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28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/17810
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 28 JUIN 2023
(n°098/2023, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/17810 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGR2M
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 02 Août 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 3ème section – RG n° 22/04707
Jonction avec le dossier RG 22/17860 par ordonnance du 11 avril 2023
APPELANTS
Monsieur [B] [T]
Né le 19 Octobre 1980 à [Localité 6] (88)
De nationalité française
Réalisateur
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0966
Assisté de Me Benjamin MANKUT de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0966
S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 318 571 064
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ – BLANCHARD – DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265
INTIMES
Monsieur [B] [T]
Né le 19 Octobre 1980 à [Localité 6] (88)
De nationalité française
Réalisateur
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0966
Assisté de Me Benjamin MANKUT de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0966
S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 318 571 064
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ – BLANCHARD – DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Mme Déborah BOHEE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Françoise BARUTEL, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [T] est un réalisateur de films publicitaires et de longs métrages.
La société La Pac est une société de production de films publicitaires.
La société Louis Vuitton Malletier (LVM) est une filiale du groupe de luxe LVMH, spécialisée dans la création d’articles de maroquinerie et d’habillement qu’elle commercialise sous la marque « Louis Vuitton ».
M. [T] expose avoir été contacté à la fin du mois de mai 2021 par la société La Pac aux fins de réaliser un film publicitaire pour le compte de la société Louis Vuitton Malletier, destiné à présenter la collection « hommes – printemps / été 2022 », le film publicitaire et une bande-annonce devant être livrés le 24 juin 2021. Il indique avoir livré le film dans le délai imparti mais avoir découvert, une heure avant sa première diffusion, que M. [A] [D] était crédité comme réalisateur du film intitulé « Amen Break », lui-même étant présenté en 131ème position au générique en qualité de « film supervisor ».
Il expose que le film a été diffusé et mis en ligne le 24 juin 2021, totalisant 150 millions de vues en 4 jours sans que son générique soit modifié en dépit de ses demandes réitérées auprès de la société La Pac.
Par une lettre du 8 juillet 2021, M. [T] a mis en demeure la société Louis Vuitton Malletier de cesser la diffusion du film « Amen Break », de lui en communiquer l’ensemble des documents contractuels et comptables, et de l’informer sur les modalités envisagées de réparation de son préjudice.
Par une ordonnance du 9 juillet 2021, M. [T] a été autorisé à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Pac.
C’est dans ce contexte que, par actes d’huissier délivrés le 9 août 2021, M. [B] [T] a fait assigner à jour fixe, à l’audience du 3 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Paris, les sociétés La Pac et Louis Vuitton Malletier en contrefaçon de droits d’auteur.
Par jugement du 24 mars 2022, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 novembre 2022, le conseil des Prud’hommes de Paris, devant lequel M. [T] sollicitait la requalification de sa relation avec la société LVM en contrat de travail à durée indéterminée, a rejeté ses demandes, sa qualité de réalisateur salarié de laquelle dépendait la présomption de salariat qu’il revendiquait, lui ayant été déniée. Un pourvoi est en cours devant la Cour de cassation.
Par une requête du 29 mars 2022, M. [T] a sollicité et obtenu de la présidente de la 3ème chambre du tribunal judiciaire de Paris l’autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Louis Vuitton Malletier, lesquelles ont été réalisées le 12 avril 2022 et ont amené à la saisie de plus de 6 600 documents.
Par ordonnance de référé mainlevée, rendue le 2 août 2022, la présidente du tribunal judiciaire de Paris:
– rejette la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon autorisée le 29 mars 2022 ;
– ordonne une mesure d’expertise et désigne pour y procéder : M. [Z] [H] Expert près la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation demeurant : [Adresse 2] [Courriel 7] ; avec pour mission de :
– se faire remettre par Me [W], huissier de Justice, une copie de l’ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l’ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,
– réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,
– recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s’avérerait nécessaire à l’exécution de sa mission,
– procéder à l’examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret,
– faire ensuite retour des documents à l’huissier,
– dit qu’il lui sera référé au de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l’avancement ou l’achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d’une pièce, lequel sera tranché par le juge ;
– dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile ;
– fixe à 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la société Louis Vuitton Malletier à la régie du tribunal judiciaire de Paris, au plus tard le 9 septembre 2022, faute de quoi la mesure d’expertise ordonnée sera caduque ;
– dit que l’expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 décembre 2022 ;
– dit irrecevable en l’état la demande de protection de pièces par les règles relatives au secret des affaires et invite la société Louis Vuitton Malletier à procéder comme prévu à l’article R. 153-1 du code de commerce ;
– laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelle que la décision est exécutoire de plein droit par provision.
Les opérations d’expertise ont débuté au cours du mois de septembre 2022.
La société Louis Vuitton Malletier a interjeté appel de cette ordonnance le 14 octobre 2022.
M. [B] [T] a interjeté appel le 17 octobre 2022.
Les deux affaires ont été jointes sous le numéro de RG 22/17810.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 28 avril 2023, la société Louis Vuitton Malletier demande à la cour de :
– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de son appel formé tant à titre principal qu’incident,
– confirmer l’ordonnance entreprise en son principe, en ce qu’elle a ordonné une expertise,
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déterminé ainsi la mission de l’expert :
« Avec pour mission de :
se faire remettre par Me [W], huissier de Justice, une copie de l’ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l’ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,
réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,
recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s’avérerait nécessaire à l’exécution de sa mission,
procéder à l’examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret »
Et statuant à nouveau,
– déterminer ainsi la mission de l’expert :
« – se faire remettre par Me [W], huissier de Justice, une copie de l’ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l’ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,
– réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,
– recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s’avérerait nécessaire à l’exécution de sa mission,
– faire identifier par les avocats de M. [T] les éléments (courriels, chaînes de courriels et pièces jointes) saisis dont il entend se prévaloir et écarter les autres,
– procéder à l’examen des courriels et pièces saisis ainsi identifiés par les avocats de M. [T] en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret, ainsi que les documents sans rapport avec les ‘uvres prétendument contrefaisantes et donc sans lien avec le litige,
– faire ensuite retour des documents à l’huissier ».
– subsidiairement, dans le cas où la cour jugerait qu’il n’appartiendrait pas à M. [T] d’identifier les éléments saisis dont il entend se prévaloir, déterminer ainsi la mission de l’Expert:
– « se faire remettre par Me [W], huissier de Justice, une copie de l’ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l’ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,
– réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,
– recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s’avérerait nécessaire à l’exécution de sa mission,
– procéder à l’examen des courriels et pièces saisis en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret, ainsi que les documents sans rapport avec les ‘uvres prétendument contrefaisantes et donc sans lien avec le litige,
– faire ensuite retour des documents à l’huissier ».
Et réparant l’omission de statuer,
– juger que le président du tribunal judiciaire de Paris a, aux termes de l’ordonnance du 2 août 2022, omis de statuer sur la demande formée par la société Louis Vuitton Malletier tendant à voir « ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022 » ;
En conséquence,
– ordonner la mise sous séquestre provisoire des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022 et la destruction des courriels écartés à la suite de l’expertise ;
En tout état de cause,
– condamner M. [T] à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 2 et signifiées le 25 avril 2023, M. [B] [T] demande à la cour :
A titre principal :
– de réformer l’ordonnance du 2 août 2022 en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise ;
– de juger que les frais exposés pour la rémunération de l’expert demeureront à la charge de Louis Vuitton Malletier ;
– de juger que les demandes de Louis Vuitton Malletier tendant à modifier la mission de l’expert et à voir ordonner une mesure de séquestre sont sans objet ;
A titre subsidiaire :
– de juger irrecevable la demande de Louis Vuitton Malletier tendant à ce les avocats de M. [T] identifient les éléments saisis dont il entend se prévaloir et à ce que les autres soient écartés ;
– de juger irrecevable la demande de Louis Vuitton Malletier tendant à ce que la mission de l’expert soit étendue aux prétendus documents ne contenant aucune information pertinente sur la contrefaçon alléguée ;
– de débouter Louis Vuitton Malletier de sa demande tendant à ce qu’une mesure de séquestre soit ordonnée sur les pièces saisies par M. [T] ;
A titre infiniment subsidiaire :
– de débouter Louis Vuitton Malletier de sa demande tendant à ce que les avocats de M. [T] identifient les éléments saisis dont il entend se prévaloir et à ce que les autres soient écartés ;
– de débouter Louis Vuitton Malletier de sa demande tendant à ce que la mission de l’expert soit étendue aux prétendus documents ne contenant aucune information pertinente sur la contrefaçon alléguée ;
En tout état de cause :
– de donner acte à M. [T] du fait qu’il ne s’oppose pas à la mainlevée partielle de la saisie ou à toute mesure qu’il plaira à la cour d’ordonner :
– sur tout e-mail impliquant directement un avocat, pour autant que de tels e-mails aient été appréhendés ;
– sur les e-mails contenus dans les boucles n°10098, 13206, 10222, 10223, 13210, 10221, 10216, 10220, 13212, 10831, 11909, 1883, 13228 et 14556 qui contiendraient, en pièce jointe, un projet d’écritures judiciaires rédigé par un avocat, pour autant que de tels e-mails aient été appréhendés.
– de réformer l’ordonnance du 2 août 2022 en ce qu’elle a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
– de réformer l’ordonnance du 2 août 2022 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de confirmer l’ordonnance du 2 août 2022 pour le surplus ;
– de condamner Louis Vuitton Malletier à payer 21 500 euros à M. [T] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner Louis Vuitton Malletier aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean AITTOUARES, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.
A l’audience de plaidoirie du 10 mai 2023, la Présidente a fait acter selon note d’audience que ‘le conseil de M. [T] indique au cours de sa plaidoirie qu’il ne s’oppose pas à ce que les documents saisis qui seraient sans rapport avec le litige soient écartés pour autant que la société Louis Vuitton Malletier les identifie’.
MOTIFS DE LA DECISION :
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef de l’ordonnance non contesté en appel
La cour constate que l’ordonnance n’est pas critiquée en ce qu’elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon.
Sur le principe de la mesure d’expertise
M. [T] soutient qu’il n’a appréhendé aucun échange direct entre avocat et client ; qu’il consent à écarter tous les emails qui contiendraient, en pièce jointe, des documents rédigés par des avocats ; que la société Louis Vuitton n’identifie pas un seul email faisant référence à l’intervention d’un avocat ; que l’ordonnance procède d’un renversement de la charge de la preuve et confie une mission d’ordre juridique et non technique à l’expert ; que la mesure d’expertise a été prononcée sans que la société LVM ait fait état d’une seule pièce saisie couverte par le secret des correspondances ; que cette mesure invite l’expert à identifier lui-même les documents prétendument couverts par le secret des correspondances en violation des articles 12 et 238 du code de procédure civile ; que ce sont uniquement les échanges directs entre client et avocat qui sont, par principe, couverts par le secret des correspondances ; que par exception, peuvent être couverts les échanges à condition qu’ils reprennent et divulguent la stratégie de défense de l’avocat ; qu’il appartient à la partie qui se prévaut d’une violation de saisir le juge d’allégations motivées en lien avec des documents précisément identifiés ; qu’il appartient au juge de procéder à un contrôle concret de proportionnalité sur ces documents précisément identifiés ; que l’analyse des pièces doit s’effectuer in concreto ; que LVM doit identifier les e-mails saisis qui seraient d’après elle couverts par le secret professionnel et expliquer pourquoi, au regard de leur contenu, ils le seraient ; qu’en l’espèce, M. [T] n’a jamais eu entre les mains un seul courriel impliquant un avocat ; que l’huissier a écarté tous les échanges impliquant des avocats à sa demande ; qu’aucun échange direct entre M. [U], en charge de la production des campagnes de communication de Louis Vuitton et les avocats de LVM n’a été saisi ; qu’il consent depuis l’origine à une mainlevée partielle sur tous les emails impliquant des avocats pour autant qu’ils aient été appréhendés ; que les échanges internes à LVM qui ne contiennent pas de document rédigé par des avocats en pièce jointes, dont strictement aucun ne fait mention de l’intervention d’un avocat, ne sont pas couverts par le secret ; que les mails invoqués par LVM ne reprennent pas la stratégie de défense mise en place par un avocat ou ne contiennent aucune trace de l’intervention d’un avocat ; qu’ainsi une mesure d’expertise globale, coûteuse, chronophage, qui s’est avérée infructueuse et qui porte sur l’intégralité des emails saisis, a été ordonnée, alors que Louis Vuitton est incapable d’identifier un seul email couvert par le secret des correspondances; qu’une telle mesure procède d’un renversement de la charge de la preuve manifeste ; qu’une telle expertise emporte délégation illicite d’une mission juridique et du pouvoir juridictionnel à l’expert; que la mission d’identification qui lui est confiée implique notamment de s’interroger sur la notion même de secret des correspondances entre avocat et client, sur les conditions auxquelles des courriels de juristes peuvent être couverts par le secret des correspondances et d’apprécier parmi les documents litigieux lesquels seraient couverts par le secret des correspondances, afin de les identifier. Il demande donc de réformer l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné une expertise.
La société LVM demande à la cour de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné une expertise. Elle soutient que parmi les 6 689 mails saisis, deux catégories peuvent être distinguées entre des mails sans aucun rapport avec le litige et des mails confidentiels couverts par le secret de la défense ; que la saisie-contrefaçon ne peut porter que sur des documents se rapportant à la prétendue contrefaçon ; qu’en raison de la généralité des mots-clés employés et de l’absence de limite temporelle, un grand nombre de mails saisis n’a rien à voir avec le litige et concerne divers projets de LVM ; que ces mails n’auraient jamais dû être saisis, et qu’ils pourraient être de surcroît protégés en tant que secrets d’affaires ; que les mots clefs étaient à ce point vagues qu’ils permettaient de saisir tout mail se rapportant non pas au film en question, mais à toute l’activité printemps-été 2022 de LVM alors que le film en cause ne visait qu’à présenter la collection prêt-à-porter homme; que même si M. [T] n’avait pu faire autrement que d’utiliser ces mots-clefs, il lui appartenait, au moment de la saisie, de vérifier, via l’huissier commis, que les mails saisis concernaient bien le litige, ou, éventuellement, après la saisie, de restituer spontanément ceux sans rapport avec la contrefaçon alléguée ; que la protection du secret professionnel attaché aux correspondances entre un avocat et son client est le corollaire du droit qu’a ce dernier de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; que le secret professionnel s’étend nécessairement aux données reprenant une stratégie de défense mise en place entre un avocat et son client ; qu’il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu’il créé avec l’exercice des droits de la défense, sur le fait qu’un document émane directement de l’avocat ou lui est adressé ; qu’ont été saisis des mails impliquant directement les avocats de LVM ou retransmettant des projets d’actes rédigés par eux ; qu’ont été saisis de nombreux mails par lesquels les juristes de LVM transmettaient à M. [U] des projets de conclusions, en vue de recueillir ses observations, ce qui démontre que M. [U] était largement impliqué dans la mise en place de la défense organisée entre LVM, ses juristes et ses avocats ; qu’ont également été saisies des boucles entières de mails, peut-être encore plus confidentielles que les autres, dans lesquelles étaient discutés tant les risques encourus par LVM que la teneur d’éventuelles propositions transactionnelles à transmettre par les avocats de LVM ; qu’une expertise s’imposait pour identifier les mails sans rapport avec le litige ou couverts par le secret de la défense ; que ce qui compte est ce qui a été saisi, qui se trouve entre les mains de l’huissier, qui pourrait être transmis à M. [T] à tout moment, faute de séquestre ; que le fait que l’huissier n’aurait pas remis un certain nombre de mails à M. [T] est donc parfaitement indifférent ; qu’une ordonnance de tri, telle que celle ordonnée en l’espèce, n’emporte en aucun cas une quelconque délégation par le juge de son pouvoir juridictionnel ; que les éléments saisis sont décorrélés des raisons pour lesquelles la saisie a été sollicitée et hors de toute proportion par rapport au but recherché ; que l’argument de l’exigence d’une analyse in concreto de chaque mail saisi n’est qu’un écran de fumée, puisqu’à chaque fois que LVM a procédé à cet exercice, M. [T] a campé sur ses positions, refusant d’écarter le moindre mail.
Sur ce,
Il résulte de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 qu’ “En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ” officielle “, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.”
Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l’inventaire, la régularité des opérations et d’ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu’il estime appréhendés en violation des droits de la défense. Pour ce faire, le juge doit être saisi d’allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu’ils relevaient de la confidentialité qui s’attache à la relation entre un avocat et son client.
Le premier juge a rappelé à juste titre par des motifs que la cour approuve que le principe de la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et que son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif , la personne qui subit une saisie devant pouvoir compter sur le fait que ne pourront pas être saisis les documents qui s’inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu’il créé avec l’exercice des droits de la défense, sur le fait qu’un document émane directement de l’avocat ou lui est adressé.
Le premier juge a également justement relevé que dans une grande entreprise, la stratégie de défense a vocation à être discutée par les cadres de la direction et du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s’étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l’entreprise qui, à la suite d’un entretien ou d’une correspondance avec l’avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc pas faire l’objet d’une saisie.
C’est enfin par de juste motifs approuvés par la cour que le premier juge, après avoir relevé que la mesure de saisie-contrefaçon a amené la saisie d’un nombre très élevé de documents (plus de 6500) dont la société Louis Vuitton Malletier démontre que parmi eux figurent des courriels destinés à Me [C] [I] son avocat (ex : courriel du 28 octobre 2021 de Mme [R] [P] à Me [C] [I] avec en objet ‘Men SS22 filming’ ; courriel du 28 décembre 2021 de Mme [L] [M] à Mme [N] [X] et Me [C] [I] avec en objet ‘Point juridique’) ou des courriels internes relatifs à sa stratégie de défense (ex : courriel du 29 octobre 2021 de Mme [R] [P] à M. [V] [U] et Mme [J] [F] avec en objet ‘Urgent MIPO’ contenant les conclusions de Me [I] ; courriel du 23 décembre 2021 de M. [E] [G] à M. [V] [U] et Mme [J] [F] avec en objet ‘[B] [T] : Point juridique’), a fait droit à la demande de désigner un expert aux fins d’extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels des juristes internes qui divulgueraient un tel secret.
La cour ajoute que si l’alinéa 3 de l’article 238 du code de procédure civile dispose que le technicien ‘ne doit jamais porter d’appréciation d’ordre juridique’, l’alinéa 1er de ce même article énonce que ‘le technicien doit donner son avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis’, de sorte qu’il lui appartient d’éclairer le juge sur ces points, ce qui est l’objet même d’une expertise de tri ordonnée à la suite d’opérations de saisie-contrefaçon en cas de difficulté sur le caractère confidentiel des éléments saisis.
La cour relève en outre que l’ordonnance querellée n’emporte pas une délégation par le juge de son pouvoir juridictionnel, la mission confiée à l’expert consistant à ‘ procéder à l’examen des documents saisis en présence des seuls conseils des parties, et à identifier les documents portant atteinte au secret de la défense’, le juge se réservant de trancher en cas de désaccord sur la confidentialité d’une pièce, l’ordonnance précisant ‘dit qu’il nous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l’avancement ou l’achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d’une pièce, lequel sera tranché par le juge’, ce qui signifie en pratique, que soit les participants au cercle de confidentialité s’entendent sur le caractère confidentiel ou non d’une pièce, auquel cas le juge n’a pas à trancher, soit les participants au cercle de confidentialité ne s’entendent pas sur le caractère confidentiel ou non d’une pièce, auquel cas l’expert doit donner son avis sur cette question qui sera tranchée par le juge.
La demande de M. [T] de réformer l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné une expertise sera donc rejetée.
Sur la demande de modification de la mission de l’expert
Sur la recevabilité
M. [T] soutient que la demande d’extension de la mission aux prétendus emails sans lien avec l’expertise est une prétention nouvelle, la demande initiale étant fondée sur le secret des affaires alors que cette nouvelle demande est tirée d’une interprétation a contrario de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, de sorte qu’elle est irrecevable.
M. [T] soutient aussi que la demande d’identification par son avocat des éléments dont il entend se prévaloir, qui n’a pas été formé en première instance, constitue une prétention nouvelle irrecevable ; qu’elle ne tend pas aux mêmes fins que celle formée en première instance; qu’en première instance, la société LVM demandait à ce que les prétendus e-mails « ne contenant aucune information pertinente sur ladite contrefaçon » soient identifiés par l’expert alors qu’en appel elle demande à la cour de « faire identifier par l’avocat de M. [T] les éléments (courriels, chaînes de courriels et pièces jointes) saisis dont il entend se prévaloir et écarter les autres » ; qu’elle ne concerne donc pas les même courriels.
La société LVM fait valoir qu’elle se plaignait en première instance de la saisie de documents ‘sans aucun lien avec l’affaire en cause’ ; qu’elle n’a jamais invoqué la notion de secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du code de commerce non plus que la procédure prévue aux articles R. 153-1 et suivants du même code ; que l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle permet d’écarter tous les mails sans lien avec le litige, sans qu’il y ait lieu de justifier que de tels mails seraient en plus couverts par le secret d’affaires ; que la demande d’élargissement de la mission de l’expert aux courriels sans lien avec le litige comme celle visant à ce que l’avocat de M. [T] identifie les courriels dont il entend se prévaloir ne sont pas nouvelles en ce qu’elles poursuivent le même but et sont le complément nécessaire de celles formées en première instance à savoir que les documents ne contenant aucune information pertinente sur la contrefaçon alléguée et que les courriels sans rapport avec ladite contrefaçon soient écartés.
Sur ce,
L’article 565 du code de procédure civile dispose que ‘les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’, et l’article 566 du même code énonce que ‘ les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’.
En l’espèce, les demandes de la société LVM consistant à faire identifier, par les avocats de M. [T], les éléments saisis dont il entend se prévaloir, et par l’expert, pour les écarter, les documents sans rapport avec les oeuvres prétendument contrefaisantes et donc sans lien avec le litige, poursuivent le même but et sont l’accessoire de celles formées en première instance à savoir que soient écartés les documents ne contenant aucune information pertinente sur la contrefaçon alléguée. L’irrecevabilité opposée par M. [T] de ce chef sera donc rejetée.
Sur la demande de modification de la mission de l’expert
La société LVM demande à la cour de modifier la mission de l’expert afin que celui-ci puisse écarter les éléments (courriels, boucles de courriels et pièces jointes) sans rapport avec les ‘uvres prétendument contrefaisantes et donc sans lien avec le litige. Elle fait valoir qu’un grand nombre de mails saisis n’auraient pas dû l’être ; que le juge des référés n’a pas intégré dans la mission de l’expert l’identification, pour qu’ils soient éventuellement écartés par le juge, des mails sans rapport avec le litige ; que le fait de vérifier si un document se rapporte ou non à un prétendu fait de contrefaçon n’implique nullement une analyse juridique ; que lorsque la société LVM identifie ces mails sans rapport avec le litige, M. [T] ne le conteste pas mais refuse d’en tirer la moindre conséquence ; qu’il est impératif que l’expert donne son avis sur ces mails.
Elle fait également valoir qu’il serait cohérent comme modalité pratique de l’expertise qu’il entre dans la mission de l’expert de faire identifier par M. [T], demandeur à l’action en contrefaçon et requérant à la saisie, les courriels saisis dont il entend se prévaloir ;que conformément à l’article 9 du code de procédure civile la charge de la preuve pèse sur le demandeur ; qu’une mesure telle qu’une saisie-contrefaçon doit être proportionnée au but légitime recherché ; que cela ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve le saisissant ne pouvant saisir que les documents se rapportant aux ‘oeuvres prétendument contrefaisantes’ ; que M. [T] s’est toujours refusé à identifier les mails qui lui seraient utiles et à écarter ceux sans rapport avec le litige ; que c’est au saisissant de démontrer qu’il était en droit de saisir tel ou tel mail, et non l’inverse.
M. [T] soutient que cette demande procède d’un renversement manifeste de la charge de la preuve alors que la société LVM est capable d’identifier les courriels qui lui paraissent sans rapport avec le litige ; qu’elle viole l’article 146 du code de procédure civile en ce qu’elle tend à suppléer la carence de LVM, qu’elle aboutirait à confier à l’expert une mission juridique et à lui déléguer un pouvoir juridictionnel et qu’elle éluderait le fait que la saisie a été strictement encadrée par l’ordonnance.
Sur ce,
En application de l’article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, tout auteur d’une ‘uvre protégée, ses ayants droit ou ses ayants cause, sont en droit de faire procéder par tous huissiers, sur ordonnance rendue sur requête, à la saisie ‘des ‘uvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant’.
En l’espèce, il résulte de la requête aux fins de saisie-contrefaçon de M. [T] en date du 29 mars 2022 qu’il sollicitait la dite saisie aux fins suivantes :
– trouver ‘les documents concernant la cession de droits des autres auteurs (contrats, notes d’auteurs, etc.)’ pour permettre au requérant de ‘vérifier que Louis Vuitton s’est bien chargé des contrats et paiements’de savoir combien les auteurs ont été payés et par conséquent le gain manqué’ (point 56) ;
– déterminer ‘les circonstances ayant entouré la violation de son droit moral et, particulièrement: qui a décidé de son éviction au générique en tant que réalisateur, et les circonstances ayant entouré cette décision’ ; (point 57) ;
– ‘savoir combien de fois le film a été vu entre sa mise en ligne le 24 juin 2021 et le 12 octobre suivant, date à laquelle il aurait prétendument été mis un terme à sa diffusion’, cette information étant ‘ primordiale afin que le requérant puisse évaluer l’ampleur des diffusions contrefaisantes, et partant estimer son préjudice notamment moral’ (point 58) ;
– disposer ‘des éléments relatifs à la conception, la production, l’exploitation et la promotion du film litigieux et plus particulièrement des échanges d’e-mails, des échanges de messages, et des documents contractuels et comptables’ (point 60).
Il résulte en outre du rapport d’expertise que 261 mails parmi les 731 identifiés par l’expert concernent des projets étrangers au film Amen Break et à M. [T]. La société LVM fait en outre valoir que parmi les 5 958 mails restants ne faisant pas partie de l’expertise, un certain nombre sont sans aucun lien avec le film litigieux.
La société LVM demande à ce que les avocats de M. [T] identifient les éléments dont ils entendent se prévaloir afin que les autres soient écartés, et demande en outre que parmi les éléments ainsi identifiés et examinés par l’expert, celui-ci écarte les documents sans rapport avec les oeuvres prétendument contrefaisantes et donc sans lien avec le litige.
La cour constate que le conseil de M. [T] ne s’oppose pas à ce que les documents qui sont sans rapport avec le litige soient écartés.
En application de l’article L. 332-1 susvisé et de l’ordonnance rendue sur la requête aux fins de saisie contrefaçon, les documents, quels qu’ils soient, sans rapport avec la contrefaçon alléguée relativement au film litigieux doivent être écartés, ceci n’étant pas contesté par M. [T], de sorte que, sans qu’il soit besoin d’étendre la mission de l’expert sur ce point, il appartient à la société LVM, qui demande à ce que de tels documents soient écartés et prétend que M. [T] s’y est toujours refusé, d’identifier lesdits documents saisis qui ne sont pas relatifs au film litigieux afin qu’ils soient écartés et lui soient restitués. Ses demandes aux fins de modification de la mission de l’expert seront donc rejetées.
Sur l’omission de statuer concernant la mise sous séquestre provisoire des courriels saisis
La société LVM soutient que le juge des référés a omis de statuer sur sa prétention tendant à voir ordonner la mise sous séquestre provisoire des courriels saisis chez elle lors des opérations de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur caractère saisissable ou non ; que ces mails auraient dû être placés sous séquestre dans la mesure où ils sont sans rapport avec le litige pour certains et couverts par le secret professionnel pour d’autres, soit du fait qu’ils ont été directement échangés entre Louis Vuitton et ses avocats, soit du fait qu’ils s’inscrivent dans la stratégie de défense mise en place entre Louis Vuitton, ses juristes internes et ses avocats; qu’en raison de l’effet dévolutif il appartient à la cour de statuer sur la demande en réparation d’une omission de statuer ; qu’il a été demandé à plusieurs reprises à l’huissier de justice lors des opérations que les mails soient séquestrés ; que ni l’huissier ni M. [T] n’ont fait droit à cette demande ; qu’en l’absence de séquestre M. [T] est toujours en possession, en plus des mails sans lien avec le litige, de mails par lesquels les juristes de la société LVM retransmettaient à M. [U] des projets de conclusions des avocats ; qu’il s’agit notamment des mails n° 10098, 13206, 10222, 10223, 13210, 10221, 10216, 10220, 13212, 10831, 11909, 1883, 13228, 14556 ; que ces mails étant soumis à l’expertise, le juge des référés aurait dû prononcer leur mise sous séquestre. Elle demande d’ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon et ce jusqu’à l’issue des opérations de tri.
M. [T] soutient que la mesure de séquestre sollicitée par LVM se trouve dénuée de fondement juridique ; que l’ordonnance ne prévoyait aucune mesure de séquestre ; que la société LVM n’a pas agi en rétractation de cette ordonnance ; qu’elle ne cite aucun texte au soutien de sa demande de séquestre ; que le nombre de courriels saisis ne constitue pas un motif de mise sous séquestre ; que l’huissier instrumentaire et M. [T] ont agi conformément à l’ordonnance; que M. [T] consent à écarter tous les courriels sans lien avec le litige et contenant des écritures judiciaires ; que la société LVM n’a pas identifié un seul courriel identifiant la stratégie de défense de ses avocats.
Sur ce,
Lorsque la cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés, il lui appartient de statuer sur la demande en réparation d’une omission de statuer qui lui est faite en raison de l’effet dévolutif.
En l’espèce, il résulte du dispositif des conclusions de la société LVM en première instance, tel que repris dans l’ordonnance dont appel, que la société LVM, qui sollicitait à titre principal la mainlevée de la saisie-contrefaçon, demandait à titre subsidiaire d’ ‘ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez LVM lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022″.
Le juge des référés, qui a rejeté la demande principale de mainlevée de la saisie-contrefaçon, a statué sur la demande de protection des données couvertes par le secret des affaires, et l’a déclarée irrecevable, de sorte que la société LVM échoue à démontrer que le premier juge a omis de statuer du chef de la demande de mise sous séquestre des courriels saisis aux fins de protéger les données y afférents.
Au surplus, la cour constate que le conseil de M. [T] ne s’oppose pas à ce que les documents qui seraient sans rapport avec le litige soient écartés, tout comme les e-mail impliquant directement un avocat ainsi que tous les e-mails contenus dans les boucles n°10098, 13206, 10222, 10223, 13210, 10221, 10216, 10220, 13212, 10831, 11909, 1883, 13228 et 14556 qui contiendraient, en pièce jointe, un projet d’écritures judiciaires rédigé par un avocat, de sorte que ces documents doivent être restitués à la société LVM.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Louis Vuitton Malletier aux fins de modification de la mission de l’expert ;
Rejette la demande de réparation de l’omission de statuer ;
Constate que le conseil de M. [T] ne s’oppose pas à ce que les documents identifiés par la société Louis Vuitton Malletier comme sans rapport avec le litige soient écartés, et en conséquence restitués à la société Louis Vuitton Malletier ;
Constate que le conseil de M. [T] ne s’oppose pas à ce que soient écartés tout e-mail impliquant directement un avocat ainsi que tous les e-mails contenus dans les boucles n°10098, 13206, 10222, 10223, 13210, 10221, 10216, 10220, 13212, 10831, 11909, 1883, 13228 et 14556 qui contiendraient, en pièce jointe, un projet d’écritures judiciaires rédigé par un avocat, et qu’ils soient en conséquence restitués à la société Louis Vuitton Malletier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, dit n’y avoir lieu à application de cette disposition.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE