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SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mars 2021
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 250 F-D
Pourvois n°
Y 19-13.046
Z 19-13.047
A 19-13.048
C 19-13.050
E 19-13.052
F 19-13.053
H 19-13.054
J 19-13.056
R 19-13.062
V 19-13.066
W 19-13.067
X 19-13.068
Y 19-13.069
Z 19-13.070
A 19-13.071
B 19-13.072
N 19-13.082
S 19-13.086
T 19-13.087
U 19-13.088
V 19-13.089
X 19-13.091
B 19-13.095
D 19-13.097
E 19-13.098
M 19-13.104 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
1°/ La société Connected World Services France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
2°/ la société Axyme, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de M. A…, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Connected World Services France,
ont formé les pourvois n° Y 19-13.046, Z 19-13.047, A 19-13.048, C 19-13.050, E 19-13.052, F 19-13.053, H 19-13.054, J 19-13.056, R 19-13.062, V 19-13.066, W 19-13.067, X 19-13.068, Y 19-13.069, Z 19-13.070, A 19-13.071, B 19-13.072, N 19-13.082, S 19-13.086, T 19-13.087, U 19-13.088, V 19-13.089, X 19-13.091, B 19-13.095, D 19-13.097, E 19-13.098 et M 19-13.104 contre vingt-six arrêts rendus le 12 décembre 2018 par la cour d’appel de Versailles (15e chambre), dans les litiges les opposant respectivement :
1°/ à M. T… Q…, domicilié […] ,
2°/ à M. D… V…, domicilié […] ,
3°/ à M. R… I…, domicilié […] ,
4°/ à Mme XL… C…, domiciliée […] ,
5°/ à M. B… L…, domicilié […] ,
6°/ à M. S… H…, domicilié […] ,
7°/ à M. U… OM…, domicilié […] ,
8°/ à Mme G… J…, épouse N…, domiciliée […] ,
9°/ à M. LH… Y…, domicilié […] ,
10°/ à Mme M… P…, domiciliée […] ,
11°/ à M. K… F…, domicilié […] ,
12°/ à M. X… W…, domicilié […] ,
13°/ à Mme E… JE… , domiciliée […] ,
14°/ à M. NN… EA…, domicilié […] ,
15°/ à M. AW… SR…, domicilié […] ,
16°/ à Mme NT… AJ…, domiciliée […] ,
17°/ à M. RD… IS…, domicilié […] ,
18°/ à Mme OA… LF…, épouse SJ…, domiciliée […] ,
19°/ à M. UT… BV…, domicilié […] ,
20°/ à Mme UW… AV…, domiciliée […] ,
21°/ à M. BK… ON…, domicilié […] ,
22°/ à M. UR… UC…, domicilié […] ,
23°/ à M. AZ… VI…, domicilié […] ,
24°/ à Mme O… EA…, domiciliée chez M. EZ… EA…, […] ,
25°/ à M. IT… TN…, domicilié […] ,
26°/ à Mme SU… MH…, domiciliée […]
27°/ à la société The New Kase, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
28°/ à la société AJRS, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de M. BG… NJ…, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société The New Kase,
29°/ à la société BTSG, dont le siège est […] , prise en qualité de mandataire judiciaire de la société The New Kase,
30°/ à l’AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leurs pourvois, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Connected World Services France et Axyme, prise en la personne de M. A…, ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Q… et des vingt-cinq autres salariés, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat des sociétés The New Kase, AJRS, prise en la personne de M. NJ…, ès qualités, et BTSG, ès qualités, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 19-13.046, Z 19-13.047, A 19-13.048, C 19-13.050, E 19-13.052, F 19-13.053, H 19-13.054, J 19-13.056, R 19-13.062, V 19-13.066, W 19-13.067, X 19-13.068, Y 19-13.069, Z 19-13.070, A 19-13.071, B 19-13.072, N 19-13.082, S 19-13.086, T 19-13.087, U 19-13.088, V 19-13.089, X 19-13.091, B 19-13.095, D 19-13.097, E 19-13.098 et M 19-13.104 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 12 décembre 2018), M. Q… et vingt-cinq autres personnes ont été engagés, à des dates diverses, par la société The Phone House, laquelle commercialisait des produits de différents opérateurs téléphoniques.
3. La société The Phone House a mis en oeuvre un projet de cession d’une partie de ses magasins à la société The Kase. D’abord, elle a créé une filiale, Tel & Co World, à laquelle elle a apporté le 31 juillet 2013 cent-quatorze magasins, selon traité d’apport partiel d’actifs prévoyant le transfert des salariés y étant affectés. Ensuite, le 1er août 2013, la société The Kase a fait l’acquisition auprès de la société The Phone House de 100 % des titres de la société Tel & Co World, devenue la société The New Kase. Les salariés affectés aux magasins cédés sont passés au service de la société The New Kase le 1er août 2013. La société The Phone House a arrêté le 6 septembre 2013 un plan de sauvegarde de l’emploi portant sur le licenciement de cinq-cent-un salariés.
4. Des salariés passés au service de la société The New Kase, contestant que le transfert de leurs contrats de travail soit intervenu par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de diverses indemnités.
5. La société The New Kase a été placée en redressement judiciaire le 1er août 2014, étant désignés en dernier lieu M. NJ…, en qualité de commissaire à l’exécution du plan et la société BTSG, en qualité de mandataire judiciaire.
6. La société Connected World Services France, venue aux droits de la société The Phone House, a été placée en liquidation judiciaire, la société Axyme, prise en la personne de M. A…, étant désignée liquidateur judiciaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société Connected World Services France et son liquidateur font grief aux arrêts de constater que les contrats de travail des salariés n’ont pas été transférés par suite de la cession à la société The Kase de la société filiale Tel & Co par la société The Phone House, aux droits de laquelle vient la société Connected World Services, de dire que les salariés sont fondés à se prévaloir d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à leur payer différentes sommes, alors :
« 1°/ que la reprise de la commercialisation des produits d’une marque, de la clientèle qui y est attachée et des locaux dans lesquels l’activité est exercée avec les salariés qui y sont spécialement affectés, entraîne le transfert d’une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; qu’en l’espèce, il est constant que la société Tel & Co World a repris, dans les mêmes locaux que ceux exploités précédemment par la société Connected World Services, au profit de la même clientèle, l’activité exercée dans les 114 magasins cédés, à laquelle étaient affectés les salariés transférés, aux fins de commercialiser les produits de la marque The Phone House grâce à l’apport de la licence gratuite de la marque ; que la cour d’appel aurait dû déduire de ces constatations l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome poursuivant un objectif propre et ayant conservé son identité ; qu’en écartant, au contraire, l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens opérants des parties développés dans leurs conclusions et repris oralement à l’audience ; qu’en l’espèce, la société CWS faisait valoir, avec offre de preuve, dans ses écritures d’appel reprises oralement à l’audience, que le contrat conclu avec Bouygues Télécom avait été résilié dès le mois d’avril 2012, soit avant le transfert de l’activité ; que l’activité transférée était donc déjà confrontée à une évolution et était en cours de transformation avant le jour du transfert puisque le contrat avec l’opérateur Bouygues Télécom avait déjà été résilié ; que par ailleurs, au jour du changement d’employeur, l’activité transférée comprenait toujours la vente d’abonnement pour le compte de l’opérateur Orange dont le préavis étant en cours jusqu’au 31 décembre 2014 et pour le compte de l’opérateur SFR, le contrat avec ce dernier s’étant poursuivi jusqu’au 31 juillet 2014 ; que l’activité transférée le 1er août 2013 était donc identique ; que pour juger qu’il n’existait pas de transfert d’une activité économique autonome, la cour d’appel a énoncé que l’activité transférée avait été vidée de l’activité de vente d’abonnements téléphoniques suite à la perte des contrats de fournitures d’accès Bouygues et Orange, de sorte que ”l’activité transférée était vidée de ce volet majeur” et n’avait pas conservé son identité ; qu’en statuant ainsi, sans répondre aux écritures de la société CWS qui démontraient pourtant qu’au jour du transfert, les contrats avec les distributeurs d’abonnements de téléphones étaient toujours en cours, de sorte que l’activité transférée avait conservé son identité, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, violant l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la société CWS faisait valoir qu’en application du contrat cadre de prestations de services du 1er août 2013, la société Tel & Co World, devenue The New Kase, s’engeait à ”proposer la souscription aux services moyennant des formules d’abonnement ou d’accès sans abonnements” et était tenue de promouvoir et de commercialiser notamment ”les services de télécommunications, internet, assurance et autres sélectionnés par TPH pour être commercialisés dans son réseau de magasins et que Tel & Co World continuera à distribuer au nom et pour le compte de TPH”, ce qui démontrait que l’activité de vente d’abonnements téléphoniques avait bien été transférée ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen qui se fondait sur les termes du contrat cadre de prestations de services pour ne se fonder que sur les termes du traité du d’apport du 31 juillet 2013 qui excluait les contrats de fourniture des apports, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, violant l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le transfert d’une entité économique autonome est indépendant des modalités juridiques de ce transfert ; que, pour exclure l’existence d’un transfert d’une activité économique autonome, la cour d’appel a notamment relevé que l’article A2 du traité de cession du 31 juillet 2013 excluait de l’apport les contrats de fourniture (contrats avec les opérateurs) et s’est ainsi fondée sur les modalités juridiques du transfert ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à écarter l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome en violation de l’article L. 1224-1 du code du travail ;
5°/ que l’existence d’une entité économique autonome est indépendante des règles d’organisation et de gestion de l’entité au sein duquel s’exerce l’activité économique, l’évolution de l’activité future transférée étant indifférente pour apprécier l’application du texte ; que pour écarter l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a énoncé que ”le lien de continuité en termes de poursuite ou de reprise de l’activité doit s’apprécier au regard des apports et moyens transférés à la date du transfert, soit au 1er août 2013. Sur ce point il ne peut qu’être souligné que TPH a expressément prévu de conserver l’exploitation à son profit de la vente et distribution des stocks de l’activité transférée” puis a constaté que les stocks étaient exclus des apports, que la vente des produits donnait lieu à des conditions d’encaissement en magasins sur les prescriptions précises édictées par TPH d’où il ressortait que Tel & Co World effectuerait les opérations de vente pour le compte de TPH, cette dernière reprenant le stock invendu à la fermeture de chaque magasin, sauf volonté de Tel & Co World d’acheter les produits ; que la cour d’appel s’est encore fondée sur le fait que la charge salariale pendant la période intermédiaire était expressément supportée par la société cédante TPH, la poursuite de l’exploitation des magasins cédés se faisant au seul bénéfice de la société TPH et sur le fait que les salariés étaient ”mis à disposition” de la société Tel & Co World et que cette dernière était dépourvue de pouvoir pour déterminer les conditions de commercialisation des produits TPH et n’avait exercé pendant cette période aucune activité propre ; qu’en se fondant ainsi sur les modalités d’organisation et de gestion, notamment financière et commerciale, de l’activité après le transfert pour écarter l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, tandis que ces éléments sont impropres à écarter l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a violé l’article L. 1224-1 du code du travail ;
6°/ que le transfert d’une entité économique autonome s’apprécie au jour du transfert de l’activité ; qu’en l’espèce, en se fondant notamment sur le fait que des magasins avaient été fermés temporairement pour travaux, postérieurement au transfert, pour écarter l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel s’est placée à une date postérieure au transfert pour apprécier l’existence ou non d’un transfert d’une entité économique autonome, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;
7°/ qu’en tout état de cause, et à supposer même que la cour ait pu tenir compte de l’organisation de TNK, la société CWS faisait valoir dans ses écritures, avec offre de preuve, que le pouvoir disciplinaire sur les salariés transférés appartenait bien à la société Tel & Co World de sorte que ces derniers ne pouvaient être considérés comme ”mis à disposition” par la société TPH ; que pour écarter l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a énoncé notamment que les salariés transférés étaient en réalité ”mis à disposition” par la société TPH ; qu’en statuant ainsi, sans répondre aux écritures précitées relatives au pouvoir disciplinaire détenu par la société Tel & Co World, ce qui excluait que les salariés puissent être considérés comme ”mis à disposition”, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
8°/ que la société CWS démontrait avec offre de preuve, dans ses écritures, que chaque magasin transféré était un établissement autonome, disposant d’un personnel spécifique spécialement formé à la vente ainsi que d’un responsable disposant de larges prérogatives en matière d’organisation commerciale et sociale ; qu’en énonçant, pour écarter le transfert d’une entité économique autonome, que durant la période d’exploitation transitoire, les magasins étaient dépourvus d’une autonomie de gestion et de direction, sans répondre aux écritures précitées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
9°/ que, à supposer qu’il soit considéré qu’il n’y a eu aucun transfert d’une entité économique autonome durant la ”période transitoire”, la cour d’appel a constaté que la société The New Kase avait pour concept le ”conseil et la vente en produits de téléphonie” ; qu’une telle activité, reprise après les travaux effectués dans les différents magasins, constitue une activité économique autonome identique à l’activité transférée et pour laquelle la société TNK retrouvait son autonomie une fois la période transitoire achevée ; qu’il s’en déduisait qu’à compter de la fin de la période transitoire, le transfert d’une entité économique autonome était caractérisé ; qu’en écartant pourtant l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, même après l’expiration de la période transitoire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l’article L. 1224-1 du code du travail ;
10°/ que lorsque les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès ; que cet accord, qui ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail, n’est soumis à aucune formalité particulière ; que la société Connected World Services invoquait, à titre subsidiaire, un accord exprès des salariés au transfert de leur contrat de travail et demandait à la cour d’appel de rechercher, à travers les pièces communiquées par les parties, s’il existait des éléments prouvant l’accord du salarié quant à la novation de son contrat de travail par changement d’employeur ; que la société Connected World Services invoquait notamment avec offre preuve que les salariés avaient attendu 14 mois avant de contester leur transfert, qu’ils avaient tous été affiliés à l’organisme de prévoyance de la société cessionnaire et que certains avaient signé des avenants postérieurement au transfert ; que leur contrat de travail avec TNK avait fait l’objet d’une rupture conventionnelle homologuée et qu’ils n’avaient pas hésité à demander des dommages et intérêts à TNK, leur employeur, pour dégradation de leurs conditions de travail ; qu’en se bornant à écarter la novation au contrat de travail par changement d’employeur sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé s’il résultait des éléments factuels précités, précisément rappelés par la société Connected World Services, que les salariés avaient accepté expressément le transfert de leur contrat de travail à la société The Kew Kase, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, aujourd’hui les articles 1103 et 1104 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Les arrêts retiennent que, s’agissant de l’activité et des moyens transférés, si l’ensemble du réseau de distribution de la société The Phone House en France regroupé dans la filiale Tel & Co World a pu constituer une activité autonome dont l’objet était la vente et le conseil en téléphonie et la vente d’abonnements, c’est précisément par suite de la perte de ses contrats de fournitures d’accès que The Phone House expose avoir pris la décision de se retirer de ce marché de sorte que l’activité transférée était vidée de ce volet majeur, ce qui est confirmé par l’exclusion expresse, parmi les apports, des contrats de fourniture. Ils ajoutent que le lien de continuité en terme de poursuite ou de reprise de l’activité devant s’apprécier au regard des apports et moyens transférés à la date du transfert, soit au 1er août 2013, sur ce point il ne peut qu’être souligné que les stocks ainsi que la marque sont également exclus des apports, et que la société The Phone House a expressément prévu de conserver l’exploitation à son profit de la vente et distribution des stocks de l’activité transférée. Les arrêts relèvent encore que le contrat de prestation de services conclu entre la société The Phone House et la société Tel & Co World, devenue The New Kase, fixe l’organisation voulue par les sociétés cédante et cessionnaire pendant la période transitoire courant à compter du 1er août 2013 jusqu’à la date de fermeture des magasins en vue de leur rénovation par la société The New Kase afin de pouvoir démarrer l’exploitation de son activité propre. Ainsi, au jour fixé pour le transfert, celle-ci est investie d’une mission qui s’apparente à un mandat pour gérer les magasins et reverser le chiffre d’affaires réalisé à la société cédante, tandis que la charge salariale ainsi que celle des baux est supportée finalement par la société cédante. Ils précisent également que la poursuite d’exploitation devait se faire selon les prescriptions très précisément définies par la société The Phone House, avec des salariés considérés comme mis à disposition, de sorte que la société cessionnaire était dépourvue d’une autonomie de gestion et de direction.
9. La cour d’appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, a, par une décision motivée et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, constaté l’absence de transfert, à la date de reprise des magasins, de moyens significatifs et nécessaires à la poursuite de l’activité, a pu en déduire qu’il n’y avait pas eu transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. La société Connected World Services France et son liquidateur font grief aux arrêts de condamner la société à payer aux salariés différentes sommes aux titres de l’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité complémentaire de licenciement et de leur allouer des dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des mesures de reclassement et d’un congé de reclassement, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que lorsque l’article L. 1224-1 du code du travail n’est pas applicable et que chacun des employeurs (sociétés cessionnaires et cédantes) ont signé avec les salariés un contrat de travail distinct, les salariés peuvent prétendre à des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture des contrats de travail différents ; qu’en revanche, lorsqu’aucun contrat de travail distinct n’a été signé avec la société cessionnaire, les salariés ne peuvent obtenir deux fois réparation du même préjudice, en application du principe selon lequel la réparation d’un dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; qu’il convient alors de déduire des sommes mises à la charge de la société cédante celles que le salarié a obtenues de la société cessionnaire à la suite de la rupture de son contrat de travail avec celle-ci ; qu’en l’espèce, la société Connected World Services faisait valoir que les salariés pouvaient seulement obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les indemnités de licenciement, de préavis et des congés payés y afférents ayant déjà été versées par la société The New Kase, qui était leur employeur jusqu’à la rupture d’un commun accord de leur contrat ; qu’elle en déduisait que les salariés ne pouvaient être indemnisés deux fois pour le même préjudice ; que la cour d’appel a accordé aux salariés des indemnités au titre du préavis, des congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective, tandis que ces différentes indemnités avaient déjà été payées par la société The New Kase lors de la rupture des contrats de travail ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si le versement de ces indemnités, pourtant déjà perçues par les salariés, n’était pas contraire au principe de réparation intégrale du préjudice et au principe selon lequel la réparation d’un dommage ne peut excéder le montant du préjudice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, aujourd’hui article 1231-1 du code civil, et au regard du principe selon lequel la réparation d’un dommage ne peut excéder le montant du préjudice ;
2°/ que la réparation d’un dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a pour objet de réparer le préjudice subi par le salarié résultant de la perte de son emploi ; que l’indemnité complémentaire de licenciement prévue par un PSE vise à réparer le préjudice des salariés se retrouvant temporairement sans ressources et nécessitant un reclassement à l’extérieur du groupe ; qu’il s’ensuit que les juges du fond ne peuvent allouer aux salariés une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour perte d’une chance de bénéficier des mesures de reclassement et d’un congé de reclassement et une indemnité complémentaire de licenciement, ces différentes indemnités réparant le même préjudice lié à la perte de l’emploi par le salarié ; qu’en l’espèce, en accordant aux salariés des indemnités pour perte de chance de bénéficier des mesures de reclassement et d’un congé de reclassement, des indemnités complémentaires de licenciement et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse indemnisant les conséquences de la survenance de la perte injustifiée d’emploi, la cour d’appel a réparé plusieurs fois le même préjudice, violant l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, aujourd’hui article 1231-1 du code civil, et le principe selon lequel la réparation d’un dommage ne peut excéder le montant du préjudice. »