Cession de droits : 22 juin 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00631

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Cession de droits : 22 juin 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00631
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22 juin 2022
Cour d’appel de Bastia
RG n°
21/00631

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 22 JUIN 2022

N° RG 21/00631

N° Portalis DBVE-V-B7F-CB24 SM – C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Président du TJ d’AJACCIO, décision attaquée en date du 20 Août 2021, enregistrée sous le n° 21/00273

Consorts [R]

C/

[R]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

VINGT-DEUX JUIN DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTS :

M. [L] [R]

né le 16 Décembre 1960 à [Localité 13]

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représenté par Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d’AJACCIO

M. [X] [R]

né le 21 Juin 1962 à [Localité 13]

[Adresse 12]

[Localité 4]

Représenté par Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d’AJACCIO

INTIMÉE :

Mme [T] [R]

née le 18 Mars 1927 à [Localité 14]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocate au barreau de BASTIA, Me Cédric CABANES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 avril 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 juin 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Suivant acte d’huissier du 15 décembre 2016, M. [L] [R] et M. [X] [R] ont fait citer Mme [T] [C] [R] devant le tribunal de grande instance d’Ajaccio statuant en la forme des référés aux fins de voir :

A défaut de conciliation,

– fixer l’indemnité d’occupation mensuelle à la somme minimum de 1 500 euros,

– condamner la requise au paiement au profit de l’indivision [O] [R] d’une somme de 90 000 euros minimum correspondant à son occupation exclusive du bien cadastré commune de [Localité 10] 20 100 section A n°[Cadastre 6],

– condamner la requise au paiement au profit des requérants d’une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la requise aux entiers dépens.

Suivant ordonnance du 28 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Ajaccio a :

– débouté [L] [R] et [X] [R] de leurs demandes,

– laissé les dépens à la charge de [L] [R] et [X] [R].

Par arrêt du 18 décembre 2019, la 2° section de la chambre civile de la cour d’appel de Bastia a :

– annulé l’ordonnance de référé déférée,

– renvoyé la cause et les parties devant le président du tribunal de grande instance d’Ajaccio statuant en la forme des référés,

– condamné M. [L] [R] et M. [X] [R] au paiement des dépens d’appel,

– débouté M. [L] [R] et M. [X] [R] de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 20 août 2021, le tribunal judiciaire d’Ajaccio a :

– débouté MM. [L] et [X] [R] de leurs demandes,

– condamné MM. [L] et [X] [R] aux dépens avec distraction au profit de Me Sentenac,

– condamné MM. [L] et [X] [R] à payer 1 000 euros à Mme [T] [R] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration enregistrée le 6 septembre 2021, M. [L] [R] et M. [X] [R] ont interjeté appel de la décision susvisée en ce qu’elle a :

– Débouté Monsieur [L] [R] et Monsieur [X] [R] de leurs demandes tendant à solliciter :

– La condamnation de Mme [T], [B] [R] au paiement au bénéfice de l’indivision de feu [O] [R], d’une indemnité d’occupation mensuelle de 1 500 €, à compter du 15 décembre 2011, soit un montant global de 135 000 € arrêté au 15 juin 2021, somme étant à parfaire au jour du prononcé de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire sur la détermination de la valeur locative des biens litigieux :

– De donner acte à Messieurs [R] [L] [D] [P] et [R] [X] [N], de leur accord pour qu’aux frais avancés de Madame [T] [R], un expert soit désigné afin de déterminer précisément cette valeur.

– La condamnation de Mme [T], [B] [R], sous astreinte de 500 € par jour de retard, à remettre à compter du prononcé de la décision à intervenir, à Monsieur [R] [L] [D] [P] et Monsieur [R] [X] [N], un jeu des clés du portail d’accès à la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 6] sur la commune de [Localité 10], ainsi qu’un jeu des clés d’accès à la construction y érigée.

– La condamnation de Mme [T], [B] [R], à payer à M. [L] [R] et Monsieur [R] [X] [N], la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

– Condamné Monsieur [L] [R] et Monsieur [X] [R] aux dépens avec distraction au profit de Maître SENTENAC – Condamné Monsieur [L] [R] et Monsieur [X] [R] à payer 1000 € à Madame [T] [R] sur le fondement de l’article 700 Du Code de Procédure Civile.

Les appelants sollicitent la réformation du jugement sur les chefs de jugement critiqués.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 10 janvier 2022, M. [L] [R] et M. [X] [R] ont demandé à la cour de :

Déclarer recevable et parfaitement fondé, l’appel formé par acte en date du 6 septembre 2021, par MM. [L] [D] [P] et [X] [N] [R], contre le jugement rendu entre les parties le 20 août 2021 par Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire

d’AJACCIO ;

En conséquence, y faisant droit :

Infirmer ledit jugement en ce qu’il a :

-Débouté MM. [L] et [X] [R] de leurs demandes,

-Condamné MM. [L] et [X] [R] aux dépens ;

-Condamné MM. [L] et [X] [R] à payer 1 000 € à Mme [T] [R] sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-Déclarer Monsieur [R] [L] [D] [P] et Monsieur [R] [X] [N], recevables et bien fondés en leurs prétentions.

-Condamner Mme [T], [B] [R] au paiement au bénéfice de l’indivision de feu [O] [R], d’une indemnité d’occupation mensuelle de 1 500 €, à compter du 15 décembre 2011, soit un montant global de 135 000 € arrêté au 15 juin 2021, somme étant à parfaire au jour du prononcé de l’arrêt à intervenir.

A titre subsidiaire sur la détermination de la valeur locative des biens litigieux :

Donner acte à Messieurs [R] [L] [D] [P] et [R] [X] [N], de leur accord pour qu’aux frais avancés de Madame [T] [R], un expert soit désigné afin de déterminer précisément cette valeur.

En toute hypothèse et d’ores et déjà :

Condamner Mme [T], [B] [R], sous astreinte de 500 € par jour de retard, à remettre à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, à Monsieur [R] [L] [D] [P] et Monsieur [R] [X] [N], un jeu des clés du portail d’accès à la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 6] sur la commune de [Localité 10], ainsi qu’un jeu des clés d’accès à la construction y érigée.

Condamner Mme [T], [B] [R], à payer à M. [L] [R] et Monsieur [R] [X] [N], la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais non-taxables exposés en première instance.

Condamner Mme [T], [B] [R], à payer à M. [L] [R] et Monsieur [R] [X] [N], la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais non-taxables exposés en cause d’appel.

La condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 13 octobre 2021, Mme [T] [R] a demandé à la juridiction d’appel de :

CONFIRMER intégralement le Jugement dont appel ;

DÉBOUTER les consorts [L] et [I] [R] de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions comme étant mal fondées ;

CONDAMNER les consorts [L] et [I] [R] à payer à Madame [T]

[R] une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 code de procédure civile en appel, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Me CAPOROSSI qui y a pourvu.

Par ordonnance du 30 mars 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l’affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 avril 2022 à 8 heures 30.

Le 21 avril 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 22 juin 2022.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Les consorts [R] soutiennent que le caractère indivis de la parcelle anciennement cadastrée A [Cadastre 6] sur laquelle la maison est édifiée est désormais acquis, en l’état de la décision rendue le 3 février 2021 par la cour d’appel de Bastia qui aurait débouté Mme [T] [R] de sa demande d’usucapion au regard de l’indivision subsistant sur la parcelle en cause.

Ils affirment à ce propos que la chose implicitement jugée est revêtue de l’autorité de la chose jugée.

Ils précisent par ailleurs que cette parcelle, désormais réunie avec la parcelle A [Cadastre 5] sous le numéro A [Cadastre 9], était à l’origine cadastrée sous le numéro A [Cadastre 7], laquelle apparaîtrait au cadastre sans modification depuis l’année 1913.

Ils estiment que si la décision entreprise devait être confirmée, et en l’état de la décision rendue le 3 février 2021 par la cour d’appel de Bastia, Mme [T] [R] serait une occupante sans droit ni titre du bien litigieux et ne pourrait empêcher les tiers d’en user.

Ils affirment que le projet d’échange n’a pas abouti car il était lié à d’autres conditions que Mme [R] n’aurait pas acceptées puisqu’elle n’aurait signé aucun document.

Les appelants rappellent que l’indemnité d’occupation vise à compenser la privation des autres indivisaires de l’exercice de leur propre droit d’usage ; il serait donc indifférent que le bien indivis n’ait pas été productif de revenus. Ils font valoir que la privation de l’occupation des lieux par les autres coïndivisaires est établie par l’ordonnance rendue le 27 septembre 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance d’Ajaccio.

Ils soulignent que l’indemnité est due même si l’occupation des lieux n’est pas effective par le coïndivisaire, dès lors que ce dernier détient exclusivement les clefs, sauf à prouver que l’immeuble a été mis à la disposition de tous les coïndivisaires.

Eu égard à la prescription quinquennale et à la délivrance de l’assignation le 15 décembre 2016, ils sollicitent le paiement d’une indemnité d’occupation depuis le 15 décembre 2011 jusqu’au prononcé de la décision à intervenir.

Ils précisent que le bien immobilier est érigé sur un terrain de 4 000 m², de sorte qu’une indemnité mensuelle de 1 500 euros ne serait pas déraisonnable. Ils ajoutent que les divers plans et croquis versés au débat mentionnent une surface habitable de plus de 250 m² ainsi que la présence d’une piscine.

En réponse, Mme [R] explique que le bien litigieux s’est trouvé en indivision successorale suite au décès d'[O] [R], laissant pour héritiers ses quatre enfants.

L’intimée ajoute que, par acte sous seing privé des 20 et 28 décembre 1977, chacun de ses trois frères et s’ur lui a cédé sa part sur les biens cadastrés n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] en échange de ses droits sur la parcelle A [Cadastre 8].

Elle fait valoir que la jouissance exclusive consensuelle de la propriété litigieuse est établie depuis l’ordonnance de référé du 27 septembre 2016, et précise que la décision rendue le 3 février 2021 par la cour d’appel de Bastia suite à sa demande d’usucapion a fait l’objet d’un pourvoi.

Si elle se dit consciente de l’absence d’effet suspensif du pourvoi en cassation, elle souligne que les parties ne sont pas en état d’alternative simple entre une situation d’indivision successorale sur la parcelle en cause, et la reconnaissance d’une usucapion à son profit.

Elle relève qu’aucune des juridictions saisies n’a statué sur la nature juridique des droits de propriété des parties depuis la cession de droits intervenue entre les coïndivisaires, et s’étonne de la demande de ses neveux alors qu’ils n’ont jamais saisi le juge du fond en ouverture judiciaire des opérations de liquidation-partage de la succession d'[O] [R]. Elle fait valoir à ce propos que M. [L] [R] occupe seul d’autres parcelles relevant de la succession d'[O] [R], de sorte qu’il n’aurait pas intérêt à provoquer le partage.

Elle affirme par ailleurs que seul le dispositif des décisions est revêtu de l’autorité de la chose jugée. Or au terme de la décision rendue le 3 février 2021, la cour d’appel de Bastia l’aurait simplement déboutée de sa demande d’usucapion, laissant possible toute autre qualification que celle de l’indivision relativement à la parcelle litigieuse.

L’intimée soutient que le défaut d’acte authentique de partage n’entraîne pas l’absence de partage, et en déduit que les actes consentis en décembre 1977 ont permis un partage partiel.

Elle rappelle par ailleurs qu’aucune formalité n’est légalement exigée pour un partage, la nécessité d’une publication en matière immobilière n’étant pas une condition de validité de l’acte de partage, mais simplement d’opposabilité aux tiers. Or elle estime que les appelants ne sont pas des tiers pouvant se prévaloir de l’inopposabilité des cessions sous seing privés constituant partage puisqu’ils viennent aux droits de leur auteur qui a expressément cédé ses droits.

En application de l’article 480 du code de procédure civile, seul ce qui est tranché par le dispositif de la décision est revêtu de l’autorité de la chose jugée.

S’il n’est pas interdit d’éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de la décision, les motifs, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif, n’ont pas autorité de la chose jugée.

En revanche, si l’autorité de la chose jugée s’attache seulement au dispositif des décisions et non à leur motifs, elle s’étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif.

En l’espèce, au terme de la décision rendue le 3 février 2021 par la cour d’appel de Bastia, Mme [T] [R] a été déboutée de sa demande d’usucapion relativement à la parcelle A [Cadastre 9] de la commune de [Localité 10] anciennement cadastrée A [Cadastre 5] et A [Cadastre 6].

Si les motifs de la décision visent une situation d’indivision, ils ne sont pas revêtus de l’autorité de la chose jugée ; ils ne sont pas davantage implicitement compris dans le dispositif puisque le rejet de la demande d’usucapion n’implique pas nécessairement une situation d’indivision.

Les appelants ne peuvent donc aucunement exciper de l’autorité de la chose jugée pour se prévaloir de l’existence d’une indivision sur la parcelle anciennement cadastrée A section [Cadastre 6].

D’autre part, si les parties ne produisent pas l’attestation immobilière réalisée au décès de leur(s) auteur(s), il résulte des différents documents de la conservation des hypothèques que les parcelles A [Cadastre 5] et [Cadastre 6] -devenues la parcelle A [Cadastre 9]- étaient anciennement cadastrées sous le même numéro A [Cadastre 7] appartenant à [O] [R] depuis 1958.

L’acte de notoriété du 29 mars 1967, établi suite au décès d'[O] [R] survenu le 15 mars 1967, mentionne quatre héritiers, dont [E] [C] [G] [R] et Mme [T] [B] [R].

Les appelants interviennent par ailleurs en qualité d’héritiers suite au décès de leur père, [E] [C] [G] [R], survenu le 8 novembre 1999, ainsi que cela ressort de l’acte de notoriété du 20 janvier 2000.

Pour s’opposer à la situation d’indivision, Mme [R] entend se prévaloir de l’existence d’un partage amiable partiel, et produit à ce titre trois actes sous seing privé établis par ses frères et s’ur, co-héritiers d'[O] [R], les 20 et 28 décembre 1977 dans les termes similaires suivants :

‘Je soussigné (…) déclare céder à ma soeur Mademoiselle [T] [R] ma part du terrain indivis situé sur la commune de [Localité 10] et cadastré sous le n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] section A en échange de sa de sa part sur la maison située sur la commune de [Localité 10] et cadastrée sous le n°[Cadastre 8] section A.

L’acte authentique d’échange sera établi par Maître de Bernardi’.

Il résulte clairement de ces actes sous seing privé que les parties entendaient convenir d’un échange dans le cadre d’un partage amiable partiel, ce contrat étant défini par l’article 1702 du code civil comme un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre.

Or Mme [T] [R] ne produit aucunement l’acte sous seing privé qu’elle aurait rédigé afin de céder sa part à ses frères et s’ur sur le bien cadastré section A [Cadastre 8], contrepartie sans laquelle l’échange ne pouvait avoir lieu.

Il sera d’ailleurs observé que les coïndivisaires font référence à un acte authentique dont il n’est pas contesté qu’il n’a jamais été régularisé, pour une raison qui demeure inconnue.

L’argument des appelants tenant à l’absence d’effectivité de l’échange par suite du non-respect de ses engagements par Mme [R] ne peut dès lors être écarté.

Dans ces conditions, Mme [R] ne peut se prévaloir des actes sous seing privé susvisés et de la pleine propriété sur la parcelle litigieuse.

A défaut d’usucapion par Mme [R], la parcelle litigieuse est par conséquent demeurée dans l’indivision successorale.

Au terme de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [R] jouit de la parcelle litigieuse depuis 1977 au moins, et y a construit une maison.

Il résulte par ailleurs de l’ordonnance rendue le 13 septembre 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance d’Ajaccio que M. [L] [R] a été contraint de cesser les travaux entrepris sur la parcelle A [Cadastre 6] à la demande de Mme [R], ce qui confirme les propos des appelants quant à la jouissance privative de la parcelle en cause par leur tante -situation au demeurant non contestée par l’intimée qui a entendu se prévaloir d’une usucapion.

Mme [R] est par conséquent redevable d’une indemnité conformément à l’article 815-9 susvisé.

Les appelants versent au débat divers documents relatifs au permis de construire du 7 juillet 1977 et au permis modificatif du 24 avril 1980 afin de permettre à la cour d’appréhender la consistance des lieux.

Il en ressort que la maison construite entièrement en pierres apparentes comporte une surface habitable de 256,76 m² ; une piscine est également visible sur le plan de masse.

En toutes hypothèses, il sera relevé que Mme [R] ne formule aucune contestation relativement au montant de l’indemnité d’occupation réclamée -qui est en cohérence avec les caractéristiques de la maison située dans le Sartenais-, et qui sera donc fixée à la somme mensuelle de 1 500 euros.

Les appelants ont par ailleurs fait une exacte appréciation des faits en rappelant l’existence d’une prescription quinquennale, interrompue par la délivrance de l’assignation du 15 décembre 2016.

Mme [R] sera dès lors condamnée à payer à l’indivision d'[O] [R] la somme mensuelle de 1 500 euros à titre d’indemnité d’occupation à compter du 15 décembre 2011 jusqu’au prononcé de la décision conformément à la demande des appelants, soit une somme totale de 190 500 euros.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Les appelants seront par ailleurs déboutés de leur demande tendant à voir condamner Mme [R] à leur remettre, sous astreinte, un jeu des clefs du portail d’accès à la parcelle litigieuse ainsi qu’un jeu des clefs d’accès à la construction y érigée eu égard à l’occupation privative des lieux par Mme [R] depuis 1977, à la possibilité pour tout indivisaire de provoquer le partage à tout moment et à la faculté des coïndivisaires de solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation en cas d’usage privatif des biens indivis.

Sur les autres demandes

Il n’est pas équitable de laisser à M. [L] [R] et M. [X] [R] les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; Mme [T] [R] sera par conséquent condamnée à leur payer une somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, Mme [T] [R] sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.

Enfin, Mme [T] [R], qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [T] [R] à payer entre les mains du notaire chargé de la liquidation de la succession d'[O] [R], décédé le 15 mars 1967, une indemnité d’occupation mensuelle de 1 500 euros à titre d’indemnité d’occupation à compter du 15 décembre 2011 jusqu’au prononcé de la présente décision, soit une somme totale de 190 500 euros,

Condamne Mme [T] [R] à payer à M. [L] [R] et M. [X] [R] la somme globale de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [T] [R] au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

 


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