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21 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/02155
N° RG 21/02155 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NPKV
Décision du
Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 12 février 2021
RG : 2018J01168
2104300008/1
S.A.R.L. 5RM
C/
S.A.R.L. INFORMATIQUE BUREAUTIQUE SOLUTION NETWORK (IBS)
S.A.S. LOCAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 21 Mars 2023
APPELANTE :
Société 5RM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Annabel PASCAL de la SARL LCR AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1045
ayant pour avocat plaidant Me Myriam BROUILLARD DE VREESE de la SELARL IFAC, avocat au barreau D’AUBE
INTIMEES :
Société BUROSYS venant aux droits de la société INFORMATIQUE BUREAUTIQUE SOLUTION NETWORK (IBS)
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713
ayant pour avocatr plaidant Me Serge DAURIAC de la SELARL CABINET DAURIAC & ISSAGARRE, avocat au barreau D’AGEN
Société LOCAM
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
PARTIE INTERVENANTE :
Société [G]-[R] prise en la personne de Me [Y] [J], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société 5RM
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Annabel PASCAL de la SARL LCR AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1045
ayant pour avocat plaidant Me Myriam BROUILLARD DE VREESE de la SELARL IFAC, avocat au barreau D’AUBE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 17 Mars 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 21 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Stéphanie LEMOINE, président
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
– Dominique DEFRASNE, magistrat honoraire
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Stéphanie LEMOINE, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
Le 16 juin 2016, la société Socoas, spécialisée dans l’activité de conseil, management et gestion des risques d’entreprises, a conclu au profit de la société Informatique Bureautique Solution network (la société IBS network), spécialisée dans le secteur d’activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques, un contrat de cession de droits d’auteur portant sur une application web.
Le 1er août 2016, un cahier des charges a été réalisé par la société IBS network et signé par la société Socoas, reprenant l’objet du logiciel et les principales caractéristiques.
Le 3 août 2016, la société Socoas a conclu avec la société Locam un contrat de crédit-bail d’un montant de 160 535 euros destiné à financer le « logiciel 5RM web de Risk Management » commandé à la société IBS network, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 4 560 euros TTC chacun, jusqu’au 10 septembre 2021.
Le même jour, la société Socoas a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du logiciel sans émettre de réserves.
Le 8 août 2016, la société Socoas a signé un bon de commande portant sur l’application 5RM web.
Plusieurs loyers étant demeurés impayés, la société Locam a, par courrier recommandé du 16 juillet 2018 visant la clause résolutoire, mis en demeure la société Socoas d’avoir à lui payer sous huit jours la somme de 20 359,53 euros.
La mise en demeure étant restée vaine, la société Locam a assigné en paiement la société Socoas devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne.
La société Socoa, devenue la société 5RM, a appelé en la cause la société IBS network.
Par jugement du 12 février 2021, le tribunal s’est déclaré compétent pour traiter le litige et a :
– constaté l’indivisibilité des contrats souscrits, d’une part entre la société 5RM et la société IBS network, d’autre part entre la société 5RM et la société Locam,
– dit que la société IBS network a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles,
– dit que l’action de la société Locam est recevable et fondée,
– rejeté la demande d’expertise formulée par la société 5RM,
– rejeté la demande de la société 5RM de résolution du contrat de fourniture d’un logiciel informatique conclu avec la société IBS network,
-rejeté la demande de la société 5RM de caducité du contrat de location financière conclue avec la société Locam,
– rejeté la demande de la société 5RM tendant à être relevée et garantie par la société IBS network des condamnations prononcées contre elle,
– débouté la société 5RM de ses demandes à l’égard des sociétés Locam et IBS network,
– condamné la société 5RM à verser à la société Locam la somme de 191’520 euros TTC en principal et 19’152 euros au titre de la clause pénale, soit un total de 210’672 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 16 juillet 2018,
– condamné la société 5RM à verser à la société IBS network la somme de 10’612 euros au titre des redevances de maintenance et d’hébergement du logiciel informatique,
– condamné la société 5RM à verser à la société Locam la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société 5RM à verser à la société IBS network la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande tendant à condamner la société Locam à régler les factures de maintenance émises par la société IBS network,
-dit que les dépens, dont les frais de greffe taxés et liquidé à 136,98 euros, sont à la charge de la société 5RM,
– dit qu’il n’y a pas lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement,
– débouté les sociétés Locam et IBS network du surplus de leurs demandes.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire de la société 5RM et désignée Maître [Y] [J], en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration du 24 mars 2021, la société 5RM a relevé appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 12 janvier 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement et, en conséquence, statuant à nouveau, de :
– prononcer la résolution judiciaire du contrat de licence informatique du 8 août 2016 la liant à la société IBS network,
– débouter les sociétés IBS network et Locam de l’intégralité de leurs prétentions,
– prononcer la caducité du contrat de crédit-bail du 8 août 2016 la liant à la société Locam en raison de l’interdépendance des contrats en cause,
– ordonner la restitution en nature des prestations d’ores et déjà engagées, en précisant qu’il reviendra à la société IBS network de restituer à la société Locam les loyers déjà réglés,
– condamner la société IBS network à lui verser la somme de 186’023,65 euros à titre de dommages-intérêts,
– condamner la société IBS network à la garantir de toute condamnation prononcée éventuellement à son égard au profit de la société Locam,
– condamner les sociétés Locam et IBS network à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés Locam et IBS network aux entiers dépens d’appel et de première instance.
Par conclusions du 15 mars 2022, Maître [Y] [J], mandataire judiciaire de la société 5RM, (le mandataire judiciaire) a déclaré intervenir volontairement à l’instance.
Par conclusions notifiées le 24 janvier 2022, la société Burosys, venant aux droits de la société IBS network, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société 5RM de l’ensemble de ses demandes,
– dire et juger que la société 5RM ne démontre pas ses défaillances contractuelles dans la réalisation du logiciel,
– en conséquence, débouter la société 5RM de sa demande de résolution du contrat de prestation de service,
– dire et juger que la société 5RM ne peut solliciter des dommages et intérêts à son encontre conformément aux dispositions du paragraphe 7.2 des conditions générales de vente,
– en conséquence, déclarer irrecevable sa demande indemnitaire,
– dire et juger qu’en tout état de cause, la société 5RM ne justifie pas des demandes indemnitaires qu’elle sollicite,
– en conséquence, débouter la société 5RM de sa demande,
– dire et juger que la société 5RM ne peut solliciter qu’elle verse les loyers à la société Locam dans la mesure où aucun lien contractuel n’existe entre ces deux sociétés,
– en conséquence, débouter la société 5RM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris sa demande d’exécution provisoire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société 5 RM au titre des factures d’hébergement de l’application,
– en conséquence, condamner la société 5RM à lui verser la somme de 20 671,20 euros (arrêtée au mois de septembre 2021) au titre de l’hébergement de l’application,
– infirmer le jugement ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation au titre de la maintenance du logiciel,
– en conséquence, condamner la société 5RM à lui verser la somme de 50 400 euros TTC au titre de la maintenance du logiciel,
En tout état de cause,
– condamner la société 5RM au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions notifiées le 21 octobre 2021, la société Locam demande à la cour de :
– juger non fondé l’appel de la société 5RM ; La débouter de toutes ses demandes aussi bien contre la société Locam que contre la société Burosys ; Confirmer le jugement entrepris,
– statuer ce que de droit sur l’appel incident de la société BUROSYS contre la société 5RM,
– condamner la société 5RM à lui régler une nouvelle indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Compte tenu du jugement du 23 mars 2021 du tribunal de commerce de Troyes ouvrant la procédure de sauvegarde judiciaire de la société 5RM, il convient de recevoir le mandataire judiciaire en son intervention volontaire.
Aucune des parties ne demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré le tribunal de commerce de Saint-Etienne compétent pour connaître du litige. Le jugement est donc définitif sur ce point.
La cour rappelle, enfin, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1. Sur la demande de résolution du contrat de licence informatique
La société 5RM fait valoir :
– que la résolution du contrat de cession de droit d’auteur doit être prononcée sur le fondement des articles 1226 et suivants du code civil car la société IBS network n’a pas rempli ses obligations contractuelles telles que prévues par le cahier des charges, qu’elle n’a pas satisfait à son obligation contractuelle de livrer l’application commandée et n’a pas respecté ses engagements liés au règlement des loyers du logiciel nécessaire à la réalisation de l’application ;
– que l’application commandée n’a jamais été livrée définitivement en état de fonctionnement réel ; que lors de la réception, un procès-verbal de recettes a été établi, ce qui signifie en matière informatique l’émission de réserves ; qu’une fois réceptionné, la société 5RM s’est rendue compte que le logiciel n’était pas opérationnel et a constaté de nombreux bugs informatiques qui n’ont jamais été résolus par la société IBS network ; que le procès-verbal de réception n’est rien d’autre qu’un procès-verbal financier qui ne peut exonérer la société IBS network de sa responsabilité puisqu’il n’est pas contestable qu’en matière de logiciel complexe, de nombreuses non-conformités ne peuvent être décelées qu’à l’usage ; que la réception ne purge que les vices apparents lors de la réception ;
– que la société IBS network s’était engagée à régler une quote-part des échéances facturées par la société Locam pour la location du logiciel ; qu’or, à compter du 10 janvier 2018, elle a cessé de régler les loyers en cause et la société 5RM s’est retrouvée relancée par la société Locam pour les loyers demeurés impayés ; qu’au total, la société IBS network a contribué au paiement des loyers à hauteur de 36 000 euros HT ; qu’elle ne saurait dès lors sérieusement prétendre que le paiement de cette somme ne résulte pas d’un accord de volonté ayant pour finalité de pallier ses carences jusqu’à la mise en ‘uvre d’un logiciel conforme à sa destination ;
– que les retards dans le développement de l’application 5RM lui ont porté un préjudice indéniable ; qu’avec une application inaboutie, son image a été en partie détériorée auprès de ses clients et partenaires, sans parler des mensualités dues à la société Locam au titre du contrat de crédit-bail ; que, de surcroît, elle avait engagé des frais commerciaux et salariaux conséquents afin de promouvoir l’application 5RM Web.com ; que les préjudices subis ne relèvent pas de la perte de chance mais de charges engagées à perte résultant de la seule carence de la société IBS network à mener à bien les engagements contractuels souscrits.
La société Burosys fait valoir :
– que la société 5RM ne peut solliciter la résolution du contrat conclu avec la société IBS network au visa des dispositions de l’article 1226 du code civil, alors que cet article indique expressément qu’une mise en demeure de satisfaire à ses obligations doit être adressée préalablement à la société avant de solliciter la résolution du contrat, ce que ne justifie pas avoir fait la société 5RM ;
– qu’elle ne s’est jamais engagée contractuellement à rembourser les loyers du crédit-bail souscrit par la société 5RM, de sorte que lesdits loyers ne peuvent lui être demandés par cette dernière ; qu’aucune contrepartie ne ressort du paiement des loyers par la société IBS network, élément essentiel à la validité d’un contrat, de sorte qu’il s’agit d’une obligation sans cause qui ne peut avoir aucun effet, conformément aux dispositions de l’article 1131 ancien du code civil ;
– que la société 5RM ne peut valablement indiquer que le logiciel n’a pas été livré et qu’il n’est pas conforme, alors qu’elle a signé le 3 août 2016 le procès-verbal de livraison et de conformité du logiciel ; qu’elle ne verse aux débats aucune pièce établissant le non-respect de ses obligations contractuelles par la société IBS network, ses seules productions étant des courriels écrits par elle-même ; qu’elle n’a jamais assigné directement la société IBS network en résolution du contrat et a attendu d’être assignée en paiement pour l’appeler en cause et lui reprocher des pseudo inexécutions contractuelles afin de justifier son non-paiement ; que la société 5RM a utilisé le logiciel dès sa mise en route en 2019, comme en atteste les procès-verbaux de constat d’huissier de justice qu’elle produits.
La société Locam fait valoir :
– que l’article 1226 du code civil, invoqué par la société 5RM, n’est pas applicable à la cause car l’ordonnance portant réforme du droit des obligations n’est applicable que depuis le 1er octobre 2016, soit après la signature du contrat de crédit-bail litigieux ; que la société 5RM ne pouvait en aucun cas résoudre unilatéralement les contrats respectivement conclus avec les sociétés IBS nerwork et Locam ; qu’elle ne pouvait, conformément à l’article 1184 ancien du code civil, que demander la résolution en justice ;
– que la société Burosys démontre, pièces à l’appui, avoir exécuté ses obligations contractuelles envers la société 5RM ; que la société Locam s’associe aux moyens de droit comme de fait, non contraires aux siens, de la société Burosys ; que la demande de résolution devra être rejetée ; qu’en réalité, la société 5RM connaît des difficultés financières qui constituent la véritable raison de son incapacité à régler les échéances du crédit-bail ;
– que quand bien même la société 5RM démontrerait que la société IBS network aurait manqué à une obligation de paiement, cela ne lui ouvrirait qu’un seul droit de créance sur le fournisseur et non la possibilité de cesser le règlement des échéances du crédit-bail, en parfaite violation des stipulations du contrat ; que l’engagement allégué de la société IBS network est parfaitement inopposable à la société Locam et ne saurait l’empêcher de recouvrer sa créance, parfaitement exigible.
Réponse de la cour
Les articles 1226 et suivants du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ne sont pas applicables au présent litige dans la mesure où le contrat liant la société 5RM et la société société IBS network aux droits de laquelle vient la société Burosys a été conclu avant l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de ladite ordonnance.
Par application des dispositions des articles 1183 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance précitée, applicable à l’espèce, la résolution d’un contrat synallagmatique ne peut résulter que de la mise en oeuvre d’une clause du contrat ou du prononcé d’une décision judiciaire.
En l’espèce, la société 5RM ne sollicite pas le constat de la résolution du contrat de cession de droits d’auteur par le jeu d’une clause résolutoire mais son prononcé en raison des manquements de la société société IBS network aux droits de laquelle vient la société Burosys à ses obligations contractuelles de livrer l’application commandée et de régler les loyers du logiciel nécessaire à la réalisation de l’application.
S’agissant du premier manquement invoqué, les premiers juges ont exactement retenu :
– que la société 5RM avait signé, le 3 août 2016, un procès-verbal de livraison et de conformité aux termes duquel elle reconnaissait avoir pris livraison du logiciel informatique, objet du contrat, et le déclarait conforme, « reconnai[ssant] son état de bon fonctionnement et l’accept[ant] sans restriction ni réserve »,
– qu’elle a réglé 18 loyers mensuels avant de mettre fin à ses règlements,
– qu’elle n’a pas assigné la société IBS network, devenue la société Burosys, en résolution du contrat,
– que si la société 5RM invoque des dysfonctionnements, des bugs informatiques, des difficultés à utiliser le logiciel et de nombreuses mises à jour à réaliser par rapport au cahier des charges préalablement établi, il résulte des constats d’huissier de justice versés aux débats par la société Burosys que les 10 janvier et 4 février 2020, le logiciel fonctionnait et était utilisé.
Pour confirmer le jugement attaqué, la cour ajoute, d’une part, que la société 5RM ne justifie pas de la rédaction, le jour de la réception du logiciel, d’un procès-verbal de recette impliquant l’émission de réserves, d’autre part, qu’à l’exception d’une attestation dactylographiée de Mme [F], dirigeante associée de la société de transports [F], qui indique utiliser l’application 5RM web.com et avoir « formulé auprès de […la] chef de projet […] de nombreuses réserves sur les fonctionnalités et sur l’ergonomie de l’application », la société 5RM ne verse aux débats aucune pièce justificative des nombreux dysfonctionnements allégués, autre que des courriels ou des documents émanant de ses propres services (listing et captures d’écran de l’interface utilisateur commentées), de sorte que la preuve d’un manquement de la société Burosys à son obligation de livrer l’application commandée n’est pas rapportée.
S’agissant du second manquement invoqué, en l’absence d’un quelconque engagement en ce sens mentionné dans le contrat de cession de droits d’auteur, la seule production aux débats d’un courriel du 17 juillet 2017 dans lequel le dirigeant de la société 5RM indique à son interlocuteur au sein de la société IBS network : « Comme convenu, tu trouveras en fichiers joints les refacturations des loyers Locam pour la période courant du 1er octobre 2016 au 30 juin 2017. SB-SR (IBS network) doit aussi se rapprocher de Locam pour reprendre à son compte le financement actuellement porté par la [société] 5RM », d’un extrait d’écritures comptables et de deux factures établies les 31 mars et 20 juin 2017 au nom de la société IBS netwok pour le règlement de « la partie IBS network des loyers Locam liés à l’application 5RM web.com » des mois de janvier à juin 2018 apparaît insuffisante à rapporter la preuve d’une obligation contractuellement mise à la charge de la société Burosys de s’acquitter des loyers du logiciel facturés par la société Locam à la société 5RM.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que la société 5RM ne rapporte pas la preuve d’une défaillance de la société Burosys dans l’exécution de ses obligations contractuelles, l’a déboutée, en conséquence, de sa demande de prononcé de la résolution du contrat de licence informatique, ainsi que de ses demandes subséquentes tendant à la restitution en nature des prestations d’ores et déjà engagées, au versement de dommages-intérêts et à la condamnation de la société Burosys à la garantir de toute condamnation prononcée éventuellement à son égard au profit de la société Locam.
2. Sur la demande de caducité du contrat de crédit-bail
La société 5RM soutient que la résolution du contrat de licence informatique doit entraîner la caducité du contrat de crédit-bail, en raison de l’interdépendance et de l’indivisibilité des contrats.
La société Locam fait valoir :
– que la société 5RM a dûment ratifié le contrat de crédit bail, le « procès-verbal de livraison et de conformité » actant de sa bonne réception du matériel et l’autorisation de prélèvement avec ses coordonnées bancaires, de sorte qu’elle est parfaitement engagée à son égard ;
– qu’au visa de la ratification du procès-verbal de livraison sans opposition ni réserve, elle a acquitté, en sa qualité de crédit-bailleresse, la totalité du prix d’acquisition du matériel auprès du fournisseur ; que l’engagement irrévocable du preneur au titre du contrat de crédit-bail se justifie par l’intervention purement financière de la société Locam au titre du contrat ; que le locataire ruinerait l’économie de la convention s’il lui était loisible de cesser brutalement et unilatéralement, sans conséquence, ses paiements avant terme alors qu’il s’est vu délivrer les biens objets du contrat et que la société Locam a mobilisé le capital financier correspondant à son coût d’acquisition ;
Réponse de la cour
En premier lieu, les premiers juges ont exactement retenu que le contrat de cession de droits d’auteur portant sur une application web et le contrat de crédit-bail, qui sont concomitants ou successifs et s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants.
En deuxième lieu, il résulte des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que l’anéantissement d’un contrat de fourniture ou de prestation de service entraîne la caducité du contrat de financement interdépendant. Le locataire a la faculté de demander, par voie d’action comme par voie d’exception, en défense à une assignation du bailleur, l’anéantissement préalable du contrat de fourniture ou de prestation, à condition d’avoir mis en cause le fournisseur ou le prestataire, puis la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, peu important que le bailleur ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire stipulée dans ce dernier contrat.
L’anéantissement du contrat principal (par nullité, résolution ou résiliation) est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location.
En l’espèce, la société 5RM ayant été déboutée de sa demande de prononcé de la résolution du contrat de licence informatique, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande de caducité du contrat de location financière conclu avec la société Locam.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
3. Sur la demande en paiement de la société Locam
L’article 13 des conditions générales du contrat de crédit-bail stipule qu’en cas de résiliation aux torts du client, celui-ci « devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10%, ainsi qu’une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine, majorée d’une clause pénale de 10% (sans préjudice de tous dommages et intérêts qu’il pourrait devoir) ».
En l’espèce, la société Locam a, par courrier recommandé du 16 juillet 2018 visant la clause résolutoire, mis en demeure la société Socoas, devenue la société 5RM, d’avoir à régler les loyers échus impayés, l’informant qu’à défaut de paiement dans le délai de huit jours, la déchéance du terme serait prononcée et le solde de la dette immédiatement exigible.
Au vu de cette mise en demeure et des dispositions contractuelles précitées, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société 5RM à payer à la société Locam la somme de 191’520 euros TTC en principal et 19’152 euros au titre de la clause pénale, soit un total de 210’672 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 16 juillet 2018.
4. Sur les demandes en paiement de la société Burosys
La société Burosys fait valoir que dans le cadre du dossier de financement, il a été convenu que la facturation de la maintenance du logiciel serait faite par la société Locam pour le compte de la société IBS network ; que la société 5RM ne s’acquittant plus des loyers depuis le mois d’avril 2018, elle lui est redevable de la somme de 50 400 euros TTC au titre de la maintenance du logiciel ; qu’elle est encore redevable de la somme de 20 671,20 euros arrêtée au mois de septembre 2021 au titre de l’hébergement de l’application ; qu’il y a lieu de la condamner au paiement de ces sommes.
Réponse de la cour
Si la société Burosys fait valoir qu’elle est créancière de la société 5RM au titre des factures impayées de maintenance du logiciel, la cour observe que la prestation mensuelle de maintenance d’un montant de 1 200 euros TTC est incluse dans les loyers de la location financière. Il ressort en effet du contrat de crédit bail et de la facture unique de loyers en euros versés aux débats par les sociétés Burosys et Locam que les 60 loyers mensuels de 4 560 euros TTC (3 800 euros HT) comprennent, d’une part, l’« échéance » pour un montant de 2 800 euros HT, d’autre part, les « prestations » pour un montant TTC de 1 200 euros.
Or, la société Socoas, devenue la société 5RM, s’est engagée contractuellement à s’acquitter de ces loyers auprès de la société Locam, et non auprès de la société IBS network aux droits de laquelle vient la société Burosys, et la cour a confirmé la condamnation de la société 5RM à payer au crédit-bailleur la somme de 191 520 euros représentant 42 loyers de 4 560 euros TTC chacun, incluant la prestation de maintenance du logiciel.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société Burosys de ce chef de demande.
La société Socoas s’est, en revanche, engagée à régler à la société IBS network les factures d’hébergement de l’application et de « licences actives » et reste devoir, à ce titre, la somme de 20 671,20 euros arrêtée au mois de septembre 2021.
Par infirmation partielle du jugement s’agissant du montant de la dette, la société 5RM est donc condamnée à payer à la société Burosys la somme de 20 671,20 euros.
5. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En cause d’appel, la société 5RM, partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à la société Burosys et celle de 500 euros à la société Locam.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Reçoit Maître [Y] [J], mandataire judiciaire de la société 5RM, en son intervention volontaire,
Confirme le jugement déféré, sauf en celle de ses dispositions ayant condamné la société 5RM à verser à la société IBS network, aux droits de laquelle vient la société Burosys, la somme de 10’612 euros au titre des redevances de maintenance et d’hébergement du logiciel informatique,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne la société 5RM à payer à la société Burosys la somme de 20 671,20 euros au titre des factures d’hébergement de l’application et de « licences actives » arrêtées au mois de septembre 2021,
Condamne la société 5RM à payer à la société Burosys la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société 5RM à payer à la société Locam la somme de 500 euros sur le même fondement,
Condamne la société 5RM aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE