Cession de droits : 14 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00836

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Cession de droits : 14 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00836
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14 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/00836

ARRET

S.C.A. CAISSE FÉDÉRALE DU CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE

C/

[U]

[J]

OG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 14 MARS 2023

N° RG 21/00836 – N° Portalis DBV4-V-B7F-H75K

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 17 DÉCEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.A. CAISSE FÉDÉRALE DU CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène GRAS de la SCP DEVISMES-GRAS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 44

Plaidant par Me Benoit de Berny, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMES

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [E], [P] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l’audience publique du 10 Janvier 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Mars 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 14 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

M. [Z] [U] lorsqu’il était dirigeant d’entreprise a souscrit des actes de cautionnement auprès de la Banque commerciale du marché Nord Europe devenue la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe.

Par arrêt en date du 20 septembre 2016 M. [U] a été condamné à payer à la banque la somme de 19200 euros au titre d’un cautionnement souscrit le 10 mars 2009 et la somme de 30000 euros au titre d’un cautionnement souscrit le 2 novembre 2010.

M. [U] a par la suite sollicité le bénéfice d’une procédure de surendettement qui a été déclarée recevable le 21 août 2018.

A l’occasion de la contestation par un créancier, le Fonds commun de titrisation, de la recevabilité de cette procédure il a été communiqué à la banque commerciale du marché Nord Europe un acte établi le 30 juillet 2011 et publié aux services du cadastre le 9 août 2011 aux termes duquel M. [U] a cédé pour un prix de 90000 euros à sa compagne Mme [E] [J] ses droits indivis sur leur bien immobilier commun sis à [Adresse 5].

Par acte d’huissier en date du 4 avril 2019 la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe a fait assigner M. [U] et Mme [J] sur le fondement de l’article 1341-2 du code civil soit l’action paulienne aux fins de voir déclarer la cession des droits indivis de M. [U] dans l’immeuble commun sis au [Localité 4] inopposable à elle.

Par jugement du tribunal judiciaire de Saint-Quentin en date du 17 décembre 2020, l’action de la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe a été déclarée irrecevable car prescrite et la banque a été condamnée à payer aux défendeurs une somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 février 2021 la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 3 septembre 2021la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe demande à la cour de déclarer l’acte onéreux de vente à titre de licitation faisant cesser l’indivision, constitutif d’une simulation et de déclarer l’acte gratuit et de déclarer la donation-partage déguisée en vente inopposable à elle, les intimés étant condamnés au paiement d’une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 19 août 2022 M. [U] et Mme [J] demande à la cour de voir déclarer irrecevable comme nouvelle la demande en appel de la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe visant à voir déclarer l’acte litigieux comme constitutif d’une simulation.

A titre subsidiaire ils demandent à la cour de débouter l’appelante de sa demande faute de preuve de l’existence d’une contre-lettre ou de la date de la révélation d’une prétendue contre-lettre.

En tout état de cause ils demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l’appelante au paiement de la somme de 2000 euros à chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de maître Mangel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2022.

SUR CE

Sur la recevabilité de l’action en déclaration de simulation

M. [U] et Mme [J] soutiennent que l’action en déclaration de simulation est nouvelle en appel dès lors que l’assignation délivrée en première instance ne comporte pas une telle demande ni de visa de l’article 1201 du code civil et que l’action en première instance était fondée uniquement sur l’action paulienne afin de voir déclarer inopposable à la banque la cession de droits indivis .

Ils contestent le fait que les deux actions tendent aux mêmes fins, les deux actions différant quant à leurs conditions de mise en oeuvre et leurs effets, l’action paulienne tendant à obtenir l’inopposabilité de l’acte supposé frauduleux et l’action en déclaration de simulation ayant pour objet de faire produire effet à l’acte secret si tant est qu’il existe.

Ils considèrent que cette demande en déclaration de simulation que l’appelante considère comme un préalable à son action paulienne n’a pas été formée en première instance et qu’en réalité l’appelante cherche à échapper à la prescription de son action fondée sur la fraude paulienne.

La Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe soutient que dès la première instance elle s’est prévalue de la simulation pour faire valoir que la prescription n’a pu courir, l’acte publié étant en apparence un acte onéreux et non gratuit. Elle fait valoir que la demande en appel tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge dès lors qu’elle demande à la cour de révéler la simulation pour déclarer l’acte inopposable et que cette demande de révélation est le complément nécessaire de l’action paulienne.

En application de l’article 564 du code de procédure les parties ne peuvent à peine d’irrecevabilité soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait .

Toutefois en application des articles 565 et 566 du même code les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celle soumises au premier juge même si leur fondement juridfique est différent ou si elles sont l’accessoire la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

La simulation étant bien souvent le moyen de réaliser une fraude et l’action paulienne sanctionnant l’acte frauduleux accompli par un débiteur, ces deux actions ont indéniablement des liens.

Néanmoins, ces deux actions n’ont pas la même fin dès lors que l’ action paulienne suppose la démonstration d’une fraude afin qu’un acte juridique bien réel soit déclaré inopposable au créancier auquel il porte préjudice en compromettant ses chances de recouvrement de sa créance alors que la déclaration de simulation ne suppose ni fraude ni intention de nuire et tend à écarter un acte apparent et fictif au profit de l’acte juridique réel dont le demandeur réclame précisément l’application.

Ainsi le créancier demandeur est donc libre de choisir l’ action qu’il entend intenter.

Cependant le demandeur à l’ action paulienne a parfois intérêt à agir d’abord en déclaration de simulation pour intenter ensuite l’ action paulienne notamment afin de démontrer la connaissance de la fraude par le cocontractant .

En l’espèce il est indéniable que dès la première instance la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe a fondé son action paulienne sur l’existence d’une fraude constituée par la simulation , en indiquant que la cession de droits indivis acte onéreux dissimulait un acte gratuit une donation.

La simulation était en l’espèce invoquée comme un moyen destiné à établir la fraude sans laquelle l’action paulienne ne pouvait prospérer.

En appel la demande de la Caisse fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe est toujours de voir déclarer inopposable l’acte de cession de droit indivis au titre de la fraude à ses droits de créancier justifiée par l’existence d’un acte simulé. Il ne s’agit pas en effet pour la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe de revendiquer l’application d’une donation.

Dès lors l’action en déclaration de simulation n’est toujours qu’un moyen de faire prospérer l’action paulienne et donc une demande complémentaire de l’action paulienne et à la prétention relative à l’inopposabilité de l’acte de cession de droits indivis et a de surcroît déjà été développée en première instance.

Il n’y a pas lieu dès lors de la déclarer irrecevable .

Sur l’existence d’une simulation

La Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe fait valoir que l’acte publié est un acte de cession des droits indivis de M. [U] dans l’immeuble commun sis à [Localité 4] à sa compagne Mme [J] au prix de 90000 euros comptant et qu’en conséquence au regard de cet acte aucune action n’avait vocation à être engagée mais qu’elle a été trompée et a appris d’un créancier tiers que l’acte était en réalité une simulation à l’occasion de la contestation de la procédure de surendettement par ce créancier , le paiement étant fictif et la déclaration d’origine des fonds non sincère.

Elle soutient qu’ainsi elle a eu connaissance le 20 février 2019 de la contre-lettre et a agi en conséquence dans les cinq ans de la révélation de la simulation.

M. [U] et Mme [J] rappelle que l’action en déclaration de simulation suppose que soit rapportée la preuve de l’acte ou de la volonté secrète alors qu’en l’espèce l’acte ostensible a été dressé par acte notarié et aucune preuve de l’existence d’une contre-lettre n’est rapportée, l’acte publié faisant état d’une vente à titre de licitation faisant cesser l’indivision.

Il convient de relever que l’acte litigieux en date du 30 juillet 2011 et publié le 9 août 2011 est produit aux débats et mentionne sans ambiguïté l’existence d’une vente à titre de licitation faisant cesser l’indivision des droits indivis de M. [U] dans l’immeuble sis au [Localité 4] soit les 3/7ème de l’immeuble à Mme [J] pour le prix comptant de 90000 euros basé sur une valeur totale du bien de 210 000 euros, payé comptant antérieurement à l’acte et hors comptabilité du notaire, les fonds ayant servi au paiement du prix provenant de fonds reçus par Mme [J] de ses parents à la suite d’un acte de donatio-partage en date des 12 et 26 juillet 2011.

Pour établir l’existence d’un acte secret constitutif d’une donation déguisée l’appelante indique que le prix n’a pas été payé par Mme [J], ce qu’elle a appris par l’intermédiaire d’un autre créancier à la procédure de surendettement , le Fonds commun de titrisation.

Cependant la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe se contente de produire outre les conclusions de ce dernier dans la procédure de surendettement aux termes duquel il indique avoir initié une action paulienne à l’encontre de M. [U] et de Mme [J] dès lors qu’il a découvert que le paiement du prix de la cession des droit indivis avait été effectué antérieurement à l’acte et hors la comptabilité du notaire ainsi que l’assignation au titre de l’action paulienne en date du 10 juin 2016 délivrée par le Fonds commun de titrisation et les intimés aux termes de laquelle il était soutenu que M. [U] s’était livré en connaissance de cause à une opération à titre onéreux d’appauvrissement frauduleux avec la complicité de sa concubine, la fraude résultant notamment du fait que le prix a été versé en dehors de la comptabilité du notaire.

Il n’est pas justifié des suites de cette action paulienne.

Par ailleurs le seul fait qu’un autre créancier soupçonne le caractère frauduleux de l’acte litigieux ne saurait établir la simulation invoquée alors même qu’il n’est aucunement établi que le prix n’a pas été effectivement payé, l’origine des fonds étant corroborée par l’acte de donation-partage dont a bénéficié Mme [J] de la part de ses parents qui est produit aux débats.

La Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe échoue en conséquence à établir l’existence d’un acte apparent et d’un acte de secret et doit être déboutée de sa demande de déclaration de simulation.

Sur l’action paulienne

M. [U] et Mme [J] font valoir que l’action engagée plus de cinq ans après l’acte notarié du 30 juillet 2011 publié le 9 août 2011 est prescrite dès lors que l’appelante est réputée avoir eu connaissance de cet acte dès sa publication et non pas lors de la procédure de surendettement et ce d’autant que l’appelante était en possession d’un état hypothécaire faisant état de la publication de l’acte dès le 30 mai 2012.

La Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe soutient que l’acte de vente et sa publication avaient pour effet de tromper les tiers et qu’ayant appris la simulation à l’occasion de la procédure de surendettement elle a bien agi dans les cinq ans de la révélation de la simulation et que ce n’est qu’après l’enlèvement du déguisement qu’elle a été en mesure de démontrer les conditions de l’action paulienne .

L’action en déclaration de simulation étant rejetée , la prescription de l’action paulienne menée à l’encontre de l’acte de cession du 30 juillet 2011 publié le 9 août 2011 et porté à la connaissance de la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe au plus tard le 30 mai 2012 est prescrite pour avoir été été engagée le 4 avril 2019 soit plus de cinq années après.

Il convient de confirmer la décision entreprise en l’ensemble de ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il convient de condamner la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de maître Mangel et de la condamner à payer à M. [U] et Mme [J] la somme de 2000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Dit recevable mais non fondée la demande de la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe en déclaration de simulation;

Confirme la décision entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de maître Mangel ;

Condamne Caisse fédérale du Crédit mutuel Nord Europe à payer à M. [U] et Mme [J] la somme de 2000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

 


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