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16 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-21.663
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juin 2021
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 434 FS-B
Pourvoi n° Q 19-21.663
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021
La société Look at Sciences, société coopérative de production à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-21.663 contre l’arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à l’établissement [Établissement 1], établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, venant aux droits de l’université [Établissement 2], dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Partie intervenante : Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI), dont le siège est [Adresse 3],
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Look at Sciences et du Syndicat des producteurs indépendants, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l’établissement [Établissement 1], et l’avis écrit et oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Intervention volontaire
1. Il est donné acte au Syndicats des producteurs indépendants de son intervention volontaire au soutien du pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2019), l’Université [Établissement 2] (l’UPMC), agissant pour le compte de l’Institut [Établissement 3] (l’IHP), s’est rapprochée de la société Look at Sciences (le producteur), à l’occasion du centenaire de la formulation de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, pour lui proposer de produire un film intitulé « Einstein et la relativité générale, une histoire singulière ».
3. Le 16 mars 2015, le producteur a conclu avec M. [A], réalisateur, un contrat de cession de droits d’auteur prévoyant, en son article 13, que ni le réalisateur ni le producteur ne pourraient exploiter les rushes non montés, sans autorisation réciproque, expresse et préalable des parties contractantes. Le 22 juin 2015, le producteur a conclu avec l’UPMC une convention de cession des droits d’exploitation non commerciale sur tous supports, en contrepartie du financement qu’elle lui apportait.
4. Soutenant avoir découvert que des vidéogrammes reproduisant, sans son autorisation, le film ainsi que des éléments des rushes issus du tournage non compris dans la version définitive du film, étaient édités et distribués par l’IHP, le producteur a assigné l’UPMC aux droits de laquelle se trouve l’établissement public [Établissement 1], en contrefaçon de droits d’auteur, responsabilité contractuelle, concurrence déloyale et parasitisme.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Le producteur fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle, alors « que la société Look at Sciences reprochait également à la [Établissement 1], venant aux droits de l’UPMC, d’avoir engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi en faisant usage d’archives de tiers, la société Getty images, pour habiller la jaquette des exemplaires des vidéogrammes qu’elle a édités et pour illustrer les bonus de ces vidéogrammes ainsi que leur menu interactif, sans l’en informer préalablement quand, en qualité de producteur, elle avait la responsabilité de respecter et faire respecter les usages des archives qu’elle a commandées auprès de tiers pour la réalisation du film ; qu’en s’abstenant de rechercher si cet agissement de la [Établissement 1] n’était pas fautif et susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle, la cour d’appel a, sur ce point encore, entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. L’arrêt énonçant que le producteur ne saurait se prévaloir d’un préjudice qui ne lui est pas personnel et qu’il n’est pas fondé à demander garantie d’une réclamation future dont le caractère certain n’est nullement établi, le moyen est inopérant.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le producteur et le Syndicat des producteurs indépendants font grief à l’arrêt de déclarer le premier irrecevable à agir en contrefaçon au titre des prises de vue non montées du tournage du documentaire, alors « qu’aux termes de l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non ; que les épreuves de tournage non montées d’un film, ou rushs, constituent au sens de ce texte un vidéogramme ; qu’indépendamment de toute cession des droits des auteurs sur l’oeuvre audiovisuelle que ces rushs peuvent constituer, le producteur du vidéogramme de ceux-ci, c’est-à-dire de leur épreuve ou première fixation, est en droit, en application du texte précité, d’en interdire toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public ; qu’en retenant en l’espèce que le producteur était irrecevable à se prévaloir d’atteinte à ses droits sur les rushs, correspondant pourtant, comme il l’a relevé, à des « interviews filmées non montées dans le Documentaire », faute de disposer de l’autorisation du réalisateur pour utiliser ou exploiter ceux-ci, « le producteur d’un vidéogramme de l’oeuvre audiovisuelle ne pouvant en tout état de cause détenir plus de droits que le producteur de ladite oeuvre sur des épreuves de tournage non montées », et en déclarant le producteur irrecevable à agir au titre des rushs, la cour d’appel, qui a méconnu les droits voisins dont disposait le producteur sur lesdits rushs et les a confondus avec les droits d’auteur dont ils pouvaient par ailleurs faire l’objet, a violé l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle. »