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16 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-22.163
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 187 F-D
Pourvoi n° D 20-22.163
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022
La société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-22.163 contre l’arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l’opposant à la société Sequalum, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Orange, après débats en l’audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Par un mémoire, intitulé note en délibéré, déposé le 7 mars 2022, après la clôture des débats, la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Orange, a fait savoir que, le 9 février 2022, a été portée sur l’extrait kbis de la société Sequalum SAS, une mention faisant état de la dissolution de cette société à la suite de la réunion de toutes les parts sociales entre les mains de l’associé unique, la société Sequalum participation SAS.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 24 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 mai 2019, pourvoi n° 17-27.768), un groupement momentané d’entreprises composé des sociétés Numericâble, LD Collectivités et Eiffage, devenu la société Sequalum, a conclu en 2008, avec le département des Hauts-de-Seine, une convention de délégation de service public portant sur la construction et l’exploitation d’un réseau départemental de télécommunications à très haut débit par fibre optique.
2. La société Sequalum ayant entrepris le déploiement de ce réseau, la société Orange, soutenant qu’elle occupait, sans droit ni titre, des infrastructures lui appartenant, l’a assignée en indemnisation de son préjudice financier pour la période comprise entre le début de ce déploiement et la date d’effet de la résiliation de la délégation de service public qui lui avait été concédée.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur ce moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
4. La société Orange fait grief à l’arrêt, en infirmant le jugement qui avait dit que la société Sequalum occupait sans droit ni titre le génie civil de la société Orange dans les installations de génie civil dont elle est propriétaire et définies par les conventions conclues en 1999, 2001 et 2004 et leurs avenants du 12 décembre 2011, de dire que la société Sequalum occupe sans droit ni titre les installations de génie civil dont la société Orange est propriétaire et définies par la seule convention conclue le 6 mai 1999 s’agissant des seules communes de [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 2], alors « qu’en considérant, pour juger que par la convention NCN du 21 décembre 2004, la société France Télécom aurait autorisé la société Numéricâble à poser des câbles et fibres optiques dans ses infrastructures de génie civil, qu’ “Il est indiqué à l’article II.1 de la convention, intitulé : “droit d’occupation des installations de génie civil de FT”, d’une part que la société FTC (aux droits de laquelle se trouve la société Numéricâble) dispose du droit de maintenir les actifs mobiliers (réseaux), d’autre part que : “dans les 5 premières années à compter de la date de réalisation, ce droit (occupation du génie civil) est consenti pour l’ensemble des actifs mobiliers occupant les installations de génie civil de FT au 1er janvier 2004. A l’issue de cette période de 5 ans et pour les 15 années suivantes, le droit d’occupation du génie civil de FT ne sera consenti à FTC que pour 92,5 % du linéaire de tuyaux occupés par les Réseaux au 1er janvier 2004, et ce afin de tenir compte de leur rénovation. Dans les tuyaux exclusivement utilisés par FTC au 1er janvier 2004, FTC peut poser des câbles et fibres optiques dans la limite d’un seul tuyau par section occupée. Cette possibilité concerne 100 % des réseaux pendant les 5 premières années et 92,5 % des réseaux initiaux pendant les 15 années suivantes.”, quand ces stipulations correspondent à celles d’une autre convention, la convention FTC conclue par la société France Télécom et la société France Télécom Câble qui ne concerne aucune commune des Hauts-de-Seine, la cour d’appel a dénaturé la convention NCN du 21 décembre 2004, en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
5. Pour rejeter la demande de la société Orange fondée sur le non-respect de la convention dite NCN du 21 décembre 2004, l’arrêt retient que l’article II.1 de la convention, intitulé « droit d’occupation des installations de génie civil de FT », indique, d’une part, que la société FTC (aux droits de laquelle se trouve la société Numéricâble) dispose du droit de maintenir les actifs mobiliers (réseaux) et, d’autre part, que « dans les cinq premières années à compter de la date de réalisation, ce droit (occupation du génie civil) est consenti pour l’ensemble des actifs mobiliers occupant les installations de génie civil de FT au 1er janvier 2004. A l’issue de cette période de cinq ans et pour les quinze années suivantes, le droit d’occupation du génie civil de FT ne sera consenti à FTC que pour 92,5 % du linéaire de tuyaux occupés par les Réseaux au 1er janvier 2004, et ce afin de tenir compte de leur rénovation. Dans les tuyaux exclusivement utilisés par FTC au 1er janvier 2004, FTC peut poser des câbles et fibres optiques dans la limite d’un seul tuyau par section occupée. Cette possibilité concerne 100 % des réseaux pendant les cinq premières années et 92,5 % des réseaux initiaux pendant les quinze années suivantes. ». Il en déduit que la société Orange a bien autorisé la société Numéricâble à poser des câbles et fibres optiques.
6. En statuant ainsi, alors que ces stipulations contractuelles ne sont pas issues de la convention dite NCN du 21 décembre 2004, qui ne prévoit pas de telles dispositions au bénéfice de la société Sequalum, mais proviennent d’une autre convention ne liant pas les mêmes parties et n’ayant pas pour objet les mêmes réseaux, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la convention, a violé le principe susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société Orange fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société Sequalum à lui payer la somme de 200 882 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal, au titre de l’occupation par la société Sequalum sans droit ni titre des installations de génie civil dont la société Orange est propriétaire et définies par la convention conclue le 6 mai 1999 s’agissant des communes de [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 2], alors « que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; qu’en limitant l’indemnité accordée à la société Orange en réparation de son préjudice à la somme de 200 882 euros correspondant à une occupation sans droit ni titre des infrastructures de génie civil de la société Orange définies par la convention “1 G” du 6 mai 1999 en ce qui concerne les communes de [Localité 3], [Localité 2] et [Localité 4], d’une durée de treize mois
s’étendant de janvier 2011 à février 2012, quand il résulte de ses constatations que la convention de délégation de service public conclue par le département des Hauts-de-Seine avec le groupement auquel s’est substituée la société Sequalum avait pour objet non seulement la construction mais aussi l’exploitation commerciale du réseau en fibre optique une fois construit et que le réseau en fibre optique avait été ouvert à la commercialisation en février 2012, donc était exploité commercialement par la société Sequalum depuis février 2012, ce dont il résultait que la société Sequalum occupait toujours sans droit ni titre les infrastructures de génie civil de la société Orange au-delà de février 2012, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »