Cession de droits : 16 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02368

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Cession de droits : 16 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02368
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16 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/02368

16/05/2023

ARRÊT N°310/2023

N° RG 22/02368 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O3IP

EV/IA

Décision déférée du 15 Juin 2022 – Juge de l’exécution de TOULOUSE ( 22/01881)

[W][X]

[N] [D]

C/

Organisme FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Véronique CHHUA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.011362 du 27/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉ

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Alain TUILLIER de la SELARL TGE, avocat plaidant au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis le 29 mars 2023..

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

Par ordonnance du 9 janvier 2020, le juge des tutelles de Toulouse a placé sous sauvegarde de justice M. [N] [D] né le [Date naissance 1] 2000 et désigné Mme [M] [Z] comme mandataire spécial.

Par ordonnance du 16 mars 2020, le juge des tutelles de Toulouse a procédé au remplacement du mandataire spécial en nommant Mme [L] [K].

Par arrêt du 3 juin 2021, la cour d’assises des mineurs des Bouches-du-Rhône a condamné M. [D] pour tentative de meurtre, faits commis le 31 mars 2017 sur la personne de M. [V] [Y].

Pas arrêt civil du même jour, la cour a déclaré M. [D] responsable du préjudice subi par M. [Y] à qui elle a donné acte de sa saisine de la commission d’indemnisation des victimes de [Localité 7].

Par jugement du 17 juin 2021, le juge des tutelles a maintenu la mesure de curatelle renforcée pour une durée de cinq années et a maintenu l’association Résilience Occitanie comme curateur.

Par ordonnance du 11 octobre 2021, la présidente de la commission d’indemnisation des victimes de [Localité 7] a homologué l’accord intervenu entre le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions et M. [Y] fixant l’indemnisation de celui-ci à 23’625 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2021, réceptionnée le 8 suivant le Fonds de garantie a mis en demeure M. [D] de lui rembourser l’indemnité versée en application de l’article 706-11 du code de procédure pénale.

Par ordonnance du 16 décembre 2021, le juge des tutelles a déchargé de ses fonctions de curateur l’association Résilience Occitanie au profit d’UDAF 31.

Le 13 janvier 2021, le Fonds de garantie a réitéré sa demande en paiement auprès de ce nouveau curateur, sans succès.

Par ordonnance du 8 février 2022, le juge de l’exécution de Toulouse a fait droit à la demande présentée par le Fonds de garantie selon requête du 3 février 2022 d’autoriser la saisie-conservatoire d’une somme de 25’000 € sur les comptes détenus par M. [D] auprès de l’agence du Crédit Agricole située [Adresse 3] .

La mesure a été fructueuse à hauteur de 20’374,19 € après déduction du solde bancaire insaisissable.

Par exploit du 24 février 2022, le Fonds de garantie a saisi le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir condamner M. [D] en présence de l’UDAF 31 son curateur, à lui payer comme subrogé dans les droits de M. [V] [Y] la somme de 23’625 € avec intérêts au taux légal,outre 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 mars 2022, le juge des tutelles de Toulouse a donné mainlevée de la mesure de protection dont bénéficiait M. [D].

Par acte du 20 avril 2022, M. [D] a fait assigner le Fonds de garantie devant le juge de l’exécution de Toulouse en mainlevée de la mesure de saisie-conservatoire.

Par jugement du 15 juin 2022, le juge de l’exécution de Toulouse a :

‘ débouté M. [D] de sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire,

‘ débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts,

‘ condamné M. [D] à payer au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions une indemnité de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ rejeté toute autre demande

‘ condamné M. [D] aux dépens de la procédure,

‘ rappelé que le jugement exécutoire de droit.

Par déclaration du 23 juin 2022, M. [D] a formé appel de la décision en chacune de ses dispositions.

Par dernières conclusions du 4 août 2022, M. [D] demande à la cour de:

Vu l’ordonnance de curatelle renforcée en date du 16 décembre 2021 au bénéfice de M. [D] ;

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

‘ déclarer M. [D] recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

‘ infirmer le jugement du 15 juin 2022 rendu par le juge de l’exécution près le Tribunal Judiciaire de Toulouse en ce qu’il a :

– débouté M. [D] de sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire qui a été pratiquée,

– débouté M. [D] de sa demande de dommages-et-intérêts,

– condamné M. [D] à payer au Fonds de garantie desvictimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions une indemnité de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 15 septembre 2022, le Fonds de garantie demande à la cour de :

‘ écarter des débats par application des articles 16 et 135 du CPC toutes les pièces qui n’auraient pas été effectivement communiquées sous bordereau devant la Cour,

‘ débouter M. [N] [D] de sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire qui a été pratiquée, la créance du Fonds de garantie n’étant pas contestable en son principe et M. [D] ne la contestant pas, et les circonstances étant de nature à en mettre en péril le recouvrement, puisqu’aussi bien, M. [D] avait très rapidement dilapidé les fonds qu’il avait reçus de la cession de droits immobiliers indivis, et procédait sur ses comptes bancaires à des retraits et prélèvements permettant légitimement de penser qu’une fois que le Tribunal aurait statué sur le montant de sa dette, il ne resterait plus aucune somme saisissable,

‘ débouter M. [D] de sa demande de dommages-intérêts dirigée à l’encontre du Fonds de garantie qui n’a fait que se conformer à ses obligations de recouvrer, à l’encontre de l’auteur des faits dommageables qu’il a indemnisés, le montant des sommes versées à la victime au titre de la solidarité nationale,

‘ confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

‘ condamner M. [D] à payer au Fonds de garantie en cause d’appel, une indemnité de 1.500 € au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ laisser à sa charge les dépens de la présente procédure.

Par avis du 29 mars 2023, le ministère public a indiqué s’en rapporter à l’appréciation de la Cour.

La clôture de l’instruction est intervenue le 3 avril 2023.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur le rejet des débats des pièces :

Le Fonds de garantie ne présente aucune argumentation à l’appui de sa demande de rejet des pièces qui n’auraient pas été effectivement communiquées sous bordereau devant la cour et ne précise pas desquelles il s’agit.

De plus, il résulte des dernières conclusions de M. [D] que la contestation porterait sur les pièces 14 à 16 dont il est justifié qu’elles ont été transmises par la production des accusés de réception RPVA.

En conséquence, la demande doit être rejetée.

Sur la demande de mainlevée :

M. [D] explique que les courriers qui lui ont été adressés par le Fonds de garantie les 6 novembre et le 6 décembre 2021 n’ont pas été transmis à son curateur qui avait pour mission de recevoir son courrier et de faire fonctionner seul ses comptes bancaires. Il souligne que le délai qui a été accordé à l’UDAF 31 par le courrier du 13 janvier 2022 était trop court pour qu’il soit répondu.

Il conteste toute menace dans le recouvrement de la créance alors que lorsque la mesure conservatoire a été engagée il faisait l’objet d’une mesure de protection et ne pouvait donc organiser son insolvabilité ni utiliser ses fonds comme il le voulait. De plus, il considère que le Fonds de garantie n’a pas régulièrement tenté d’obtenir le recouvrement amiable de sa créance en ne prenant pas contact avec son premier curateur.

Enfin, il précise qu’il est soumis à une interdiction bancaire depuis 2021 l’empêchant de régler sa dette mais s’être rapproché de sa banque pour tenter d’obtenir un chèque de banque d’un montant de 10’000 € afin de régler une partie de sa condamnation en vain puisque cette interdiction ne sera levée que le 3 juin 2024. Il explique être propriétaire d’un appartement à [Localité 2] et qu’une succession est en cours.

Le Fonds de garantie oppose que dans le cadre de la procédure au fond, M. [D] a indiqué qu’il n’avait perçu aucun revenu en 2020 et qu’il ne percevait actuellement que des prestations de la CAF.

Or, et alors même qu’il a perçu des fonds suite à une cession de droits immobiliers indivis pour 79’000 € en 2018 et 320’000 € en 2019 sur lesquels sa quote-part s’élevait à un tiers, il ne disposait plus de fonds lorsque la saisie-conservatoire a été effectuée la mesure de protection n’ayant pas empêché l’affectation de ces sommes à des dépenses autres que le remboursement de l’indemnisation de sa victime.

Enfin , il rappelle que M. [D] n’a jamais versé un quelconque acompte, et considère que le fait qu’il soit interdit bancaire démontre le péril caractérisé du recouvrement de sa créance.

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : «Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. ».

En l’espèce, M. [D] ne conteste pas le principe de sa dette à l’égard du Fonds de garantie subrogé dans les droits de la victime en application des articles 706-11 du code de procédure pénale et L 422-1 du code des assurances.

De plus, le Fonds de garantie a saisi le tribunal judiciaire d’une action en paiement selon assignation du 24 février 2022.

Seule l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance du Fonds de garantie est contestée.

Il est constant que M. [D] faisait l’objet d’une mesure de protection lorsque le Fonds de garantie lui a adressé une mise en demeure par lettre simple le 6 novembre 2021 et selon lettre recommandée avec accusé de réception réceptionnée le 8 décembre 2021.

Ces deux courriers ont été envoyés à l’adresse de M. [D].

M. [D] faisait alors l’objet d’une mesure de curatelle renforcée confiée à l’association Résilience Occitanie. S’il indique que cette association avait pour mission de recevoir son courrier même en la forme recommandée, la décision qu’il produit pour en justifier concerne uniquement la sauvegarde de justice dont il a fait l’objet selon ordonnance du 16 mars 2020 et non la mesure de curatelle renforcée. Il ne démontre donc pas que le curateur avait pour mission de recevoir son courrier.

Il résulte en tout état de cause de l’accusé de réception du second courrier qu’il l’a parfaitement reçu étant rappelé que la mesure de curatelle, fut-elle renforcée,est une mesure d’assistance et non de représentation.

Enfin, l’UDAF 31 en charge de la mesure de curatelle renforcée selon ordonnance du 16 décembre 2021 a réceptionné la demande en paiement du Fonds de garantie le 14 janvier 2022, sans qu’il soit justifié d’un contact pris avec le Fonds de garantie alors que le jugement portant mainlevée n’est datée que du 24 mars 2022.

Il résulte de cette chronologie que lorsque la mesure de saisie-conservatoire a été prise, M. [D] faisait l’objet d’une mesure de protection de curatelle renforcée. Pour autant, il était parfaitement informé des demandes du Fonds de garantie.

L’examen de ses relevés de compte fait apparaître que :

‘ le compte n° 30027971551 présentait un solde créditeur de 23’235,21 € le 13 septembre 2021 passé à 19’112,34 € le 13 octobre 2021 et 15’982,37 € le 15 novembre 2021,

‘ le compte n° 30027971594 est passé de 504,87 € le 13 septembre 2021 à 1207,71 € le 13 octobre 2021 et 1056,42 € le 15 novembre 2021.

Il résulte de ces relevés que des montants importants étaient virés sur son compte « majeur protégé » allant jusqu’à 3800 € en octobre 2021 permettant des retraits en liquide très importante pour un jeune homme ne percevant que des aides sociales, et lorsque la saisie a été pratiquée le 21 février 2022, ces deux comptes présentaient des soldes respectifs de 210,79 et 937,41 €, très nettement inférieurs à ce qu’ils étaient cinq mois auparavant.

Parallèlement, entre septembre 2021 et février 2022, les montants figurant sur le LDD et le LEP de M. [D] sont restés stables environ 12’000 et 7700 € saisis à hauteur respectivement de 11’685,45 et 7751,33 €.

Il convient d’en conclure que M. [D] a presque vidé ses deux comptes alors que la procédure en mainlevée de la mesure de protection dont il faisait l’objet était en cours, la requête à cette fin ayant été déposée le 4 février 2022 et visant un certificat médical du 31 janvier. D’ailleurs, le jugement portant mainlevée de la mesure indique que selon le curateur la mesure de protection était perçue comme très contraignante.

Au surplus, M. [D] justifie être interdit bancaire jusqu’au 3 juin 2024. Ainsi, alors que ses comptes étaient largement créditeurs, M. [D] a mis en péril sa situation financière sans pour autant avoir versé la moindre somme au Fonds de garantie qui a, en ses lieux et place, indemnisé la victime des faits de nature criminelle dont il a été reconnu coupable.

Enfin,

‘ si M. [D] justifie d’une promesse de vente d’un bien immobilier moyennant 30’000 €, force est de constater que cette promesse prévoyait la signature de l’acte authentique au plus tard le 31 décembre 2019 et que M. [D] ne justifie ni de l’aboutissement de cette vente ni, si elle est advenue, de l’utilisation faite de son produit dans l’intérêt du Fonds de garantie,

‘ M. [D] ne conteste pas avoir bénéficié à hauteur d’un tiers de la cession de droits immobiliers pour des montants respectifs de 79’000 € en 2018 et 320’000 € en 2019 sans qu’il soit justifié de l’utilisation de ces fonds.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance du Fonds de garantie est suffisamment établie et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire présentée par M. [D].

L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit : «Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »

En l’espèce, la saisie n’étant pas considérée comme abusive, la demande de dommages-intérêts de M. [D] doit être rejetée, par confirmation du jugement déféré.

Enfin, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. [D] à verser 1000 € au Fonds de garantie sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et d’octroyer à ce dernier le même montant en cause d’appel.

M. [D] qui succombe gardera la charge des dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Confirme le jugement déféré,

Condamne M. [N] [D] à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] [D] aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

 


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