennent que la société [N] n’a commis aucune faute, ni au stade du déclenchement de l’incendie, ni dans le cadre de la gestion du sinistre, de nature à limiter ou exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis.
La société BOURGEY MONTREUIL et son assureur ALLIANZ demandent, en l’absence de responsabilité contractuelle et/ou délictuelle de GEODIS, dès lors qu’au moment du sinistre, le véhicule était à quai et en cours de chargement, donc sous la responsabilité exclusive de [N], unique débitrice des obligations en matière de sécurité incendie sur son site, la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé que la société [N] était seule responsable de la propagation de l’incendie et devait supporter 50% des conséquences du sinistre. Elles soutiennent que les sociétés [N] et GENERALI doivent conserver à leur seule charge les conséquences de l’aggravation du sinistre.
La société RSA demande d’infirmer le jugement sur ce point, en l’absence de faute de [N] de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation.
Certes, en réponse à une demande du conseil de la société CARRIER souhaitant que l’expert se prononce ‘sur la gestion du sinistre et plus particulièrement sur les éventuelles imputabilités en terme d’aggravation’, l’expert [J] a mentionné en page 13/38 de son rapport déposé le 1er octobre 2018 que, comme son prédécesseur, il avait vainement demandé à la société [N] la transmission des enregistrements de deux autres caméras extérieures ; il avait par ailleurs précisé qu’il n’était pas de la compétence d’un expert technique de procéder à ce genre d’analyse, qui relève d’une enquête, du fait de la persistance de trop nombreuses incertitudes sur les consignes de sécurité, sur les ordres donnés et ‘les réactions qui relèvent de l’humain’.
L’expert a néanmoins eu accès, outre à d’autres enregistrements extérieurs, à un enregistrement vidéo réalisé par une caméra de surveillance située à l’intérieur de l’entrepôt, et à une photographie prise de l’extérieur par un témoin à partir d’un téléphone cellulaire, dans le cadre de ses opérations d’expertise.
Il ressort ainsi de son rapport d’expertise judiciaire, plus particulièrement en ses pages 7, 19 à 21, et 25, ainsi que du compte rendu de sortie de secours des pompiers, que :
– l’incendie s’est déclaré alors que le site logistique de la SNC [N] était en cours d’exploitation ; il a pris naissance depuis un camion porteur appartenant à la société GEODIS, stationné devant les entrepôts sur le quai n°10 ;
– détecté par M. [P], l’un des chauffeurs de GEODIS qui rentrait de tournée, il s’est rapidement propagé aux autres véhicules en stationnement en pied de quai, ainsi qu’au niveau des quais de chargement de l’établissement, et au bâtiment des entrepôts ;
– l’agent de sécurité (M. [O]) ayant constaté des flammes entre la cabine arrière et la partie arrière au niveau du frigo du camion en cause, stationné au quai n°10, a demandé tout de suite, à plusieurs reprises mais vainement, à un chauffeur présent sur les lieux de prendre les clefs des camions stationnés près du camion en feu et de les déplacer afin d’éviter toute propagation ;
– les pompiers ont été avisés dès 16h47 (arrivée de l’appel : 16h47,09 ; décroché du réceptionneur :16h47,24) d’un feu de transport routier, détecté à 16h46 sur le site de la société [N], soit une minute après ; leur premier véhicule est arrivé à 17h sur le site, et ils ont alors constaté un ‘feu d’ensemble routier’ composé de ‘trois tracteurs et six remorques (pleines de denrées alimentaires) devant l’entrepôt de la société [N], avec un fort risque de propagation à l’ensemble de l’établissement’ ;
– il a été nécessaire de recourir à un soutien sanitaire du fait de l’intoxication de deux sapeurs pompiers intervenus sur le site.
Compte tenu de la rapidité de la propagation du feu, de son ampleur, des risques inhérents à la localisation du foyer, s’agissant d’un camion comportant du carburant (liquide par nature hautement inflammable), composé en lui-même de matières notamment plastiques et comportant des denrées alimentaires en ce qu’il était en cours de chargement, générant ainsi des fumées toxiques, stationné à proximité d’autres camions contenant également du carburant et des denrées alimentaires, ainsi que de la rapidité d’intervention de l’agent de sécurité, et des sapeurs pompiers équipés d’un matériel adapté, les manquements imputés à la société [N] ne sont pas caractérisés.
En effet, dans le contexte bien particulier décrit ci-dessus, il n’est pas démontré que la société [N] aurait pu éteindre l’incendie notamment au moyen de simples extincteurs ou de Robinets Incendie Armés (RIA) présents sur le site, même avec un personnel qualifié.
Le jugement est infirmé sur ce point.
L’examen des moyens développés ici encore à titre subsidiaire est sans objet.
5) Sur la garantie de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY
Le tribunal a mis hors de cause la société ALLIANZ en sa qualité d’assureur en responsabilité civile professionnelle.
La société ALLIANZ sollicite la confirmation de ce chef du jugement.
Les appelantes sollicitent l’infirmation en demandant le bénéfice d’un cumul d’assurance à l’égard des trois assureurs de GEODIS, à savoir ALLIANZ (responsabilité civile professionnelle), XL INSURANCE venant aux droits d’AXA (responsabilité civile transporteur) et AIG (assurance automobile), dont elles demandent la condamnation in solidum.
Si la société RSA sollicite l’infirmation de ce chef du jugement en page 18 de ses conclusions, elle ne formule aucune demande de condamnation à son encontre, et ne développe aucun moyen en ce sens.
La société AIG, qui conteste avoir reconnu devoir sa garantie et soutient que c’est ALLIANZ qui a pris la direction du procès dans l’intérêt de GEODIS en faisant délivrer l’assignation au fond en ouverture du rapport d’expertise judiciaire, s’associe, subsidiairement, à l’argumentaire des appelantes en soutenant que le présent sinistre relève d’un cumul d’assurances entre elle et ALLIANZ, de sorte qu’AGCS doit être condamnée à prendre en charge, à ses côtés, la moitié des réclamations de GENERALI et [N].
Cependant, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que l’indemnisation de la victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d’ordre public de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que le régime ainsi défini est exclusif de tout autre régime de responsabilité .
A titre surabondant, la cour relève qu’ALLIANZ démontre au demeurant que la police AGCS exclut de son champ d’application ‘les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur dont l’Assuré est propriétaire, locataire ou gardien’, objets de l’obligation légale d’assurance, sauf pour la part des dommages excédant le montant des garanties accordées par la police d’assurance automobile.
Or, nonobstant le désaccord subsistant sur une partie du chiffrage des dommages, il n’est pas contesté que la police AIG est suffisante à couvrir à elle seule l’ensemble des dommages du sinistre, qui relève de l’assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur.
En application des termes et conditions de la police ALLIANZ souscrite par GEODIS pour assurer sa responsabilité civile professionnelle (et plus particulièrement la clause d’exclusion stipulée à l’article 4.1.13), celle-ci n’est ainsi pas mobilisable.
Contrairement à ce que soutient la société AIG, cette clause lui est opposable dès lors qu’elle est bien formelle et limitée, et ne souffre aucune interprétation.
En effet, cette clause est ainsi rédigée :
Sont exclus ‘les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur dont l’Assuré est propriétaire, locataire ou gardien :
4.1.13.1 Pour les seuls risques faisant l’objet pour l’Assuré d’une obligation légale d’assurance
4.1.13.2 Dans la seule limite des montants de garantie exigés par la loi applicable ou accordés par la police d’assurance automobile souscrite, si ces derniers sont supérieurs’.
Comme le réplique la société ALLIANZ, cette clause est formelle, en ce qu’elle exclut uniquement ‘les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur dont l’Assuré est propriétaire, locataire ou gardien’, sans utiliser de termes susceptibles d’interprétation, le bloc froid litigieux entrant nécessairement dans le champ de cette clause en ce qu’il constitue un accessoire indispensable au bon fonctionnement du véhicule en cause, de par sa destination.
Elle est également limitée, en ce qu’elle ne vise que les risques pour lesquels l’assuré est soumis à une obligation légale d’assurance et dans la limite des garanties accordées par l’assureur automobile, en l’espèce AIG, le terme ‘obligation légale d’assurance’ n’étant pas davantage susceptible d’interprétation dès lors que nul propriétaire de véhicule terrestre à moteur n’est censé ignorer être soumis à une obligation d’assurance, dont le non respect est au surplus sanctionné pénalement.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société ALLIANZ, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en particulier AIG et ALLIANZ qui se font griefs l’une et l’autre d’avoir pris la direction du procès.
L’examen des moyens développés par la société ALLIANZ à titre subsidiaire est dès lors sans objet.
6) Sur la garantie de la société XL, venant aux droits d’AXA
Le tribunal a mis hors de cause la société AXA en sa qualité d’assureur transport de GEODIS.
La société XL, venant aux droits d’AXA, assureur de la responsabilité civile du transporteur, demande de confirmer le jugement sur ce point, la société GEODIS n’ayant pas eu la garde des marchandises lors de la survenance du sinistre.
Les appelantes sollicitent l’infirmation de ce chef en demandant le bénéfice du cumul d’assurance à l’égard des trois assureurs de GEODIS, à savoir ALLIANZ (responsabilité civile professionnelle), examiné ci dessus, XL INSURANCE venant aux droits d’AXA (responsabilité civile transporteur) et AIG (assurance automobile), dont elles demandent la condamnation in solidum.
La société RSA sollicite également l’infirmation, en demandant quant à elle la condamnation de deux des trois assureurs de GEODIS, à savoir XL INSURANCE venant aux droits d’AXA (responsabilité civile transporteur) et AIG (assurance automobile), in solidum avec les sociétés CARRIER, FRAPPA et A7 FRIGO.
Dès lors que la cour, suivant en cela le tribunal, a retenu l’application de la loi Badinter, la responsabilité civile de la société GEODIS, en sa qualité de transporteur, qui nécessite la commission d’une faute, ne saurait être recherchée dans ses rapports avec la victime, et donc la garantie d’AXA mobilisée, le régime d’indemnisation de la loi Badinter étant exclusif de tout autre régime de responsabilité, comme rappelé ci dessus.
Au demeurant, comme le soutient la société XL et l’a retenu le tribunal, la cour relève à titre surabondant que la garantie stipulée dans le contrat intitulé ‘CONTRAT DE PRESTATION TRANSPORT – DISTRIBUTION PROVINCES’ régularisé par [N] et GEODIS couvrant la responsabilité du transporteur ne pourrait être mobilisée, dès lors que l’incendie est survenu le 5 juillet 2014, soit avant la prise en charge des marchandises par le transporteur, qui devait avoir lieu au plus tôt le lendemain.
Pour ce qui concerne le recours subrogatoire de la société RSA, il n’y a pas davantage lieu de condamner XL INSURANCE, dès lors que GEODIS est garantie par la société AIG dans le cadre de l’application exclusive de la loi Badinter.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société AXA, aux droits de laquelle vient désormais XL INSURANCE.
L’examen des moyens développés par la société XL à titre subsidiaire est dès lors sans objet.
7) Sur les responsabilités des sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE
A- l’appel en garantie de la société AIG contre les sociétés CARRIER et FRAPPA
A titre subsidiaire, la société AIG formule un appel en garantie à l’encontre des sociétés CARRIER er FRAPPA pour toutes les condamnations prononcées à son encontre.
La société CARRIER, qui a conclu en réplique sur l’appel principal des sociétés GENERALI et [N], et sur l’appel incident de RSA, n’a pas répondu sur ce point mais sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause.
La société FRAPPA demande la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause.
S’agissant de la société CARRIER, la société AIG lui fait grief, en sa qualité de fabricant du groupe froid litigieux, de ne pas justifier qu’elle a fourni à l’installateur les informations nécessaires à la bonne mise en place du groupe froid, telle que par exemple un schéma d’installation des câbles, et ainsi d’avoir commis une faute dans le cadre de son devoir de conseil.
La société AIG reproche à la société FRAPPA, au visa du rapport d’expertise judiciaire, d’avoir commis une faute consistant en la défaillance du câble de liaison batterie-groupe froid, dont une partie était au surplus non visible facilement, et un défaut de conseil, à l’origine de la survenance de l’incendie.
Cependant, comme relevé par le tribunal, les experts judiciaires qui se sont succédé n’ont relevé aucune faute de la part de la société CARRIER, constructeur du groupe froid, ainsi que de la société FRAPPA, susceptible d’engager leur responsabilité.
Le manquement au devoir de conseil imputé à la société CARRIER n’est quant à lui nullement établi.
B – l’appel incident de la société RSA à l’encontre des sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE
La société RSA sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a mis hors de cause les sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE et demande leur condamnation in solidum à l’indemniser des préjudices subis au titre des marchandises en transit/transportées.
Cependant, comme le lui objecte la société CARRIER, la société RSA échoue à démontrer la moindre faute de sa part, se contentant d’émettre des hypothèses sur la cause du départ de l’incendie.
En l’absence de preuve d’une faute commise par la société CARRIER, sa responsabilité ne peut être engagée.
S’agissant enfin des responsabilités des sociétés FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE, intervenues respectivement pour fournir et installer le groupe froid, et pour en assurer la maintenance, elles ne sont pas davantage caractérisées, tant par le rapport d’expertise judiciaire que par les autres pièces versées au débat.
L’appel incident de la société RSA à l’encontre de ces trois sociétés est ainsi rejeté.
***
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a mis hors de cause les sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA et A7 FRIGO ASSISTANCE, sans qu’il soit par ailleurs nécessaire d’examiner le moyen soulevé par la société CARRIER à l’égard des appelantes, au visa de l’article 954 du code de procédure civile, en l’absence de demandes formulées par celles-ci à son égard.
L’examen des appels en garantie formulés à titre subsidiaire par la société CARRIER est par ailleurs sans objet.
8) Sur les indemnisations revendiquées par les sociétés GENERALI, [N] et RSA
Vu l’article L. 121-1 du code des assurances ;
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Reprenant les demandes qu’elles avaient formulées devant l’expert judiciaire puis le tribunal, les appelantes excipent d’un état des pertes total de 3 292 451 euros, décomposé comme suit :
– dommages au bâtiment : 1 297 143 euros
– pertes de marchandises : 375 405 euros
– dommages immatériels (pertes d’exploitation) : 1 619 903 euros.
Comme il l’a été examiné ci-dessus, la société GENERALI justifie avoir indemnisé son assurée à hauteur de 3 122 010 euros au moyen de trois lettres chèques, et d’un recours subrogatoire à hauteur de ce montant, tandis que son assurée [N] invoque un découvert d’assurance de 264 373 euros. La société RSA invoque quant à elle une subrogation à hauteur de 85 093 euros.
A titre subsidiaire, dans le cadre du cumul d’assurances entre elle et ALLIANZ qu’elle revendique, la société AIG demande notamment de condamner AGCS à prendre en charge, à ses côtés, la moitié des réclamations de GENERALI et [N]. La société AIG demande en revanche le débouté de l’intégralité des demandes de la société RSA.
A – les dommages au bâtiment invoqués par la société GENERALI
Le tribunal a condamné la société AIG à payer à la société GENERALI la somme de 502 032 euros au titre de l’indemnité pour dommages au bâtiment et installations techniques.
Sauf circonstances particulières, la réparation intégrale de dommages immobiliers correspond au coût de remise en état ou de reconstruction du bien endommagé ou détruit sans abattement pour vétusté même s’il excède sa valeur vénale.
En l’espèce, l’expert judiciaire a retenu la somme totale de 1 263 211,75 euros hors taxe, comprenant le coût des travaux, les honoraires d’architecte, les honoraires BET, les frais de gardiennage et de déblais/démolition.
En l’absence de circonstance propre à justifier la limitation de l’indemnisation de la société GENERALI, que ne saurait caractériser tant l’amortissement fiscal imputé à la société [N] par AIG, au surplus non démontré, que l’accord des experts des parties sur la valeur de la vétusté (259 147,44 euros), la cour retient la valeur à neuf du bâtiment, outre les frais inhérents à la reconstruction du site, ce qui inclut nécessairement au cas d’espèce son gardiennage ainsi que les honoraires d’architecte et de BET.
En effet, comme le soutient la société GENERALI, il n’y a pas lieu d’appliquer de vétusté dès lors que l’entrepôt était en activité lors de la survenance du sinistre, et que les travaux de reconstruction ont été engagés pour permettre la reprise de l’exploitation de l’entrepôt sur le même site.
Le coût des dommages au bâtiment a été chiffré contradictoirement, dans le cadre des opérations d’expertise, à la somme de 1 263 211 euros hors taxe.
En cause d’appel, la société GENERALI précise que le coût réel s’est avéré légèrement plus élevé que celui envisagé par l’expert, soit 1 297 143 euros, montant non contesté notamment par ALLIANZ.
C’est en conséquence cette somme qui sera retenue dans le calcul final, sans qu’il y ait lieu d’appliquer de réduction du droit à indemnisation.
B – les pertes de marchandises entreposées invoquées par la société GENERALI à hauteur de 289 812 euros et les pertes de marchandises en transit/ transportées, invoquées par la société RSA à hauteur de 85 093 euros
Le tribunal a débouté les sociétés [N], GENERALI et RSA de leurs demandes d’indemnité au titre des pertes de marchandises.
L’expert a évalué ce poste à la somme de 361 362 euros, après avoir déduit du chiffrage présenté par [N] (375 495 euros) la somme de 14 043 euros, contestée par la société CARRIER (rapport de son expert conseil, CPA, du 25 septembre 2017).
Les sociétés GENERALI et RSA maintiennent leurs demandes respectives en exposant qu’il s’agit des marchandises présentes dans les véhicules stationnés sur le parking et stockées dans l’entrepôt, détruites dans l’incendie, dont l’indemnisation leur est due, sauf à faire preuve de mauvaise foi, à tout le moins en retenant le chiffrage proposé par l’expert judiciaire.
La société AIG (outre BOURGEY MONTREUIL et ALLIANZ) conteste ce poste en l’absence de chiffrage contradictoire. Elle demande de confirmer l’expert judiciaire en ce qu’il a limité à 361 362 euros le poste perte de marchandises (sans distinguer GENERALI de RSA), à la demande de la société CARRIER, en l’absence d’accord amiable entre les parties.
Le caractère prétendument non contradictoire à l’égard de la société CARRIER de la réunion d’expertise amiable du 7 juillet 2014, en l’absence de convocation de son expert conseil, est inopérant sur le chiffrage de ce poste de préjudice, à la charge d’AIG, dès lors que la société CARRIER est mise hors de cause.
Au demeurant, aucun moyen quant au prétendu chiffrage non contradictoire de ce poste de préjudice, ne peut être tiré du fait que cette réunion n’a été organisée qu’en présence de [N], du cabinet d’experts TEXA, missionné par GENERALI, assureur dommage, de M. [Z] (membre du cabinet EXPERTISES BATIMENT, MATERIEL et MARCHANDISES), expert désigné par RSA (précisément pour évaluer les pertes de marchandises), et de M. [L], expert missionné par l’assureur RC de GEODIS, dès lors qu’aucun procès-verbal d’accord n’est intervenu à son issue, et que ces opérations d’expertises amiables ont seulement permis la prise des mesures d’urgence qui s’imposaient d’évidence.
Le rapport d’expertise judiciaire ne vise d’ailleurs pas le rapport du cabinet EXPERTISES BATIMENT, MATERIEL et MARCHANDISES, daté du 5 mars 2015, que les appelantes versent au débat en cause d’appel, de sorte qu’il importe peu que ce rapport là ait été établi de façon non contradictoire à l’égard de certaines d’entre elles, rapport qui a au demeurant été depuis soumis à la discussion des parties, ainsi que les pièces qui y sont annexées (notamment les 5 certificats de destruction de marchandises établis par la société Coved les 15 et 16 juillet 2014), et est corroboré par d’autres pièces versées au débat par les appelantes.
Le rapport d’expertise judiciaire, auquel les conseils de toutes les parties ont participé, fait d’ailleurs état du constat d’huissier réalisé les 15 et 16 juillet 2014, au terme duquel l’huissier a constaté à la requête de la société [N], les dégâts causés par l’incendie et la destruction de 166 palettes alimentaires au centre de tri d'[Localité 17] (69).
Ce constat corrobore celui réalisé le 7 juillet 2014, au terme duquel l’huissier constate notamment ‘que sur toute cette partie (sèche de l’entrepôt, correspondant aux portes 14 à 23, soit environ 2000 m² au sol) se trouve sur palettes,, une importante quantité de marchandises (épicerie, boissons etc…) ; ces marchandises, même filmées, sont détériorées et inconsommables en l’état’ et que ‘toujours sur cette partie sèche (…) toutes les palettes qui étaient attenantes (les plus proches des quais de chargement ont été fondues par le feu et sont entièrement calcinées ; il en est de même concernant l’ensemble des installations.
Au niveau de la zone ‘température dirigée’ d’environ 2000 m² (…) où sont préparés les produits frais avant expédition, il n’y a plus ni lumière ni électricité suite à cet incendie. Les lieux sont difficilement visibles de ce fait mais, là encore, (…) tout est totalement calciné y compris les marchandises se trouvant sur les palettes.
Sur toute cette partie je constate, sur palettes, la présence de marchandises entreposées prêtes à être chargées ; mais là encore, le tout est détruit’.
Le rapport d’expertise judiciaire mentionne en outre à plusieurs reprises que l’expert avait proposé l’intervention d’un sapiteur expert-comptable ‘sur le volet financier’ de sa mission, ‘mais qu’il avait été convenu lors de la réunion contradictoire que les experts mandatés par les parties se réuniraient et trouveraient un protocole d’accord qui serait transmis à l’expert’ et que l’expert les a averti qu’à défaut d’accord, il trancherait ‘sur la base des pièces en sa possession’, ce qu’il a fini par faire.
A l’occasion d’un dire récapitulatif du 21 juin 2017 adressé à l’ensemble des parties, [N], a communiqué à l’expert judiciaire un fichier excel pour le chiffrage des marchandises comprenant 13 onglets, chaque onglet correspondant à une catégorie de produit.
Le 30 juin 2017, la société RSA a adressé un dire complémentaire concernant la perte des marchandises subie par elle, visant le chiffrage issu du rapport établi le 5 octobre 2015 par l’expert qu’elle avait mandaté à cette fin (M. [Z]), lequel, dans une note technique en date du 13 avril 2018, a répondu aux observations de la société MERCEDES BENZ sur le chiffrage présenté, note qui a été diffusée à l’ensemble des parties.
Enfin, les divers clichés photographiques consignés dans les procès-verbaux d’huissier, d’experts d’assurance, et dans le rapport d’expertise judiciaire, attestent de la présence de palettes de marchandises dans les locaux de [N], qui avaient vocation à être chargées dans les camions de la société GEODIS.
GENERALI et RSA, qui demeurent en l’état des pièces produites présumées de bonne foi, sont ainsi fondées en leur demande concernant la prise en charge des marchandises détruites, à hauteur respectivement de 289 812 euros et de 85 093 euros.
B- les dommages immatériels invoqués par GENERALI
Le tribunal a condamné AIG à payer à GENERALI la somme de 769 040 euros au titre des dommages immatériels (soit, en faisant application du partage de responsabilité qu’il a retenu, 1 538 080 /2, après avoir déduit du chiffrage retenu par l’expert judiciaire, soit 1 619 903 euros, les honoraires de l’expert mandaté par GENERALI à hauteur de 81 823 euros).
GENERALI demande de valider le montant retenu par l’expert judiciaire, soit 1 619 903 euros, au titre de la perte d’exploitation subie du fait de l’incendie.
La société AIG, notamment, conteste la prise en charge des honoraires de l’expert mandaté par GENERALI dans le cadre de ce poste de préjudice, et s’en rapporte pour le reste au chiffrage de l’expert judiciaire.
Néanmoins, la cour observe qu’il ne ressort nullement de l’expertise judiciaire que l’expert aurait retenu lesdits honoraires dans le chiffrage des dommages immatériels, l’expert judiciaire validant en page 37/38 le chiffrage arrêté à la somme totale de 1 619 903 euros (loyers supplémentaires, postes de surcoût comme l’électricité, le gardiennage, transport, nettoyage etc…).
C’est donc ce chiffrage qui sera retenu.
En revanche, dans son tableau récapitulatif des divers préjudices subis, figurant en page 25 de ses conclusions, au terme duquel GENERALI formule in fine sa demande indemnitaire à hauteur de 3 122 010 euros, GENERALI intègre un poste de préjudice spécifique pour les honoraires d’expert à hauteur de 44 081 euros dans le calcul de l’indemnité perte d’exploitation, outre des honoraires d’expert à hauteur de 37 742 pour le calcul de l’indemnité comprenant les dommages aux biens et marchandises.
Ces dépenses, qui ne relevant pas des dépens, ont pour cause le sinistre incendie dès lors que, s’il n’avait pas eu lieu, elles n’auraient pas été exposées, de sorte que GENERALI est fondée à en être indemnisée.
C – le découvert d’assurance invoqué par [N]
Le tribunal a condamné AIG, en faisant application du partage de responsabilité qu’il avait retenu, à payer à [N] la somme de 42500 euros sur ce poste (en rejetant les demandes de prise en compte du chiffrage de la vétusté retenu par l’expert et de la rétention annuelle d’assurance et de franchises).
Au regard de la police GENERALI produite aux débats, [N] est fondée en sa demande d’indemnisation des postes de vétusté non pris en charge par son assureur, des deux franchises totalisant 85 000 euros (8 500 + 76 500) et de rétention annuelle d’assurance (150 000 euros), soit 264 373 euros.
9) Sur les autres demandes
Il convient de faire droit aux demandes tendant à assortir les condamnations principales prononcées au profit des sociétés GENERALI et [N], telles que formulées dans leurs conclusions, à savoir à compter de ‘la présente instance’, soit celle de la déclaration d’appel (14 décembre 2020), pour GENERALI, et à compter de ‘la date de délivrance de l’assignation’ (21 juin 2018) pour [N].
En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, tel que modifié par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
La capitalisation des intérêts courant sur les condamnations prononcées à titre principal au bénéfice de GENERALI et [N] apparaît justifiée en l’espèce.
Il convient en outre de faire droit à la demande formulée par la société RSA tendant à assortir la condamnation prononcée à son profit au titre du préjudice subi, des intérêts au taux légal courant à compter de ses conclusions d’intervention volontaire en date du 5 septembre 2018.
Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est infirmé sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes, les sociétés BOURGEY MONTREUIL et AIG supporteront in solidum l’intégralité des dépens, de première instance et d’appel, comprenant les frais de l’expertise judiciaire taxés par le tribunal de commerce de Lyon à hauteur de la somme totale de 32 355,22 euros.
Les sociétés BOURGEY MONTREUIL et AIG seront condamnées in solidum à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’une part à la société GENERALI la somme de 15 000 euros et d’autre part à la société RSA la somme de 8 000 euros.
Elles verront, ainsi que la société ALLIANZ, leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile rejetées.
La société AIG garantira la société BOURGEY MONTREUIL de ces condamnations, pour les motifs exposés ci-dessus.
Pour des motifs d’équité, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice des autres parties (CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE et XL INSURANCE), qui seront toutes déboutées de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– dit la société RSA recevable en ses demandes.
– dit que l’incendie survenu le 5 juillet 2014 constitue un accident de la circulation au sens de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dite ‘loi Badinter’
– mis hors de cause de les sociétés CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE ;
– mis hors de cause les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY ;
– condamné la société AIG à relever et garantir la société GEODIS des condamnations prononcées à son encontre ;
L’INFIRME sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
STATUANT À NOUVEAU de ces chefs et Y AJOUTANT :
-Dit que la responsabilité du sinistre litigieux revient intégralement à la SAS BOURGEY MONTREUIL ;
-CONDAMNE in solidum la société SAS BOURGEY MONTREUIL et la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la SA GENERALI IARD la somme de 3 122 010 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2020 .
-CONDAMNE in solidum la société SAS BOURGEY MONTREUIL et la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la SNC [N] la somme de 264 373 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE in solidum la société SAS BOURGEY MONTREUIL et la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la société RSA la somme de 85 093 euros, assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 5 septembre 2018 ;
CONDAMNE in solidum la société SAS BOURGEY MONTREUIL et la société AIG EUROPE LIMITED aux entiers dépens, comprenant les frais de l’expertise judiciaire, taxés à hauteur de la somme totale de 32 355,22 euros ;
CONDAMNE in solidum la société SAS BOURGEY MONTREUIL et la société AIG EUROPE LIMITED à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’une part à la société GENERALI la somme de 15 000 euros et d’autre part à la société RSA la somme de 8 000 euros ;
CONDAMNE la société AIG EUROPE à garantir la SAS BOURGEY MONTREUIL des condamnations prononcées à son encontre ;
DEBOUTE les sociétés SAS BOURGEY MONTREUIL, AIG EUROPE SA, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE and SPECIALTY, CARRIER TRANSICOLD FRANCE, FRAPPA, A7 FRIGO ASSISTANCE et XL INSURANCE COMPAGNY SE venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE