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Cession d’actions : 26 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/07083

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Cession d’actions : 26 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/07083

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 26 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/07083 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPPQ

[G] [R]

c/

S.A.S. AFR FRANCE

S.A.S.U. AFR FARMS

S.C.I. AFR IMMO

S.C.I. AFR IMMO 2

S.A.S. AFR MANAGEMENT

Nature de la décision : EXPERTISE

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2021 par le Président du Tribunal de Commerce de LIBOURNE (RG : 2021001264) suivant déclaration d’appel du 24 décembre 2021

APPELANT :

[G] [R]

né le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 8] (73)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7]

représenté par Maître Isabelle LECOQ, avocat postulant au barreau de LIBOURNE, et assisté de Maître Carlo RICCI de la SELAS FIDAL, avocat plaidant au barreau de CHARTRES

INTIMÉES :

S.A.S. AFR FRANCE dissoute et radiée du RCS

domiciliée [Adresse 6]

S.A.S.U. AFR FARMS dissoute et radiée du RCS

domiciliée [Adresse 4]

S.C.I. AFR IMMO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

S.C.I. AFR IMMO 2, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

S.A.S. AFR MANAGEMENT en son nom propre et aux droits des sociétés AFR FRANCE et AFR FARMS suite à la dissolution de ces dernières, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

représentées par Maître Damien BARRE substituant Maître Dimitri BARROIS de la SELARL TAX TEAM ET CONSEILS SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

[G] [R] est l’ancien dirigeant et associé fondateur de la société par actions simplifiée Arbor France, devenue AFR France.

Un protocole d’accord a été signé le 21 janvier 2015, aux termes duquel [G] [R] a cédé à la société par actions simplifiée à associé unique AFR Farms les actions qu’il détenait au sein de la société Arbor France, devenue AFR France, représentant 49,46 % du capital de la société.

Le prix convenu pour cette cession consistait en un prix fixe de 180 000 euros, avec un éventuel complément de prix « dans le cas ou il serait procédé, avant le 30 juin 2020, à une cession portant sur 100 % du capital social et des droits de vote de la société » ou « dans le cas où la société procèderait, avant le 30 juin 2020, à des distributions de dividendes, acompte sur dividendes, de réserves ou de biens sociaux ».

Les conditions d’application de la clause de complément de prix ne se sont pas réalisées avant la date convenue du 30 juin 2020.

Toutefois, afin de s’assurer du respect de ces engagements, il était stipulé que la société AFR Farms devait communiquer à [G] [R] un certain nombre de documents chaque année.

[G] [R] ne recevait pas ces informations.

Ce n’est que le 8 juillet 2020, après plusieurs demandes de communication de pièces comptables et de procès-verbaux d’assemblée, qu’une partie de ces documents lui fut transmise.

Après analyse de ces pièces, si [G] [R] constatait qu’il n’y avait effectivement pas eu de distribution de dividendes, il affirmait que celles-ci permettraient de déceler un certain nombre d’éléments suspects à la suite de la cession d’actions.

[G] [R] demandait alors la communication d’un certain nombre d’informations et pièces complémentaires, concernant notamment la société AFR Farms et la société AFR Management.

La société AFR Farms refusait alors toute communication relative aux comptes des autres sociétés du groupe, indiquant qu’elle avait déjà communiqué tous les éléments dus à [G] [R].

C’est dans ces conditions que, par exploit introductif d’instance en date du 6 septembre 2021, [G] [R] a assigné la société par actions simplifiée AFR France, la société par actions simplifiée à associé unique AFR Farms, la société civile immobilière AFR Immo, la société civile immobilière AFR Immo 2 et la société par actions simplifiée AFR Management devant le président du tribunal de commerce de Libourne, statuant en matière de référés, pour demander la production de documents, et la désignation d’un expert avec pour mission de :

‘ réunir les parties en tout lieu qui lui conviendra et, connaissance prise des pièces des parties et en particulier de la convention d’animation et de prestations de services signées entre la société AFR Management et la société AFR France le 30 juin 2015 et des comptes de la société AFR France pour les exercices clos du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2019,

‘ faire le compte des sommes perçues par la société AFR Management à titre de rémunération et préciser si elles sont justifiées ou non. Dans la négative, préciser le montant injustifié,

‘ donner son avis sur le caractère justifié ou injustifié, compte tenu de la convention précitée, de la somme complémentaire fixe de 250 000 euros versée annuellement depuis 2015 à la société AFR Management par la société AFR France,

‘ plus généralement, faire les comptes entre les parties afin de pouvoir fournir au tribunal toutes les informations utiles pour trancher le litige les opposant,

‘ déposer son rapport dans les trois mois de sa nomination.

Par déclarations du 30 juillet 2021, la société AFR France et la société AFR Farms ont fait l’objet d’une dissolution sans liquidation avec transmission universelle de patrimoine à la société AFR Management.

Par ordonnance contradictoire en date du 14 décembre 2021, le président du tribunal de commerce a :

‘ Constaté la dissolution de la société AFR France et de la société AFR Farms ;

‘ Débouté [G] [R] de sa demande d’expertise ;

‘ Débouté [G] [R] du surplus de ses demandes ;

‘ Condamné [G] [R] à payer aux sociétés société AFR Management, SCI AFR Immo et SCI AFR Immo 2 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamné [G] [R] aux entiers dépens, y compris les frais de la présente ordonnance liquidés à la somme de 128,69 euros.

Par déclaration du 24 décembre 2021, [G] [R] a interjeté appel de l’ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 5 mai 2022, [G] [R] demande à la cour de :

‘ Infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Libourne en date du 14 décembre 2021 en ce qu’elle a :

– Débouté [G] [R] de sa demande d’expertise,

– Débouté [G] [R] du surplus de ses demandes,

– Condamné [G] [R] à payer aux sociétés société AFR Management, SCI AFR Immo et SCI AFR Immo 2 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné [G] [R] aux entiers dépens, y compris les frais de la présente ordonnance liquidés à la somme de 128,69 euros ;

Et statuant à nouveau,

‘ Condamner les sociétés AFR Management, AFR Immo, SCI AFR Immo 2 à produire leurs comptes de résultat et leurs bilans, ainsi que ceux de la société AFR Farms, pour les exercices clos de 2014 à 2019, outre l’intégralité de leurs procès-verbaux d’assemblée sur cette même période, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

‘ Nommer tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :

Réunir les parties en tout lieu qui lui conviendra et, connaissance prise des pièces des parties et en particulier de la convention d’animation et de prestations de services signée entre la société AFR Management et la société AFR France le 30 juin 2015 et des comptes de la société AFR France pour les exercices clos en 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 :

1 ‘ Faire le compte des sommes perçues par la société AFR Management à titre de rémunération pour ses fonctions exercées pour le compte de la société AFR France du 21 janvier 2015, date de signature du protocole de cession, au 30 juin 2020, date de référence prévue au protocole de cession, et préciser si elles sont iustif’ées ou non au regard des prestations accomplies et de la convention d’animation et de prestations de services signée le 30 juin 2015. Dans la négative, préciser le montant injustifié.

2 ‘ Donner son avis sur le caractère justifié ou injustifié, compte tenu de la convention précitée, de la somme complémentaire fixe de 250 000 euros versée annuellement depuis 2015 à la société AFR Management par la société AFR France. Dire en particulier si cette somme correspond à des prestations non couvertes par la convention d’animation et de prestations de services signée entre la société AFR Management et la société AFR France le 30 juin 2015 et, dans l’affirmative, en évaluer le coût réel pour la société AFR Management pour permettre à la juridiction de déterminer si cette somme se trouve ou non justifiée en son quantum.

3 ‘ Déterminer la valeur comptable et la valeur réelle de la branche d’activité de prestations avicoles (élevage de reproducteurs et production d”ufs à couver) cédée en 2015 par Arbor France à AFR Farms moyennant un prix de 102 001 euros. Déterminer les revenus générés par cette activité sur la durée de 4 ans mentionnée dans le procès-verbal Arbor France du 23 janvier 2015 (pièce 11 du demandeur) et préciser s’ils suffisaient à payer le prix convenu au terme de cette période.

4 ‘ Plus généralement, faire les comptes entre les parties afin de pouvoir fournir à la juridiction qui sera amenée à connaître de ce litige, au fond, toutes les informations utiles pour trancher le litige les opposant.

Déposer son rapport dans les 3 mois de sa nomination ;

‘ Débouter les sociétés AFR Management, AFR Immo et AFR Immo 2 de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

‘ Réserver les dépens ;

‘ Dire ne pas y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au stade des référés.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 24 mai 2022, la société par actions simplifiée AFR Management, la société civile immobilière AFR Immo et la société civile immobilière AFR Immo 2 demandent à la cour de :

1. Confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Périgueux le 14 décembre 2021 en ce qu’il a :

– Constaté la dissolution de la société AFR France et de la société AFR Farms

– Débouté [G] [R] de sa demande d’expertise

– Débouté [G] [R] du surplus de ses demandes

– Condamné [G] [R] à payer aux sociétés société AFR Management, SCI AFR Immo et SCI AFR Immo 2 la somme de 1 000 euros au titre de l”article 700 du code de procédure civile

– Condamné [G] [R] aux entiers dépens ;

2. Infirmer en ce qu’il a refusé de faire droit à la condamnation d'[G] [R] à payer une amende civile ;

3. Débouter [G] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

4. Condamner [G] [R] à payer aux sociétés défenderesses une amende civile de 10 000 euros ;

5. Condamner [G] [R] à payer aux sociétés défenderesses la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

6. Condamner [G] [R] aux dépens.

Au visa de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a fait l’objet le 5 janvier 2022 d’une ordonnance de fixation à bref délai à l’audience du 20 juin 2022, la clôture de la procédure étant fixée quinze jours avant la date de l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’ordonnance déférée n’est pas critiquée en ce qu’elle constate la dissolution de la société AFR France et de la société AFR Farms. [G] [R] déclare en conséquence qu’il reformule ses demandes, initialement dirigées contre les sociétés AFR France et AFR Farms, pour être redirigées désormais contre la société AFR Management en lieu et place de la société AFR France pour la demande d’expertise, et en lieu et place de la société AFR Farms pour la demande de communication de pièces.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Sur la demande d’expertise :

[G] [R] entend réclamer à la société AFR Management le règlement du complément de prix stipulé en sa faveur le 21 janvier 2015, lors de la vente de ses actions de la société Arbor France, renommée AFR France, à la société AFR Farms, aux droits de laquelle vient désormais la société AFR Management.

Il expose que depuis 2015 le résultat net de la société AFR France est compris entre 68 168 euros et 297 939 euros (pièce no 22 de l’appelant) ; qu’aucun dividende n’a été distribué ; que cependant :

‘ l’assemblée générale de la société AFR France a voté le 24 janvier 2015 une rémunération annuelle de 250 000 euros pour la société AFR Management devenue associé unique et président, alors que la fonction de président n’était pas rémunérée auparavant (pièces nos 10, 12, 18 à 21 de l’appelant) ;

‘ une rémunération complémentaire a été octroyée à la société AFR Management suivant convention d’animation et de prestation de services du 30 juin 2015, représentant plus de 20 % du chiffre d’affaires (pièces nos 9 et 22 de l’appelant) ;

‘ au début de l’année 2015, la branche d’activité d’élevages avicoles a été cédée à la société AFR Farms moyennant un prix jugé dérisoire de 102 001 euros correspondant à la valeur d’immobilisation nette du matériel d’un seul poulailler, avec un différé de payement de quatre années (pièces nos 11 et 24 de l’appelant).

Dans l’année qui a suivi l’expiration de la période visée par la clause de complément de prix, toute l’activité, les biens et les revenus de la société AFR France et de la société AFR Farms se sont trouvés réunis entre les mains d’une seule société, AFR Management.

Par suite, [G] [R] soupçonne que les paiement effectués ne soient pas causés et constituent des distributions de dividendes déguisées. Il estime également que la cession en 2015 d’une branche d’activité de la société AFR France à AFR Farms, pour ce qu’il estime être un prix dérisoire au vu des moyens de production transférés, n’est pas en réalité une vente mais une distribution de biens sociaux déguisée, donnant lieu au versement d’un complément de prix.

Les intimées répliquent que :

‘ L’action au fond voulue par [G] [R] est manifestement vouée à l’échec, parce que n’existe aucun des deux motifs prévus dans le protocole de cession et justifiant un complément de prix.

‘ [G] [R] était rémunéré en qualité de président de la société AFR France pour un coût annuel moyen de 63 800 euros par an jusqu’en 2013 (pièces nos 3, 4, 20 et 22 des intimées).

‘ La rémunération de président de la société AFR Management est proportionnée à la situation financière de la société AFR France (pièce no 7 des intimées).

‘ Les sociétés AFR France et AFR Farms ont concomitamment signé le 30 juin 2015 avec leur maison mère, la société AFR Management, une convention d’animation et de prestations de services, en des termes identiques pour les deux entités. Ces conventions, par la mise en commun de ressources humaines et de compétences, ont permis aux deux entreprises de réaliser des économies substantielles qui expliquent pour partie leurs bons résultats comptables.

‘ L’activité d’élevage de la société AFR France n’était pas rentable. Elle a été cédée au prix d’un euro à la société AFR Farms, les équipements des élevages étant repris à leur valeur nette comptable de 102 000 euros (pièce no 12 des intimées).

‘ Les comptes de la société AFR France ont été certifiés sans réserve par le commissaire aux comptes pour les exercices de 2015 à 2020.

‘ Les mesures sollicitées n’ont aucune utilité car même si un expert concluait que certaines des sommes versées ne sont pas justifiées, il n’en demeurerait pas moins qu’aucun dividende n’a été distribué.

Sans qu’il y ait lieu de préjuger de l’issue au fond du débat, [G] [R] justifie d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige qui l’oppose à la société AFR Management sur la réalisation de l’un des cas de versement d’un complément de prix prévus par le protocole d’accord du 21 janvier 2015. Outre le respect des dispositions contractuelles, il évoque au fondement de son action éventuelle la fraude, l’action paulienne, ou l’abus de droit. La mesure d’expertise sollicitée est ainsi légitime.

Toutefois, les intimées observent à juste titre que l’expert judiciaire n’a pas à dire si les sommes versées au titre d’une convention ou la rémunération du président sont justifiées. La demande en expertise judiciaire sera accueillie en conséquence selon la mission et les dispositions décrites précisément au dispositif ci-après, aux frais avancés de l’appelant, demandeur à la preuve.

Sur la demande de production de pièces :

[G] [R] sollicite la production des comptes de résultat et des bilans des sociétés AFR Farmes, AFR Management, AFR Immo, et AFR Immo 2 pour les exercices clos de 2014 à 2019, outre l’intégralité de leurs procès-verbaux d’assemblée sur cette même période.

Il expose que :

‘ d’une part, l’expert judiciaire nommé aura besoin pour accomplir sa mission d’avoir accès aux comptes de la société AFR Management, voire aux comptes de la société AFR Farms ;

‘ d’autre part, [G] [R] a des raisons de penser que les revenus de la société AFR France, dont dépend sa capacité à distribuer des dividendes, ont pu être artificiellement réduits par des opérations contraires à l’intérêt social de cette société et destinées à enrichir le groupe familial AFR, étant précisé que la société AFR Management a la particularité d’être l’associé unique ou le dirigeant de toutes les sociétés du groupe AFR, comprenant les sociétés AFR France, AFR Management, AFR Immo, AFR Immo 2 et AFR Farms.

Dénonçant à ce titre les conditions précédemment décrites de la cession de l’activité d’élevages avicoles de la société AFR France, il s’interroge plus largement sur l’existence d’autres opérations litigieuses, telles que la rémunération par la seule société AFR France des fonctions d’animation de la société AFR Management pour l’ensemble du groupe, le payement par la société AFR France des frais de location immobilière des autres sociétés du groupe domiciliées chez elle, ou le fait d’être la seule de ces sociétés à ne pas distribuer de dividendes. Pour établir l’existence ou non de telles opérations, il lui est nécessaire de consulter les procès-verbaux d’assemblée générale des sociétés du groupe, ainsi que leurs comptes, que ne déposent pas même les sociétés par actions AFR Management et AFR Farms, pourtant tenues de le faire.

Les intimées répondent que :

‘ la mesure sollicitée est une mesure générale d’investigation qui va jusqu’à viser des sociétés qui n’ont aucun rapport avec la société dont les titres ont été cédés ;

‘ seules les deux filiales actives de la société AFR Management, à savoir AFR France et AFR Farms, ont signé le 30 juin 2015 avec leur maison mère une convention d’animation et de prestations de services, en des termes identiques pour les deux entités (pièces no 9 de l’appelant et no 8 des intimées) ;

‘ la convention d’animation (pièce no 9 de l’appelant) stipule que c’est la société AFR Management qui met à la disposition les locaux pour ses filiales ;

‘ [G] [R] n’a pas négocié un complément de prix portant sur les résultats futurs de la société AFR France mais uniquement sur les dividendes futurs, dont la distribution relève du pouvoir souverain de l’associé unique. L’absence de versement de dividendes est une politique appliquée pour toutes les sociétés assignées, depuis la signature du protocole de cession jusqu’au 31 décembre 2020 (pièce no 15 des intimées).

En application de l’article 243 du code de procédure civile, le technicien peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l’ordonner en cas de difficulté. Dès lors qu’il est fait droit à la demande d’expertise, la mesure de production de pièces apparaît superflue pour en assurer la bonne fin.

Par ailleurs, parmi les actes dénoncés par [G] [R], seuls ceux qui font l’objet de l’expertise sollicitée sont de nature à constituer des distributions déguisées de dividendes ou de biens sociaux. Le payement par la société AFR France de charges incombant à des sociétés tierces, s’il est contraire à l’intérêt social, ne constitue pas l’un des motifs contractuel de versement d’un complément de prix. La solution du litige opposant les parties ne dépend pas de la preuve de tels faits, évoqués au demeurant de manière hypothétique. L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle déboute [G] [R] du surplus de ses demandes.

Sur l’abus du droit d’ester :

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts que lorsque est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice. En l’espèce, un tel comportement n’est pas caractérisé de la part de l’appelant qui obtient partiellement gain de cause. La demande incidente des intimées sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante (Civ. 2e, 10 fév. 2011, 10-11.774). L’organisation d’une mesure d’instruction ne préjugeant pas de l’issue du litige au fond, et [G] [R] étant débouté du surplus de ses demandes, chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l’espèce, il n’y a pas lieu à condamnation à ce titre.

LA COUR,

PAR CES MOTIFS,

Infirme partiellement l’ordonnance en ce qu’elle :

‘ Déboute [G] [R] de sa demande d’expertise ;

‘ Condamne [G] [R] à payer aux sociétés société AFR Management, SCI AFR Immo et SCI AFR Immo 2 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamne [G] [R] aux entiers dépens, y compris les frais de la présente ordonnance liquidés à la somme de 128,69 euros ;

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Ordonne une expertise ;

Commet pour y procéder [Z] [J], demeurant [Adresse 9] (tél. [XXXXXXXX02] ; tlc. [XXXXXXXX01] ; port. [XXXXXXXX03] ; [Courriel 10]), expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Bordeaux, avec pour mission, après avoir pris connaissance des faits de la cause et s’être fait remettre tous documents utiles par les parties, de :

1 ‘ Faire le compte des sommes perçues par la société AFR Management entre le 21 janvier 2015 et le 30 juin 2020, en application de la convention d’animation et de prestations de services du 30 juin 2015 ; décrire les prestations accomplies à ce titre, et vérifier si leur valorisation est correcte.

2 ‘ Indiquer si la somme complémentaire fixe de 250 000 euros versée annuellement à la société AFR Management par la société AFR France pendant la même période correspond à des prestations non couvertes par la convention d’animation et de prestations de services signée entre la société AFR Management et la société AFR France le 30 juin 2015 et, dans l’affirmative, en évaluer le coût réel pour la société AFR Management.

3 ‘ Déterminer la valeur comptable et la valeur réelle de la branche d’activité de prestations avicoles (élevage de reproducteurs et production d”ufs à couver) cédée en 2015 par la société Arbor France à la société AFR Farms moyennant un prix de 102 001 euros.

4 ‘ Plus généralement, donner tous éléments techniques utiles à la solution du litige.

Dit que dans les deux mois du présent arrêt, [G] [R] devra consigner au greffe du tribunal de commerce de Libourne une somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Dit qu’à défaut de consignation intégrale de cette provision dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile, sauf prorogation du délai de consignation ;

Dit que l’expert, si le coût probable de l’expertise s’avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer au juge chargé du contrôle et aux parties l’évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, le cas échéant, la consignation d’une provision complémentaire ;

Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;

Dit que l’expert devra adresser aux parties un pré-rapport de ses opérations, en leur impartissant un délai pour présenter leurs observations, auxquelles il répondra dans son rapport définitif ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport définitif au greffe du tribunal de commerce de Libourne dans les six mois de la date à laquelle il aura été avisé de la consignation de la provision par le greffe ;

Dit que la mesure d’expertise sera effectuée sous le contrôle du juge des référés du tribunal de commerce de Libourne, à qui il sera référé en cas de difficultés et qui pourra notamment pourvoir au remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens de première instance et d’appel par elle exposés ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,

 


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