Cession de droits : 21 avril 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00010

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Cession de droits : 21 avril 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00010
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21 avril 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/00010

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 AVRIL 2022

N° RG 20/00010 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TVNO

AFFAIRE :

Société 5APP LIMITED

C/

S.A. AXA PARTNERS HOLDING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 2012F00997

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabrice HONGRE- BOYELDIEU

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société 5APP LIMITED disant venir aux droits de la société EAGLE – I HOLDINGS PLC

société constituée sous les lois de l’Angleterre et du Pays de Galles

[Adresse 4]

[Adresse 2]

[Adresse 7] (ROYAUME-UNI)

Société ASSET OUTLOOK LIMITED

société constituée sous les lois de l’Angleterre et du Pays de Galles

[Adresse 5],

[Adresse 6]

WC1H9LG LONDRES (ROYAUME-UNI)

Représentée par son mandataire liquidateur, Monsieur [D] [J] [I], domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 004519 –

Représentées par Me Rebecca DELOREY de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0390

APPELANTES

****************

S.A. AXA PARTNERS HOLDING (anciennement dénommée AXA ASSISTANCE)

Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° 410 011 209

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2063195 –

Représentant : Me Patrice DE CANDÉ de la SELARL CANDÉ – BLANCHARD – DUCAMP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0265

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Madame Marie DE-NAUROIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

En septembre 2008, la société Eagle-I Holdings PLC (ci-après la société Eagle I), a conclu avec la société Axa Partners Holding, anciennement dénommée Axa assistance (ci-après la société Axa), un contrat de licence de logiciel de géolocalisation.

En novembre 2008, la société Axa a fait appel à la société Eagle I et à sa filiale, la société Asset Outlook Limited (ci-après la société Asset Outlook), pour le développement d’un logiciel spécifique pour les interventions routières.

En avril 2009, la société Axa a demandé à la société Eagle I de participer financièrement au développement de ce logiciel, ce que cette dernière a accepté.

Le 10 juin 2009, un premier document contractuel a été signé par les parties prévoyant notamment la structure du prix des prestations de la société Eagle I fondée sur un minimum annuel et une redevance forfaitaire par intervention traitée.

Après avoir approuvé l’architecture de la version pilote du logiciel en mars 2010, la société Axa a demandé une modification des conditions de rémunération en octobre 2010. La société Eagle I a alors fait de nouvelles propositions financières.

Le 27 mai 2011, la société Axa, préférant développer une solution en interne, a annoncé à la société Eagle l qu’elle n’était pas retenue.

A la suite d’une demande de la société Eagle I, le tribunal de commerce de Nanterre a autorisé, par ordonnance sur requête du 13 décembre 2011, la saisie de multiples documents au siège de la société Axa.

Par acte du 13 février 2012, la société Eagle I a assigné la société Axa devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir engager sa responsabilité – du fait d’un manquement à son obligation de loyauté et pour actes de concurrence déloyale – et obtenir à ce titre la somme de 3.450.000 euros.

Par ordonnance du 1er mars 2012, le président du tribunal de commerce de Nanterre, a débouté la société Axa de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 13 décembre 2011 et a ordonné la mise sous séquestre de l’ensemble des éléments récupérés dans les locaux de cette dernière. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de cette cour du 19 décembre 2012.

Le 15 mai 2013, la société 5APP Limited (ci-après la société 5APP) est intervenue volontairement à la procédure en indiquant qu’elle venait aux droits de la société Eagle I, cette dernière faisant l’objet d’une procédure collective au Royaume-Uni.

Le 11 octobre 2016, la société Asset Outlook est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– Dit recevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir écartées des débats les pièces en langue étrangère non-accompagnées d’une traduction complète ainsi que la pièce n°71 ;

– Ecarté des débats la pièce n°69 ;

– Déclaré la société 5APP irrecevable en son action en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société 5APP de l’ensemble de ses demandes, en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Eagle-I, en réparation du préjudice résultant d’une rupture abusive des pourparlers et des actes de concurrence déloyale prétendument imputables à la société Axa;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir la société 5APP Ltd condamnée à lui payer une amende civile et à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– Condamné la société 5APP aux entiers dépens.

Par déclaration du 2 janvier 2020, les sociétés 5APP Limited – disant venir aux droits de la société Eagle I – et Asset Outlook Limited, ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 7 juin 2021, les sociétés 5APP Limited et Asset Outlook Limited demandent à la cour de :

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 juillet 2019 en ce qu’il a :

– Dit recevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir écartées des débats les pièces en langue étrangère non-accompagnées d’une traduction complète ainsi que la pièce n°71;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir la société 5APP Ltd condamnée à lui payer une amende civile et à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Débouter la société Axa de l’ensemble de ses demandes formées à titre incident ;

– Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau ;

– Dire et juger qu’en rompant brutalement les pourparlers qu’elle avait engagés avec les sociétés Eagle-I et Asset Outlook, la société Axa a manqué à son obligation de loyauté et a engagé sa responsabilité ;

– Dire et juger que la société Axa a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire;

– Dire et juger que la société 5APP est recevable et bien fondée à solliciter la réparation des dommages causés par la société Axa à la société Eagle-I et des dommages causés par la société Axa à la société Asset Outlook ;

– Condamner la société Axa à réparer les préjudices ainsi causés au titre de la rupture brutale des pourparlers en versant à la société 5APP la somme de 3.386.599 euros ;

– Condamner la société Axa à réparer les préjudices ainsi causés au titre de la concurrence déloyale en versant à la société 5APP la somme de 1.100.000 euros ;

– Condamner la société Axa à payer à la société 5APP la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Axa aux entiers dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de constat réalisé le 15 décembre 2011, dont recouvrement au profit de Me Fabrice Hongre-Boyeldieu, associé du cabinet Avocalys, société d’avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 30 avril 2021, la société Axa Partners Holding demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a statué ainsi :

– Ecarté des débats la pièce n°69 ;

– Déclaré la société 5APP irrecevable en son action en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société 5APP de l’ensemble de ses demandes en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Eagle-I en réparation du préjudice résultant d’une rupture abusive des pourparlers et des actes de concurrence déloyale prétendument imputables à la société Axa ;

– Condamné la société 5APP aux entiers dépens ;

– Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par la société Axa Partners Holding;

Y faisant droit,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit recevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir écartées des débats les pièces en langue étrangère non-accompagnées d’une traduction complète ainsi que la pièce n°71;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir la société 5APP condamnée à lui payer une amende civile et à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– Ecarter des débats les pièces en langue étrangère non accompagnées d’une traduction complète et assermentée et en particulier les pièces n°36, 41, 42, 43, 49, 50, 51 ;

– Déclarer les sociétés 5APP et Asset Outlook irrecevables en l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, en particulier celles formées par la société 5APP en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook mais aussi de la société Eagles-I ;

– Déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook ;

– Juger que la société Asset Outlook reconnaissant n’avoir jamais introduit une quelconque instance, l’action en indemnisation invoquée est désormais prescrite y compris à l’égard de la société 5APPqui se présente comme venant aux droits de la société Asset Outlook ;

A titre subsidiaire, dans le cas où la cour jugerait les sociétés 5APP ou Asset Outlook recevables en tout ou partie de leurs demandes,

– Juger que la société Axa n’a commis aucune faute au préjudice des sociétés Asset Outlook ou Eagle-I ;

– Juger en tout état de cause que la preuve du préjudice qu’auraient subi les sociétés Asset Outlook ou Eagle-I n’est pas rapportée ;

En conséquence,

– Débouter les sociétés 5APP et Asset Outlook de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

– Condamner la société 5APP à verser à la société Axa la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamner la société 5APP à verser à la société Axa la somme de 70.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société 5APP aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Lexavoue Paris-Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juin 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans son jugement du 26 juillet 2019, le tribunal a considéré que la société 5 APP – qui avait repris l’instance initialement introduite par la société Eagle I – venait aux droits de cette dernière, ce qui n’était pas contesté. Lorsque le tribunal évoque la société 5 APP, c’est donc toujours comme venant aux droits de la société Eagle I.

Le tribunal a examiné successivement :

– la recevabilité de l’action de la société 5APP, en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook (c’est à dire en réalité en ce que la société Eagle I viendrait aux droits de la société Asset Outlook). Le tribunal a dit que la société 5 APP était irrecevable faute de qualité à agir, au motif qu’il n’était pas justifié d’une cession de droits entre les sociétés Asset Outlook et Eagle I,

– le bien fondé de l’action de la société 5APP, en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Eagle I (ce que le tribunal a tenu pour acquis), considérant que cette action n’était pas fondée au motif que la preuve de préjudices – personnellement subis par la société Eagle I et résultant d’une éventuelle rupture abusive de pourparlers ou d’actes de concurrence déloyale – n’était pas rapportée.

Devant la cour, la société Axa sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action exercée par la société 5APP (considérée comme venant aux droits de la société Eagle I), comme venant aux droits de la société Asset Outlook, mais remet désormais en cause le fait que la société 5 APP vienne aux droits de la société Eagle I. La société Axa demande ainsi à la cour de déclarer la société 5APP ‘irrecevable en ses demandes, en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook, mais aussi de la société Eagle I’.

Il est constant que la société 5 APP n’a aucun lien direct avec la société Asset Outlook, et qu’elle ne peut agir au nom de cette dernière (pour solliciter réparation du préjudice subi du fait des agissements de la société Axa) que si elle justifie, dans un premier temps, venir aux droits de la société Eagle I, et dans un deuxième temps – à supposer qu’elle vienne bien aux droits de la société Eagle I – que cette dernière est elle-même cessionnaire des droits dont disposait la société Asset Outlook (à l’encontre de la société Axa).

Il est constant que seules les sociétés Eagle I et Asset Outlook peuvent se prévaloir d’éventuels manquements de la société Axa à ses obligations, et soutenir ainsi qu’elles ont subi des préjudices.

La société 5 APP ne peut donc agir contre la société Axa – aux lieux et places des sociétés Eagle I et Asset Outlook – qu’à condition de justifier d’une cession de leurs droits en sa faveur.

La société 5 APP n’ayant aucun lien direct avec la société Asset Outlook, il convient d’examiner dans un premier temps la recevabilité de l’action de la société 5 APP, en ce qu’elle déclare venir aux droits de la société Eagle I. Si la société 5 APP justifie venir aux droits de la société Eagle I, il conviendra alors d’examiner la recevabilité de l’action de la société 5 APP, comme venant – par l’intermédiaire de la société Eagle I – aux droits de la société Asset Outlook.

Il convient au préalable d’examiner la demande de rejet des débats de certaines pièces.

1 – sur la demande de rejet des débats de certaines pièces

Le premier juge a écarté des débats la pièce numéro 69 produite par la société 5APP. La société Axa sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Il convient de confirmer le jugement sur ce point, la cour constatant toutefois que cette pièce n’est pas produite devant elle.

La société Axa demande à la cour d’écarter des débats certaines autres pièces produites par la société 5 APP, au motif qu’elles sont en langue anglaise et ne sont pas traduites en français, ou uniquement de manière très partielle. Elle fait valoir qu’il s’agit de contrats complexes, même pour un anglophone, ce qui justifierait qu’une traduction assermentée complète soit produite, s’agissant des pièces 36,41,42,43,49, 50 et 51.

La société 5 APP n’a pas répondu sur ce point.

S’agissant des pièces 49 et 50 (attestations d’avocat), elles font l’objet d’une traduction libre complète et annexée, et ces traductions libres (4 pages) ne sont pas contestées, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les écarter des débats. Il en est de même de la pièce 36 ‘deed of assignment of claims’ du 14 mai 2013, faisant l’objet d’une traduction libre non contestée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter des débats.

S’agissant de la pièce 51, elle a fait l’objet d’une traduction assermentée intégrale communiquée en pièce 51 bis, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter des débats.

S’agissant des pièces 41 à 43, il est regrettable qu’elles ne soient que très partiellement traduites. Il n’y a pas lieu toutefois de les écarter des débats, dès lors que la solution qui sera retenue n’implique pas leur utilisation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Axa de ses demandes de rejet de certaines pièces.

2 – Sur la recevabilité de l’action exercée par la société 5 APP, en ce qu’elle déclare venir aux droits de la société Eagle I

La société 5 APP sollicite réparation des préjudices subis tant par la société Eagle I que par la société Asset Outlook du fait des agissements de la société Axa. Pour prétendre à cette réparation, elle affirme, à plusieurs reprises dans ses écritures, venir aux droits de la société Eagle I, ce qu’elle mentionnait également dans sa déclaration d’appel. La cour observe toutefois qu’elle ne fournit aucune explication sur cette éventuelle transmission de droits.

Ainsi qu’il a été vu, la société Axa conteste cette transmission de droits et soutient que la société 5 APP est irrecevable en son action dès lors qu’elle ne justifie pas de sa qualité à agir comme venant aux droits de la société Eagle I.

La société Axa indique que – selon la société 5 APP – la cession du droit d’agir entre Eagle I et 5 APP serait le résultat d’un accord de debenture du 6 mai 2010 (entre Eagle I et 5 APP) et d’un ‘deed of assignment of claims’ du 14 mai 2013, soit ‘contrat de cession de demandes et action’. La société Axa indique toutefois que l’acte de debenture du 6 mai 2010 entre Eagle I et 5 APP n’est pas produit aux débats, et la cour constate effectivement l’absence de production de cette pièce. Le bordereau de communication de pièces de la société 5APP ne comporte qu’un seul et unique acte de debenture (pièce 41) qui est celui, conclu à la même date, entre les sociétés Asset Outlook et Eagle I. Le prétendu acte de debenture entre les sociétés Eagle I et 5 APP ne figure pas sur le bordereau de communication de pièces, et n’est donc pas produit aux débats. Le seul document intéressant les sociétés Eagle I et 5 APP est ainsi le ‘deed of assignment of claims’ du 14 mai 2013 (pièce 36).

La société Axa fait toutefois valoir que cet acte lui est inopposable faute de lui avoir été signifié conformément aux dispositions, tant de l’article 1690 du code civil, que de l’acte lui-même.

Cet acte rappelle en préambule que la société Eagle I – qui a formulé certaines demandes contre la société AXA (le défendeur)- consent à céder, à compter du 14 mai 2013, les droits, titres et intérêts qu’elle a dans ses demandes et action au profit de la société 5 APP.

La société AXA observe toutefois que cette cession prévoit expressément à l’article 2.3 que: ‘le cessionnaire devra : notifier au défendeur ”Axa” la cession des demandes et action et accomplir les démarches devant le tribunal de commerce de Nanterre pour être substitué en qualité de demandeur dans la procédure, dès que possible et dans tous les cas dans les 5 jours ouvrés suivant la date du présent acte. La notification de cession devra se conformer à l’annexe 1 du présent acte’. (souligné par la cour)

L’annexe 1 est constituée de la trame de notification qui devait être adressée par la société 5 APP à la société Axa, l’informant que : ‘la société Eagle I a, par une cession en date du …. 2013 et conclue entre le cédant (Eagle I) et le cessionnaire (5APP), cédé au cessionnaire tout droit, titres et intérêts que le cédant a sur les préjudices et créances qu’il a ou aura à l’encontre d’Axa suite à la rupture brutale des relations commerciales avec le cédant, et aux allégations d’actes de concurrence déloyale (…)’.

Ainsi que le fait observer la société Axa – sans être contredite sur ce point – la société 5 APP ne lui a jamais signifié cette cession de créances.

Il résulte des articles 1689 et 1690 du code civil que dans le transport d’un droit ou d’une action sur un tiers, la délivrance s’opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre. Le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.

En application de ces dispositions, la cession de créances n’a d’effet – jusqu’à sa signification au débiteur cédé (la société Axa) – qu’entre les parties. Les tiers et notamment le débiteur cédé ne peuvent se la voir opposer, ni s’en prévaloir.

Faute pour la société 5 APP d’avoir procédé à la signification de la cession, tant en application des dispositions de l’acte de cession du 14 mai 2013, qu’en application des articles précités, cet acte est inopposable à la société Axa.

La société 5 APP ne pouvant se prévaloir de l’acte de cession du 14 mai 2013 à l’encontre de la société Axa, et ne justifiant d’aucun autre acte de cession, elle ne justifie pas venir aux droits de la société Eagle I, et donc de sa qualité à agir à l’encontre de la société Axa pour obtenir réparation des préjudices subis par les sociétés Eagle I et Asset Outlook.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point, la société 5 APP, qui ne justifie pas venir aux droits de la société Eagle I, étant déclaré irrecevable en son action à l’encontre de la société Axa.

La société 5 APP, ne justifiant pas venir aux droits de la société Eagle I, peut d’autant moins venir aux droits de la société Asset Outlook avec laquelle elle ne dispose d’aucun lien, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déclarée irrecevable en son action en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook.

3 – sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Asset Outlook

Les sociétés 5APP et Asset Outlook sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook.

La société Axa sollicite l’infirmation du jugement de ce chef, au motif que cette intervention – qui n’élève aucune prétention personnelle – n’est qu’accessoire, de sorte qu’elle suit le sort de l’action principale et doit être déclarée irrecevable.

***

Il résulte de l’article 330 du code de procédure civile que l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

L’irrecevabilité de la demande principale entraîne ipso facto l’irrecevabilité de l’intervention accessoire.

La demande principale formée par la société 5 APP étant déclarée irrecevable, l’intervention accessoire de la société Asset Outlook doit être déclarée irrecevable. Le jugement sera infirmé de ce chef.

4 – sur la demande reconventionnelle formée par la société Axa

La société Axa sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle rappelle la mesure d’instruction qui a permis à la société Eagle I de procéder, par l’intermédiaire d’un huissier, à des investigations très dérangeantes, aboutissant à la saisie de milliers de documents, indiquant que seuls quelques documents sont finalement utilisés par la société 5APP. Elle soutient qu’une telle attitude démontre une volonté de nuire. Elle invoque le temps perdu à la gestion de cette affaire et l’absence totale de vraisemblance des prétentions de la société 5APP, et sollicite réparation de son préjudice à hauteur de 50.000 euros.

Ainsi que le font valoir les sociétés 5 APP et Asset Outlook, la mesure d’instruction a été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce confirmée par arrêt de cette cour, de sorte qu’il ne peut leur être reproché d’avoir agi dans les limites du droit ainsi reconnu.

S’agissant de la présente instance, il n’est justifié d’aucun abus de la part des sociétés 5 APP et Asset Outlook, la simple erreur ou méconnaissance d’un droit ne pouvant être assimilée à un abus du droit d’agir en justice. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société Axa.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société 5APP, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

Il est équitable d’allouer à la société Axa une indemnité de procédure de 8.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 juillet 2019 en ce qu’il a:

– Débouté la société Axa de ses demandes de rejet de certaines pièces,

– Ecarté des débats la pièce numéro 69 de la société 5APP, sauf à préciser qu’elle n’est pas produite devant la cour,

– Déclaré la société 5APP irrecevable en son action en ce qu’elle viendrait aux droits de la société Asset Outlook ;

– Débouté la société Axa de ses demandes de voir la société 5APP condamner à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société 5APP aux entiers dépens.

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la société 5 APP ne justifie pas venir aux droits de la société Eagle I, et déclare en conséquence la société 5 APP irrecevable en son action,

Déclare irrecevable l’intervention volontaire de la société Asset Outlook ;

Condamne la société 5 APP Ltd à payer à la société Axa Partners Holding la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société 5 APP Ltd aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. Hugo BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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