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23 juin 2022
Cour d’appel de Caen
RG n°
21/01857
AFFAIRE :N° RG 21/01857 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GY7O
ARRET N°
JB.
ORIGINE : Jugements du Tribunal de Commerce du HAVRE en date du 12 Février 2015 –
RG n° 2003005826 et du 25 Mars 2016 RG n° 2003002553
Arrêt de la Cour d’Appel de ROUEN en date du 11 Janvier 2018 – RG 16/01733
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 Décembre 2020, Pourvoi n° T 18-15.383
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 23 JUIN 2022
APPELANTES :
Société OOCL UK LTD
est OOCL House, Bridge Road, Levington, IP 10 ONE
. Ipswish / Suffolk /ROYAUME UNI
prise en la personne de son représentant légal
Société ORIENT OVERSEAS CONTAINER LINE LTD OOCL agissant tant en son nom propre que venant aux droits de la SA OOCL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentées par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me MOSQUET, avocat au barreau de ROUEN,
assistées de Me Antoine GUILLEMOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. COMPAGNIE NOUVELLE DE MANUTENTION PORTUAIRES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Sophie DENASSIEU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DEBATS : A l’audience publique du 28 Avril 2022
GREFFIER : Mme LE GALL, Greffier
ARRET prononcé publiquement le 23 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSE DU LITIGE
Au cours du mois de mars 2003, le navire ‘Canmar Pride’, porte-conteneurs appartenant à la société CPS n°5 et opéré par la société CP Ships, a fait escale au port du [Localité 3], où des conteneurs ont été chargés par la société S.A.S. Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (CNMP).
Le 3 mars 2003, le navire a quitté le port du [Localité 3] pour [Localité 4]. Au cours du transport, par mauvais temps, 54 conteneurs chargés en portée sont tombés à la mer et 24 conteneurs ont chuté sur le pont du navire.
Parmi les 54 conteneurs, 35 étaient transportés sous connaissements OOCL, les autres sous connaissements CP Ships et Hapag Lloyd.
Les sociétés CPS N°5 et CP Ships, ainsi que les sociétés OOCL (la société Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, société de droit hongkongais, en qualité de transporteur maritime, la société OOCL France, société anonyme, en tant que consignataire du transporteur maritime et signataire pour son compte des connaissements, et la société OOCL UK Ltd, société de droit anglais et société mère de la société OOCL France), ont assigné la société CNMP devant le juge des référés du tribunal de commerce du Havre qui, par ordonnance en date du 20 mai 2003, a désigné M. [H] [E] en qualité d’expert judiciaire aux fins de déterminer les causes de ce sinistre.
Par la suite, ce sinistre a donné lieu à une procédure arbitrale et à plusieurs procédures contentieuses devant les juridictions françaises et étrangères.
Le 5 mars 2004, la société CP Ships a assigné la société CNMP devant le tribunal de commerce du Havre en indemnisation de préjudice et en garantie contre toute condamnation pouvant être prononcée au profit des intérêts cargaison, au titre des conteneurs transportés sous couvert de connaissements CP Ships.
La cour d’appel de Rouen, par arrêt du 26 janvier 2012, a principalement dit que la société CNMP était responsable du sinistre à hauteur de 60 % et la société CP Ships à hauteur de 40 % et condamné in solidum la société CNMP et son assureur la société MMA à payer certaines sommes aux sociétés CP Ships.
Le 29 avril 2003, la société CP Ships a saisi le tribunal arbitral de Londres pour demander, en application de la convention d’affrètement d’espaces, la condamnation des sociétés OOCL à l’indemniser de son préjudice et de toutes sommes réclamées par des tiers ou par les intérêts cargaisons.
Par décision arbitrale en date du 27 mars 2007, les arbitres ont considéré que la société CNMP, qui a agi pour le compte des sociétés OOCL lors du chargement de tous les conteneurs au port du [Localité 3], était le responsable du défaut d’arrimage et que la société CNMP, étant le manutentionnaire contractuel des sociétés OOCL, ces dernières devaient indemniser la société CP Ships.
Ultérieurement à la décision arbitrale rendue le 27 mars 2007, les sociétés OOCL ont assigné, les 24 mai 2007 et 25 février 2013, devant le tribunal de commerce du Havre, la société CNMP aux fins d’obtenir sa garantie pour leur condamnation éventuelle à indemniser la société CP Ships au titre de ses demandes formées dans la procédure ayant abouti à l’arrêt du 26 janvier 2012, et de toute condamnation prononcée à leur encontre, dans le cadre de l’arbitrage pendant à Londres, au titre des frais irrépétibles de la société CP Ships. Cette dernière est intervenue volontairement à cette instance.
Parallèlement, les sociétés Ford Motor Company et son assureur Royal Insurance Company of America, dont les marchandises transportées sous connaissements OOCL ont péri, ont assigné la société OOCL devant les juridictions américaines, United States District Court for the Eastern District of Michigan et United States District Court for the Southern District of New York, par acte du 2 juillet 2003, ainsi que devant la Cour fédérale du Canada, par acte du 22 juillet 2003, afin d’obtenir réparation de leur préjudice, évalué à la somme de 6.000.000 USD, dans le cadre de la procédure américaine, et à une somme de 8.081.995,66 CAD, dans le cadre de la procédure canadienne.
Par acte signifié le 29 septembre 2003 , les sociétés OOCL ont appelé en garantie la société CNMP pour toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre dans le cadre des instances ainsi engagées, sollicitant un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, puis dans l’attente de l’issue des procédures américaines et canadiennes.
Le 4 janvier 2007, M. [H] [E], l’expert désigné pour déterminer les causes du sinistre, a déposé son rapport aux termes duquel il conclut que l’événement résultait d’un positionnement non conforme des conteneurs à bord du navire, imputable à la société CNMP.
Dans le cadre des procédures américaines et canadiennes, les parties ont conclu, le 4 mars 2009, un protocole d’accord prévoyant le paiement de la somme de 3.200.000 de dollars au profit des sociétés Ford Motor Company et Royal Insurance Company of America, qui, en contrepartie, s’engageaient à renoncer à la poursuite des procédures qu’elles avaient engagées à l’encontre de la société OOCL aux Etats-Unis et au Canada, en cédant l’intégralité de leurs droits et actions relatifs au litige.
Le montant prévu par le protocole d’accord ayant été réglé , les sociétés OOCL ont repris, par conclusions du 22 septembre 2009, leur procédure devant le tribunal de commerce de terre et mer du [Localité 3] aux fins d’obtenir la condamnation de la société CNMP au paiement de cette somme.
Par jugement du 12 février 2016, rectifié par jugement du 25 mars 2016, le tribunal de commerce de terre et mer du [Localité 3] a, principalement :
– mis hors de cause la société CNMT ;
– dit que l’instance n’était pas périmée ;
– reçu les sociétés OOCL France S.A., OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL en leur demandes, les a déclarées partiellement fondées ;
– condamné la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires CNMP à payer aux sociétés OOCL France S.A. OOCL UK Ltd. et la société Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL la somme de 1.920.000 USD ou sa contre-valeur en euros à la date du jugement, augmentée des intérêts légaux à compter du 29 septembre 2003 et leur capitalisation par année entière conformément aux articles 1153 et 1154 du code civil ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes ;
– condamné la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires CNMP à payer aux sociétés OOCL France S.A., OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL la somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société CNMP a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 11 janvier 2018, la cour d’appel de Rouen a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, a :
– déclaré la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (CNMP) recevable en sa demande de constat de la péremption de la première instance;
– constaté l’extinction de l’instance par l’effet de la péremption ;
– condamné la société OOCL UK Ltd. et la société Orient Overseas Containers Ltd. OOCL (Hong Kong) in solidum à payer à la société CNMP la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société OOCL UK Ltd, et la société la société Orient Overseas Containers Ltd. OOCL (Hong Kong) in solidum aux entiers dépens de première instance, ainsi que ceux d’appel dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 18 avril 2018, les sociétés OOCL se sont pourvues en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 10 décembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen, au motif que la péremption de l’instance doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen, qu’en l’espèce la péremption d’instance n’avait pas été soulevée dans les premières conclusions de la CNMP et que la cour d’appel, qui était tenue de relever d’office l’irrecevabilité de cet incident, avait violé l’article 388 du code de procédure civile.
Par déclaration du 25 juin 2021, la société OOCL UK Ltd. et la société Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, agissant tant en nom propre que venant aux droits de la société OOCL France S.A., ont saisi la cour d’appel de renvoi.
Par acte d’huissier de justice en date du 21 septembre 2021, les société OOCL ont assigné la société CNMP devant la cour d’appel de Caen.
Dans leurs dernières conclusions du 5 avril 2022, les sociétés OOCL demandent à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de commerce du [Localité 3] du 12 février 2016, tel que modifié par jugement rectificatif du 25 mars 2016, en ce qu’il a reçu les sociétés OOCL France SA, OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL en leurs demandes ;
– réformer ledit jugement en ce qu’il a limité la condamnation de la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires CNMP à payer aux sociétés OOCL France SA, OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL la somme de 1.920.000 USD en application du partage de responsabilité ;
Et, sur appel incident de :
– rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires au titre de la qualité à agir, de la preuve du préjudice, des actions de la société Ford Motor, du paiement de l’Indemnité et de l’opposabilité du protocole ;
– déclarer recevables les actions des sociétés OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, agissant tant en son nom que venant aux droits de la société OOCL France SA recevables, ensembles agissant tant en leur qualité personnelle qu’en leur qualité de partie au protocole, de débiteur de l’indemnité, de tiers payeur de la créance de réparation du dommage et d’ayants droit de la société Ford Motor et de la société Royal Insurance ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a exclu la limitation de responsabilité invoquée par la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a opposé le partage de responsabilité entre la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires et la société CP Ships aux sociétés OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, agissant tant en son nom que venant aux droits de la société OOCL France SA;
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité le droit à réparation des sociétés OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, agissant tant en son nom que venant aux droits de la société OOCL France SA à la somme de 1.920.000 USD ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a fait courir les intérêts de retards à compter de l’assignation ;
Et, statuant à nouveau :
– dire et juger que la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires est tenue au remboursement de l’intégralité de l’Indemnité transactionnelle payée par les sociétés OOCL UK Ltd, OOCL France et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL à la société Ford Motor et à la société Royal Insurance ;
– dire et juger que la limitation de responsabilité du transporteur maritime, le partage de responsabilité entre co-auteurs du dommage et le contrat d’affrètement entre armateur et affréteur ne sont pas invocables par la société Compagnie Nouvelle de Manutentions Portuaires et opposables aux sociétés OOCL UK Ltd, OOCL France et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, ensembles agissant tant en leur qualité personnelle, qu’en leur qualité de partie au protocole, de débiteur de l’Indemnité, de tiers payeur de la créance de réparation du dommage et d’ayants droit de la société Ford Motor et de la société Royal Insurance ;
– condamner la société Compagnie Nouvelle de Manutentions Portuaires à payer aux sociétés OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL, agissant tant en son nom que venant aux droits de la société OOCL France SA, ensembles agissant tant en leur qualité personnelle, qu’en leur qualité de partie au protocole, de débiteur de l’Indemnité, de tiers payeur de la créance de réparation du dommage et d’ayants droit de la société Ford Motor et de la société Royal Insurance, la somme de 3.200.000 USD ou sa contre-valeur en euros au jour de l’arrêt à intervenir, augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation avec capitalisation ;
– rejeter l’ensemble des moyens, prétentions et demandes de la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires ;
– condamner la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires aux entiers dépens et au paiement de la somme de 30.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 22 mars 2022, la société CNMP demande à la cour de :
– mettre à néant le jugement du tribunal de commerce du [Localité 3] du 12 février 2016;
Statuant à nouveau :
– dire irrecevables les demandes dirigées contre la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires par les sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL venant aux droits d’OOCL France SA ;
Si la cour devait juger que les demandes des sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL venant aux droits d’OOCL France SA sont recevables :
– dire et juger que les sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL venant aux droits d’OOCL France ne justifient pas de préjudice propre à chacune ;
– débouter les sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL venant aux droits d’OOCL France de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Si une condamnation devait être prononcée à l’encontre de la Compagnie Nouvelle de manutentions portuaires :
Sur la limitation de responsabilité :
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a retenu pour le calcul du plafond d’indemnisation dont bénéficie la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires en sa qualité de manutentionnaire les unités dans les palettes ;
– statuant à nouveau procéder au calcul par palettes et faire application de la limitation de responsabilité en conséquence ;
– sur le partage de responsabilité, confirmer le jugement en ce qu’il a dit les demandes des sociétés d’OOCL France, OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL partiellement fondées et a limité le quantum de la condamnation de la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires à la somme de 1.920.000 US$ correspondant à 60 % des demandes des sociétés d’OOCL France, OOCL UK Ltd. et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL ;
– en conséquence débouter les sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL venant aux droits d’OOCL France de leur demande de condamnation de la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires à leur payer la somme de 1.280.000 US$ ;
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit que le point de départ des intérêts la date de l’assignation et statuant à nouveau, dire que les intérêts au taux légal courent à compter de la date du règlement fait le 16 septembre 2009 par les sociétés OOCL UK Ltd., Orient Overseas Container Line Ltd. OOCL et Orient Overseas Container Line Ltd. OOCLvenant aux droits d’OOCL France aux intérêts cargaison ;
En toutes hypothèses :
– condamner celles-ci, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer à la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires une indemnité de 15.000 euros et en tous les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité de l’action
Les sociétés OOCL font valoir qu’elles agissent sur le fondement du protocole d’accord du 4 mars 2009 en qualité d’ayants droit des intérêts cargaisons.
Elles soutiennent que la contestation de cette qualité par la société CNMP est irrecevable comme étant tardive et qu’elle est en outre incohérente,nul ne pouvant se contredire au détriment d’autrui et la société CNMP ayant pu agir en garantie dans d’autres procédures contre les trois sociétés.
Elles expliquent que :
– leur action est fondée sur le paiement effectué en réparation du dommage, le protocole d’accord signé avec la société Ford et l’assureur de celle-ci leur ayant conféré la qualité d’ayant droit de la victime du dommage pour agir à titre récursoire contre l’auteur du dommage, la société CNMP, afin obtenir l’indemnisation intégrale de l’indemnité versée sur le fondement des droits substantiels de la société Ford Motor ; que le protocole consacre la transmission du droit substantiel à réparation du dommage qui est le fondement de chacune des actions récursoires successivement exercées ; que leur action fondée au départ sur la garantie des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre est devenue une action en remboursement de l’indemnité qu’elles ont payée ;
– les sociétés OOCL étaient tenues au paiement en leur qualité de transporteur et de sociétés intéressées à l’opération de transport et avaient intérêt à désintéresser la société Ford et l’assureur de celle-ci ;
– elles sont donc recevables à exercer un recours récursoire, les dispositions de l’article L5122-20 du code des transports, prévoyant que la responsabilité du manutentionnaire n’est engagée qu’envers la personne qui a requis ses services qui seule peut agir contre, ne s’appliquant qu’aux actions principales et non aux actions récursoires.
Les sociétés OOCL soutiennent par ailleurs :
– que leur action est aussi recevable en leur qualité initiale de transporteur, la responsabilité de la société OOCL H.K n’étant pas contestée et celle des deux autres sociétés OOCL se déduisant de leur qualité de donneurs d’ordre, les connaissements étant émis par OOCL HK et signés par OOCL France pour le compte de la société OOCL UK, maison mère ;
– qu’ayant chacune la qualité de débitrice de l’indemnisation versée à la victime en lieu et place de la société CNMP, elles ont chacune un intérêt personnel à agir, le dit intérêt à agir n’étant pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action et l’existence du préjudice invoqué n’étant pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès ;
– que si la société CNMP soutient que seule la société OOCL HK a été assignée devant les juridictions américaine et canadienne par la société Ford et l’assureur de celle-ci, elle ne démontre pas que ces sociétés ne pouvaient pas agir contre les trois sociétés OOCL alors qu’elles étaient toutes les trois intéressées au transport, l’absence d’action principale ne remettant pas en cause l’existence d’une action récursoire contre le manutentionnaire, action qui est fondée en l’espèce sur le protocole d’accord ;
– que le protocole d’accord, qui est opposable à la société CNMP, établit le paiement de l’indemnité et rend « OOCL » et donc les trois sociétés débitrices de l’indemnité, conjointement et solidairement ;
– que l’action récursoire exercée contre la société CNMP n’est pas prescrite dès lors que les sociétés OOCL ont engagé une action en garantie dans les trois mois des assignations délivrées par la société Ford et l’assureur de celle-ci et que le délai de prescription est ensuite interrompu jusqu’à l’extinction de l’instance et qu’en tout état de cause cette fin de non-recevoir est irrecevable car nouvelle en cause d’appel et tardive.
La société CNMP soutient que la prétention des sociétés OOCL consistant à soutenir qu’elles exercent l’action personnelle des intérêts cargaisons est une prétention nouvelle et donc irrecevable.
Elle fait valoir que :
– les sociétés OOCL sont mal fondées à arguer de ce qu’elles exercent l’action principale des intérêts cargaisons dès lors que la société Ford et son assureur ont agi contre le transporteur maritime sur le fondement du contrat de transport et de l’article L5422-12 du code des transports qui prévoit que le transporteur est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison, et que dès lors l’action des sociétés OOCLM contre le manutentionnaire est une action récursoire ;
– la société Ford n’a pas pu transmettre aux sociétés OOCL une action contre la société CNMP puisqu’elle n’a jamais exercé d’action contre cette dernière, que la société CNMP n’est pas liée contractuellement à la société Ford, que seule la personne qui a requis le manutentionnaire peut agir contre celui-ci et que la société Ford ne disposait d’aucune action délictuelle contre la société CNMP dès lors qu’elle disposait d’une action contractuelle aux mêmes fins qu’elle a d’ailleurs exercée ;
– l’action engagée par les sociétés OOCL est une action récursoire du transporteur contre son manutentionnaire dont la cause est les actions engagées devant les juridictions américaines et canadiennes et non le protocole d’accord du 4 mars 2009 ;
– les sociétés OOCL ont invoqué leur qualité de tiers payeur et fondé leur action sur le paiement fait dans le cadre du protocole d’accord par conclusions du 19 janvier 2022 et cette action est donc prescrite, les actions qui seraient fondées sur l’enrichissement injustifié ou le paiement de l’indu étant également irrecevables du fait de leur caractère subsidiaire.
La société CNMP indique en outre que :
– les sociétés OOCL ne justifient pas de leur qualité ni de leur intérêt à agir et qu’elles ne peuvent prétendre à un paiement global sans individualisation de leurs créances respectives, s’agissant de trois personnes morales distinctes ayant des intérêts différents ;
– les sociétés OOCL France et OOCL UK ne justifient pas en quoi elles ont participé au transport ni de ce qu’elles auraient désintéressé les intérêts cargaison ;
– seule la société OOCL HK a été assignée devant les juridictions américaine et canadienne par la société Ford et l’assureur de celle-ci, que la société OOCL HK n’a jamais appelé en garantie les deux autres sociétés ;
– il n’y a aucune explication sur le fait que les trois sociétés OOCL apparaissent comme parties au protocole d’accord si ce n’est pour les besoins de la procédure française, ledit protocole ne prévoyant pas que les sociétés OOCL sont débitrices solidaires.
La société CNMP fait en outre valoir que le protocole d’accord ne lui est pas opposable dans la mesure où elle n’y était pas partie et n’a pu apprécier les conditions de sa conclusion et qu’elle peut donc opposer des moyens d’irrecevabilité ou contester le montant du préjudice dont il est demandé réparation.
Ceci exposé, il y a lieu de relever que la prescription est une fin de non recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause et pour la première fois en cause d’appel.
Il n’y a pas devant la cour d’appel de principe de concentration des moyens constituant des défenses au fond dans les premières conclusions.
La présentation tardive des fins de non recevoir n’entraîne pas leur rejet mais aux termes de l’article 123 du code de procédure civile, la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Dès lors, le moyen tiré de la prescription de l’action est recevable.
L’article 32 de la loi du 18 juin 1966 modifié par la loi n°86-1292 du 23 décembre 1986, devenu l’article L5422-18 du code des transports, énonce que l’action contre le transporteur à raison de pertes ou dommages se prescrit par un an. Ce délai peut être prolongé par un accord conclu entre les parties postérieurement à l’événement qui a donné lieu à l’action.
Les actions récursoires peuvent être intentées, même après les délais prévus par les dispositions de l’alinéa précédent, pendant trois mois à compter du jour de l’exercice de l’action contre la personne garantie ou du jour où celle-ci a, à l’amiable, réglé la réclamation.
Quel que soit son fondement, l’action en responsabilité contre le transporteur à raison de pertes ou dommages ne peut être exercée que dans les conditions et limites fixées par les dispositions de la présente section.
En l’espèce, les sociétés Ford Motor Company et Royal Insurance Company of America ont assigné la société Orient Overseas Container Line Ltd. devant la juridiction américaine et canadienne par actes des 2 juillet et 22 juillet 2003 soit dans l’année du sinistre.
Les sociétés OOCL ont fait assigner la société CNMP en garantie devant le tribunal de commerce de terre et mer du [Localité 3] par acte d’huissier de justice du 29 septembre 2003 soit dans les trois mois des assignations délivrées par la société Ford Motor Company et son assureur.
Selon les dispositions de l’article 2242 du code civil, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
Le tribunal de commerce a sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise puis dans l’attente de l’issue des procédures américaine et canadienne.
Le protocole d’accord a été signé entre la société Ford Motor Company, son assureur et les sociétés OOCL le 4 mars 2009.
L’indemnité prévue au protocole a été payée par la société Orient Overseas Container Line Ltd. le 16 septembre 2009.
Les conclusions de reprise d’instance ont été déposées par les sociétés OOCL le 22 septembre 2009, dans les trois mois de ce règlement.
Il sera relevé que dans ces conclusions de reprise, il était demandé la condamnation de la société CNMP à payer aux sociétés OOCL la somme de 3 .200.000 US $ et que la demande était fondée sur l’indemnisation des intérêts marchandises sur le fondement du titre de transport, les sociétés OCCL arguant de ce qu’elles bénéficiaient d’une « cession de droits et actions/subrogation au titre du protocole d’accord ».
L’action récursoire était invoquée dès ces conclusions.
Au vu de ces éléments, la demande en paiement n’est pas prescrite.
L’irrecevabilité d’une demande pour défaut de qualité ou d’intérêt à agir est une fin de non recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause et pour la première fois en cause d’appel.
Il n’y a pas devant la cour d’appel de principe de concentration des moyens constituant des défenses au fond dans les premières conclusions.
La présentation tardive des fins de non recevoir n’entraîne pas leur rejet mais aux termes de l’article 123 du code de procédure civile, la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
L’argument selon lequel la société CNMP a soulevé tardivement sa contestation de la qualité et de l’intérêt à agir des sociétés OOCL ne peut donc être accueilli.
Il ne peut non plus par conséquent être retenu que la société CNMP se contredit au préjudice d’autrui.
Il sera ajouté de manière surabondante que le fait que la société CNMP ait assigné les trois sociétés OOCL en garantie devant le tribunal de commerce du [Localité 3] par actes des 13 et 22 avril 2010 à la suite de l’action engagée contre elle par la société CP Ships ne peut être considéré comme incohérent avec l’argument soulevé alors que ces assignations en garantie sont postérieures à l’assignation délivrée dans le cadre de la présente instance par les trois sociétés OOCL à l’encontre de la société CNMP.
De la même manière, l’argument invoqué par les sociétés OOCL relatif à la transmission par Ford Motor et son assureur du droit à réparation du dommage n’est pas une prétention nouvelle mais un moyen que les parties n’ont pas l’obligation de présenter dans leurs premières conclusions.
L’article L5422-12 du code des transports prévoit que le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison.
L’action récursoire du transporteur contre le manutentionnaire est expressément prévue par les dispositions de l’article L5422-18 du code des transports reprises supra.
L’article L5422-20 du code des transports prévoit par ailleurs que l’entreprise de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n’est engagée qu’envers cette personne qui seule peut agir contre lui.
L’action récursoire est le recours en justice exercé contre le véritable débiteur d’une obligation par celui qui est tenu de l’exécuter en tant que débiteur solidaire, garant ou responsable du fait d’autrui, contre le débiteur solidaire.
Ce qui est bien le cas du transporteur garant de son préposé manutentionnaire.
L’action récursoire peut consister soit en une action en garantie engagée par le défendeur à l’instance, soit en dehors de toute instance principale, par une action engagée contre le garant par celui qui a réglé à l’amiable la réclamation.
La société Ford Motor et la société Royal Insurance Company of America ont agi dans un cadre contractuel contre la société OOCL, de transporteur maritime, responsable, par application de l’article 5422-12 du code des transports, des pertes et dommages subis par la marchandise depuis sa prise en charge jusqu’à sa livraison.
Les sociétés OOCL se prévalent du protocole d’accord du 4 mars 2009 intitulé « Settlement agreement release and assignements of rights » dont la traduction en « Accord transactionnel et transmission de droits » n’est pas contestée par la société CNMP.
La société CNMP ne conteste pas non plus la traduction de l’article 5 du protocole à savoir « Les demandeurs acceptent conjointement et solidairement qu’en exécutant ce protocole, ils transfèrent, subrogent et cèdent par la présente à OOCL dans la limite la plus étendue autorisée par la loi, tous leurs droits et intérêts relatifs aux demandes et droits d’action pour le dommage résultant du sinistre. »
La société Ford Motor et son assureur ont engagé des actions judiciaires contre la société OOCL, responsable du dommage vis à vis d’elles en raison du contrat de transport.
Les parties ont transigé et la société OOCL a réglé amiablement une indemnité de 3200 000 USD.
L’action engagée par la suite par la société OOCL contre la société CNMP est une action récursoire. Le paiement volontaire en cours de procédure du fait de la transaction conclue ne fait pas perdre à l’action de la société OOCL contre le manutentionnaire son caractère récursoire puisque cette action est bien la conséquence de sa mise en cause par les intérêts cargaisons et de l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée de faire face à une action engagée contre elle.
Dans leurs conclusions, les sociétés OOCL évoquent elles-mêmes l’exercice d’une action récursoire mais soutiennent que leur action est fondée sur le droit substantiel à réparation du dommage de la victime qui leur a été transmis dans le protocole d’accord.
Or, il sera relevé que par application des dispositions de l’article L5422-20 du code des transports, la société Ford et son assureur n’avaient pas d’action directe contre la société CNMP.
L’action délictuelle du destinataire des marchandises contre le manutentionnaire n’est en effet recevable que si le premier ne dispose qu’aucune autre action contractuelle à l’encontre du transporteur.
La société Ford Motor détenait une créance contre la société OOCL du fait du contrat de transporteur maritime, et non contre la société CNMP.
Dès lors, la société Ford Motor et son assureur n’ont pu transmettre à la société OOCL une action contre la société CNMP.
Le débiteur de la société Ford Motor était la société OOCL, qu’elle a d’ailleurs assignée seule devant les juridictions américaine et canadienne, et non la société CNMP. La société OOCL a payé l’indemnité transactionnelle du fait de sa responsabilité en tant que transporteur maritime.
L’action des sociétés OOCL ne peut donc être une action subrogatoire mais est bien une action récursoire, comme le reconnaissent les sociétés OOCL, c’est à dire que celles-ci agissent au nom d’un préjudice propre, distinct de celui de la victime dont elle n’exerce pas l’action. Elles agissent contre la société CNMP pour obtenir sa garantie dans le cadre du contrat de manutention.
Selon les demanderesses, la société Orient Overseas Container Line Ltd Hong-Kong (OOCL HK) avait la qualité de transporteur maritime.
La société OOCL France SA avait la qualité d’agent consignataire de la société Orient Overseas Container Line Ltd Hong-Kong et la société OOCL UK Limited celle de société mère de OOCL France.
Il résulte des pièces produites aux débats que le contrat de transport maritime avec la société Ford Motor a été signé par la société OOCL HK.
Le contrat de manutention « Stevedoring contract » a été conclu entre la société OOCL HK et la société CNMP.
Les sociétés OOCL ont communiqué les « connaissements émis par OOCL HK avec les factures correspondantes ».
Comme le souligne la défenderesse, les assignations devant les juridictions américaine et canadienne concernaient uniquement la société OOCL H.K.
Il n’est pas établi que le protocole d’accord signé le 4 mars 2009 prévoit une obligation solidaire à paiement des trois sociétés qui comme le relève la société CNMP ne sont pas désignées comme « défenderesses » alors que les sociétés Ford Motor et Royal Insurance Company of America sont elles désignées
« ensemble comme demandeurs ».
La clause selon laquelle « Les demandeurs acceptent conjointement et solidairement qu’en exécutant ce protocole, ils transfèrent, subrogent et cèdent par la présente à OOCL dans la limite la plus étendue autorisée par la loi, tous leurs droits et intérêts relatifs aux demandes et droits d’action pour le dommage résultant du sinistre. » ne prévoit pas d’engagement solidaire des sociétés OOCL mais bien une acceptation conjointe et solidaire de la société Ford et de son assureur
La qualité de société mère de la société OOCL UK n’est pas établie de surcroît.
La qualité d’agent consignataire de la société OOCL France n’est pas non plus établie par les pièces du dossier. Il n’est fourni aucun document signé par elle pour le compte de la société OOCL HK. Il n’est pas non plus expliqué en quoi sa responsabilité serait engagée dans le cadre du contrat de transport.
Le paiement de l’indemnité transactionnelle à Ford Motor a été effectué par la société OOCL HK.
Cette société ne justifie aucunement d’un recours qu’elle détiendrait à l’encontre des deux autres sociétés OOCL.
Le seul report du nom des sociétés OOCL France et OOCL U.K, qui sont des personnes morales distinctes différentes, dans le protocole d’accord ne suffit pas à démontrer l’existence d’un intérêt légitime à agir de chacune d’entre elles en paiement contre la société CNMP.
Le jugement sera donc infirmé et leurs demandes seront jugées irrecevables.
Il en va différemment pour la société OOCL H.K dont il est justifié qu’elle est le transporteur maritime et qu’elle a réglé l’indemnité transactionnelle. Elle dispose donc d’un intérêt légitime et personnel à agir au titre de l’action récursoire du transporteur maritime à l’encontre de son manutentionnaire.
Son action est bien recevable.
Sur le fond
Les sociétés OOCL font valoir qu’elles demandent le remboursement intégral de la somme qu’elles ont versée au titre du protocole d’accord du 4 mars 2009 puisqu’elles exercent en application du protocole d’accord l’action et les droits de la victime du dommage.
Elles soutiennent que l’évaluation du dommage est détaillée et justifiée, que tant le montant de l’indemnité de réparation que celui de l’indemnité transactionnelle sont prouvés, la transmission de la créance étant opposable à la société CNMP qui est le débiteur et celle-ci et qui est mal fondée à invoquer une limitation de responsabilité calculée en fonction du poids et non en fonction du nombre d’unités, la somme réclamée devant par ailleurs porter intérêts à compter de l’assignation.
Les sociétés OOCL contestent que le partage de responsabilité opéré par la cour d’appel de Rouen dans son arrêt du 26 janvier 2012 leur soit opposable au motif que le partage de responsabilité entre co-auteurs fautifs est inopposable à la victime, aux ayants cause de la victime ou encore au solvens de l’indemnité de règlement amiable, que le partage de responsabilité ne peut affecter l’étendue de l’action récursoire, que la société CNMP confond l’obligation et la contribution à la dette, que les sociétés OOCL agissent dans les droits de la société Ford et de l’assureur de celle-ci pour la réparation du dommage causé à la marchandise et non en leur qualité d’affréteur du navire.
Elles indiquent en outre que la société CNMP ne peut invoquer le contrat d’affrètement et la sentence arbitrale du 27 mars 2007 intervenue dans le cadre de la procédure les opposant à la société CP Ships, qui n’ont créé aucun droit à son profit, la société CNMP n’étant pas partie au contrat d’affrètement et l’obligation de garantie prévue au contrat d’affrètement étant une prérogative contractuelle invocable uniquement par la société CP Ships et opposable uniquement à la société OOCL.
Elles précisent que le tribunal arbitral n’a pas condamné les sociétés OOCL à garantir la société CNMP, que la sentence arbitrale ne concerne que les marchandises transportées sous connaissement CP Ships, que la société CNMP ne peut revendiquer ni exercer les droits contractuels et recours de la société CP Ships qui n’a formé aucune réclamation au titre des marchandises transportées par la société OOCL.
La société CNMP soutient que :
– le montant d’indemnisation réclamé par les sociétés OOCL n’est pas détaillé ni justifié ;
– la limitation de la responsabilité du transporteur devait être calculée au poids compte-tenu de l’incertitude de désignation des palettes ou colis ;
– la responsabilité de la société CNMP doit être limitée à 60 % en application de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 26 janvier 2012, cet arrêt n’ayant ordonné aucune condamnation solidaire, l’action des sociétés OOCL étant une action récursoire et non l’exercice de l’action principale de Ford Motor, la société CNMP ne pouvant être tenue que des avaries subies par les marchandises causées par sa faute et les sociétés OOCL ne pouvant obtenir plus de droits contre elle que n’en a obtenus la société CP Ships, la sentence arbitrale du 27 mars 2007 retenant la responsabilité d’OOCL à l’égard de la société CP Ships et déboutant la société OOCL de sa demande de condamnation de la société CP Ships à la garantir des réclamations formées contre elle du fait des préjudices subis par les marchandises ayant voyagé sous connaissement OOCL à l’occasion du même sinistre ;
– la société CNMP est fondée à opposer cette sentence arbitrale à la société OOCL HK qui doit supporter seule les conséquences financières des dommages causés aux marchandises voyageant sous connaissement OOCL sans recours contre la société CP Ships ;
– les intérêts de retard doivent courir à compter de la date de règlement de l’indemnité transactionnelle soit le 16 septembre 2009.
Ceci exposé, il résulte du rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [E] le 4 janvier 2007 que la cause du dommage résulte des conditions météorologiques particulièrement mauvaises associées à un arrimage
(positionnement) des conteneurs non conforme aux règles de l’art.
Le poids maximal des containers situés au dernier plan était largement dépassé et de surcroît la règle qui consiste à placer les containers les plus lourds dans les plans inférieurs n’avait pas été respectée.
L’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 26 janvier 2012, ne peut avoir autorité de la chose jugée dans la présente instance dès lors qu’il ne porte pas sur un objet identique, que les demandes n’étaient pas les mêmes.
En effet, devant la cour d’appel de Rouen, la société CP Ships, qui n’est pas partie dans la présente instance, agissait en garantie contre CNMP pour obtenir l’indemnisation de son préjudice relatif aux dommages subis par le navire, aux frais de déviation, aux réparations, aux réclamations des intérêts cargaisons concernant les containers ayant voyagé sous son connaissement.
Il résulte des pièces du dossier que la société CNMP, manutentionnaire de la société OOCL, était l’unique professionnel auquel incombait en premier chef les opérations de chargement.
La société OOCL n’intervenait pas dans les opérations de chargement elles-mêmes et ne se voyait pas soumettre le plan de chargement pour avis ou contrôle.
L’absence d’arrimage des containers conformément aux règles de l’art est concernant la société OOCL la cause unique du préjudice de celle-ci.
La faute commise par la société CNMP est donc à l’origine de l’entier préjudice de la société OOCL.
La société OOCL justifie d’un préjudice puisque plusieurs containers voyageant sous son connaissement ont été perdus ou endommagés entraînant une action en responsabilité des intérêts cargaisons à son encontre.
Il résulte en effet du rapport de mer du 19 mars 2003 que 54 containers sont tombés à la mer et 28 ont été endommagés.
Il résulte du tableau communiqué par la société OOCL que 25 containers transportés par celle-ci ont péri et 5 ont été endommagés.
Il résulte de ce tableau, non contesté, que la valeur facturée pour les seuls containers tombés à l’eau était de 4 616 525 USD.
Dans leurs assignations initiales,les intérêts cargaisons demandaient une indemnisation à hauteur de 6 000 000 USD pour la procédure américaine et à hauteur de 8 081 995 CAD pour la procédure canadienne.
Le montant de l’indemnité payée aux intérêts cargaisons par la société OOCL à la suite du sinistre est connu. Il est le résultat de la transaction entre les parties.
C’est donc bien la somme ainsi versée de 3 200 000 USD qui constitue le montant du dommage et qui a été réglé par la société OCCL.
L’article L5422-23 du code des transports édicte que
La responsabilité de l’entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les montants fixés par l’article L5422-13 et par les dispositions réglementaires prévues par l’article L5421-9, à moins qu’une déclaration de valeur ne lui ait été notifiée.
L’article 4 paragraphe 5 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 précise qu’à moins que la nature et la valeur des marchandises n’aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsable des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable.
En l’espèce, il apparaît, comme l’ont retenu les premiers juges, que les connaissements établis par la société OOCL précisent le nombre d’unités transportées. Le tableau récapitulatif des containers perdus et endommagés précise le nombre de palettes(racks) et le nombre d’unités.
Le calcul pour apprécier s’il y a lieu à une limitation de responsabilité peut donc se faire par unités et par le poids.
Les calculs faits par la société OOCL, non contestés dans leur principe, établissent :
au poids : 472 045 kg de marchandises perdues et 95 917 kg de marchandises endommagées x 2DTS = 944 090 DTS
par unité : 4387 unités perdues et 840 unités endommagées x 666,67 DTS = 3484 684 DTS soit 4 907 595 USD.
L’indemnité payée par la société OOCL est inférieure à la limite la plus élevée applicable et il n’y a donc pas lieu à opérer en l’espèce une limitation de responsabilité.
Il résulte de la sentence arbitrale du 27 mars 2007 rendue sur la base de « slot charter agreement » répartissant les obligations entre CP Ships et OOCL
– que les affréteurs (OOCL) sont responsables des pertes et dommages à la cargaison découlant de l’arrimage de cette cargaison au [Localité 3] les 2/3 mars 2003 et que les armateurs( CP Ships) sont en droit d’être indemnisés par les affréteurs pour toutes responsabilités envers les tiers et /ou les intérêts cargaisons pour perte, retard ou dommage de cargaison, et que les armateurs sont en droit d’être indemnisés par les affréteurs pour toutes pertes et dommages à leurs containers et pour pertes et dommages au navire, frais de déroutement inclus.
La demande reconventionnelle d’OOCL consistant à voir reconnaître qu’elle était en droit d’être indemnisée par CP Ships pour toutes les responsabilités envers les tiers et les intérêts cargaison et pour les pertes et dommages de ses propres containers et tendant à obtenir des dommages-intérêts a été rejetée.
Il y a lieu de retenir que la société CNMP n’est pas partie à la sentence arbitrale.
Cette décision ne concerne que les rapports entre CP Ships et la société OOCL et non les rapports de la société CNMP avec la société OOCL.
La société CP Ships n’est pas partie à la présente instance. Sa responsabilité dans la perte des containers sous connaissement OOCL HK n’a jamais été jugée.
Dès lors, la société CNMP est mal fondée à réclamer l’application de la sentence arbitrale à son profit dans la présente instance.
Au vu de ces éléments, la société OOCL HK est bien fondée à réclamer à la société CNMP l’intégralité de la somme qu’elle a versée à ses intérêts cargaisons soit la somme de 3 200 000 USD, qui correspond au préjudice qu’elle a subi du fait de la faute commise par la société CNMP dans l’exécution du contrat de manutention.
Le jugement sera infirmé et la société CNMP sera condamnée à payer cette somme, ou sa contre-valeur en euros au jour du présent arrêt, à la société OOCL KK.
Le jugement sera infirmé sur le point de départ des intérêts qui doivent courir à compter du paiement effectué le 16 septembre 2009, les intérêts dus aux intérêts cargaisons ayant nécessairement été inclus dans l’indemnité transactionnelle.
La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera confirmée.
Les dispositions du jugement relatives aux frais de procédure seront infirmées en ce qu’elles ont été prononcées au bénéfice des trois sociétés OOCL.
Les dispositions relatives aux dépens seront confirmées.
Il n’apparaît pas inéquitable que la société CNMP, qui est condamnée à paiement, supporte ses frais irrépétibles.
Elle sera condamnée à payer à la société OOCL HK la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ainsi qu’ aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
CONFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement déféré sur la recevabilité de l’action de la société Orient Overseas Container Line LTD OOCL (OOCL HK), sur la capitalisation des intérêts, sur les dépens ;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
JUGE irrecevables les actions des sociétés OOCL UK LTD et Orient Overseas Container Line LTD OOCL venant aux droits de la société OOCL France SA ;
CONDAMNE la société CNMP à payer à la société OOCL HK la somme de 3 200000 USD ou sa contre-valeur en euros au jour du présent arrêt ;
DIT que les intérêts légaux attachés à la condamnation courent à compter du 16 septembre 2009 ;
CONDAMNE la société CNMP à payer à la société OOCL HK la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;
DEBOUTE la société CNMP de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société CNMP aux dépens d’appel ;
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY