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10 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-12.235
CIV. 1
NL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 novembre 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 678 FS-B
Pourvoi n° N 20-12.235
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021
1°/ M. [H] [J],
2°/ Mme [X] [T], épouse [J],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 20-12.235 contre l’arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à la société [S] [Y] et associés, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société [S] [Y] et associés, et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet,conseillers, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier et Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2019), par acte sous seing privé du 30 septembre 1997, rédigé par M. [Y], avocat membre de la société [S] [Y] et associés (l’avocat), M. et Mme [J] ont acquis l’ensemble des parts de la société Café du port (la société), qui exploitait un fonds de commerce dans le port de [4], en vertu de deux contrats de concession de droit privé, conclus en 1985 et 1987 et renouvelés en 1994 et 1996 avec des porteurs d’actions d’une société chargée par la commune de l’établissement, de l’entretien et de l’exploitation du port.
2. Le 21 juin 2000, M. [J] a été, en qualité de représentant de la société, informé, par la préfecture des Alpes-Maritimes, qu’il était occupant sans droit ni titre, depuis le 17 mai 2000, du domaine public portuaire concédé à la commune et invité à enlever des installations.
3. Une ordonnance de référé du 11 octobre 2000 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du contrat d’occupation, ordonné l’expulsion de la société et prononcé une condamnation au titre de redevances impayées.
4. Un jugement du 5 septembre 2008, confirmé par un arrêt du 17 décembre 2010, a rejeté l’action en nullité de l’acte de cession des parts sociales engagée par M. et Mme [J].
5. Reprochant à l’avocat d’avoir manqué à ses obligations de conseil, d’information et de mise en garde, en ne les alertant pas sur le caractère précaire des concessions de cellules situées sur le domaine public, M. et Mme [J] l’ont assigné en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [J] font grief à l’arrêt de rejeter toutes leurs demandes, alors « que les avocats rédacteurs d’actes sont tenus d’un devoir de conseil et d’information ; qu’en se bornant à énoncer que plusieurs dispositions de l’acte de concession attiraient clairement l’attention des cessionnaires, sur tous les mécanismes contractuels y définis, sur les particularités en résultant pour leur titre d’occupation et sur les limites consécutives des droits de la société, sans rechercher si l’avocat, rédacteur de l’acte n’avait pas manqué à son devoir d’information et de conseil, en ne mettant pas en garde M. et Mme [J], profanes en matière juridique, sur les limites de leurs droits et sur les risques encourus par la société dont ils acquéraient la totalité des parts, du fait de l’exploitation, par celle-ci d’un fonds de commerce dans des locaux, situés sur le domaine public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Il résulte de ce texte que l’avocat rédacteur d’acte est tenu à l’égard de toutes les parties, quelles que soient leurs compétences personnelles, d’une obligation de conseil et, le cas échéant, de mise en garde en ce qui concerne, notamment, les effets et les risques des stipulations convenues et que l’existence d’une clause claire dans l’acte ne le dispense pas de les informer sur les conséquences qui s’y attachent.
8. Pour écarter tout manquement de l’avocat à son devoir de conseil, l’arrêt retient qu’il résulte des actes de concession annexés à l’acte de vente des parts sociales, par lui dressé, que les lieux dans lesquels la société exploitait le fonds de commerce étaient situés sur le domaine public et que, même si certaines dispositions se référaient à la notion de bail, la dénomination de ces actes annexés était claire, de sorte que M. et Mme [J] avaient été informés des limites de leurs droits.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l’avocat avait spécialement mis en garde M. et Mme [J], qui acquéraient la totalité des parts de la société, sur les risques que comportait l’exploitation par celle-ci d’un fonds de commerce présentant de telles spécificités, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 octobre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composé ;
Condamne la société [S] [Y] et associés aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.