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11 mai 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/05529
N° RG 22/05529 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OOPT
Décision du Juge de la mise en état du TJ de VILLEFRANCHE SUR SAONE
du 7 juillet 2022
RG : 20/788
S.A.S. GROUPE SOBER
C/
[M]
[W]
S.A.R.L. RLC.SR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 11 Mai 2023
APPELANTE :
LA SOCIETE GROUPE SOBER
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
assisté de Me Sybille BARATIN du CABINET CAYSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [P] [M]
né le 24 Mars 1946 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
M. [Z] [W]
né le 30 Mars 1941 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
LA SOCIETE RLC.SR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
assisté de Me Nabila CHDAILI du CABINET LEX PHOCEA, avocat au barreau de MARSEILLE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 28 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Avril 2023
Date de mise à disposition : 11 Mai 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
[P] [M] et [Z] [W] ont déposé le 23 novembre 2011 un brevet relatif à un procédé d’orthèse active du genou sous le n° FR1160709.
Le 21 juin 2012, ils ont conclu avec la SA Laboratoire Sober un contrat de concession de licence exclusive d’exploitation du brevet. Le contrat, d’une durée de 10 ans, renouvelable par tacite reconduction, avait pour objet la fabrication et commercialisation d’une genouillère active, alternative à la chirurgie, moyennant une redevance annuelle minimale de 20.000 euros ht, ventilée à hauteur de 60 % pour M. [M] et 40 % pour M. [W].
Le 15 novembre 2012, le brevet a été enregistré à l’INPI sous le n°EP15187777.6.
Le 20 juin 2013, la licence exclusive a été enregistrée au registre national des brevets à l’INPI sous le n°0 195 759 aux noms de M. [W] et M. [M], par l’intermédiaire de la société Novagraaf Technologies, conseil en propriété intellectuelle.
Par acte sous seing privé du 29 septembre 2014 et avenant du 1er mars 2017, [P] [M] a cédé à la Sarl RLC.SR, représentée par son fils [L] [M], ses droits sur le brevet précité délivré en France et sur les demandes de brevet en Europe et aux Etats-Unis.
Le brevet européen a été délivré le 3 février 2016 sous le numéro 2783530.
Le 2 juin 2016, la SA Laboratoire Sober été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.
Par courrier du 27 septembre 2016, l’administrateur judiciaire, la Selarl AJ Partenaires, répondant à une demande de la société Novagraaf Technologies, a fait savoir que la société Laboratoire Sober n’entendait pas poursuivre l’étude du brevet divisionnaire n°15187777.6.
Par jugement du 13 octobre 2016, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a arrêté le plan de cession des actifs et activité de la SA Laboratoire Sober au profit de la SAS Groupe Sober.
Il est notamment spécifié dans ce jugement que ‘l’ensemble des contrats en cours visés dans la data room et portés à sa connaissance et notamment les contrats commerciaux sont repris par la société Groupe Sober’.
La SA Laboratoire Sober a ensuite été placée en liquidation judiciaire.
Selon MM. [M] et [W], le contrat a été poursuivi ; la société Groupe Sober s’est acquittée le 31 juillet 2018 de la redevance de l’exercice 2017 par virement d’un montant de 20.000 euros ht, soit 24.000 euros ttc, mais n’a plus rien versé par la suite.
Selon la SAS Groupe Sober, l’exécution du contrat précité n’a pas été poursuivie pendant la période d’observation et il n’a pas été inclus dans le périmètre de la cession d’actifs. La société n’en possédait ni original ni copie. Le versement du 31 juillet 2018 correspond à un investissement dans un projet de partenariat et non au réglement d’une facture de MM. [M] et [W].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2019, les inventeurs ont mis en demeure la société Groupe Sober de s’acquitter du paiement des redevances dues au titre des exercices 2018 et 2019, soit un total de 40.000 euros ht, soit 48.000 euros ttc.
*
Par acte d’huissier de justice du 30 septembre 2020, [P] [M] et [Z] [W] ont fait assigner la SAS Groupe Sober devant le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône et ont sollicité :
– la résiliation du contrat de licence d’exploitation du 21 juin 2012 aux torts exclusifs de la SAS Groupe Sober,
– la condamnation de la SAS Groupe Sober à leur verser les sommes suivantes, à répartir ainsi : 60% de la somme à M. [M] et 40% à M. [W] :
* 50.000 euros au titre du préjudice du fait du défaut d’exploitation de l’invention objet du brevet donné en licence
– 170.710,90 euros au titre du préjudice de perte de chance de gains qu’ils auraient pu espérer sur toute la durée du contrat compte-tenu de la redevance indexée sur le chiffre d’affaire, si la SAS Groupe Sober avait satisfait à son obligation d’exploiter le brevet,
– 48.000 euros ttc avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 3 juin 2019, au titre des redevances dues pour les exercices 2018 et 2019,
– 24.000 euros ttc avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir au titre de la redevance due pour l’exercice 2020,
– 48.000 euros ttc correspondant à la redevance minimum qui aurait été due au titre de l’exercice 2021 si le contrat avait été mené à son terme.
Ils ont également réclamé la condamnation de la société Groupe Sober à leur verser :
– 50.000 euros à chacun des demandeurs au titre du préjudice d’image,
– 25.000 euros à chacun des demandeurs au titre du préjudice moral subi,
– 4.500 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
civile et à supporter les dépens de l’instance.
Suivant conclusions d’intervention volontaire du 27 avril 2021, la Sarl RLC.SR s’est constituée à l’instance, en qualité de propriétaire des droits du brevet appartenant à M. [M] à la suite d’un apport et par un contrat de cession conclu entre celui-ci et la société RLC Systèmes, le 29 septembre 2014 et le 1er mars 2017, en présence de M. [W].
La société RLC-SR a sollicité, au constat des manquements de la SAS Groupe Sober et de la résiliation unilatérale du contrat par M. [M] et M. [W], la condamnation de la défenderesse à lui verser les sommes suivantes :
– 50.000 euros au titre du préjudice subi du fait du défaut d’exploitation de l’invention objet du brevet donné en licence,
– 170.710,90 euros au titre du préjudice de perte de chance de gains qu’ils auraient pu espérer sur toute la durée du contrat compte-tenu de la redevance indexée sur le chiffre d’affaire, si la SAS Groupe Sober avait satisfait à son obligation d’exploiter le brevet,
– 48.000 euros ttc avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 3 juin 2019, au titre des redevances dues pour les exercices 2018 et 2019,
– 24.000 euros ttc avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir au titre de la redevance due pour l’exercice 2020,
– 48.000 euros ttc correspondant à la redevance minimum qui aurait été due au titre de l’exercice 2021 si le contrat avait été mené à son terme,
– 12.674 euros outre la somme de 1.218 euros soit la somme totale de 13.892 euros au titre des frais de brevet,
– la condamnation de la SAS Groupe Sober à lui verser la somme de 2.000 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.
Dans des conclusions notifiées le 13 décembre 2021, M. [M] et M. [W] et la Sarl RLC.SR ont sollicité la condamnation de la SAS Groupe Sober à leur verser les sommes suivantes :
– 50.000 euros à la Sarl RLC.SR au titre du préjudice subi du fait du défaut d’exploitation de l’invention objet du brevet donné en licence,
– 170.710,90 euros à la Sarl RLC.SR au titre du préjudice de perte de chance de gains qu’ils auraient pu espérer sur toute la durée du contrat compte-tenu de la redevance indexée sur le chiffre d’affaire, si la SAS Groupe Sober avait satisfait à son obligation d’exploiter le brevet,
– 48.000 euros ttc à la Sarl RLC.SR avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 3 juin 2019, au titre des redevances dues pour les exercices 2018 et 2019,
– 24.000 euros ttc à la Sarl RLC.SR avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir au titre de la redevance due pour l’exercice 2020,
– 48.000 euros ttc à la Sarl RLC.SR correspondant à la redevance minimum qui aurait été due au titre de l’exercice 2021 si le contrat avait été mené à son terme,
– 12.674 euros outre la somme de 1.218 euros soit la somme totale de 13.892 euros à la Sarl RLC.SR au titre des frais de brevet,
– 50.000 euros chacun à M. [M] et M. [W], au titre du préjudice d’image,
– 25.000 euros chacun à M. [M] et M. [W] au titre du préjudice moral subi,
– le rejet de la demande reconventionnelle formée par la SAS Groupe Sober à voir condamner solidairement M. [M] et M. [W] à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– le rejet de toutes les demandes formées par la SAS Groupe Sober,
– la condamnation de la SAS Groupe Sober à verser à la Sarl RLC.SR, à M. [M] et M. [W] la somme de 2.000 euros chacun à titre d’indemnisation sur le fondement de |’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Suivant conclusions incidentes du 15 février 2021, la SAS Groupe Sober a soulevé in limine litis, la nullité de l’assignation du 30 septembre 2020.
A titre incident, la SAS Groupe Sober a aussi conclu :
à titre principal,
– à l’irrecevabilité de I’action engagée par M. [M] et M. [W] et la Sarl RLC.SR à son encontre en l’absence de transfert de contrat,
– à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la Sarl RLC.SR pour défaut de droit à agir à son encontre,
– à l’irrecevabilité de I’action engagée par M. [M] et M. [W] pour défaut de droit à agir,
à titre subsidiaire,
– à l’irrecevabilité de I’action des demandeurs pour les demandes postérieures au 27 juillet 2018,
en tout état de cause,
– à la condamnation in solidum de la Sarl RLC.SR, de M. [M] et M. [W] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 et à supporter les dépens du présent incident,
– au renvoi de l’affaire devant le tribunal pour qu’il soit statué sur la seule demande de dommages et intérêts formée par la SAS Groupe Sober pour procédure abusive à I’encontre des demandeurs.
En réponse, M. [M] et M. [W] ont conclu à la validité de l’assignation en raison de la couverture de l’irrégularité de fond et au rejet de la fin de non-recevoir présentée par la SAS Groupe Sober. Ils ont demandé sa condamnation à verser à chacun la somme de 1.500 euros sur le fondement de I’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.
Par ordonnance en date du 7 juillet 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône a :
– écarté de la procédure les écritures et pièces notifiées par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR le 16 mai 2022,
– dit n’y avoir lieu au prononcé de la nullité de l’assignation du 30 septembre 2020,
– déclaré irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR,
– débouté la SAS Groupe Sober de ses plus amples demandes,
– débouté M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR de leur demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SAS Groupe Sober de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens du présent incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond,
– et convoqué les parties à i’audience de mise en état, aux fins de mise en place d’une mesure de médiation entre les parties.
La SAS Groupe Sober a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 juillet 2022.
Par ordonnance du 24 août 2022, le président de la chambre, faisant application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 4 avril 2023 à 13h30.
En ses dernières conclusions du 21 novembre 2022, la SAS Groupe Sober demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles 30, 31, 32, 122 et 789, 2, 9, 15, 16 et 446-2 du code de procédure civile, 1353 et 1383 du code civil et L.622-13 et L.642-7 du code de commerce :
– réformer les chefs de l’ordonnance du tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône du 7 juillet 2022, RG 20/00788, en ce qu’elle a :
– débouté la SAS Groupe Sober de ses plus amples demandes (à savoir, déclarer irrecevable l’action de M. [M] et M. [W] et en conséquence les débouter de leurs prétentions),
– débouté la SAS Groupe Sober de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer l’ordonnance sus-citée en ce qu’elle a :
– écarté les écritures et pièces notifiées par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR le 16 mai 2022,
– déclaré irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR,
– déclarer irrecevable l’appel incident formé par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR ;
et, statuant à nouveau,
– écarter les écritures et pièces notifiées par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR le 16 mai 2022 ;
– déclarer irrecevable l’action engagée par M. [M], M. [W] («les inventeurs») à l’encontre du Groupe Sober en l’absence de transfert du contrat et en conséquence les débouter de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;
– déclarer irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR ;
– débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;
– condamner in solidum, RLC.SR, MM. [M] et [W] à verser à Groupe Sober la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône pour qu’il soit statué sur la seule demande résiduelle de dommages et intérêts pour action abusive formulée par Groupe Sober à l’encontre des intimés.
Par conclusions du 21 octobre 2022, [P] [M], [Z] [W] et la Sarl RLC.SR demandent à la Cour de statuer comme suit :
– confirmer l’ordonnance du 7 juillet 2022 en ce qu’elle a débouté la SAS Groupe Sober de ses plus amples demandes (à savoir, déclarer irrecevable l’action de M. [M] et M. [W] et, en conséquence, les débouter de leurs prétentions),
en conséquence :
– rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le Groupe Sober ;
– infirmer l’ordonnance du 7 juillet 2022 en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR et, statuer à nouveau en :
– déclarant recevable l’intervention de la société RLC.SR ;
– débouter l’appelant principal de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;
– condamner la SAS Groupe Sober à verser à la société RLC.SR à M. [M] et à M. [W] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la 1er instance et l’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre préliminaire, la Cour relève que l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance n’est pas reprise en appel par la SAS Groupe Sober.
Sur la communication de la pièce n°23 des intimés
A l’audience de la Cour, le président a observé que la pièce n°23 citée dans les conclusions des intimés ‘Facture #78 du 26/07/2018″ ne correspondait pas à la mention du bordereau de communication de leurs pièces, indiquant comme n°23 ‘Bordereaux de pièces’. A la demande de la Cour, le conseil des intimés a transmis la facture du 26/07/2018 le 4 avril 2023.
Par note en délibéré du 7 avril 2023, le conseil de l’appelante, alléguant d’une violation du principe du contradictoire, a demandé que cette pièce soit écartée des débats, comme ne correspondant pas aux communications effectuées pendant la mise en état.
Par note en délibéré du 14 avril 2023, le conseil des intimés a reconnu que la facture du 26/07/2018 n’a pas été communiquée par RPVA en procédure d’appel mais a fait valoir que cette facture, enregistrée dans la comptabilité du groupe Sober, a été communiquée par RPVA le 24 avril 2021 dans le cadre de la procédure au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône.
Le cosneil des intimés justifie effectivement de la communication de la facture du 26/07/2018 par bordereau communiqué par RPVA le 26 avril 2021 dans le cadre de la procédure en première instance. Dès lors, cette pièce, expressément visée dans les conclusions d’appel des intimés, a bien été soumise aux débats en temps utile devant le premier juge. En conséquence, il n’y a pas lieu de l’écarter en appel.
Sur les écritures et pièces écartées par le premier juge
La société Groupe Sober reproche au juge de la mise en état d’avoir repris dans sa décision des moyens et éléments figurant dans les conclusions adverses du 16 mai 2022 qu’il a écartées, ce que les intimés contestent en répondant que le juge a usé d’arguments factuels déjà en débat. Cela étant, dès lors que l’appelante ne tire pas la conséquence de la violation alléguée du principe du contradictoire en demandant l’annulation de la décision attaquée, son moyen est sans portée.
Par ailleurs, l’appelante demande curieusement à la Cour d’écarter ces mêmes conclusions et pièces notifiées le 16 mai 2022 tout en demandant la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a écartés ces écritures et pièces. Il convient de rappeler que les décisions du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel immédiat que dans les cas spécifiques énoncés à l’article 795 du code de procédure civile. La Cour n’est d’ailleurs saisie d’aucun appel sur la disposition de l’ordonnance écartant les écritures et pièces litigieuses et n’a donc pas à confirmer l’ordonnance sur ce point, non plus qu’à décider d’écarter des écritures et pièces valablement débattues en appel.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Groupe Sober fondé sur le défaut de reprise du contrat
La SAS Groupe Sober soutient que le contrat qui fonde les demandes adverses n’a jamais été repris par ses soins dans le cadre de la reprise du Laboratoire Sober, autorisée par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare par jugement du 13 octobre 2016.
Il résulte de l’article 789.6° du code de procédure civile que, lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Le prétendu défaut de reprise du contrat par la SAS Groupe Sober dans le cadre de la reprise de l’actif de la SA Laboratoire Sober est une question de fond qui doit être examinée par le juge de la mise en état puisqu’il est de nature à enlever aux parties adverses leurs qualités et intérêts à agir.
L’appelante fait valoir que l’administrateur judiciaire, dans un courrier du 27 septembre 2016 a indiqué aux inventeurs que le contrat ne serait pas poursuivi, ce qui a été repris par M. [M] et M. [W] (ci-après désignés : Les Inventeurs) dans un courrier du 22 février 2017, ce qui relève d’un aveu extra-judiciaire.
Elle ajoute que le jugement de plan de cession arrête les contrats cédés à ce titre, l’article L.642-7 du code de commerce indiquant que cette disposition permet au tribunal d’ordonner le transfert judiciaire des contrats conclus entre le débiteur en redressement et son co-contractant au profit d’un tiers, le contrat devant être visé de manière impérative dans le jugement.
Les contrats de licence, tout comme les contrats de brevet, peuvent être exclus d’une cession forcée. Dans son cas, le jugement ne prévoit pas le transfert du contrat d’exploitation de licence du 21 juin 2012.
Après le jugement de cession, la SAS Groupe Sober a été approchée par les Inventeurs pour mettre en ‘uvre un nouveau partenariat, les discussions n’aboutissant pas, ce qui est reconnu par les Inventeurs, seul un projet de contrat de licence étant établi.
*
M. [M], M. [W] et la société RLC.SE répondent que le courrier de l’administrateur judiciaire n’évoque nullement le contrat de licence conclu le 21 juin 2012 mais fait état d’une étude de brevet. L’administrateur judiciaire indique qu’il ne donnera pas suite au règlement d’une facture proforma. Or, ce sont les inventeurs qui facturent la redevance annuelle liée au contrat de licence et non la société Novagraaf, qui est un cabinet de conseil en matière de dépôt de brevet qui a uniquement vocation à gérer l’inscription du brevet à l’INPI.
Les intimés soutiennent que la société Groupe Sober crée la confusion entre le contrat de licence qui a été conclu le 21 juin 2012 et l’étude d’un nouveau brevet. De surcroit, la société Novagraaf n’est pas partie au contrat de licence et le courrier de l’administrateur judiciaire ne leur est pas opposable.
*
Le premier juge a relevé que, concernant la cession du contrat de licence entre la SA Laboratoire Sober et la SAS Groupe Sober dans le cadre de la reprise des actifs de l’entreprise, le jugement portant plan de cession rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare indique que le repreneur reprend tous les contrats présents dans la data-room, qu’il existe de manière précise une demande de translation judiciaire des contrats existants avec Natixis et que la mention suivante indique que le candidat repreneur fera son affaire personnelle du transfert des autres contrats en cours et notamment des contrats courants de fourniture.
La SAS Groupe Sober n’apporte aucun élément concernant le contenu de la data-room.
En outre, les paiements effectués par la SAS Groupe Sober postérieurement au plan de cession, au titre des annuités de brevet, permettent de constater la continuation du contrat entre les parties, les discussions postérieures portant sur le périmètre de commercialisation, le temps n’étant plus au développement.
La SAS Groupe Sober prétend que l’administrateur judiciaire a mis fin au contrat mais ne précise pas de quel brevet il s’agit. Son courrier du 27 septembre 2016 adressé à la société Novagraaf Technologies, mandataire pour la gestion des dépôts de brevets, indique le souhait de la société de ne pas poursuivre l’étude du brevet divisionnaire n°15187777.6.
La preuve n’est pas rapportée de ce que le brevet divisionnaire n°15187777.6 concerne l’objet du présent litige n’est pas rapportée et la notion de brevet divisionnaire ne concerne que le développement d’une partie d’un brevet et non un brevet dans sa globalité.
*
Sur la portée de la lettre du 27 septembre 2016 de l’administrateur judiciaire
Cette lettre fait ressortir que la société Laboratoire Sober n’a pas poursuivi l’étude du brevet divisionnaire n°15187777.6. Contrairement à l’appréciation du premier juge, l’extrait de la base Brevet du site Data INPI établit la concordance entre n° de brevet 15187777.6 et le n° de demande FR1160709 visé au contrat litigieux.
Toutefois, ainsi que l’a rappelé le juge de la mise en état, le brevet divisionnaire ne se confond pas avec le brevet initial dont il est issu. Il ressort de l’avenant du 1er mars 2017 au contrat de cession de brevets intervenu entre [P] [M] et la Sarl RLC.SR qu’une demande de brevet divisionnaire a été déposée le 30 septembre 2015 sous le même n°15187777.6.
La facture proforma de Novagraaf rejetée par l’administrateur judiciaire pourrait donc correspondre à une proposition de prestation du conseil en brevet aux fins de poursuite des démarches relatives du brevet divisionnaire.
Pour autant, les Inventeurs s’abstiennent de produire le courrier de la société Novagraf du 8 septembre 2016 auquel répond l’administrateur judiciaire et sa facture proforma. Or, ils détiennent ou peuvent obtenir les copies de ces pièces puisque cette société agissait dans le cadre du mandat qu’ils lui avaient donné comme conseil en propriété intellectuelle.
Les intimés ne justifient pas de l’exploitation du contrat par le Laboratoire Sober après sa signature en 2012. Leur propre argumentaire, faisant état de réunion avec les dirigeants du Groupe Sober postérieurement au plan de cession, tend plutôt à démontrer que l’on était resté au stade de la conception et mise au point du produit breveté au moment du placement de la société Laboratoire Sober en redressement judiciaire. Le produit n’était donc pas passé en production et commercialisation. De ce fait, la mention dans le courrier de l’administrateur judiciaire de la poursuite de l’étude du brevet divisionnaire n’est pas démonstrative du fait qu’elle ne concernait pas le contrat litigieux mais, comme ils l’affirment, un projet de développement d’un brevet futur.
Il reste néanmoins que l’administrateur judiciaire n’a pas expressément mis fin aux termes du contrat dans les conditions fixées par l’article L.622-13 II du code de commerce, faute de s’adresser directement aux contractants. Au regard de ces éléments, il n’est pas démontré que son courrier a mis fin au contrat passé entre les Inventeurs et la société Laboratoire Sober.
Sur la portée du jugement de cession des actifs
Le défaut de production de la data room par la société Groupe Sober ne permet pas de déterminer si le contrat était contenu dans le périmètre de la cession. Toutefois, on ne saurait inverser la charge de la preuve de cette transmission de contrat qui incombe aux Inventeurs qui s’en prévalent et n’ont pas cru bon de faire une démarche à cette fin auprès de l’administrateur judiciaire.
En outre, la société Groupe Sober fait valoir que le jugement du 13 octobre 2016 du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare mentionne que les contractants ont été convoqués à l’audience d’examen du plan de cession, conformément aux articles L.642-7 et R.642-7 du tribunal de commerce.
Les Inventeurs reconnaissent qu’ils n’ont pas été convoqués à cette audience, ce qui aurait dû être le cas si le contrat litigieux était inclus dans le périmètre du plan. D’autant, comme le rappelle l’appelante, que les contrats de licence d’exploitation de brevet revêtent un fort intuitu personae et impliquent une collaboration des Inventeurs pour la conception et la commercialisation du produit breveté, qui exclut qu’ils fassent l’objet d’une cession forcée dans le cadre de la procédure collective. Le contrat litigieux prévoit d’ailleurs expressément la participation des Inventeurs à la mise au point du prototype et au développement du produit, il était donc inconcevable qu’il soit cédé sans leur accord.
En définitive, au regard des éléments fragmentaires communiqués par les parties, s’il n’est certes pas établi que le contrat de licence de brevet du 21 juin 2012 a été résilié par le courrier de l’administrateur judiciaire du 27 septembre 2016, il n’est pas non plus démontré qu’il était inclus dans le périmètre du plan de cession de la société Laboratoire Sober.
Il reste à déterminer si les parties ont néanmoins entendu reprendre à leur compte l’engagement contractuel initial, comme le font valoir les Inventeurs.
Sur la relation contractuelle entre les parties
Les intimés exposent qu’à la suite de la validation du plan de cession par le tribunal de commerce, ils ont eu pas moins de 9 réunions avec les dirigeants du Groupe Sober, dont :
* 2 réunions sur le site de Sober à [Localité 6] en présence du président, de l’ingénieur produit et du directeur commercial,
* 2 réunions à [Localité 4] avec le directeur commercial,
* 2 réunions avec le directeur commercial et l’ingénieur produit,
* 3 réunions à [Localité 4] avec le directeur commercial et un prothésiste, chargé de la conception finale et de l’adaptation sur les patients pour la région.
Par ailleurs, ils se sont rapprochés des instances juridiques de la santé en prévision de l’obtention d’une AMM (autorisation de mise sur le marché). La Haute Autorité de Santé prévoyait, devant le peu de concurrence et le manque de ce type de matériel médical, une prise en charge de 1.100 euros par dispositif.
Les Inventeurs ont également facilité les contacts commerciaux entre le directeur commercial de Groupe Sober et le directeur général du groupe de cliniques dans lequel travaille un des inventeurs, pour aider au redémarrage de l’activité commerciale après l’épisode de liquidation judiciaire de Laboratoire Sober en 2016.
Des améliorations ont été apportées au dispositif protégé par le brevet d’origine et ont permis la protection par un brevet postérieur, bénéficiant du brevet divisionnaire avec l’antériorité du brevet français initial. Les améliorations apportées au dispositif ont également été reprises par un brevet délivré ensuite le 15 mars 2017 sous le numéro 2987472. L’abandon du brevet français correspondait à une logique d’optimisation des coûts, un brevet européen visant la France ayant été obtenu, le maintien d’un brevet pour le seul territoire français étant dépourvu d’intérêt par la suite.
Le règlement du 26 juillet 2018 correspond aux annuités des 2 brevets européens ayant pris la suite du brevet français tombé en déchéance, en exécution de l’article 7 du contrat qui prévoit que les extensions de dépôt de brevet pour la France et le reste du monde, ainsi que leur maintien en vigueur, étaient à la charge du Laboratoire Sober.
Sur ce, la Cour constate que les courriels échangés, d’avril et juillet 2017, entre [P] [M] (laboratoire RLC Systèmes) et les représentants du Groupe Sober font ressortir un projet de négociation pour l’exploitation et le développement du brevet, sans aucune référence au contrat litigieux du 21 juin 2012.
Les termes des messages tendent plutôt à faire ressortir des échanges sur les obligations respectives des parties qui n’avaient pas lieu d’être si les parties s’étaient considérées comme tenues par les dispositions contractuelles. En particulier, dans un message du 23 août 2017, [G] [H], directeur marketing et recherche & développement du Groupe Sober, se félicite de la ‘mise en place de bases partenariales’, ce qui évoque une discussion entre les parties sur leurs obligations respectives.
Les Inventeurs entendent prouver que les parties ont bien convenu de la poursuite du contrat initial par le fait que la société Groupe Sober a réglé la redevance contractuelle de 2017 en juillet 2018 ainsi que des annuités de brevets européens en novembre 2018.
L’appelante répond que ces paiements n’ont pas été faits en application du contrat mais comme un investissement dans le partenariat envisagé. Selon elle, c’est parce que la mise en place d’une coopération avec les Inventeurs prenait du temps (comme tout partenariat de recherche & développement) que Groupe Sober a accepté de financer une partie des coûts, pour preuve de sa bonne foi dans ces discussions et de son réel intérêt pour l’invention d’orthèse active du genou.
Sur la redevance contractuelle, les Inventeurs font valoir que le libellé de la facture, datée du 30 janvier 2017 et réglée en juillet 2018 par la société Groupe Sober ne souffre pas d’équivoque :
‘Licence G2AD 2017
Désignation :
Rémunération annuelle fixe des inventeurs
Brevet de genouillère anti-arthrosique dynamique #1160709 – Inventeurs : A. [W] et R. [M]’.
Cette facture est établie au nom de la société RLC Systèmes (nom commercial de RLC.SR) avec date limite de règlement au 14 février 2017 pour 20.000 euros ht, soit 24.000 euros ttc.
Il ne ressort des échanges aucune allusion ou réclamation relative à cette facture alors que le paiement est intervenu en juillet 2018. Les intimés expliquent ce retard en indiquant qu’ils ont accepté, de bonne composition, un différé de paiement pour initier le partenariat avec le Groupe Sober. Toutefois, cette affirmation n’est confirmée par aucun élément du dossier et le paiement tardif peut aussi accréditer la thèse de l’appelante, quant à un paiement effectué dans le cadre des pourparlers. La facture étant établie pour les besoins de la comptabilité des deux sociétés, son libellé n’est pas démonstratif de la poursuite du contrat.
Concernant le règlement intervenu en novembre 2018, il ressort des courriels du service comptabilité du Groupe Sober que celui-ci a réglé, à hauteur de 1.291,20 euros, des annuités des brevets français et européens à échéance au 30 novembre 2018 par l’intermédiaire de la société Novagraaf.
Une autre facture, établie par la société RLC.SR, est versée aux débats par les intimés et aurait été réglée par la société Groupe Sober à hauteur pour 15.208,80 euros ttc, en date du 26 juillet 2018. Elle porte sur le remboursement de factures de la société Novagraaf pour les prestations suivantes :
– facture du 30 septembre 2015 de frais et honoraires, dont le paiement des 3ème et 4ème annuités (5.659,20 euros),
– facture du 19 novembre 2015 de frais et honoraires relatifs au rapport de recherche européenne (792,00 euros),
– facture du 19 octobre 2016 de frais et honoraires paraissant liés aux démarches d’obtention du brevet européen (4.896,00 euros),
– facture du 17 novembre 2016 de paiement d’annuités 2016 (1.701,60 euros),
– facture du 28 avril 2017 de frais et honoraires paraissant liés aux démarches d’obtention du brevet européen (2.160 euros).
Les échanges entre les parties et les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer si le remboursement des annuités 2017 a été réclamé au Groupe Sober par la société RLC.SR alors qu’elles auraient du être mises à sa charge en cas de poursuite du contrat litigieux.
Il apparaît que la société Groupe Sober a accepté de prendre en charge des factures pour la période 2015 qui ne pouvaient pas relever du lien contractuel puisqu’elles étaient échues avant l’ouverture de la procédure collective du Laboratoire Sober et devaient donc être déclarées par la société RLC.SR au passif de cette société. Le fait que la société Groupe Sober ait accepté de prendre en charge des dépenses qui ne lui incombaient pas contractuellement accrédite son affirmation d’une démarche de réglement de factures dans le cadre de négociations.
On relève que, dans un message du 18 octobre 2017, [P] [M], dirigeant de RLC.SR, demande, pour le conseil en propriété intellectuelle en charge du maintien des brevets, ‘les coordonnées de la personne en charge des règlements puisque nous avons convenu que les prochaines échéances seraient réglées par Sober’. Or, en cas de reprise du contrat initial, les parties n’avaient pas à convenir de ces règlements qui auraient été imposés par les stipulations contractuelles.
Au regard de ces éléments, les paiements effectués par la société Groupe Sober ne sont pas démonstratifs de la poursuite du lien contractuel initié par les Inventeurs avec le Laboratoire Sober.
D’autres messages font ressortir que les représentants des parties se sont rencontrés en mars 2019 mais ce n’est que par une lettre du 3 juin 2019 que [P] [M] et [Z] [W] ont mis en demeure le Groupe Sober de s’acquitter des redevances contractuelles, revendication qui paraît sanctionner l’échec ou le défaut d’avancement du projet entre les parties.
Ce courrier a été suivi d’une lettre recommandée du conseil des Inventeurs en date du 26 septembre 2019 qui donnait un tour contentieux à leur réclamation. Cependant, un échange de messages du 30 septembre 2019 fait ressortir la transmission par la société Groupe Sober à [P] [M] d’une proposition de contrat de licence pour la fabrication et la distribution de l’attelle G2A2 que le destinataire indique transmettre ‘au directeur de la société de recherche à mon associé et au cabinet d’avocats d’affaires’.
Aucune des parties n’a cru bon de verser aux débats cette proposition de contrat, dont l’existence ne se justifie que si elle diffère des termes du contrat de 2012.
En définitive, ces éléments font ressortir une recherche de partenariat qui ne se comprend que si les termes du contrat initial ont été considérés par les parties comme n’étant pas opposables à la société Groupe Sober, ce que confirme la soumission d’une proposition de nouveau contrat de licence. S’il est établi que les parties étaient engagées dans une négociation, rien ne permet de démontrer qu’elles entendaient reprendre les termes du contrat du 21 juin 2012.
Sur le moyen de la SAS Groupe Sober tirée de l’Estoppel
L’appelante soutient que les parties adverses se contredisent à son détriment puisque les Inventeurs ont révélé en cours d’instance qu’ils ne sont plus titulaires des droits, objets du contrat de licence, transférés à RLC.SR, qu’ils n’ont plus la qualité de contractants et qu’ils se sont désistés de leurs demandes en première instance.
Sur ce, selon le principe d’estoppel, une partie ne peut se prévaloir d’une position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers. En l’espèce, la contradiction contenue dans les positions des défendeurs en première instance relève d’une démarche de correction d’une erreur initiale par omission du transfert des droits de M. [M] à la société RLC.SR. Ce changement de position, qui ne se produit pas au détriment de la société Groupe Sober, ne relève pas du principe d’estoppel.
Sur le défaut d’intêrêt à agir de la Sarl RLC.SR
Contrairement à l’appréciation du premier juge, il importe peu, pour apprécier la recevabilité de son action, que la cession des droits de M. [M] n’ait pas été soumise au consentement de la société Laboratoire Sober : Il est spécifié dans l’article 9.3 du contrat que les Inventeurs pouvaient céder le contrat à la personne morale de leur choix ; il s’agit en réalité d’un manquement au droit de préférence de la société Laboratoire Sober prévu par l’article 12 qui, à défaut de sanction contractuelle spécifique, ne pouvait se résoudre que par l’allocation d’une indemnité.
Etant précisé que les développements de la société Groupe Sober sont inopérants en ce qui concerne l’article 9.2 du contrat qui interdit le transfert de la licence d’exploitation à une entité tierce prenant le contrôle des Inventeurs, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Contrairement à ce que soutient la société Groupe Sober, la société RLC.SR pouvait valablement se substituer à M. [M] dans la poursuite de la relation contractuelle. Mais, comme il a été dit, la société RLC.SR ne démontre pas que la société Groupe Sober est restée liée par le contrat de cession de la licence d’exploitation du brevet du 21 juin 2012. En conséquence, elle ne justifie pas d’un intérêt à agir, au sens de l’article 31 du code de procédure civile, en paiement de sommes qui seraient due en exécution dudit contrat.
L’ordonnance est confirmée, par substitution de motifs, en ce qu’elle déclare irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR, cette irrecevabilité procédant non des motifs inappropriés du premier juge mais du défaut d’intérêt à agir sur le fondement d’un contrat dont il n’est pas démontré qu’il devait s’exécuter entre les parties.
Sur le défaut d’intérêt à agir de [P] [M]
Il est établi que M. [M] a cédé ses droits sur le brevet litigieux à l’Eurl RCL.SR par contrat du 29 septembre 2014. En conséquence, il était dépourvu d’intérêt à agir dans ses demandes en paiement initiales au titre du contrat litigieux.
Concernant les préjudices personnels allégués, les demandes indemnitaires de M. [M] n’apparaissent pas fondées sur la seule résiliation du contrat de licence d’exploitation imputée à la société Groupe Sober mais aussi, concernant le préjudice d’image sur une atteinte à la réputation professionnelle et, concernant le préjudice moral, sur la perte de temps et les efforts consacrés par M. [M]. En conséquence, il conserve un intérêt à agir de ces chefs de demandes qui doivent être soumis à l’appréciation du juge du fond.
Sur l’intérêt à agir de [Z] [W]
La société Groupe Sober soutient que M. [W], comme M. [M], a fait l’aveu judiciaire de la cession de ses droits à la société RLC.SR dans les conclusions au fond en première instance.
Les intimés répondent que les droits sur le brevet sont la propriété indivise de la société RLC.SR et de M. [W].
Il n’est explicité ni justifié d’aucun acte de cession des droits de M. [W] à la société RLC.SR, de sorte que le prétendu aveu judiciaire paraît relever d’une erreur de plume en ce qu’il inclut M. [W] qui n’a fait qu’assister à la cession de droits de M. [M] à la société dirigée par son fils.
On peut certes observer que la facture de redevance 2017 évoquée ci-avant a été établie par la société RLC.SR pour la totalité des droits et non pour les seuls 60 % détenus de M. [M], et que cette société réclame, dans le cadre de conclusions communes à M. [W], la totalité des créances fondées sur le titre contractuel.
Pour autant, cette situation peut résulter d’un mandat, exprès ou implicite, donné à la société par M. [W] sans impliquer une cession de ses droits.
Quoiqu’il en soit, M. [W], comme M. [M], conserve un intérêt à agir au titre des préjudices personnels allégués au titre du préjudice d’image et du préjudice moral.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie doit conserver la charge des dépens qu’elle a exposés, dès lors qu’elle échoue en ses prétentions en appel et il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Dit n’y avoir lieu d’écarter la pièce n°22 transmise par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR le 4 avril 2023 ;
Dit n’y avoir lieu d’écarter les écritures et pièces notifiées en première instance par M. [M], M. [W] et la Sarl RLC.SR le 16 mai 2022 ;
Confirme, par substitution de motifs, l’ordonnance rendue le 7 juillet 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de la Sarl RLC.SR et débouté la SAS Groupe Sober de ses demandes visant à faire déclarer [P] [M] et [Z] [W] irrecevables en l’ensemble de leurs demandes ;
Confirme l’ordonnance en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés en appel ;
Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône pour qu’il soit statué sur les demandes de [P] [M] et [Z] [W] au titre de leurs préjudices personnels et la demande reconventionnelle de la SAS Groupe Sober.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT