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ARRÊT N°23/
PC
R.G : N° RG 22/00239 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVF6
S.A.R.L. PIZZA DI MURO
S.A.R.L. PIZZA DI MURO 2
S.A.R.L. PIZZA DI MURO 3
S.A.R.L. PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4)
C/
S.A.S. CARMEN CAFE
RG 1ERE INSTANCE : 2021002210
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2023
Chambre commerciale
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 07 FEVRIER 2022 RG n° 2021002210 suivant déclaration d’appel en date du 07 MARS 2022
APPELANTES :
S.A.R.L. PIZZA DI MURO
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Normane OMARJEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. PIZZA DI MURO 2
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Normane OMARJEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. PIZZA DI MURO 3
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Normane OMARJEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4)
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Normane OMARJEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
S.A.S. CARMEN CAFE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Jean claude DULEROY de la SELARL DULEROY & DIAZ-DULEROY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 17/04/2023
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Septembre 2023 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Laurent FRAVETTE, Vice-président placé affecté à la cour d’appel par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 22 Novembre 2023.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 22 Novembre 2023.
* * *
LA COUR
La SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL exercent une activité de vente de pizzas à emporter et ont été respectivement créées en 2006, 2012, 2014 et 2015 par Monsieur [U] [E], qui a utilisé le nom de son grand-père paternel pour baptiser ses différents établissements.
La SAS CARMEN CAFE, qui a pour associés, Monsieur [T] [W], ancien directeur au sein des sociétés DI MURO, Madame [H] [W], son ex conjointe, et Mme [A] [L], ex-compagne de Monsieur [U] [E] et ancienne salariée de la société DI MURO 1, exerce la même activité de vente de pizzas à emporter que les différentes sociétés PIZZA DI MURO.
Par acte en date du 06 juillet 2021, la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL ont assigné devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre la SAS CARMEN CAFÉ aux fins de la voir condamner à leur payer à chacune 5 000 euros à titre de préjudice financier, 5.000 euros à titre de préjudice moral et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 7 février 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a statué en ces termes :
DEBOUTE les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL de l’ensemble de leurs demandes,
DEBOUTE la SAS CARMEN CAFE de ses demandes d’indemnisation de son préjudice moral et de l’atteinte de son droit à l’image,
CONDAMNE solidairement les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une somme de 600€ au titre des frais d’huissier,
CONDAMNE solidairement les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une somme de 900€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 117,38 euros,
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire en toutes ses dispositions.
* * *
Par déclaration au greffe de la cour en date du 7 mars 2022, les trois sociétés PIZZA DI MURO, PIZZA DI MURO 2, PIZZA DI MURO 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4) ont interjeté appel de cette décision.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2023.
* * *
Par dernières conclusions N° 2, remises le 26 octobre 2022, les appelantes demandent à la cour de :
INFIRMER le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 7 février 2022 en ce qu’il a :
-débouté les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3, et SARL PIZZA DI MURO HALAL de l’ensemble de leurs demandes.
-condamné solidairement les SARL PIZZA DI MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3, et SARL PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une somme de 600 € au titre des frais d’huissier, de 900,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Statuant à nouveau,
JUGER que la SAS CARMEN CAFE s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme constitutifs de fautes au titre de l’article 1242 du Code civil, à l’encontre des SARL PIZZA DI MURO 1, 2, 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL.
CONDAMNER la SAS CARMEN CAFE à payer à la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3, et la SARL PIZZA DI MURO HALAL la somme de 5.000 euros à chacune au titre du préjudice financier.
CONDAMNER la SAS CARMEN CAFE à payer à la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3, et la SARL PIZZA DI MURO HALAL la somme de 5.000 euros à chacune au titre du préjudice moral.
En tout état de cause,
DEBOUTER la SAS CARMEN CAFE de toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER la SAS CARMEN CAFE à payer respectivement à la SARL PIZZA DI MURO 1, LA SARL PIZZA DI MURO 2, LA SARL PIZZA DI MURO 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL au paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
* * *
Par uniques conclusions contenant appel incident, déposées par RPVA le 29 juillet 2022, la SAS CARMEN CAFE demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu le 7 février 2021 par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Pierre en ce qu’il a :
. Débouté les SARL PIZZA Dl MURO, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA Dl MURO HALAL de l’ensemble de leurs demandes.
. Condamné solidairement les SARL PIZZA DI MURO 1, SARL PIZZA Dl MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une somme de 600 € au titre des frais d’huissier.
. Condamné solidairement les SARL PIZZA DI MURO 1, SARL PIZZA DI MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA Dl MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une somme de 900 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
. Condamné solidairement les SARL PIZZA Dl MURO 1, SARL PIZZA Dl MURO 2, SARL PIZZA DI MURO 3 et SARL PIZZA DI MURO HALAL aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 117,38 euros,
. Rappelé que la présente décision est de droit exécutoire en toutes ses dispositions.
INFIRMER le jugement rendu le 7 février 2021 par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Pierre en ce qu’il a débouté la SAS CARMEN CAFE de ses demandes d’indemnisation de son préjudice moral et de l”atteinte de son droit à l’image.
ET STATUANT A NOUVEAU :
CONDAMNER solidairement la SARL PIZZA DU MURO 1, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4) à payer à la société CARMEN CAFE :
. La somme de 10.000 € à titre de dommage et intérêts en réparation de son préjudice moral.
. La somme de 10.000 € en réparation de l’atteinte portée à son image.
. La somme de 1.594, 50 € en réparation de son préjudice financier.
ET Y AJOUTANT :
CONDAMNER solidairement la SARL PIZZA DU MURO 1, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4) à payer à la société CARMEN CAFE la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER solidairement la SARL PIZZA DU MURO 1, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la SARL PIZZA DI MURO HALAL (PIZZA DI MURO 4) aux entiers dépens.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
La cour observe aussi que le jugement dont appel contient une année erronée de mise à disposition, mentionnant 2021 au lieu de 2022.
Sur la concurrence déloyale :
Les appelantes affirment que la SAS CARMEN CAFE s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme constitutifs de fautes au titre de l’article 1242 du code civil, à leur préjudice.
Elles exposent que Monsieur [U] [E] a embauché Monsieur [T] [W] en qualité de responsable développement et stratégie de la société au sein des SARL PIZZA 1,2 et 3. Monsieur [P] [E], fils de Monsieur [U] [E], était nommé co-gérant des sociétés DI MURO 1 et 2 en lieu et place de son père à la suite de l’incarcération de ce dernier en mars 2021. Profitant de cette situation inédite, Monsieur [T] [W], pourtant toujours salarié des société PIZZA DI MURO, et Madame [A] [L], faisaient l’acquisition de parts sociales d’une société tierce, la SAS CARMEN CAFE et en prenaient la direction le 23 avril 2021. Ainsi, le 1er mai 2021, la société CARMEN CAFE annonçait l’ouverture de sa pizzeria à [Localité 6] ([Localité 8]) en utilisant, sans autorisation, le nom « DI MURO » ainsi que le logo des sociétés PIZZA DI MURO. La société CARMEN CAFE a pu exploiter un fonds de commerce en utilisant le nom commercial appartenant aux sociétés PIZZA DI MURO, laissant ainsi penser à la clientèle de [Localité 6] qu’une nouvelle pizzéria « DI MURO » s’était ouverte dans leur quartier.
Les appelants plaident que, si la société CARMEN CAFE a, depuis, procédé au changement de nom de sa pizzéria, cette dernière a pu effectuer une large publicité. Aussi, l’information mensongère de l’ouverture d’une nouvelle pizzéria « DI MURO » a ainsi pu faire son chemin dans l’esprit du consommateur.
Les appelantes considèrent que le tribunal semble avoir admis l’éventualité que l’ouverture de la pizzéria litigieuse puisse résulter d’un projet initial commun, ce qui est tout à fait inexact car il n’a jamais été question que des membres de la famille [E] soient associés dans les opérations de constitution de la société CARMEN CAFE. La société CARMEN CAFE ne peut sérieusement affirmer qu’elle agissait avec l’autorisation des sociétés PIZZA DI MURO.
De plus, elles soutiennent que l’intimée a commis des actes de concurrence déloyale. Les appelantes invoquent les man’uvres commises par l’intimée en vue de l’exercice d’une activité concurrente déloyale.
. Constituée très rapidement après l’incarcération de Monsieur [U] [E] par deux anciens salariés, la société CARMEN CAFE ouvrait le 30 avril 2021 une pizzéria à l’enseigne « DI MURO ».
. Dès le 30 avril 2021, elle diffusait des tracts publicitaires avec pour intitulé « Nouveau DI MURO » pour attirer la clientèle à [Localité 6].
. Le 4 mai 2021, sur une publication Facebook de la page DI MURO, la société lançait un concours en ligne afin de diffuser l’annonce de l’ouverture.
. Deux semaines plus tard, Maître [Y], huissier de justice à [Localité 8], constatait que la pizzéria située à [Adresse 5] à [Localité 6], était ouverte sous l’enseigne « PIZZERIA DI MURO», que les couleurs et le graphisme étaient identiques, que la charte graphique des sociétés PIZZA DI MURO 1, 2, 3 et 4 avait été reprise par la SAS CARMEN CAFE, comprenant les couleurs verte, blanche et rouge et que le même logo d’un cuisinier à toque blanche servant une pizza figurait sur les établissements concurrents.
Les appelantes plaident que la concurrence apparait d’autant plus déloyale également au regard de la position géographique de la société CARMEN CAFE. En effet, la pizzéria créée par la société CARMEN CAFE est située dans le quartier de [Localité 6] / [Localité 4] qui est une commune de la ville de [Localité 8], ville dans laquelle la société PIZZA DI MURO est implantée, et ville voisine [Localité 7] dans laquelle les appelantes sont établies.
Compte tenu de la situation géographique de l’île de la Réunion, il est manifeste que ces sociétés évoluent dans le même secteur géographique, au sud, entre [Localité 7] et [Localité 8].
En réplique, l’intimée expose qu’au cours de l’année 2020, Monsieur [U] [E], alors gérant des sociétés « PIZZA DI MURO » 1, 2, 3 et 4 a pris attache avec Monsieur [T] [W], afin que ce dernier l’aide dans le développement de ses sociétés par la création d’une franchise, et également afin qu’il négocie auprès des fournisseurs des sociétés requérantes, de l’URSAFF et de la société SYSTEM LEASE un étalement des dettes de ces sociétés, étant précisé que ces dernières étaient fortement endettées. Contrairement aux allégations des sociétés appelantes, ce n’est pas Madame [A] [L] qui a présenté Monsieur [W] à Monsieur [U] [E] mais ces derniers se connaissaient déjà avant l’embauche de Monsieur [W], car ce dernier travaillait au sein de la société PRO SB, fournisseur des sociétés de Monsieur [E] en boites de pizza. C’est dans ces conditions que trois contrats de travail ont été signés entre les sociétés « PIZZA DI MURO » 1, 2, 3 et Monsieur [T] [W], le 20 novembre 2020. Satisfait du résultat des actions menées par Monsieur [T] [W], Monsieur [U] [E] lui a par la suite proposé de s’associer avec lui dans la création d’une nouvelle pizzéria sur [Localité 6], zone jusque-là non concernée par les activités des sociétés « PIZZA DI MURO » 1, 2, 3 et 4. C’est Monsieur [W] [T] qui a alors conseillé à Monsieur [U] [E], dans un premier temps, de protéger le nom « DI MURO », et il l’a dirigé vers un conseil afin que ce dernier procède à la protection de ce nom auprès de l’INPI. C’est donc Monsieur [W] qui est à l’origine de la protection de ce nom, et ce dans la perspective du développement d’une activité de franchise en collaboration avec Monsieur [U] [E]. Si Monsieur [W] avait eu pour objectif de concurrencer de manière déloyale les sociétés appelantes, il n’aurait certainement pas conseillé à Monsieur [U] [E] de protéger les nom « DI MURO.»
Selon l’intimée, après avoir procédé à diverses recherches, Monsieur [W] et Monsieur [U] [E] ont convenu de racheter les actions des associés de la société CARMEN CAFE, afin d’y développer une activité de vente de pizzas à emporter, sous l’enseigne « DI MURO. » Cependant, au mois de mars 2021, Monsieur [U] [E] a été condamné et incarcéré. C’est la raison pour laquelle, par décision du 22 mars 2021, Monsieur [P] [E] a été désigné, dans la précipitation, en qualité cogérant des sociétés appelantes.
C’est également la raison pour laquelle, le projet d’association au sein de la société CARMEN CAFE a été modifié, à savoir que devaient devenir associés de cette société en lieu et place de Monsieur [U] [E], désormais empêché : Monsieur [D] [E] et Monsieur [P] [E]. Dans le même temps, les futurs associés souhaitant ouvrir au plus vite cette nouvelle pizzéria à [Localité 6], des travaux étaient entrepris dans le local concerné avec l’enseigne au nom de « DI MURO.»
Au soutien de ses moyens de défense, la société CARMEN CAFE évoque la création d’un groupe de discussion par messagerie « WHATSAPP » intégrant les membres de la famille [E], surnommés DI MURO pour les besoins de la conversation. Elle en déduit que, si véritablement Messieurs [P] et [D] [E] n’avaient pas été informés de ce projet commun de création d’une pizzéria au nom de « DI MURO » à [Localité 4], ils n’auraient pas manqué de réagir suite aux photographies qui leur ont été adressées par Monsieur [T] [W] afin que le nom de « DIMURO » ne soit pas associé à une activité de fabrication de pizzas à laquelle ils étaient étrangers. Cependant, pour des motifs aujourd’hui encore inconnus des associés de la société CARMEN CAFE, Monsieur [P] [E] a subitement changé d’avis et n’a plus souhaité être associé au sein de la société CARMEN CAFE.
L’intimée soutient aussi que les conditions de la concurrence déloyale ne sont pas réunies, que la chronologie des faits démontre que l’utilisation du nom DI MLURO n’a été que très limitée dans le temps pendant quinze jours car la société CARMEN CAFE, suite à la rupture brutale de ses relations avec les consorts [E], a réagi promptement afin de changer de nom et d’enseigne, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché une concurrence déloyale.
Répondant au grief tiré de la similitude de la charte graphique, la société CARMEN CAFE rappelle que l’utilisation des couleurs « Vert » et « Rouge », couleurs de l’Italie, pays supposé de la pizza, est commune à l’ensemble des pizzérias, et cela ne saurait constituer un acte de concurrence déloyal, les sociétés appelantes n’ayant nullement le monopole de l’utilisation de ces couleurs.
Enfin, elle souligne que c’est par un mail du 10 mai 2021 que les consorts [E] ont rompu leurs relations avec M [W] et la SAS CARMEN CAFE et indiqué qu’elles ne souhaitent plus s’associer au sein de la société concluante. Or, jusqu’au 10 mai 2021, les consorts [E], dirigeants des sociétés PIZZA DI MURO, avaient consenti à l’utilisation de ce nom par la société CARMEN CAFE, laquelle avait agi de bonne foi. A cet égard, les faits reprochés à la société CARMEN CAFE sont antérieurs à la rupture des relations entre les parties, de sorte qu’il apparait clairement que la société CARMEN CAFE n’a pas agi de mauvaise foi avec l’intention de nuire aux sociétés appelantes.
Ceci étant exposé,
Les appelantes fondent leur action sur l’article 1240 du code civil prévoyant que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La responsabilité délictuelle ainsi invoquée impose aux appelantes de démontrer l’existence d’une faute puis celle d’un préjudice directement lié à cette faute.
La jurisprudence, ancienne en matière de concurrence déloyale, n’exige cependant pas la constatation du caractère intentionnel de la faute alléguée.
En l’espèce, les appelantes reprochent à la société CARMEN CAFE des actes répréhensibles assimilés d’une part à de la pure concurrence déloyale mais aussi à du parasitisme.
A cette fin, elles versent aux débats un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 14 mai 2021, comprenant trois pages dont la page de garde, présentant des photographies en noir et blanc pour le document inséré au dossier de plaidoirie, mentionnant que l’officier public a acheté une pizza et annexé le ticket de caisse. Il a constaté que les couleurs et le graphisme sont identiques avec le magasin de [Localité 6]. (Pièce N° 5 des appelantes).
Elles produisent aussi des attestations de salariés de la société CARMEN CAFE qui confirment avoir travaillé dans cette société exploitant une pizzeria portant le nom de DI MURO, entre le 30 avril et le 1er mai 2021 (Monsieur [I] ‘ Pièces n° 13 et N° 15).
Il n’est pas non plus contesté que les flyers ont été distribués au moins le 30 avril 2021 au nom d’une pizzeria DI MURO située [Adresse 2] à [Localité 6] (Pièce N° 17 des appelantes).
Monsieur [M] [J] témoigne aussi que Monsieur [W] et Madame [L] sont venus à son domicile en avril 2021 pour lui proposer de travailler pour leur pizzeria à [Localité 6] (Pièce N° 22).
Les autres attestations produites par les appelantes ne permettent pas d’établir que des actes de débauchage, de concurrence déloyale ou de parasitisme auraient été commis après le 14 mai 2021, essentiellement parce que les témoins n’évoquent aucune date ni période postérieure.
Face à ces griefs, la société CARMEN CAFE verse aux débats :
. Le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [T] [W] avec les trois SARL PIZZA DI MURO en date du 20 novembre 2020 ;
. Les éléments de presse confirmant l’empêchement de Monsieur [E] à la suite de son incarcération à la fin du mois de mars 2021 ;
. Les projets de cession d’actions de la société CARMEN CAFE avec Monsieur [P] [E], Monsieur [D] [E] et Monsieur [T] [W], démontrant l’existence d’un projet commun de création de la société intimée (Pièce N° 9 de l’intimée) ;
. Les différents courriels de la société d’expertise comptable, EXAUDIT CONSEILS, chargée de formaliser cette opération ;
. Le procès-verbal de constat dressé le 13 septembre 2021, confirmant l’existence du groupe de discussion intégrant les associés des sociétés DI MURO dans le projet de création d’entreprise au cours du mois d’avril 2021.
Ainsi, le premier juge a parfaitement apprécié les faits de la cause et la cour, adoptant l’ensemble de ses motifs, retient en substance qu’il existait bien un projet commun jusqu’au début du mois de mai 2021 entre les dirigeants des SARL PIZZA DI MURO et le dirigeant de la SAS CARMEN CAFE pour exploiter ensemble une nouvelle pizzeria à [Localité 6].
En conséquence, aucune faute constitutive de concurrence déloyale ne peut être reprochée à la société CARMEN CAFE, et ce d’autant moins qu’il résulte clairement des pièces versées aux débats que celle-ci a modifié son enseigne très rapidement pour la nommer Milano PIZZA tandis que les couleurs rouge et vert de celle-ci ne peuvent être interprétées comme du parasitisme alors qu’il s’agit des couleurs traditionnelles de l’Italie et des pizzerias partout dans le monde.
En l’absence de faute prouvée de la société intimée, il convient de confirmer le jugement querellé de ce chef.
Sur l’appel incident :
La société CARMEN CAFE forme un appel incident et demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes d’indemnisation de son préjudice moral et de l’atteinte de son droit à l’image. Elle sollicite à ce titre la condamnation solidaire des appelantes à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts en réparation de son préjudice moral, de 10.000 euros en réparation de l’atteinte portée à son image, celle de 1.594,50 euros en réparation de son préjudice financier.
Les appelantes ne demandent pas à la cour de confirmer le jugement de ce chef mais de débouter la SAS CARMEN CAFE de toutes ses demandes. Elles n’ont d’ailleurs pas conclu sur les prétentions formées par l’appel incident.
Sur ce,
Il est d’abord établi que les sociétés PIZZA DI MURO ont agi contre la SAS CARMEN CAFE alors qu’elles savaient parfaitement qu’un projet commun avait été engagé avec l’ancien dirigeant mais que l’incarcération de celui-ci a pu compromettre la réussite de cette acquisition commune de la société CARMEN CAFE pour exploiter une nouvelle pizzeria DI MURO.
Ainsi, la légèreté avec laquelle les sociétés PIZZA DI MURO ont agi contre la société CARMEN CAFE en pleine connaissance de cause et alors que la défenderesse avait déjà apporté les éléments établissant l’existence de ce projet commun, a pu causer à la société CARMEN CAFE, jeune société exploitant à [Localité 6], des préjudices indemnisables.
Le préjudice moral causé par l’action judiciaire entreprise de mauvaise foi doit être réparé par l’allocation d’une indemnité de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.
L’atteinte à l’image est aussi réelle puisque la jeune société a dû transformer son enseigne en urgence afin d’éviter de prêter le flanc à toute critique. Cependant, s’agissant d’un nouvel établissement, la SAS CARMEN CAFE ne disposait pas d’une image fortement ancrée dans le tissu économique de son secteur d’activité au cours de l’année 2021.
Son préjudice sera donc réparé à hauteur de 500,00 euros.
Enfin, le préjudice financier consécutif aux frais de changement d’enseigne n’est pas directement causé par l’action judiciaire des appelantes puisque la société CARMEN CAFE aurait dû de toute façon modifier ses panneaux d’affichage et ses flyers.
Il convient dès lors de la débouter de cette prétention.
Le jugement querellé sera donc réformé dans cette mesure.
Sur les autres demandes :
Parties succombantes, les appelantes supporteront les dépens de première instance et d’appel.
Outre les frais irrépétibles déjà alloués par le tribunal, la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL seront solidairement condamnées à payer à la SAS CARMEN CAFE une indemnité de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la SAS CARMEN CAFE de ses demandes d’indemnisation de son préjudice moral et de son préjudice d’image ;
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE solidairement la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE la somme de 1.000,00 euros en réparation de son préjudice moral et de 500,00 euros en réparation de l’atteinte à son image ;
CONDAMNE solidairement la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL aux dépens ;
CONDAMNE solidairement la SARL PIZZA DI MURO, la SARL PIZZA DI MURO 2, la SARL PIZZA DI MURO 3 et la PIZZA DI MURO HALAL à payer à la SAS CARMEN CAFE une indemnité de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT