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25 mai 2023
Cour d’appel de Limoges
RG n°
22/00256
ARRET N° .
N° RG 22/00256 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKFA
AFFAIRE :
M. [L] [C], M. [D] [T], S.A.S. SANILEA agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège, S.A.S.U. CQC CONSEILS, Société EXTENS E HEALTH FUND IISLP
C/
M. [D] [T], M. [L] [C], Société EXTENS. E-HEALTH FUND II S.L.P représentée par Son gérant-associé commandité, la société EXTENS GENERAL PARTNER, société par actions simplifiée au capital de 1,000 euros., dont le siège social est situé [Adresse 5] et dont le numéro unique d’identification est le 840 654 941 RCS Paris, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,, S.A.S. SANILEA, S.A.S.U. CQC CONSEILS
PLP/MS
Demande tendant à contester l’agrément ou le refus d’agrément de cessionnaires de parts sociales ou d’actions
Grosse délivrée à Me Mathieu BOYER, Me Laetitia DAURIAC, avocats, le 25 mai 2023.
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 25 MAI 2023
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Le VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
Monsieur [L] [C]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me David VATEL, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [D] [T], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me David VATEL, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. SANILEA agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Mathieu BOYER de la SELARL DUDOGNON BOYER, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Daphné BES DE BERC, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U. CQC CONSEILS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me David VATEL, avocat au barreau de PARIS
Société EXTENS E HEALTH FUND IISLP, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Mathieu BOYER de la SELARL DUDOGNON BOYER, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Daphné BES DE BERC, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS ET INTIMES SUITE A JONCTION AVEC LE RG 22/244, d’une décision rendue le 16 MARS 2022 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 20 Mars 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 01 mars 2023.
La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 11 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
La mise à disposition de la décision a été prorogée au 25 mai 2023, et les avocats des parties en ont été régulièrement informés.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La société SANILEA a pour activité principale le développement de logiciels destinés aux acteurs de la santé et du transport sanitaire, dont l’objet est de faciliter la gestion des sorties hospitalières et le transport des patients. Elle a été fondée en octobre 2013 par MM. [C] et [T] qui en ont été nommés respectivement président et directeur général.
Dans le courant de l’année 2019, la société SANILEA est entrée en lien avec la société EXTENS, une société d’investissement spécialisée dans le domaine de la santé, et avec la NACO (Nouvelle-Aquitaine Co-Investissement), fonds régional de co-investissement créé par la région Nouvelle-Aquitaine avec pour mission de contribuer au déploiement et à la structuration d’une offre de financement à destination des entreprises de la région.
Les 31 octobre 2019 et 11 décembre 2019, la société EXTENS a investi 3 978 240 € dans la société SANILEA via la souscription à une augmentation de capital, le rachat de parts de certains actionnaires et investisseurs financiers, et la souscription à des emprunts obligataires. A la même date, la NACO a investi 348 096 euros, via la souscription à une augmentation de capital et à des emprunts obligataires.
Un pacte d’associé a été conclu le 31 octobre 2019. MM. [C] et [T] ont été maintenus dans leurs fonctions respectives mais un comité stratégique a été institué, composé de 5 membres dont 2 nommés par les dirigeants, 2 nommés par la société EXTENS et le dernier, conjointement.
En avril 2021, la société EXTENS a réinvesti 1 520 512 d’euros, portant son investissement total à près de 5,5 millions d’euros. Parallèlement, le fonds NACO a porté son investissement total à 481 152 euros.
A cette occasion, M. [T] a cédé à la société EXTENS 3 320 des 3 920 actions qu’il détenait pour un prix de 224 euros par action, soit un prix global de 743 680 euros. M. [C] a quant à lui cédé, aux mêmes conditions, 418 et 222 des 4 080 actions qu’il détenait, respectivement à la société EXTENS pour un prix de 93 632 euros et à la société MARCHET DE MEURIVAL, investisseur tiers, pour un prix de 49 728 euros.
Par la suite, la société EXTENS a demandé à prendre une part plus active à la gestion opérationnelle de la société SANILEA. Suite à cette opération, M. [T] a démissionné de ses fonctions de directeur général. M. [C] a démissionné de ses fonctions de président. Parallèlement, la société CQC CONSEILS, représentée par M. [C], a été nommée à la présidence du Comité stratégique, avec pour mission d’organiser et diriger les travaux de ce comité et prendre en charge les missions de veille marché, vision stratégique, business développement et partenariats.
Un contrat de prestation de services était également conclu entre la société SANILEA et la société CQC CONSEILS, afin de confier à cette dernière ‘une mission de conseil et d’assistance au président du comité stratégique’.
Un nouveau pacte d’associés était conclu le 30 avril 2021, annulant le précédent, afin notamment d’entériner le changement de direction et la nomination de CQC CONSEILS en qualité de président du comité stratégique. Ledit pacte était assorti d’une clause de non-concurrence. Les parts des fondateurs, MM. [C] et [T] étaient ramenées à 14,40 % du capital social.
Par la suite, des tensions sont apparues et, par courrier du 6 juillet 2021, la société CQC CONSEILS a notifié à la société SALINEA sa démission du poste de président du comité stratégique et son souhait de résilier le contrat de prestations de services du 30 avril 2021.
Le comité stratégique s’est réuni le 19 puis le 30 juillet 2021 et a refusé la démission de CQC CONSEILS.
Par mail du même jour, M. [F], en sa qualité de président de la société SANILEA, a confirmé à M. [C] que sa demande de démission était refusée.
En l’absence d’accord et par un courrier recommandé du 3 septembre 2021, M. [C] a mis en demeure la société SANILEA de procéder à l’acquisition de ses actions aux conditions prévues à l’article 3.9 du pacte et de se prononcer sur la levée ou non de sa clause de non-concurrence.
Postérieurement, par un courrier du 4 octobre 2021, la société SANILEA a adressé à MM. [C] et [T] une notification de faute, au sens du pacte d’associé du 30 avril 2021, ainsi qu’une notification d’exercice de la promesse de vente des titres de SANILEA pour un prix de 10 € au lieu de 224 € l’action, soit 34 400 euros pour les actions détenues par M. [C] et 6 000 euros pour les 600 actions détenues par M. [T].
Saisi par une requête émanant de M. [C] et de la société CQC CONSEILS, par ordonnance du 22 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Limoges les a autorisés à faire assigner les sociétés EXTENS et SANILEA à bref délai pour l’audience du 24 novembre 2021, conformément à l’article 878 du code de procédure civile.
Le 28 octobre 2021, les conseils de la société SANILEA ont adressé les documents en lien avec le transfert de propriété à MM. [C] et [T] pour signature et, le 29 octobre suivant, la société SANILEA a versé les sommes susmentionnées sur le compte CARPA de son propre conseil.
Le 4 novembre 2021, une convention de séquestre du prix de vente des titres a été conclu par la société SANILEA et son conseil, dans l’attente de l’accord de MM. [C] et [T].
Par exploits d’huissiers séparés des 29 octobre et 2 novembre 2021, M. [C] et la société CQC CONSEILS ont fait assigner les société EXTENS et SANILEA devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins, notamment, d’obtenir la condamnation de la première à l’acquisition des actions de SANILEA détenues par M. [C] au prix de 224 €, la condamnation de la société SANILEA au réglement de l’indemnité correspondant à la clause de non-concurrence à l’égard de M. [C] ainsi qu’à régler à la société CQC CONSEILS la somme correspondant au préavis de 6 mois prévu en cas de résiliation du contrat de prestation de services du 30 avril 2021.
M. [T] est intervenu volontairement à l’instance et a sollicité du tribunal de commerce la condamnation solidaire des sociétés EXTEN et SANILEA à contrepasser les écritures de transfert de ses 600 titres SALINEA et de le restaurer dans sa qualité d’actionnaire de cette dernièreà cette hauteur et sous astreinte.
Parallèlement, par exploit du 25 février 2022 les sociétés SANILEA, EXTENS et NACO ont fait assigner MM. [C] et [T], ainsi que les société SFT CONSEIL ET IMPACT leur appartenant devant le tribunal de commerce de Limoges afin d’obtenir réparation des préjudices qu’elles estimaient avoir subi. L’affaire a été fixée pour être plaidée le 13 mars 2023.
Par un jugement du 16 mars 2022, le tribunal de commerce de Limoges a :
– débouté M. [C] de sa demande d’acquisition par la scoiété EXTENS des 2840 actions de SANILEA détenues par lui au prix de 224 € chacune ;
– condamné la société SANILEA à régler à la société CQC CONSEILS la somme de 81 000 € HT correspondant au préavis de 6 mois prévu en cas de résiliation du contrat de prestation de services du 30 avril 2021 ;
– condamné la société SANILEA à verser à M. [C] l’indemnité correspondant à la clause de non-concurrence convenue, soit 30 % de la rémunération perçue directement par M. [C] et la société CQC CONSEILS au cours des douze derniers mois ayant précédé sa date de cessation des fonctions, soit 3 010 € par mois pendant 24 mois à compter du 6 septembre 2021 ;
Prenant acte de l’intervention volontaire de M. [T],
– l’a déclaré recevable en la forme en son intervention par application de l’article 68 du code de procédure civile ;
– l’y a déclaré recevable par application de l’article 329 alinéa 1er du code de procédure civile, comme ayant intérêt et qualité pour agir ;
– déclaré, par la suite, M. [T] recevable en son intervention volontaire principale, par application de l’article 325 du code de procédure civile ;
– constaté que M. [T] a commis une faute grave ou faute lourde dans l’exercice de son mandat social au sein de SANILEA entraînant pour la société un préjudice financier direct au moins égal à 50 000 € et dont le fait générateur est intervenu entre le 1er novembre 2019 et le 30 avril 2021 ;
En conséquence, a :
– débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– dit que chacune des parties conserve la charge de ses dépens à l’exception du coût du présent jugement devant être supporté par les parties demanderesses.
M. [C], M. [T] et les sociétés SANILEA, CQC CONSEILS et EXTENS ont fait appel de la décision le 4 avril 2022.
Postérieurement, et dans l’attente de l’arrêt à intervenir, MM. [C] et [T], ainsi que la société CQC CONSEILS ont saisi le premier président de la cour d’appel de Limoges le 28 avril 2022 d’une demande de séquestre des titres de SANILEA.
Parallèlement, le 29 avril 2022, la société SANILEA a sollicité du premier président de la cour d’appel de Limoges l’arrêt de l’exécution provisoire.
Par deux ordonnances du 5 juillet 2022, le premier président a rejeté les demandes de séquestres et refusé de suspendre l’exécution provisoire.
Aux termes de leurs écritures du 23 février 2023, MM. [C] et [T] ainsi que la société CQC CONSEILS demandent à la cour :
– d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande d’acquisition par la société EXTENS des 2840 actions de SALINEA détenues par lui au prix de 224 € chacune ;
Statuant à nouveau, de :
– déclarer inopposable à M. [C] la retranscription dans les livres de la société de la cession forcée de ses actions au profit de SANILEA, et condamner EXTENS et SANILEA, solidairement, à contre-passer les écritures de transfert y afférentes ;
– condamner EXTENS à acquérir les 2840 actions de SANILEA détenues par M. [C] au prix de 224 € chacune, conformément à l’article 3.9.1 du pacte d’associés du 30 avril 2021, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer comme irréversible l’annulation par SANILEA de la totalité (3440 et non seulement 2840) des actions détenues par M. [C] par assemblée générale extraordinaire du 25 juin 2022, de :
– condamner in solidum EXTENS et SANILEA à indemniser M. [C] de son préjudice, évalué à 224 € par action annulée ;
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société SALINEA à régler à la société CQC CONSEILS la somme, de 81 000 € HT correspondant au préavis de 6 mois prévu en cas de résiliation du contrat de prestation de services du 30 avril 2021 ;
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté que M. [T] aurait commis une faute grave ou lourde dans l’exercice de son mandat social au sein de SANILEA entraînant pour la société un préjudice financier direct au moins égal à 50 000 € et dont le fait générateur est intervenu entre le 01/11/2019 et le 30/04/2021 ;
Statuant à nouveau, de :
– condamner EXTENS et SANILEA, solidairement, à contre-passer les écritures de transfert de ses 600 titres SANILEA, et restaurer M. [T] dans sa qualité d’actionnaire de SANILEA à hauteur de ces 600 titres, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
A titre subsidiaire, de :
– condamner in solidum EXTENS et SANILEA à indemniser M. [T] de son préjudice, évalué à 224 € par action ;
– condamner EXTENS et SANILEA à verser in solidum la somme de 25 000 €, soit 10 000 € à M. [C], 10 000 € à M. [T] et 5 000 € à la société CQC CONSEILS au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils soutiennent :
– que la société EXTENS doit nécessaire acquérir les actions SALINEA détenues par M. [C] au prux de 224 euros, conformément à l’article 3.9 du pacte d’associés, l’article 3.8 ne pouvant trouver application en l’absence de faute de la part des fondateurs. Il conteste l’existence des conditions cumulatives expressément requises, à savoir la faute grave ou lourde, le préjudice financier direct d’au moins 50 000 euros ainsi que la survenance du fait générateur entre le 1er novembre 2019 et le 30 avril 2021 ;
– que le préavis de rupture du contrat de prestation de services entre la société CQC CONSEILS et SALINEA le 30 avril 2021, contrat vainement résilié le 6 septembre 2021 au prétexte de fautes non avérées et ne concernant pas la société CQC CONSEILS, n’a pas été respecté, la fondant à obtenir la somme de 81 000 euros ;
– que M. [T] doit nécessairement être restauré dans sa qualité d’actionnaire à hauteur de 600 actions SANILEA, le rapport du cabinet NEXT ! FINANCIAL ADVISORS n’ayant été commandé qu’en vue de s’approprier les titres à vil prix, aucune faute ne pouvant être relevée à son encontre.
Aux termes de leurs écritures du 17 février 2023, les société SANILEA et EXTENS demandent à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté MM. [C] et [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– l’infirmer en ce qu’il a condamné la société SANILEA à verser à la société CQC CONSEILS la somme de 81 000 € HT et en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en leur faveur ;
Et statuant à nouveau à cet égard, de :
– débouter la société CQC CONSEILS de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner in solidum MM. [C] et [T] à leur verser la somme de 25 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile relativement à la procédure de première instance ;
Y ajoutant, de :
– déclarer irrecevable la demande de M. [C], nouvellement formée en cause d’appel, visant à se voir déclarer inopposable la cession des titres qu’il détenait au capital de la société SANILEA ;
– débouter MM. [C] et [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– condamner in solidum MM. [C] et [T], ainsi que la société CQC CONSEILS à leur verser la somme de 25 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL DUDOGNON BOYER, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Elles soutiennent :
– à titre liminaire, que M. [C] est irrecevable en sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la cession forcée de ses titres en ce qu’elle est nouvelle en cause d’appel ;
– au fond, que la cession forcée des titres a été opérée dans le respect des stipulations de l’article 3.8 du pacte relatives au ‘bad-leaver’, les demandes de MM. [C] et [T], respectivement d’inopposabilité et de nullité de la cession étant donc infondées. Elle expose que des fautes graves imputables à MM. [C] et [T], ont été commises dans l’exercice du mandat social, entraînant pour la société un ‘préjudice financier direct au moins égal à 50 000 euros’ et qu’elles sont intervenues entre l’entrée d’EXTENS au capital de SANILEA et sa substitution aux fondateurs dans la direction de la société ;
– qu’en tout état de cause, la demande formulée par M. [C] relativement à la condamnation des sociétés EXTENS et SANILEA à lui racheter les titres au prix de 224 euros l’unité en application de l’article 3.9.1 du pacte est infondée. Elles rappellent que la société SANILEA détient lesdits titres depuis le 4 novembre 2021, et que M. [C] ne démontre l’existence d’aucun préjudice ;
– que rien ne justifie une condamnation au titre du préavis stipulé dans le contrat de prestation de service, la rupture ayant été motivée par la perte de confiance envers M. [C] du fait de ses agissements, perte de confiance rendant impossible la poursuite de toute relation avec CQC CONSEILS, la résiliation étant donc valablement intervenue avec effet immédiat au 6 septembre 2021.
La jonction des deux instances d’appel a été ordonnée.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la recevabilité de la demande présentée par M. [C] tendant à se voir déclarer inopposable la cession forcée de ses titres :
La demande que forme M. [L] [C] en cause d’appel de se voir « déclarer inopposable [‘] la retranscription dans les livres de la société de la cession forcée de ses actions au profit de Sanilea, et condamner Extens E-Health Fund II SLP et Sanilea, solidairement, à contrepasser les écritures de transfert y afférentes », n’a pas pour objet d’« opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait », ni ne tend aux mêmes fins que la demande qu’il avait formée en première instance et qui consistait à solliciter le rachat de ses titres au prix du « good leaver », de sorte qu’elle n’en constitue ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire et qu’elle doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.
2. Sur l’acquisition par M. [L] [C] des titres qu’il détenait au capital de SANILEA au prix de 224 € l’unité en application des stipulations de l’article 3.9 du Pacte
M. [C] demande à la Cour de condamner la société EXTENS à acquérir les 2.840 actions de SANILEA qu’il détenait, au prix de 224 € chacune, conformément à l’article 3.9.1 du pacte d’associés du 30 avril 2021, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir. Les dispositions en questions sont les suivantes :
« 3.9 Engagements spécifiques relatifs à la sortie de M. [L] [C]
3.9.1 Objet Extens (individuellement le « Promettant ») s’engage irrévocablement, dans les cas visés ci-après, à acquérir auprès de M. [L] [C] (le « Bénéficiaire ») qui lui en ferait la demande, 2.840 Actions détenues par le Bénéficiaire (les « Actions Promises») dans les conditions énoncées ci-après.
A cet effet, le Promettant consent au Bénéficiaire, la présente promesse irrévocable d’achat (la « Promesse ») que le Bénéficiaire accepte en tant que promesse d’achat.
Le Bénéficiaire pourra exercer la Promesse sur le Promettant en cas (i) de révocation de la société CQC Conseils de son mandat de Président du Comité Stratégique et/ou de membre du Comité Stratégique intervenant avant le 30 septembre 2021 ou (ii) en cas de démission agréée par le Comité Stratégique de CQC Conseils de son mandat de Président du Comité Stratégique et/ou de membre du Comité Stratégique intervenant avant le 30 septembre 2021 (la « Fin de Mandat »).
3.9.2 Prix d’Exercice
3.9.2.1 En cas d’exercice de la Promesse, le prix de chaque Action Promise sera égal à 224
euros. »
(…)
3.9.2.2 «… Le Bénéficiaire pourra exercer la Promesse à tout moment dans un délai de 2 jours ouvrés à compter de la date de la Fin de Mandat (la « Période d’Exercice »).
Le Bénéficiaire devra notifier (ci-après la « Notification d’Exercice ») au Promettant et à la
Société sa décision de lever la Promesse portant sur la totalité des Actions Promises.
(‘)
Si la Promesse n’a pas été levée dans les conditions susvisées, elle deviendra caduque de plein droit, sans indemnité due d’aucune part au titre du présent Article. (‘) ».
La société EXTENS soutient que la promesse n’ayant pas été levée dans le délai de 2 jours ouvrés à compter de la date de la fin du mandat, elle est devenue caduque de plein droit, sans indemnité.
S’il est exact que ce n’est que le 3 septembre 2021, soit près de deux mois après la démission de son poste de président du Comité Stratégique intervenue le 6 juillet 2021, que par l’intermédiaire de son conseil, pour la première fois, M. [C] a sollicité le rachat de ses titres en exerçant la promesse d’achat de l’article 3.9. dudit pacte, cet acte précisait également que l’exercice de cette promesse était subordonné à l’agément par le Comité Stratégique de CQC Conseils de son mandat de Président du Comité Stratégique et/ou de membre du Comité Stratégique. Cet agrément n’étant jamais intervenu, malgré la demande de M. [C], il y a lieu de considérer que ce délai n’a jamais commencé à courir de sorte que de la promesse d’achat n’était pas caduque lorsqu’elle a été levée par M. [C].
En revanche l’agrément de cette démission n’a jamais été donné par le Comité Stratégique de CQC Conseils qui a d’abord refusé de statuer, le 19 juillet 2021, avant de la refuser le 30 juillet 2021 et d’en prendre acte le 27 août 2021 mais en refusant expressément de l’agréer.
M. [C] conteste la licéité d’une telle disposition qui conditionne une démission à un agrément, ce qui en ferait une condition présentant un caractère purement potestatif puisque dépendant de la seule volonté du Comité Stratégique.
En réalité ce pacte d’associés ne faisait pas dépendre la démission elle-même de cet agrément. C’est l’exercice de la promesse d’achat des actions à des conditions déterminées qui était soumise à cet agrément. Il s’agissait d’un corollaire au droit de démissionner, l’ensemble de ces dispositions ayant fait l’objet d’un accord des parties en connaissance de cause.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande d’acquisition par la société EXTENS de ses actions au prix de 224 €.
3. Sur l’acquisition par la société EXTENS des actions détenues par MM. [C] et [T] :
Pour justifier la mise en jeu de la promesse de cession de leurs titres consentie par MM. [L] [C] et [D] [T] au prix de 10 € par titre, la société EXTENS se fonde sur les dispositions de l’article 3.8.1 du pacte d’associés, selon lequel ‘ le prix de chaque Titre promis sera égal au montant le moins élevé entre la valeur nominale des Titres ; et la Valeur de Marché divisée par le nombre de Titres composant, à la Date d’Exercice, le capital social de la Société.’
Ledit pacte d’associés définit ainsi cette promesse de cession de titres :
‘ Promesse de vente des fondateurs
Les fondateurs déclarent n’avoir commis aucune faute grave ou faute lourde dans l’exercice de leurs fonctions de dirigeants au sein de la société.
Il est expressément entendu entre les Parties que les Investisseurs ont décidé de réaliser l’investissement en considération de ces déclarations, ce qui justifie les stipulations exposées ci-après.
Objet
Chacun des Fondateurs (individuellement un « Promettant » et collectivement les « Promettant ») s’engage irrévocablement, dans les cas visés ci-après et pendant une durée de treize mois (13) mois à compter du Pacte, à céder aux Investisseurs (individuellement le « Bénéficiaire » et collectivement les « Bénéficiaires ») qui lui en feraient la demande, un certain nombre de Titres, tel que déterminé ci-après, qu’il détiendrait (directement ou indirectement) à la Date d’Exercice (les « Titres Promis ») dans les conditions énoncées ci-après.
A cet effet, chaque Promettant consent aux Bénéficiaires, la présente promesse irrévocable de vente (la « Promesse ») que chacun des Bénéficiaires accepte en tant que promesse de vente.
Chacun des Bénéficiaires pourra exercer la Promesse sur un Promettant en cas de découverte par la Société, pendant une durée de douze (12) mois à compter de la date des présentes, d’éléments constitutifs de faute grave ou faute lourde par le Promettant concerné dans l’exercice de son mandat social au sein de la Société (telle que ces causes sont interprétées par la Cour de Cassation) entraînant pour la Société un préjudice financier direct au moins égal à 50.000 euros et dont le fait générateur serait intervenu entre le 1er novembre 2019 et le 30 avril 2021 (la « Faute »).
Pour l’application du présent Article, la Faute sera réputée intervenue à la date de la découverte par la Société (également appelée la « Date de Découverte »).
La Promesse porte sur la totalité des Titres détenus directement ou indirectement par les Promettants à la Date de Découverte (les « Titres Promis » dans le cadre du présent Article)».
Ainsi, pour remettre en cause la promesse dont bénéficiait MM. [C] et [T] pour vendre leurs actions 224 € l’unité, il appartient aux sociétés SANILEA et EXTENS de démontrer, la découverte, dans les 12 mois de la signature du pacte, soit entre le 30 avril 2021 et le 30 avril 2022 , d’une faute grave ou lourde au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, commise par les promettants concernés dans l’exercice de leur son mandat social, entraînant pour la société un préjudice financier direct au moins égal à 50.000 €, cette faute étant réputée intervenue à la date de sa découverte.
3.1 Sur les fautes invoquées
3.1.1 Sur les flux financiers vers Raval’Ouest
Les sociétés SANILEA et EXTENS exposent qu’à l’été 2021, il est apparu à la nouvelle direction de SANILEA que celle-ci opérait des virements mensuels d’un montant unitaire de 5.274,36 euros au bénéfice d’une société tierce, dénommée RAVAL’OUEST, sans qu’aucune écriture comptable ni aucune documentation juridique ne le justifient.
M. [C] expose qu’il a remis à la société SANILEA un certain nombre d’éléments relatifs à la vente, par celle-ci, le 5 décembre 2018, de 3 serveurs informatiques et ses accessoires à la société RAVAL’OUEST, au prix de 276.000 €, avec un financement par un contrat de crédit-bail conclu le 19 novembre 2018 avec la société Locam, le matériel ayant été récupéré début janvier 2019 en raison de l’insatisfaction du client. Il fait valoir qu’il s’agissait d’une opération d’urgence réalisée pour des clients par les fondateurs de la société avec du matériel leur appartenant, sans aucun préjudice pour la société, cette dernière ayant perçu 276.000 € TTC, et indemnisant RAVAL OUEST des mensualités du contrat LOCAM, rendant l’opération totalement neutre, laquelle était en outre intervenue à un moment (2018) antérieur à une faute pouvant être retenue dans le cadre du pacte d’associés.
Sans qu’il soit nécessaire de se fonder sur le rapport, non contradictoire, établi par la société Next ! Financial Advisors mandatée par les sociétés SANILEA et EXTENS, et versé au débat, il résulte de l’examen de la comptabilité que les opérations relatives à cette transaction n’ont pas été recensées dans les écritures comptables au titre de l’achat de ce matériel par SANILEA, de sa revente à RAVAL OUEST, de sa restitution par ce dernier, de sa reprise et de sa restitution au fournisseur originel.
L’attestation de l’ancien expert-comptable de Sanilea, la société B2M Expertises, lequel indique avoir ‘ fait le choix de faire apparaitre la charge au moment de son décaissement, Exercice 2018 : 46 041 €, Exercice 2019 : 136 455 €,Exercice 2020 : 114 893 €’, ne saurait justifier l’absence d’enregistrement des opérations précédemment énumérées, dans les comptes de SANILEA, laquelle, est soumise à une comptabilité d’engagement, qui impose la comptabilisation des dettes et créances de l’entreprise à la date à laquelle elles se forment, indépendamment de la date de leur décaissement ou encaissement. C’est, notamment, l’intégralité de la dette ainsi contractée, soit la somme de 327.010 € qui aurait dû être comptabilisée, lorsqu’elle a pris l’engagement de racheter le contrat RAVAIL’OUEST, le 28 décembre 2018.
Par ailleurs les caractéristiques de cette opération ne pouvaient pas être connues d’EXTENS antérieurement à son investissement. Si dans le rapport ‘ de due diligence ‘ établi par le Cabinet Aca Nexia lors de l’entrée au capital d’EXTENS dans SANILEA, il est mentionné que « L’Ebitda ( bénéfice effectué par une société avant la soustraction des intérêts, impôts, taxes, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisation) ajusté ressort déficitaire en 2017, 2018 et 2019. A -896k€ en 2018, il prend en compte l’annulation de la production immobilisée (-663k€), l’étalement sur 3 ans des revenus liés à la cession des contrats transporteurs à Locam (-570k€) et quelques coûts non récurrents », cette information n’évoque que les « revenus liés à la cession des contrats transporteurs à Locam», non les charges induites par les opérations de rachats de contrats, et ne permettait pas de connaître les caractéristiques de l’opération RAVAL’ OUEST. Il en va de même des mentions figurant dans ce rapport relatives aux ‘ opérations Locam enregistrées dans les comptes rachats de contrats ; 2017 : 0 k€,
2018 : 44 k€, 2019 : projection à 127 k€’ lesquelles ne révélaient pas les anomalies et incohérences de l’opération en cause. Quant au rapport de [O] [G] intitulé ‘rapport d’audit SANILEA’ il concernait uniquement l’offre ‘produit’ de SALINEA à l’exclusion de toute donnée comptable et financière, et le rapport établi par les avocats Chammas & Marcheteau intitulé ‘revue juridique limitée’ précisait qu’il portait exclusivement sur la vérification des aspects juridiques de la documentation reçue mais n’examinait pas les risques non juridiques, notamment financiers, comptables et commerciaux.
Outre ces anomalies comptables des incohérences chronologiques apparaissent puisque le devis aurait été adressé à RAVAL’OUEST le 5 décembre 2018, en même temps qu’aurait été établi le procès-verbal de livraison et de conformité, alors que le contrat de location conclu avec Locam et le mandat de prélèvement consenti à celle-ci dateraient du 19 novembre 2018, soit 15 jours auparavant.
Par ailleurs, quant à la réalisation d’une telle opération, il incompréhensible que les dirigeants de SANILEA aient accepté de reprendre le matériel vendu à la société RAVAL’OUEST, sans la moindre discussion, sans même une demande formelle en ce sens de RAVAL OUEST, et cela, seulement une vingtaine de jours après la signture du procès-verbal de livraison et de conformité. Une telle renonciation à leurs droits, faite par les dirigeants de SOLINEA, en l’état des pièces produites, spontanément, sans connaissance précise des non-fonctionnements ou dysfonctionnements du matériel vendu allégués par l’acquéreur, n’apparaît pas crédible.
L’ensemble de ces éléments démontre qu’il s’agit d’une opération fictive réalisée par les dirigeants MM. [T] et [C] qui leur a permis d’accroître artificiellement le chiffre d’affaires, les résultats et la trésorerie de SANILEA avant l’entrée d’EXTENS au capital. De tels agissements peuvent être qualifiés de faute grave au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, commise par les promettants concernés dans l’exercice de son mandat social.
3.1.1.1Sur le préjudice de SALINEA
MM. [C] et [T] soutiennent qu’il s’agit d’une opération totalement neutre pour SALINEA dès lors qu’elle a perçu 276.000 € TTC et indemnisé RAVAL’OUEST des mensualités du contrat Locam.
Toutefois, pour la mise en place du contrat de financement avec LOCAM et le transfert des droits à cette dernière, et cela conformément au contrat de collaboration les liant, SANILEA a nécessairement acquis ce matériel qui appartenait à M. [T], dont il n’est pas rapporté la preuve qu’il aurait été inférieur à 276 000 €, montant du crédit, et il est établi, par la comptabilité, qu’elle a décaissé, au profit de la société RAVAL’OUEST, sur la période du 1er novembre 2019 au 30 avril 2021, la somme totale de 94.938,48 euros (18 x 5.274,36 euros), sans aucune justification ni contrepartie puisqu’elle avait récupéré le matériel en question auprès du client et ne l’utilisait pas.
Même en déduisant de ces paiements la TVA à 20 % afin de déterminer le préjudice financier qui doit être direct et au moins égal à 50.000 € selon les termes de l’article 3.8 du pacte d’associés précité, il apparaît qu’il est supérieur à 50 000 €.
L’ensemble de ces éléments permet de caractériser l’existence d’une faute grave commise par M. [C] et [T] au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation.
3.1.1.2 Sur la date du fait générateur
MM. [C] et [T] estiment que l’opération RAVAL’OUEST est intervenue en novembre 2018, soit à une date excluant la possibilité pour SANILEA/EXTENS d’appliquer l’article 3.8 du pacte, sans qu’il soit possible de considérer que la « Date de découverte » de cette soi-disant « faute » eût été reportée, eu égard aux différents audits réalisés par EXTENS avant sa prise de participation au 31 octobre 2019.
Ledit article 3.8 dudit pacte, se réfère, quant aux conditions d’invocation d’une faute grave ou lourde de la part du promettant, d’une part à sa découverte, qui doit avoir lieu dans les 12 mois à compter du 30 avril 2021, et d’autre part à son fait générateur, qui doit être intervenu entre le 1er novembre 2019 et le 30 avril 2021.
Comme cela a été précédemment indiqué, les différents rapports dont SANILEA avaient connaissance, avant sa prise de participation au 31 octobre 2019, ne permettaient pas la découverte de la faute commise par les dirigeants à l’initiative de l’opération avec RAVAL’OUEST. Ce n’est que le 3 août 2021, conformément à la demande du Comité stratégique, que M. [L] [C] a remis au siège social de SANILEA un certain nombre de documents relatifs à l’activité de la société qu’il conservait à son domicile et dont l’analyse a conduit cette dernière à découvrir l’absence de trace dans les comptes sociaux de ladite opération et à solliciter de CQC CONSEILS, par courriel du 23 août 2021, qu’elle inscrive à l’ordre du jour du prochain Comité, fixé au 27 août 2021, « une explication détaillée et écrite de l’historique du client Raval’Ouest ».
C’est donc au mois d’août 2021, que la découverte de la faute grave a été faite, soit dans le délai de 12 mois imparti, et son fait générateur, constitué par les décaissements au profit de la société RAVAL’OUEST de la somme totale de 94.938,48 €, a eu lieu, sur la période du 1er novembre 2019 au 30 avril 2021 .
3.1.2 Sur les mouvements de fonds au profit des sociétés SFT Conseil et Impact
La société SFT Conseil appartient à M. [L] [C], qui en est le gérant et la société Impact appartient à la société Holding DNTF Investissements qui en est la présidente et qui appartient elle-même et est dirigée par MM. [L] [C] et [D] [T].
Les investigations opérées par la nouvelle direction de SANILEA ont révélé que celle-ci versait chaque mois, à chacune d’entre elles, une somme de l’ordre de 2.100 € chacune.
– Au profit de SFT Conseil
SANILEA versait depuis 2016 à SFT Conseil environ 2.150 euros par mois correspondant au paiement de prestations téléphoniques que SANILEA fournissait mensuellement à deux de ses clients : la société Harmonie Ambulances, pour un prix moyen d’environ 1.600 €, et la société Super U Nexon, pour un prix moyen d’environ 550 €. Toutefois ces sommes ne faisaient que transiter sur les comptes bancaires de SANILEA avant d’être virées au profit de la société de M. [L] [C], SFT Conseil, les factures en question étant libellées à l’ordre de cette dernière qui se présentait comme « partenaire de Sanilea».
Aucun coût de ces prestations de téléphonie, dont elle ne conservait pas le paiement, n’a été comptabilisé en charges par SANILEA.
A compter de juin 2021, date du début des investigations menées par SANILEA, c’est la société Impact, et non plus SFT Conseil, qui a facturé ces prestations à Harmonie Ambulances et Super U Nexon et elle l’a fait directement, à compter de sa facture d’août 2021, sans se présenter comme un « partenaire de Sanilea », de sorte que les sommes en question ont cessé de transiter par les comptes de SANILEA.
MM. [C] et [T] prétendent qu’afin de favoriser le développement de SANILEA la société SFT Conseils avait apporté sa clientèle à la SAS SANILEA et cédé les droits du logiciel, conformément à un accord. Toutefois elle ne justifie pas de l’existence et des termes de cet accord et c’est SALINEA qui a supporté seule, jusqu’à ses investigations au cours de l’été 2021, l’intégralité du coût des prestations délivrées à Super U Nexon et Harmonie Ambulances.
Les prélèvements par MM. [C] et [T] du produit de ces prestations de téléphonie, au préjudice de la société SANILEA ont constitué une faute grave au sens de l’article 3.8.1 du pacte d’associés.
Sur la période du 1er novembre 2019 au 30 avril 2021, ces versements effectués par SANILEA se sont élevés à la somme totale de 38.734 €.
– Au profit d’Impact
La nouvelle direction de SANILEA a également découvert que celle-ci versait à la société Impact, détenue par la holding personnelle de MM. [L] [C] et [D] [T] une somme de 2.100 € par mois, sans aucun élément justificatif.
Par courrier du 11 octobre 2021, M. [L] [C] a expliqué que ce flux de facturation était destiné à permettre la mise en ‘uvre du projet « Mon ambulance » via l’application web et celle mobile et de préserver la trésorerie de la SAS SANILEA, la SAS IMPACT prenant en charge le risque financier sur les premiers développements de l’application, représentés par deux factures de la société PIXINE émises pour la SAS Impact, une en février 2019 de 19.779,60 € et une autre en septembre 2019 de 17.802€.
Toutefois il doit être constaté que si une convention ‘ de cession des droits Application Web et Application mobile ‘ Mon Ambulance’ a bien été conclue le 1er mars 2019 entre la SAS IMPACT et SANILEA, qui portait sur le droit de reproduire ou faire reproduire, tout ou partie des développements spécifiques SAS IMPACTet de les modifier ou faire adapter, le rapport spécial du Commissaire aux Comptes relatif à l’exercice clos le 31 décembre 2019, établi en application de l’article L 227-10 du code du commerce, l’intègre dans la catégorie des Locations immobilières, en évoquant ‘ la sous-traitance/location de développements informatiques et les outils de communication et marketing auprès de la SARL IMPACT ‘. Quant au procès-verbal de L’AG du 17 juillet 2020 il se réfère à une convention relative à un ‘ accord commercial à tarifs réglementés pour la sous-traitance/location de développements informatiques et les outils de communication et marketing auprès de la SARL IMPACT’ en datant sa signature du ‘ mois d’avril 2019 ” et en mentionnant un prix de 18 900 €, sans préciser qu’il s’agissait de charges arrêtées au 31/12/20019, alors que ce prix était, selon la convention, de 70 800 € HT (6 000 € x 2 + 2 100 € x 28 mois).
Par ailleurs un courriel du 13 octobre 2021 émanant de l’ancien expert-comptable de SANILEA, adressé au Directeur financier de celle-ci, précise, au sujet de cette convention, qu’il dénomme ‘Convention de Maintenance de logiciels’, que la somme de 2.100 € par mois est versée par Sanilea à Impact sur le fondement de la rémunération des prestations de maintenance réalisées par la société Impact sur ces applications, ce qui ne correspond nullement au contenu de la convention relative à une cession de droits.
Outre ces incohérence, l’intérêt que cette convention présentait pour SANILEA n’est nullement démontré puisque le chiffre d’affaires réalisé au titre de l’exploitation des applications « Mon Ambulance » s’est élevé à 540 euros seulement sur toute l’année 2021.
Or, sur la période du 1er novembre 2019 au 30 avril 2021, les paiements en cause se sont élevés à la somme totale de 37.800 € .
L’ensemble de ces éléments démontre qu’il s’agit en réalité d’une opération réalisée par les dirigeants MM. [T] et [C] destinée à leur permettre de bénéficier à titre personnel de fonds au détriment de SANILEA.
3.1.3.1 Sur le préjudice de SALINEA, la date de découverte de la faute et du fait générateur
Au titre de ces deux opérations le préjudice subi par la société SANILEA est supérieur à 50 000 € et la découverte de ces fautes à eu lieu, au mois d’août 2021, au terme des investigations menées par SANILEA, soit dans le délai de 12 mois imparti. Quant aux faits générateurs, constitués par les versements au détriment de SALINEA et au profit des sociétés SFT Conseil et Impact, ils ont eu lieu, sur la période du 1er novembre 2019 au 30 avril 2021.
MM. [D] [T] et [L] [C], sont coauteurs de ces fautes graves.
La cession forcée des titres, tant de M. [L] [C] que de M. [D] [T] a été opérée en application des dispositions de l’article 3.8 du pacte d’associés du 30 avril 2021 relatives au ‘bad-leaver’.
En définitive, compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des fautes graves commises par MM. [C] et [T] il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [L] [C] de sa demande d’acquisition par la société EXTENS des 2 840 actions de SANILEA au prix de 224 € et de débouter M. [C] et M. [T] de leur demande subsidiaire de condamner in solidum cette société et SANILEA à les indemniser de leur préjudice évalué à 224 € par action alors que c’est leur faute exclusive qui est à l’origine de non-respect de la promesse.
4. Sur le préavis de 6 mois prévu en cas de résiliation du contrat de prestation de services du 30/04/2021
Le contrat de prestation de services entre CQC Conseils et SANILEA était conclu (article 12) pour une durée initiale de douze mois à compter du 1er mai 2021 et jusqu’au 30 avril 2022, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de douze mois, sauf préavis notifié par une quelconque des parties au moins deux mois avant la fin d’une période de douze mois.
Mais par exception à ce dispositif, chacune des parties disposait du droit de résilier par anticipation le contrat au moyen d’une notification écrite adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’autre partie avant le 31 octobre 2021 et moyennant le respect d’un préavis de six mois courant à compter de la date de résiliation.
En l’espèce, SANILEA a notifié à CQC Conseils, par courrier du 6 septembre 2021, la résiliation à effet immédiat du contrat de prestation de services ayant eu cours entre elles, sur le fondement des dispositions de l’article 1226 du code civil qui autorisent une partie à mettre fin, de manière unilatérale et à ses risques et périls, à un contrat, qu’il soit à durée déterminée ou non, en raison de la gravité du comportement de son cocontractant.
Compte tenu des fautes graves commises par M. [C] qui était le fondateur de CQC Conseils, l’unique associé, le dirigeant et le seul animateur, la société SANILEA était en droit d’invoquer une perte de confiance à l’égard de CQC Conseils, qui rendait impossible durant la période de préavis la poursuite du contrat conclu le 30 avril 2021.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la SAS SALINEA à régler à la société CGC Conseils la somme de 81 000 € au titre de ce préavis de six mois.
5. Sur les demandes accessoires
Il sera en premier lieu constaté qu’aucune des parties ne remet en cause le dispositif du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS SALINEA à verser à M. [C] l’indemnité correspondant à la clause de non-concurrence convenue, soit 30% de la rémunération perçue directement par M. [L] [C] et la société CQC Conseils au cours des 12 derniers mois ayant précédé sa date de cessation des fonctions, soit 3 010 € par mois pendant 24 mois à compter du 06/09/2021.
En application des dispositions de l’article 696 du code procédure civile, en tant que parties perdantes MM. [C] et [T] ainsi que la société CQC Conseils seront condamnés, in solidum, aux dépens de première instance et d’appel.
En outre l’équité commande de les condamner, in solidum, à verser aux sociétés EXTENS E Health Fund II S.L.P et SANILEA la somme de 2.000 €, à chacune, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
—==oO§Oo==—
PAR CES MOTIFS
—==oO§Oo==—
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONSTATE que les parties ne remettent pas en cause le dispositif du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS SALINEA à verser à M. [C] l’indemnité correspondant à la clause de non-concurrence convenue, soit 30% de la rémunération perçue directement par M. [L] [C] et la société CQC Conseils au cours des 12 derniers mois ayant précédé sa date de cessation des fonctions, soit 3 010 € par mois pendant 24 mois à compter du 06/09/2021 ;
DECLARE irrecevable la demande présentée par M. [C] tendant à se voir déclarer inopposable la cession forcée de ses titres ;
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la SAS SALINEA à régler à la société CGC Conseils la somme de 81 000 € au titre de ce préavis de six mois et statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
CONSTATE que M. [L] [C] et [D] [T] ont commis une faute grave au sens de l’article 3.8 du pacte d’associés conclu le 30 avril 2021;
DEBOUTE MM. [C] et [T] de l’ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNE MM. [C] et [T] ainsi que la société CQC Conseils, in solidum, aux dépens de première instance et d’appel ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE MM. [C] et [T] ainsi que la société CQC Conseils, in solidum, à verser une indemnité de 2 000 € à la société SANILAE d’une part et à verser une indemnité d’un montant identique à la société EXTENS E Health Fund II S.L.P, d’autre part ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.