Cession de droits : 23 octobre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00686

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Cession de droits : 23 octobre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00686
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23 octobre 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/00686

PhD/ND

Numéro 23/3446

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 23/10/2023

Dossier : N° RG 22/00686 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IEQX

Nature affaire :

Demande en nullité des actes des assemblées et conseils

Affaire :

S.C.A. HERRIKOA

S.A.S.U. HIRUZKIA

C/

[I] [Z] épouse [B]

[M] [B]

[E] [S]

S.A.R.L. MX PRODUCTION

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 23 octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 11 Septembre 2023, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTES :

S.C.A. HERRIKOA

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 320 432 222, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualité au siège

[Adresse 12]

[Localité 5]

S.A.S.U. HIRUZKIA

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 802 284 992, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualité au siège

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentées par Me Bertrand DAVID de la SELARL ACBC, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Madame [I] [Z] épouse [B]

née le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 14] (Chine)

de nationalité chinoise

[Adresse 7]

[Localité 6]

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 9] (25)

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

S.A.R.L. MX PRODUCTION

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 520 035 858, prise en la personne de son représentant légal Monsieur [M] [B]

[Adresse 15]

[Localité 4]

Représentés par Me Cécile FELIX de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES – ELIGE PAU, avocat au barreau de PAU

Assistés de Me Thierry CLAIRE (SELARL Cabinet FIDACT), avocat au barreau de MACON

Monsieur [E] [S]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 13]

CCAS de la Mairie de [Localité 8] [Adresse 10]

[Localité 8]

Représenté par Me Delphine BORDANAVE VIGNAU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 31 JANVIER 2022

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Le 1er février 2010, M. [M] [B] et Mme [I] [Z], son épouse ont constitué entre eux la société à responsabilité limitée MX production avec pour objet principal la recherche, le développement, la conception et la commercialisation de matériel nautique, et plus particulièrement d’ailes de kitesurf et de traction marine.

Courant 2012, M. [B], gérant, s’est rapproché de M. [E] [S], ingénieur, pour développer une barre de kitesurf innovante.

M. [S] s’est engagé dans cette collaboration sous le statut d’auto-entrepreneur.

Le 24 avril 2014, M. [S] a acquis des parts sociales de M. [B] dans la société MX production.

Le 23 juin 2014, les associés ont décidé d’une nouvelle augmentation du capital afin de faire rentrer des investisseurs en la personne de la société en commandite par actions Herrikoa et de la société par actions simplifiée unipersonnelle Hiruzkia.

Le capital social a été réparti ainsi :

– M. [B], gérant : 2605 parts (43,77 %)

– Mme [B] : 1828 parts (30,71 %)

– M. [S] : 256 parts (4,30 %)

– la société Herrikoa : 549 parts (9,22 %)

– la société Hiruzkia : 714 parts (12 %)

La société MX production a déposé deux brevets d’invention auprès de l’INPI :

– le 18 novembre 2013, le brevet n° FR 13 61291, titre « barre de commande et de contrôle pour aile de traction du type cerf volant

– le 19 juillet 2016, le brevet n° FR 16 56874, titre « dispositif de commande et de contrôle pour voile de voilier ou de planche à voile ou aile de cerf volant », avec mention de M. [B] et M. [S] en qualité d’inventeurs et de la société MX production en qualité de titulaire du brevet.

En 2017, la protection du second brevet a été étendue à l’Europe, l’Australie, les Etats-Unis d’Amérique et l’Afrique du Sud, et la société MX production a également déposé la marque « ABS kitesurfing ».

Courant 2019, la société MX production s’est rapprochée de la société Decathlon en vue de la cession des brevets et de la marque déposés.

Par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 22 janvier 2020, le gérant a consulté les associés sur six projets de résolutions relatifs à l’approbation des comptes clos au 31 décembre 2018, l’affectation du résultat 2018, la rémunération du gérant, les conventions réglementées, au projet de cession de droits de propriété intellectuelle à intervenir entre, d’une part, la société MX production, M. [B] et M. [S] et, d’autre part, la société Decathlon, et aux pouvoirs du gérant pour représenter la société lors de l’acte de cession.

Ce projet d’acte prévoit la cession des brevets et de la marque déposés moyennant le prix de 2.400.000 euros ainsi que la répartition de ce prix telle que convenue entre la société MX production, M. [B] et M. [S] en leurs qualités de co-inventeurs.

Le prix de cession est composée de :

– une part fixe de 200.000 euros, payable à la signature et à répartir à concurrence de 185.000 euros au profit de la société MX production et de 15.000 euros au profit de M. [S].

– une part variable dont le montant est arrêté en considération du volume de vente de barres de kitesurf au cours des 15 années qui suivront la date d’entrée en vigueur, cette partie étant toutefois plafonnée sur un volume de 275.000 barres au prix unitaire de 8 euros hors taxes, soit 2.200.000 euros.

La part variable est à répartir entre :

– la société MX production, titulaire des droits, à hauteur de 1.499.250 euros

– M. [B], en qualité de co-inventeur, à hauteur de 100.000 euros

– M. [S], en qualité de co-inventeur, à hauteur de 400.000 euros

– M. [Y] [W], en qualité d’apporteur d’affaire et gestionnaire du projet, à hauteur de 200.750 euros.

Par procès-verbal d’assemblée générale du 11 février 2020, les associés ont adopté les six résolutions inscrites à l’ordre du jour, les sociétés Herrikoa et Hiruzkia étant mentionnées comme « abstentionnistes » en raison de la réception hors délais de leurs votes exprimant leur opposition à l’ensemble des résolutions.

L’acte de cession a été régularisé le 13 février 2020 et la société Decathlon a réglé la somme de 200.000 euros répartie entre la société MX production et M. [S] conformément au projet de cession.

Par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 7 août 2020, le gérant a consulté les associés sur le projet de résolutions relatif au rapport de gestion 2019, au rapport spécial sur les conventions réglementée et à l’approbation des comptes et affectation du résultat de l’exercice 2019.

Les sociétés Herrikoa et Hiruzkia ont voté contre les résolutions.

S’estimant lésées par les résolutions adoptées, et suivant exploits du 1er octobre 2020, les sociétés Herrikoa et Hiruzkia ont fait assigner par devant le tribunal de commerce de Bayonne la société MX production, M. [B], Mme [Z], épouse [B], M. [S] et la société MX production en annulation des résolutions adoptées lors de l’assemblée générale du 11 février 2020, les quatre premières pour vice de forme et les deux dernières pour abus de majorité, non pas sur le principe ni le montant de la cession, mais sur la répartition du prix de cession entre la société et les deux autres associés.

Par jugement contradictoire du 31 janvier 2022, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

– déclaré irrecevable sur la forme l’opposition formée par M. [S]

– déclaré être compétent pour connaître du litige

– débouté les sociétés Herrikoa et Hiruzkia de :

– leurs demandes de nullité des résolutions 1 à 4 et 5 à 6 de l’assemblée générale du 11 février 2020

– leurs demandes de convocation de nouvelles assemblées générales

– leur demande de communication sous astreinte des documents relatifs à l’assemblée générale sur l’exercice clos au 31 décembre 2019

– leur demande de dommages et intérêts

– débouté les époux [B] et M. [S] de leurs demandes de dommages et intérêts

– condamné solidairement les sociétés Herrikoa et Hiruzkia à payer la somme de 1.500 euros chacun à M. [S], M. [B] et Mme [B], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 7 mars 2022, la société Herrikoa et la société Hiruzkia ont relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 juin 2023.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2022 par la société Herrikoa qui a demandé à la cour, au visa des articles L. 223-26 et L. 223-27 du code de commerce, 1240, 1833 et 1840-10 du code civil, d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. et Mme [B] ainsi que M. [S] de leurs demandes de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, de :

– débouter la société MX production, M. et Mme [B] et M. [S] de l’ensemble de leurs demandes

– prononcer la nullité des résolutions 1 à 4 de l’assemblée générale du 11 février 2020

– prononcer la nullité des résolutions 5 et 6 de l’assemblée générale du 11 février 2020 autorisant la cession des droits de propriété industrielle au profit de la société Decathlon et donnant tous pouvoirs à M. [B] pour y procéder

– enjoindre à M. [B] de convoquer une assemblée générale ordinaire en vue d’approuver les comptes des exercices respectivement clos les 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019 dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir

– condamner M. [B] à communiquer, à compter du jugement à intervenir (sic), le bilan, le compte de résultat, les annexes, les inventaires et les rapports devant être soumis à l’assemblée générale relatifs à l’exercice clos le 31 décembre 2019

– condamner in solidum M. [B], Mme [B] et M. [S], au fur et à mesure qu’ils percevront leur rémunération indue au titre du contrat litigieux, à payer :

– à la société Hiruzkia, avec la même fréquence et, dans la limite de la somme de 85.233,75 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, somme qui sera versée au fur et à mesure des paiements par Decathlon à MX production et dans les mêmes proportions

– à la société Herrikoa, avec la même fréquence et, dans la limite de la somme de 66.038,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, somme qui sera versée au fur et à mesure des paiements par Decathlon à MX production et dans les mêmes proportions

– condamner in solidum les trois mêmes à payer à chacune des appelantes la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, somme qui deviendra exigible au jour du premier versement par Decathlon en exécution du contrat litigieux

-condamner in solidum les trois mêmes à payer à chacune des appelantes une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022 par la société MX production, M. et Mme [B] qui ont demandé à la cour de :

– déclarer la société MX production recevable en sa demande reconventionnelle et, en conséquence, de condamner in solidum les sociétés Herrikoa et Hiruzkia à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice matériel qu’elle subit du fait de la mauvaise direction du procès intenté par les demanderesses

– confirmer le jugement [pour le surplus, sauf en ce qu’il a rejeté leur demande de dommages et intérêts]

– s’il était fait droit même partiellement à la demande de dommages et intérêts des appelantes en réparation d’un hypothétique préjudice matériel, dire que le montant de la condamnation ne sera payable que dès lors que Decathlon aura commencé à payer les sommes dues à MX production au titre de la partie variable du prix de cession des brevets, et selon la périodicité des versements faits

– condamner in solidum les sociétés Herrikoa et Hiruzkia à verser à chacun des époux [B] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 août 2022 par M. [S] qui a demandé à la cour de, au visa des articles 73 et suivants du code de procédure civile, L. 223-26 et L. 253-9 du code de commerce, de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande indemnitaire

– débouter les sociétés Herrikoa et Hiruzkia de l’ensemble de leurs demandes

– condamner solidairement les sociétés Herrikoa et Hiruzkia à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La disposition du jugement ayant rejeté l’exception d’incompétence du tribunal de commerce, qui n’a pas été dévolue à la connaissance de la cour, est passée en force de chose jugée.

sur l’abus de majorité des résolutions n°5 et 6 adoptées le 11 février 2020

Les appelantes font grief au jugement d’avoir rejeté leur demande d’annulation des résolutions 5 et 6 concernant la cession des droits de propriété intellectuelle adoptées par l’assemblée générale du 11 février, après consultation écrite des associés aux motifs qu’elle s’était régulièrement tenue, alors que le tribunal n’était pas saisi d’un tel moyen mais du moyen de nullité, auquel il n’a pas répondu, tiré de l’abus de majorité réalisé par ces résolutions en ce qu’elles ont décidé de répartir une fraction substantielle du prix de cession au profit de M. [B] et de M. [S] en qualité d’inventeurs alors que la société MX production était titulaire exclusive des droits de propriété intellectuelle brevetés cédés, tandis qu’il n’est justifié d’aucun mandat d’entremise et de négociation susceptible de fonder la rémunération attribuée à M. [W].

Les appelantes précisent ici expressément qu’elles n’entendent pas remettre en cause les résolutions litigieuses sur le principe et le montant de la cession des droits de propriété intellectuelle au profit de la société Decathlon mais seulement la décision prise sur la répartition du prix de cession.

M. [B] et M. [S] font valoir qu’ils sont co-inventeurs des brevets cédés et qu’ils ont cédés leurs droits de propriété intellectuelle à la société MX production en intervenant à cet effet à l’acte de cession du 13 février 2020, la rémunération convenue avec la société MX production étant à la mesure de leur investissement personnel respectif dans la mise au point des brevets.

Les intimés exposent également que M. [W] doit être rémunéré en tant qu’apporteur de l’affaire et pour sa gestion décisive du projet de cession négocié avec la société Decathlon.

Cela posé, en droit, l’abus de majorité est caractérisé lorsque la décision adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés.

A titre liminaire, il est exact que le tribunal n’a pas statué sur le moyen tiré de la nullité pour abus de majorité alors que les requérantes ne remettaient pas le recours à la forme de la consultation écrite des associés pour délibérer sur les résolutions 5 et 6.

Sur le fond, il ressort de l’acte de cession du 13 février 2020 que M. [S] et M. [B] sont intervenus à cet acte exclusivement en qualité de co-inventeurs désignés au brevet FR 16 56874, titre « dispositif de commande et de contrôle pour voile de voilier ou de planche à voile ou aile de cerf volant », déposé le 19 juillet 2016, ne revendiquant aucune qualité ni aucun droit sur le premier brevet FR 13 61291 déposé le 18 novembre 2013 sans autre mention que celle du nom du titulaire.

Aux termes des clauses de l’acte de cession du 13 février 2020, M. [S] et M. [B] ont déclaré « renoncer irrévocablement, à compter de ce jour, à tous droits de co-propriété qu’ils pourraient tenir en leur qualité de co-inventeurs du brevet FR 16 56874 et des demandes d’extension internationales. »

En outre, ils ont pris certains engagements personnels à l’égard de la société Decathlon concernant notamment l’assistance technique et documentaire du cessionnaire.

En droit, il résulte des dispositions de l’article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle que le droit de propriété industrielle mentionné à l’article L. 611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause.

En l’espèce, il est établi, et non contestable, que M. [B] et M. [S] sont effectivement les co-inventeurs du brevet déposé le 19 juillet 2016 par la société MX production avec la mention du nom de ces deux personnes en qualité de co-inventeurs.

M. [B] étant gérant non salarié de la société MX production et M. [S], associé et travailleur indépendant, la société MX production ne pouvait revendiquer aucun droit sur leur invention, en application des dispositions du code de la propriété intellectuelle applicable à la date des faits.

M. [B], en déposant le brevet au nom et pour le compte de la société MX production, a implicitement consenti à transférer son titre de propriété industrielle à la société.

Concernant M. [S], il n’existe aucune preuve de son accord portant sur le transfert de son titre de propriété industrielle au profit de la société MX production, avant l’acte de cession du 13 février 2020.

Par ailleurs, concernant M. [B], il résulte de l’article L. 613-8 du même code que l’acte de transmission des droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doit être constaté par écrit, à peine de nullité de l’acte lui-même.

Par conséquent, les droits de la société MX production sur le brevet litigieux étaient susceptibles d’être annulés en cas de conflit avec les inventeurs.

En outre, il ne résulte d’aucune circonstance de faits de la cause que M. [S] ou M. [B] auraient entendu transférer ou renoncer à leur titre de propriété industrielle sans aucune contrepartie financière.

Dans ces circonstances, leur intervention à l’acte de cession conclu avec la société Decathlon avait bien pour objet de consolider les droits de la société MX production en ratifiant le transfert des droits de propriété industrielle à son profit, et, en renonçant expressément à toute revendication patrimoniale à l’égard du cessionnaire.

L’acte de cession du 13 février 2020, qui règle les conditions et modalités de paiement du prix de cession par Decathlon, renferme une convention conclue entre la société MX production, M. [B] et M. [S], expressément étrangère à la société Decathlon, qui a précisément pour objet de déterminer la contrepartie financière due aux inventeurs par la société MX production et devant être prélevée sur le prix de cession.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que M. [B] et M. [S] rapportent la preuve du principe de leur créance, au titre du transfert de leurs droits de propriété industrielle, sur la société MX production.

Alors que la société MX production aurait pu être privée de tout droit sur le brevet cédé, et voir ses droits limités à une simple indemnisation des moyens alloués aux co-inventeurs, le projet de cession négocié avec la société Decathlon, susceptible de lui procurer un gain de 1.685.000 euros, dont 185.000 euros immédiatement et définitivement acquis, même en cas de mise en jeu de la clause de retour des droits sur le brevet, ne trahit aucune contrariété à l’intérêt social ni volonté de favoriser les seuls intérêts des majoritaires au détriment des minoritaires.

Par ailleurs, il faut constater que M. [S] n’a pas pris part au vote sur le projet d’acte de cession fixant à la somme de 400.000 euros, outre celle 15.000 euros payable immédiatement, la contrepartie financière du transfert de ses droits librement négociés avec la société MX production étant à la mesure de l’investissement personnel de cet ingénieur, sous le statut d’auto-entrepreneur, pendant plusieurs années, lui ayant procuré une rémunération totale de 56.400 euros, et sans lequel la barre de skitesurf brevetée n’aurait pas pu exister, M. [B] apportant son expérience technique de sportif de haut niveau de la discipline, en cohérence avec l’allocation de la somme de 100.000 euros.

Et, les appelantes n’ont tiré aucun moyen de la participation au vote de M. [B] sur cette contrepartie financière.

Enfin s’agissant de la rémunération de M. [W], l’entremise de celui-ci n’étant régie par aucune disposition d’ordre public, sa rémunération relève de la liberté contractuelle, aucune forme n’étant requise, tandis que les statuts de la société MX production n’exigent pas, par sa nature ou son montant, que la convention rémunérant les services d’un intermédiaire mandaté par le gérant soit soumis à l’accord des associés.

Et, d’une part, il résulte des mails et courriers versés aux débats que M. [W], par le seul jeu de son réseau relationnel et hors toute activité professionnelle, a joué un rôle décisif dans la mise en relation de la société MX production avec la société Décathlon dont il a suivi ensuite l’évolution en accompagnant le projet alors que M. [B], gravement malade, voyait ses capacités opérationnelles amoindries, participant financièrement avec celui-ci au paiement de la redevance nécessaire au renouvellement de la protection du brevet menacé de tomber dans le domaine public, de sorte que la preuve d’un droit à rémunération de M. [W] est rapportée.

D’autre part, la résolution adoptant la rémunération des services d’un tiers ne peut être attaquée pour abus de majorité dès lors qu’elle ne peut avoir pour dessein unique de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, et par substitution de motifs, que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les requérantes de leur demande d’annulation des résolutions n°5 et 6 de l’assemblée générale du 11 février 2020 et, par voie de conséquence de leur demande d’indemnisation de leur préjudice patrimonial et moral.

A cet égard, la cour observe, surabondamment, que le dommage patrimonial invoqué par les appelantes n’est pas indemnisable dès lors que seule la société MX production serait créancière de la totalité du prix de vente alors que les associés n’auraient droit qu’aux éventuels dividendes constatés à la clôture de l’exercice enregistrant la perception de la fraction du prix de cession correspondant au nombre de barres vendues.

sur l’annulation des résolutions n°1 à 4 du 11 février 2020

Les appelantes font grief au jugement d’avoir rejeté leur demande d’annulation des résolutions n°1 à 4, tirée d’une violation de l’article L. 223-27 du code de commerce, alors que les résolutions relatives à l’approbation des comptes sociaux devaient être examinées par les associés réunis en assemblée générale.

M. [S], dans les motifs de ses conclusions, admet que les résolutions ne pouvaient pas être adoptées par consultation écrite ; cependant, il conclut à la confirmation du jugement.

Les époux [B] s’opposent à l’annulation des résolutions en faisant valoir que les appelantes ne justifiaient d’aucun grief et que, en votant, fût-ce hors délai, elles avaient validé le recours à la consultation écrite.

Les appelantes objectent justement ici que le tribunal ne pouvait pas rejeter le moyen de nullité au motif que la consultation écrite par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2020 était régulière en la forme et les documents sociaux mis à la disposition des associés, sans répondre au moyen tiré de la violation de l’article L. 223-27 du code de commerce.

Mais, l’article L. 223-27 du code de commerce dispose que les décisions sont prises en assemblée. Toutefois, les statuts peuvent stipuler qu’à l’exception de celles prévues au premier alinéa de l’article L. 223-26 toutes les décisions ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite des associés ou pourront résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte.

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 223-26, le rapport de gestion, l’inventaire et les comptes annuels établis par les gérants sont soumis à l’approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice.

Et, selon l’article L. 235-1, la nullité d’actes ou de délibération […] ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent livre […] ou des lois qui régissent les contrats […].

Il s’ensuit que les résolutions concernant les décisions prévues au premier alinéa de l’article L. 223-26 ne peuvent être prises par consultation écrites des associés, fût-ce en vertu des statuts ou avec leur accord ad hoc, à peine de nullité de la résolution.

Et, il est constant que, en l’espèce, le gérant a consulté par écrit les associés pour délibérer sur :

– l’approbation des comptes 2018 (résolution 1)

– l’affectation du résultat 2018 (résolution 2)

– la rémunération du gérant (résolution 3)

– les conventions réglementées (résolution 4) 

Aux termes des dispositions légales et des statuts de la société MX production, lesquels prévoient la consultation par écrit des associés, les résolutions 3 et 4 ont été régulièrement adoptées par consultation écrite.

Il n’y a donc pas lieu d’annuler ces deux résolutions, étant constaté, avec le tribunal, que la consultation n’a pas méconnu les autres formes prescrites en la matière.

En revanche, les deux premières résolutions doivent être nécessairement annulées dès lors que leur domaine échappe à la consultation écrite comme forme d’expression collective des associés, peu important même la participation, hors délai, des appelantes au vote, les associés ne pouvant déroger aux dispositions impératives de l’article L. 223-27.

Par conséquent, infirmant partiellement le jugement entrepris de ce chef, les résolutions 1 et 2 seront annulées.

sur la demande d’injonction de convoquer une assemblée générale sur les comptes 2019

Les appelantes font grief au jugement d’avoir rejeté leur demande d’injonction alors que le gérant ne démontre pas avoir procédé à la tenue d’une assemblée générale pour l’approbation des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2019, le délai de dépôt des comptes au greffe en date du 7 décembre 2020 au lieu du 30 septembre 2020 ayant été dépassé de plus de deux mois.

Mais, les intimés objectent, à bon droit, que l’ordonnance 2020-318 du 25 mars 2020 a prorogé de trois mois le délai pour l’approbation des comptes et que l’ordonnance 2020-321 du 25 mars 2020 a autorisé la participation à distance des organes de gouvernance et la tenue à huis clos des assemblées générales.

En l’espèce, et par lettres recommandée avec accusé de réception du 7 août 2020, le gérant a procédé à la consultation écrite des associés pour délibérer sur le rapport de gestion de l’exercice clos le 31 décembre 2019, sur le rapport spécial de gérance sur les conventions réglementées et sur l’approbation des comptes et affectation du résultat au 31 décembre 2019, documents transmis aux associés convoqués.

Il résulte des pièces versées aux débats que seules les appelantes ont voté contre ces résolutions, de sorte qu’elles ont été adoptées dans les formes et les délais légaux découlant des ordonnances prises au titre de l’état d’urgence sanitaire, peu important la date de dépôt des comptes au greffe.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société MX production

Il y a lieu de débouter la société MX production de ce chef dès lors qu’elle ne caractérise pas le préjudice moral dont elle sollicite l’indemnisation pour avoir été « appelée judiciairement dans un conflit qui ne la concerne pas » alors que les demandes d’annulation des résolutions litigieuses devaient être formées en présence de la société MX production.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par M. [S]

M. [S] n’a articulé aucun moyen au soutien de sa demande exprimée dans le seul dispositif de ses conclusions et sans demander l’infirmation du chef du jugement l’ayant débouté de sa demande de dommages et intérêts, de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement de ce chef.

sur les dispositions accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement, en réalité in solidum, les requérantes aux dépens et aux frais irrépétibles allouées aux défendeurs.

Les appelantes seront condamnées in solidum aux dépens d’appel et les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Herrikoa et la société Hiruzkia de leur demande d’annulation des résolutions n°1 et 2 adoptées le 11 février 2020,

et statuant à nouveau,

ANNULE les résolutions n°1 et 2 adoptées le 11 février 2020 par consultation écrite des associés de la société MX production,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions dévolues à la connaissance de la cour,

y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société Hiruzkia et la société Herrikoa aux dépens d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 


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