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Cession d’actions : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05004

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Cession d’actions : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05004

N° RG 21/05004 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LEIY

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 20 OCTOBRE 2022

Appel d’une ordonnance (N° RG 2021R33) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 novembre 2021 suivant déclaration d’appel du 02 décembre 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. J2A DISTRIB’

SARL au capital de 15 000 euros,agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant par Me LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉES :

S.A.S. ALGOREL

société par actions simplifiée à capital variable, au capital minimum de 400.000 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 520 008 178, représentée par son Président, [A] [X].

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Marie Frisch, avocat au barreau de LYON,

S.E.L.A.R.L. AURAJURIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 5]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 mai 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Faits et procédure :

1.La société J2A Distrib’ est spécialisée dans la fourniture de chauffage, robinetterie, sanitaire, outillages et équipement de salle de bain à destination des professionnels et des particuliers. Elle est détenue par [P] [I] et ses deux enfants, [N] [I] épouse [J] et [Z] [I]. La société Algorel fédère des distributeurs grossistes indépendants pour lesquels elle joue le rôle de centrale de référencement à l’achat.

2.A l’été 2020, la société J2A Distrib’ a souhaité intégrer le groupement Algorel et a adressé un dossier de candidature complet. L’adhésion au groupement Algorel a été validée le 20 janvier 2021, prévoyant une période d’observation de 13 à 18 mois, et la société J2A Distrib’ a reçu le 21 janvier 2021 de la société Algorel des identifiants de connexion pour accéder au site Algora lui permettant d’accéder aux noms des fournisseurs référencés et aux conditions d’achat des produits.

3.Le 14 avril 2021, la société Tereva, spécialisée dans le commerce d’articles de plomberie, robinetterie, appareils sanitaires, matériels de chauffage, produits thermiques et de climatisation, concurrent direct des adhérents Algorel et faisant elle-même partie d’un groupement de référencement concurrent de la société Algorel, a offert d’acquérir 100 % des titres de la société J2A Distrib’. Cette offre a été acceptée le 20 avril 2021 par la société J2A Distrib’ et la cession a été réalisée le 31 mai 2021.

4. Considérant que les circonstances de l’adhésion de la société J2A Distrib’ au réseau Algorel et la prise de contrôle de celle-ci par la société Tereva constituent des indices laissant présumer des agissements de concurrence déloyale, la société Algorel a obtenu du président du tribunal de commerce de Vienne une ordonnance autorisant un huissier de justice à effectuer une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Les opérations de constat et de saisie ont eu lieu le 30 juin 2021.

5. Par acte d’huissier signifié le 13 juillet 2021, la société J2A Distrib’ a assigné en référé-rétractation la société Algorel devant le président du tribunal de commerce de Vienne et elle a assigné en intervention forcée le 4 août 2021 la société Aurajuris, huissiers de justice.

6.Par ordonnance du 25 novembre 2021, le président du tribunal de commerce de Vienne :

– a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les n°2021R033 et 2021R036′;

– s’est déclaré incompétent pour statuer sur les conditions d’exécution de la mesure d’instruction et a invité la société J2A Distrib’ à se pourvoir devant la juridiction compétente’;

– a confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance sur requête rendue le 22 juin 2021′;

– a ordonné la levée du séquestre des éléments recueillis dans le cadre des opérations de saisie du 30 juin 2021′;

– a dit que l’huissier instrumentaire effectuera, avant toute remise, un tri des éléments saisis afin de ne transmettre à la société Algorel que les seuls documents dont la saisie a été spécialement autorisée par l’ordonnance sur requête, à l’exclusion de tout courrier d’avocats’;

– a ordonné la remise par l’huissier instrumentaire à la société Algorel de la copie des éléments tels que définis saisis au cours des opérations de constat’;

– a condamné la société J2A Distrib’ à payer à la société Algorel la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– a rejeté tous autres moyens, fins et conclusions’;

– a condamné la société J2A Distrib’ aux dépens, incluant les frais et honoraires de la saisie.

7.La société J2A Distrib’ a interjeté appel de cette décision le 2 décembre 2021. L’instruction de cette procédure a été clôturée le 12 mai 2022.

Prétentions et moyens de la société J2A Distrib”:

8.Selon ses conclusions n°3 remises le 5 mai 2022, elle demande à la cour’:

– de la recevoir en son appel et de le déclarer bien fondé’;

– de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions’;

– statuant à nouveau et à titre principal, de rétracter l’ordonnance rendue le 22 juin 2021 dans toutes ses dispositions ;

– d’annuler les constatations dressées par la Selarl A3 Juris et la Sarl Aurajuris, huissiers de justice ayant exécuté l’ordonnance le 30 juin 2021;

– d’ordonner la restitution à la concluante de l’intégralité des éléments saisis par la Selarl Aurajuris, huissiers de justice ayant exécuté l’ordonnance du 22 juin 2021, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– d’ordonner à la Selarl Aurajuris, huissiers de justice ayant exécuté l’ordonnance du 22 juin 2021, de détruire, au moyen d’un procédé irréversible, l’ensemble des documents, fichiers et données informatiques saisis, quel qu’en soit le support, et d’en justifier à la concluante sous huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à l’issue de ce délai;

– de se réserver le droit de liquider les différentes astreintes ;

– de faire interdiction à la société Algorel d’utiliser à quelque fin que ce soit le procès-verbal de constat dressé en application de l’ordonnance rétractée, ainsi que l’un quelconque des documents obtenus dans le cadre des opérations du 30 juin 2021 ;

– de déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l’exécution de l’ordonnance rétractée ;

– de rejeter toutes demandes, fins, conclusions contraires.

9.L’appelante sollicite, à titre subsidiaire’:

– de nommer un expert avec pour mission :

‘ de se faire remettre par l’huissier instrumentaire la copie intégrale des données ou pièces copiées au cours des opérations de constat du 30 juin 2021,

‘ de transmettre au seul conseil de la concluante, à l’exclusion de toute autre partie, la copie de ces données et pièces,

‘ de recueillir les observations de la concluante sous la forme d’un mémoire précisant, pour chaque information ou partie des pièces en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires, étant précisé que ledit mémoire demeurera confidentiel et ne sera pas communiqué à la société Algorel ou son conseil,

‘ de copier sur un support numérique séparé toutes les pièces identifiées par la concluante dans son mémoire comme étant protégées par le secret des affaires,

‘ de remettre au conseil de la société Algorel copie des seules données n’ayant pas été identifiées par la concluante dans son mémoire comme étant protégées par le secret des affaires,

‘ de remettre à monsieur le président, à l’exclusion des parties, son rapport accompagné du mémoire de la concluante ainsi que des données séparées sur deux supports numériques distincts : l’un comportant les données n’ayant pas été identifiées par la concluante dans son mémoire comme étant protégées par le secret des affaires, l’autre comportant les données ayant été identifiées par la concluante dans son mémoire comme étant protégées par le secret des affaires’;

– de dire que la cour sera saisie ensuite du dépôt du rapport de l’expert par la partie la plus diligente.

10.Elle demande, en tout état de cause, de condamner la société Algorel à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, ainsi que de condamner la Selarl Aurajuris à lui payer la somme de 1.000 euros sur le même fondement, outre dépens.

La société J2A Distrib’ expose’:

11.- que son rapprochement du groupe Algorel résulte du constat d’un verrouillage du marché par certaines marques, l’empêchant d’accéder à certains produits réservés à de gros distributeurs ou à des centrales d’achats ou de référencement’; que suite à son adhésion au groupement Algorel le 20 janvier 2021, elle a été sollicitée au mois d’avril 2021 par la société Tereva pour un rachat de l’entreprise, cette société n’étant pas implantée dans les vals du Dauphiné et cherchant une opportunité pour ouvrir une agence sur ce secteur, soit par croissance externe, soit par rachat d’un opérateur déjà implanté’; que cette société a ainsi offert aux consorts [I] d’acquérir 100 % des titres de la concluante, offre acceptée le 20 avril 2021 et cession régularisée le 31 mai 2021′; que le jour-même, la concluante a avisé la société Algorel de sa démission du groupement, avec effet au 31 décembre 2021′; que suite à l’annonce de ce rachat par la société Tereva dans la presse le 3 juin 2021, l’intimée a coupé les accès au site Algora’;

12.- que le 30 juin 2021, la concluante a reçu la visite de deux huissiers de justice et d’un expert en informatique, avec signification de l’ordonnance sur requête rendue le 22 juin 2021, prévoyant la recherche de tous documents contenant une liste de mots-clefs et la possibilité pour l’huissier de constater le téléchargement de fichiers depuis le site Algora’;

13.- que si cette ordonnance a prévu que l’ensemble des éléments recueillis soient placés sous séquestre en l’étude de l’huissier pendant 15 jours, l’huissier a cependant indiqué qu’il n’était pas tenu de maintenir ces pièces sous séquestre malgré la saisine en rétractation de la juridiction commerciale, de sorte que la concluante a appelé en intervention forcée la Selarl Aurajuris devant le président du tribunal de commerce’;

14.- concernant la compétence du juge des référés pour prononcer la nullité des opérations en raison de l’incompétence de l’huissier de justice, que les opérations réalisées le 30 juin 2021 dans les locaux de la concluante à [Localité 7] (38) ont été entamées par un clerc dépendant de l’étude de la Verpillère et non par un huissier’; qu’une fois les actes remis à la concluante, le clerc s’est retiré et a laissé la place à maître [W], huissier en résidence à [Localité 5], ainsi incompétent territorialement pour exécuter cette mesure dans l’Isère’; qu’il résulte ainsi de l’article 3 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 que les huissiers ont compétence pour instrumenter dans le ressort de la cour d’appel du siège de leur office’; que leur compétence est nationale uniquement s’agissant du recouvrement de créances impayées, de prisées, de ventes aux enchères publiques, aux constatations et activités accessoires’; qu’ainsi, l’huissier agissant en qualité d’agent chargé de l’exécution ne peut instrumenter que dans les limites de son ressort territorial’; qu’il s’agit d’une disposition tenant à l’organisation judiciaire et ainsi d’ordre public, dont la sanction est une nullité de fond de l’acte’; que si une juridiction peut désigner un technicien pour procéder à des constatations, sur le fondement des articles 249 et 255 du code de procédure civile, et ainsi peut désigner un huissier, lequel peut agir en dehors des limites de son ressort territorial, cette juridiction doit cependant clairement prévoir ce fondement, et commettre un huissier supplémentaire spécialement chargé des seules constatations’; que si l’intimée entendait recourir à deux huissiers, un pour exécuter la décision et l’autre pour procéder aux constatations, il lui appartenait d’en faire la demande dans sa requête’; que l’ordonnance du 22 juin 2021 n’a pas prévu que les mesures soient exécutées successivement par deux huissiers différents’; qu’il n’y a eu ainsi aucun huissier territorialement compétent pour exécuter cette ordonnance’;

15.- que l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers de justice, interdit aux clercs de dresser des procès-verbaux de constat et d’exécution’; que cette exclusivité est rappelée par l’article L122-1 du code des procédures civiles d’exécution’; que si la loi autorise les clercs à procéder à des constats à la demande de particuliers, les constats sur ordonnance du juge en sont exclus’; que la signification de l’ordonnance et de la requête devait être en l’espèce effectuée par un huissier et non par un clerc, s’agissant du début de l’exécution de l’ordonnance’;

16.- qu’il entre dans la compétence du juge de la rétractation de se prononcer sur les conditions d’exécution de la mesure’; qu’en l’espèce, il ne s’agit pas de savoir si l’huissier a exécuté l’ordonnance conformément à la mission qu’elle a détaillée, mais de vérifier la violation de règles d’ordre public concernant la compétence des huissiers de justice et de statuer sur une irrégularité de fond conformément à l’article 118 du code de procédure civile’; qu’ainsi, le juge de la rétractation peut statuer sur une caducité de son ordonnance si la mesure n’a pas été exécutée dans les délais impartis et également sur une demande de nullité des mesures exécutées sur le fondement de son ordonnance, en raison de la perte de fondement juridique de ces mesures;

17- concernant l’absence de justification de dérogation au principe du contradictoire, qu’il résulte des articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile que l’action doit être par principe exercée contradictoirement, sauf si la mesure à exécuter exige qu’il y soit dérogé’; qu’il appartient ainsi à la société Algorel de démontrer qu’elle est admise à ne pas agir contradictoirement, sans pouvoir soutenir que la concluante ne justifie d’aucun grief’; qu’il ne suffit pas d’affirmer qu’il existe un risque de dépérissement des preuves recherchées ou de la nécessité d’agir par effet de surprise’; qu’il appartient au juge de procéder à une analyse in concreto des circonstances de la cause et non de procéder par des motifs généraux; que si le juge peut procéder par simple renvoi aux motifs développés dans la requête, il ne peut pallier le défaut de motivation de cet acte’; que le requérant ne peut expliciter ou développer ultérieurement les circonstances justifiant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement’;

18.- qu’en l’espèce, dans sa requête, l’intimée a énoncé que les éléments demandés constituent pour l’essentiel des courriers électroniques et des documents pouvant être amenés à disparaître, justifiant qu’il soit procédé non contradictoirement, en raison de la facilité à les détruire sans possibilité technique de restaurer ces fichiers’; que la société Algorel s’est ainsi contentée de faire valoir un prétendu risque de dépérissement des preuves, ce qui est insuffisant’; que le juge de la rétractation n’a pu retenir que les éléments constitués de mails et de fichiers stockés de façon immatérielle sont facilement destructibles, ce qui constitue un motif légitime pour ne pas agir contradictoirement’;

19.- s’agissant de la proportion des mesures sollicitées avec le but poursuivi, qu’il appartient au juge de vérifier ce point, afin d’éviter que ce ne soit l’occasion de prendre possession d’éléments de nature à donner à une partie un avantage concurrentiel’;

20.- qu’en la cause, la société Algorel a précisé être fondée à soupçonner la commission d’actes déloyaux en raison de la cession des titres de la concluante à un concurrent sans l’en avoir avertie au préalable’; que la concluante n’a cependant jamais été actionnaire de l’intimée, et n’était pas ainsi tenue par les dispositions du règlement intérieur Algorel applicable aux seuls actionnaires de cette société’; qu’elle pouvait ainsi librement céder ses titres’; qu’en outre, l’opération de rachat n’a pas été dissimulée’; qu’en réalité, la société Algorel cherche à avoir accès à des informations confidentielles protégées par le secret des affaires, notamment s’agissant du prix de la cession’; qu’elle a ainsi demandé au juge l’autorisation de se faire remettre la copie du contrat de cession d’actions et tout rapport d’audit préalable, ce qui a été refusé par le juge’; que cependant, les mots-clefs tels que «’rachat’», «’Tereva’», «’acquisition’», «’pacte’», «’contrat de cession, «’acte de cession’», «’protocole’», aboutissent au même résultat’; que l’argument de l’intimée selon lequel les éléments relatifs à la cession des parts de la concluante risqueraient de disparaître est inopérant, en raison de la publicité de cette cession’;

21.- que l’intimée peut obtenir par ses propres moyens les informations concernant le téléchargement de fichiers depuis son site Algora, puisque c’est elle qui dispose des données de connexion de ses adhérents’; qu’ainsi, l’intérêt de se rendre dans les locaux de la concluante ne tend qu’à permettre de rechercher des données confidentielles sans lien avec ces éléments’; que les données accessibles à la concluante depuis le site Algora n’avaient rien de confidentiel, puisqu’elles ne concernaient que les noms des fournisseurs référencés et les tarifs, données se retrouvant dans la comptabilité de la concluante et dans les factures des fournisseurs’; que la concluante ne risquait pas de supprimer toute sa comptabilité et toutes ses pièces comptables’;

22.- que l’autorisation de prendre copie des fichiers ou documents informatiques sur tout support accessibles, y compris sur les ordinateurs des membres de la famille de [T], même au moyen de mots-clefs déterminés, permet à l’huissier de saisir le contenu intégral des fichiers de sauvegarde Outlook contenant les mots-clefs, sans limitation de temps ni d’objet, ce qui est disproportionné’;

23.- que ni la requête ni l’ordonnance n’ont prévu que l’huissier laisse à la concluante une copie des éléments saisis, de sorte que l’intimée a entendu faire échec aux mesures de protection du secret des affaires institué par les articles L153-1 et R153-2 et suivants du code de commerce’; qu’ainsi, la concluante a été privée de la possibilité de savoir quelles données ont été saisies et privée de la possibilité de contester les mesures réalisées’; que toutes les mesures de perquisition et de saisies en matière fiscale, douanière, pénale, financière, prévoient ainsi un inventaire des pièces saisies’; que les textes précités concernant le secret des affaires permettent au juge de la rétractation de sélectionner les données et d’exclure celles protégées, ce qui suppose que le requis sache quelles données ont été saisies’;

24.- que si l’intimée justifie l’absence de mise à disposition de copies des données, au motif que la concluante a coupé l’électricité afin de faire échec aux mesures, il n’était cependant pas prévu que l’huissier devait laisser une copie des données saisies, alors que le conseil de la concluante s’est entretenu avec l’huissier pour lui signifier qu’il refusait les mesures en raison de son incompétence territoriale et qu’il devait suspendre sa mission’; que l’huissier, investi d’une simple mission de constat, ne pouvait recourir à des mesures de contrainte, seul le préfet pouvant accorder le concours de la force publique’;

25.- subsidiairement, qu’en raison du caractère général et commun de certains mots-clefs rappelés ci-dessus, la concluante craint que des données confidentielles protégées par le secret des affaires aient été copiées’; que la concluante est dans l’impossibilité de savoir ce qui a été saisi, ainsi qu’indiqué plus haut’; qu’elle ne peut ainsi se conformer à l’article R153-3 du code de commerce’; qu’en conséquence, une expertise doit être ordonnée, aux frais de la société Algorel, afin que l’expert se fasse remettre les données et pièces copiées pour que, après observations de la concluante, il puisse remettre au conseil de l’intimée les seules données n’étant pas protégées par le secret des affaires.

Prétentions et moyens de la société Algorel’:

26.Selon ses conclusions remises le 5 mai 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 145, 249, 493 et 875 du code de procédure civile, L.153-1 du code de commerce, de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, de la loi du 27 décembre 1923 relative à la création des clercs assermentés’:

– de confirmer l’ordonnance du 25 novembre 2021′;

– de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de nullité de la mesure, au profit du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Vienne’;

– de débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions’;

– d’ordonner la communication à la concluante des pièces recueillies par maître [W] et qu’il détient en séquestre en exécution de l’ordonnance du 22 juin 2021, à l’exclusion des pièces qui relèveraient d’échanges entre avocats et clients, protégées par le secret professionnel’;

– à titre subsidiaire de prendre connaissance, seule, des pièces recueillies par maître [W] et qu’il détient en séquestre en exécution de l’ordonnance du 22 juin 2021′;

– d’ordonner la communication de ces pièces à la concluante à l’exclusion des éléments portant atteinte au secret des affaires’;

– en tout état de cause, de condamner l’appelante à lui payer 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle indique’:

27.- que selon le règlement intérieur, obligatoire pour les adhérents, même à titre provisoire, la qualité d’adhérent interdit toute participation, même indirectement, à tout réseau ou organisme de sélection ou de centralisation d’achats ou de référencement’; que tout adhérent s’engage à une pratique loyale du commerce et de la concurrence, notamment à l’égard des autres adhérents, avec une obligation de confidentialité quant au fonctionnement et à la vie du groupement et de ses membres, de concurrence loyale, d’absence de mesures de déstabilisation, de toujours agir dans l’intérêt du groupement’;

28.- que les circonstances de l’adhésion puis de la démission de l’appelante en quelques mois sont de nature à créer une suspicion de concurrence déloyale, cette démission étant la conséquence de sa prise de contrôle par la société Tereva, distributeur grossiste et concurrent direct des adhérents de la concluante et faisant partie du groupement de référencement concurrent Agilo’;

29.- concernant la possibilité pour le juge de la rétractation de statuer sur les conditions de la mesure d’instruction, que ce contentieux n’affecte pas la décision ayant ordonné la mesure, de sorte qu’il n’est pas de la compétence de cette juridiction’; qu’il appartient seulement au juge de s’assurer de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire au jour de l’ordonnance rendue sur requête’; que le contentieux de l’exécution de la mesure lui échappe, d’autant qu’il ne peut statuer sur la validité d’actes juridiques, et que l’ordonnance ne peut être rétractée pour une cause qui lui est étrangère’;

30.- qu’en l’espèce, la compétence territoriale de l’huissier instrumentaire est une cause extérieure à l’ordonnance du 22 juin 2021′; que ce contentieux relève ainsi de la compétence du juge de l’exécution’; que la cour n’étant saisie que de la rétractation de l’ordonnance sur requête ne peut connaître des irrégularités de son exécution’; que l’exemple de la caducité invoqué par l’appelante est différent, puisque cela ne relève pas des modalités d’exécution de la mesure, la caducité n’étant pas une cause extérieure à l’ordonnance et lui faisant perdre son fondement juridique;

31.- concernant la demande de rétractation au motif que la dérogation au principe du contradictoire ne serait pas justifiée, que la contradiction est rétablie par la procédure en rétractation’; que s’il appartient ainsi au requérant de justifier que sa requête était fondée, il appartient au requis d’établir que l’ordonnance lui fait grief’; qu’en l’espèce, l’appelante n’invoque aucun grief résultant de la procédure sur requête, alors que le principe du contradictoire est rétabli’;

32.- que le recours à la procédure sur requête est justifié en la cause, puisqu’il résulte des articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile que la demande peut être formulée ainsi dès lors que l’absence de débat contradictoire initial est nécessaire pour accroître la probabilité que la mesure soit couronnée de succès’; que saisi sur rétractation, le juge doit statuer en tenant compte des faits se rapportant à la procédure antérieurement, existant au jour de la requête et aux faits produits ultérieurement devant lui’; qu’il convient de prendre en considération l’objet de la mesure, susceptible de porter sur des éléments susceptibles d’être facilement détruits, et du contexte faisant craindre une dissimulation ou une destruction’; que tel est le cas s’agissant de fichiers informatiques’;

33.- qu’en l’espèce, la concluante a rappelé dans sa requête qu’outre les prix et conditions commerciales, ses adhérents échangent un grand nombre d’informations dans le cadre des réunions organisées par elle’; qu’ils peuvent télécharger sur le site intranet les fichiers contenant les prix et conditions négociés avec chaque fournisseur’; que l’insistance de l’appelante pour adhérer au réseau, la dissimulation de sa prise de contrôle par la société Tereva découverte le lendemain de sa démission, constituent des indices laissant présumer des agissements de concurrence déloyale, d’autant que l’appelante avait participé aux journées du réseau et accédait aux fichiers des prix négociés via intranet’; que les éléments demandés constituent pour l’essentiel en des courriers électroniques et des documents pouvant être amenés à disparaître, alors que la restauration de fichiers ou de documents détruits peut s’avérer techniquement impossible’; que la seule chance pour la concluante d’obtenir la communication de ces pièces était ainsi d’agir non contradictoirement, d’autant que l’appelante a tenté de faire échec à l’exécution de la mesure en coupant volontairement l’électricité lors de l’intervention de l’huissier’;

34.- que si l’appelante soutient que la concluante cherchait à avoir accès à des informations confidentielles, et notamment au prix du rachat par la société Tereva, cela est faux puisque le prix de cession n’intéressait pas la concluante, qui a exclu de sa demande la communication de la lettre d’intention de la société Tereva’; que la requête a précisé que toute correspondance personnelle ou soumise au secret professionnel devait être exclue’; que les mesures ont été circonscrites à la période du 7 juillet 2020 au 31 mai 2021 avec une liste de mots-clefs en lien avec le litige’; qu’aucun élément concernant les relations de l’appelante avec ses clients ou prospects n’a été sollicité, ni aucune pièce concernant sa stratégie commerciale’; qu’il ne s’agissait ainsi que de savoir si l’adhésion de l’appelante avait été motivée par l’obtention d’informations confidentielles concernant notamment les tarifs négociés, afin de les divulguer à des concurrents et éventuellement de les inclure dans le cadre de la négociation de son rachat’; que l’appelante ne peut soutenir que la concluante cherchait à obtenir des informations confidentielles, puisque dans le cadre de sa demande d’adhésion, elle a fourni des éléments notamment comptables’;

35.- que la mesure sollicitée est proportionnée, puisqu’elle a été circonscrite dans le temps, avec des mots-clefs en lien avec le litige’; qu’il ne s’est pas agi d’une mesure d’investigation générale, alors qu’aucun document comptable, financier, bancaire ou commercial n’a été saisi’; que les termes «’rachat, audit, pacte, contrat de cession, acte de cession et protocole’» ont été associés aux mots «’Tereva, [06] et [F] [M]’»’, afin que cette association garantisse une limitation des recherches aux négociations non couvertes par le secret professionnel, avec la société Tereva dans le cadre du rachat des titres de l’appelante’;

36.- que si l’appelante prétend que l’huissier pourrait saisir un fichier de sauvegarde donnant accès à l’intégralité des boîtes mails de la famille de [T], il ne s’agit que d’un argument soulevé pour la première fois devant la cour, lequel n’est fondé sur aucune pièce’;

37.- que si l’appelante invoque l’absence de remise d’une copie des éléments saisis, cette question ne relève pas de la compétence du juge de la rétractation’; qu’en outre, aucune disposition n’impose à l’huissier de laisser une telle copie au requis’; qu’en raison de l’obstruction de l’appelante lors de l’exécution de la mesure, l’huissier ne pouvait laisser de copie’; que l’appelante n’a jamais demandé de copie de ces pièces’;

38.- concernant la nullité des mesures, que le juge peut nommer un huissier non en sa qualité d’officier ministériel, mais comme constatant au sens de l’article 249 du code de procédure civile’; qu’il ne s’agit pas ainsi d’un acte de procédure’; que l’article 3 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que la compétence d’un huissier de justice est alors nationale’; que dans le cadre de l’exécution de son constat, maître [W] avait une compétence nationale’; que selon l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923, les clercs assermentés peuvent délivrer tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l’exception des procès-verbaux de constats et d’exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires’;

39.- s’agissant de la demande de mainlevée du séquestre, que la concluante doit savoir si l’adhésion de l’appelante était motivée par l’obtention d’informations confidentielles et si ces éléments ont été divulgués aux sociétés Tereva et Agilo’; que la concluante doit ainsi connaître la teneur des échanges intervenus dans le cadre de la négociation du rachat des parts de l’appelante, et si des fichiers contenant des tarifs ou remises ont été téléchargés sur le site Algora lors des pourparlers avec la société Tereva’; qu’il résulte de la lettre d’intention produite par l’appelante que ces négociations ont commencé bien avant le 14 avril 2021′;

40.- que l’appelante ne peut soutenir que le règlement intérieur de la concluante ne lui était pas opposable, cherchant ainsi à justifier la divulgation des fichiers de tarifs fournisseurs à la société Tereva en violation de son obligation de confidentialité’; que ce règlement est obligatoire pour tous les adhérents’;

41.- subsidiairement, que si l’appelante sollicite la désignation d’un expert afin de remettre un rapport indiquant les éléments dont elle considère qu’ils seraient susceptibles de porter atteinte au secret des affaires, ce secret ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que les mesures ordonnées résultent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les sollicitent’; que l’article L153-1 du code de commerce impose que le juge prenne personnellement connaissance de la pièce dont il est allégué que la communication est de nature à porter atteinte au secret des affaires’; qu’il ne peut ainsi désigner un expert ou un tiers digne de confiance afin d’y procéder et ainsi trancher la difficulté à sa place; que si la cour considère que certaines pièces sont de nature à porter atteinte au secret des affaires, elle doit prendre seule connaissance de ces pièces et ordonner la communication à la concluante des pièces sous séquestre, à l’exclusion des éléments susceptibles de porter atteinte au secret des affaires.

*****

42.La Selarl Aurajuris ne s’est pas constituée, bien que la déclaration d’appel et les conclusions d’appelante lui aient été signifiées le 25 janvier 2022 en application de l’article 658 du code de procédure civile. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’:

1) S’agissant du bien fondé des mesures d’instruction ordonnées sur requête’:

43.En l’espèce, il résulte de l’ordonnance du 22 juin 2021 ayant autorisé l’appréhension de divers éléments de preuve, qu’elle a été sollicitée et rendue sur le fondement des articles 145, 249, 493 et suivants du code de procédure civile. L’assignation délivrée à la requête de la société J2A Distrib’ a visé l’article 497 du code de procédure civile. Selon ce texte, concernant le recours ouvert après le prononcé d’une ordonnance sur requête, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. L’objet de ce recours est de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, et la saisine du juge de la rétractation est limitée à cet objet. La cour statue en appel dans la limite des pouvoirs du juge de la rétractation.

44.Concernant les conditions ayant fondé l’ordonnance sur requête, le juge des référés a retenu que l’appelante a manifesté son intention d’adhérer au réseau Algorel, puis qu’elle a démissionné cinq mois plus tard en raison de son rachat par la société Tereva, faisant partie d’un autre groupement concurrent, et que cette opération a pu permettre la divulgation à la société Tereva d’informations obtenues pendant l’adhésion de l’appelante, notamment concernant les prix et les conditions commerciales négociés avec le groupe Algorel, constituant des informations confidentielles et essentielles pour ce réseau. Il a ensuite constaté que la société Algorel justifie d’un litige existant avec la société J2A Distrib’, ayant sa cause dans les faits pouvant caractériser une concurrence déloyale, que la société Algorel propose une liste limitée et précise de documents et fichiers pouvant révéler l’existence d’une éventuelle divulgation d’informations confidentielles et d’agissements de concurrence déloyale, stockés de façon immatérielle et donc facilement destructibles. Le premier juge en a retiré que la disparition possible d’éléments de preuve constitue, pour la requérante, un motif légitime de conserver la preuve dont pourrait dépendre la solution d’un litige, et qu’il convient de préserver un effet de surprise pour éviter tout dépérissement des éléments de preuve recherchés. Il en a conclu qu’il était ainsi nécessaire de déroger au principe du contradictoire.

45.Sur ce point, la cour ne peut que confirmer cette appréciation. En effet, concernant la dérogation au principe du contradictoire, il résulte de la requête de la société Algorel ayant donné lieu à l’ordonnance du 22 juin 2021, que cette partie a spécialement motivé sa requête, dont le juge s’est approprié les motifs.

46.Ainsi, selon les statuts de la société Algorel auxquels avait adhéré la société J2A Distrib’, la qualité d’adhérent interdit toute participation, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement au travers d’une société de son groupe, à tout réseau ou organisme de sélection ou centralisation d’achats ou de référencement, groupement ou autre personne exerçant tout ou partie des métiers de la ou des branches d’activité dont il relève et jugé concurrents d’Algorel. Les mêmes statuts prévoient que l’adhérent s’engage à une pratique loyale du commerce et de la concurrence, notamment à l’égard des autres adhérents, et ainsi à une stricte obligation de confidentialité, d’absence de concurrence déloyale ou de déstabilisation d’un autre adhérent, devant toujours agir dans le souci de l’intérêt du groupement et de sa crédibilité auprès des tiers. Ces obligations sont opposables à l’appelante en raison de son adhésion.

47.La cour constate, ainsi que le juge de la requête, que les circonstances du rachat de l’appelante par la société Tereva, quelques mois à peine après son adhésion au groupe de référencement Algorel, constituaient des indices sérieux permettant de présumer des agissements de concurrence déloyale. Ainsi,

l’intimée était bien fondée à solliciter une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en raison de l’existence d’un motif légitime.

48.Les mesures sollicitées consistaient à pouvoir recueillir des éléments de preuve, notamment sur des supports informatiques. En la matière, la cour ne peut que confirmer l’appréciation du premier juge sur le risque de perte irrémédiable de telles informations, et sur la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, seul moyen permettant éviter une destruction irréversible d’informations. Il ne s’est pas seulement agi de voir quels fichiers dépendant du logiciel Algora avaient pu être téléchargés par l’appelante, mais également de vérifier les conditions de son rachat par un concurrent direct ou l’accomplissement d’actes contraires aux statuts de l’intimée en raison des circonstances du rachat de la société J2A Distrib’. L’appelante est ainsi mal fondée à soutenir que la mesure d’instruction était inutile puisque l’intimée pouvait savoir quelle information avait été consultées sur son site. L’intimée était fondée à ne pas agir contradictoirement au sens de l’article 493 du code de procédure civile.

49.La mesure d’instruction autorisée n’a en outre pas été disproportionnée, puisque les recherches à effectuer ont été cantonnées entre le 1er avril 2020 et le jour d’exécution de la requête, soit à partir d’un délai de deux semaines seulement avant que la société Tereva n’adresse son offre d’acquisition à la société J2A Distrib’. Les mots-clefs à utiliser ont été également limités. Ainsi, les termes «’rachat, acquisition, audit, due diligence, pacte, contrat de cession, acte de cession, protocole, BFA’», ont tous été adjoints par les termes «’Tereva, Téréva, [06].fr ou [F] [M]’», de façon à ne saisir que les données relatives aux conditions de l’offre d’acquisition de la société Tereva. Les mots-clefs n’étaient pas ainsi génériques ni permettant d’appréhender l’ensemble des informations commerciales de l’appelante.

50.L’autorisation de procéder aux saisies sur les messageries personnelles ou professionnelles de certains membres de la famille de [T], sauf concernant des messages dont l’objet est libellé «’personnel’», s’inscrit dans la nécessité de pouvoir vérifier l’existence des fichiers détenus par les membres de la famille de [T] détenant les parts de la société J2A Distrib’ pouvant apporter des éléments concernant une concurrence déloyale.

51.Il en résulte que l’ordonnance rendue sur requête a été conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile, et L153-1 et suivants du code de commerce, en ce qu’elle a autorisé la saisie de documents selon une liste précise de mots-clefs, documents établis pendant une période de temps définie. Il n’y a pas ainsi lieu d’ordonner sa rétractation.

2) S’agissant de l’annulation des opérations de saisies effectuées le 30 juin 2021′:

52.La cour rappelle que l’assignation délivrée à la requête de la société J2A Distrib’ a visé l’article 497 du code de procédure civile. Selon ce texte, concernant le recours ouvert après le prononcé d’une ordonnance sur requête, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. L’objet de ce recours est de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, et la saisine du juge de la rétractation est limitée à cet objet. La compétence de la cour est limitée à celle du juge dont la décision lui est déférée.

53.Ainsi, dans le cadre de mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, l’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire et la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. En conséquence, le contentieux de l’exécution de cette mesure d’instruction, qui n’affecte pas la décision l’ayant ordonnée, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation. Par contre, le juge de la rétractation peut modifier ou compléter l’ordonnance qu’il a rendue sur requête.

54.Il en résulte qu’il n’appartenait pas au président du tribunal de commerce, saisi d’un recours en rétractation, d’apprécier les conditions de l’exécution de l’ordonnance rendue sur requête s’agissant de la compétence du clerc significateur puis de l’huissier de justice intervenus le 30 juin 2021. Statuant dans les mêmes conditions que le président du tribunal, la cour n’a pas compétence pour trancher sur ces difficultés d’exécution. Le premier juge a ainsi justement décliné sa compétence pour statuer sur les conditions de l’exécution de la mesure d’instruction, et l’ordonnance déférée sera confirmée sur ce point, le président du tribunal, puis la cour, n’ayant pas le pouvoir de constater une éventuelle nullité des opérations intervenues en exécution de l’ordonnance initiale. A supposer que cette nullité soit encourue, cela n’affecterait pas le prononcé de l’ordonnance rendue sur requête.

55.Il résulte des dispositions de l’article L213-6 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

56.En l’espèce, la discussion relative à la compétence des personnes ayant exécuté la mesure d’investigation ordonnée sur requête s’inscrit dans le cadre d’une contestation s’élevant à l’occasion de l’exécution forcée de l’ordonnance rendue sur requête le 22 juin 2021, et s’il n’appartient pas ainsi au juge de la rétractation de connaître de la demande d’annulation de ces opérations, il lui appartient ainsi de décliner sa compétence, et par application de l’article 81 du code de procédure civile, de désigner la juridiction qu’il estime compétente. En conséquence, la cour, tenue dans les limites des pouvoirs dévolus au juge de la rétractation, se déclarera incompétente sur ce point, au profit du juge de l’exécution de Vienne. L’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a invité l’appelante à se pourvoir devant la juridiction compétente.

3) Sur l’organisation de l’expertise sollicitée par la société J2A Distrib”:

57.S’agissant de la demande subsidiaire de cette appelante tendant à la commission d’un expert, l’article L153-1 du code de commerce dispose que lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :

1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;

2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter.

58.Selon l’article R153-1, lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires. Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant. Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R.153-3 à R. 153-10.

59.Selon l’article R.153-3 du code de commerce, à peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :

1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;

2° Une version non confidentielle ou un résumé ;

3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

60.En la cause, ni la requête, ni l’ordonnance rendue sur son fondement, n’ont prévu que l’huissier instrumentaire ait à laisser une copie des éléments appréhendés, ni n’en dresse au moins un inventaire destiné à la société J2A Distrib’, alors qu’il résulte des textes précités que la partie ou que ce tiers à la procédure doit savoir quelles pièces ont été appréhendées, afin de pouvoir ensuite saisir le juge afin qu’il indique si cette pièce relève du secret des affaires.

61.En la cause, l’ordonnance rendue sur requête devait ainsi préciser qu’il appartenait à l’huissier instrumentaire de remettre une copie, sinon l’inventaire des documents appréhendés lors de ses opérations, afin que l’appelante puisse exercer le recours prévu aux articles R153-1 et R153-3 précités, sur la base des pièces portant, selon elle, atteinte au secret des affaires. A cet égard, les difficultés rencontrées par l’huissier lors de ses investigations (la coupure de courant initiée par la société J2A Distrib’) ne l’empêchait pas, dans les jours suivants la saisie, d’adresser à l’appelante la copie des documents et fichiers qu’il avait néanmoins appréhendés, puisqu’il résulte de son procès-verbal de constat, qui ne contient aucun inventaire des documents et fichiers saisis, qu’il a, le lendemain de son intervention, procédé au traitement des données collectées sur l’ordinateur de monsieur [I], afin de contrôler l’absence de fichiers personnels et l’absence de correspondances protégées par la loi. Selon ce constat, seuls des fichiers informatiques ont été saisis sur cet ordinateur, et ont été copiés sur clefs USB.

62.Ainsi, un exemplaire de ces clefs pouvait être remis à l’appelante, afin qu’elle puisse vérifier les fichiers définitivement appréhendés par l’officier ministériel après leur examen et exercer son recours devant le juge compétent afin qu’il statue sur l’application des mesures définies aux articles R153-5 et R153-6 du code de commerce’: refus de communication de la pièce si elle n’est pas nécessaire au litige, communication ou production aux personnes qu’il désigne lorsque cette pièce est nécessaire bien que portant atteinte au secret des affaires, ou production ou communication partielle si seulement certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige.

63.Dans le cadre d’un recours en rétractation, le juge peut compléter ou modifier l’ordonnance rendue sur requête. En l’espèce, il y a lieu de compléter l’ordonnance rendue sur requête le 22 juin 2021, en précisant que l’huissier de justice devra remettre une copie des documents et fichiers appréhendés lors de ses opérations à la société J2A Distrib’, afin de lui permettre d’exercer le recours prévus aux articles L153-1 et R153-1 et suivants du code de commerce. Dans l’attente de la communication de ces documents et fichiers, il appartiendra à l’officier ministériel de les conserver sous séquestre jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours exercé éventuellement par l’appelante en application de ces textes, sinon jusqu’à l’expiration du délai d’un mois imparti à l’appelante par l’article

R153-1 du code de commerce pour l’exercice de ce recours, délai courant, afin de tenir compte des circonstances de la cause, de la communication de ces documents et fichiers à la société J2A Distrib’.

64.En conséquence, l’ordonnance déférée à la cour sera infirmée en ce qu’elle a ordonné la levée du séquestre des éléments recueillis dans le cadre des opérations de saisie du 30 juin 2021, a autorisé la remise par l’huissier instrumentaire à la société Algorel de la copie des éléments tels que définis saisis au cours des opérations de constat, et en ce que le premier juge a condamné la société J2A Distrib’ à payer à la société Algorel la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, incluant les frais et honoraires de la saisie.

65.Il n’y a pas lieu ainsi pour la cour d’ordonner l’expertise sollicitée par la société J2A Distrib’, ni de prendre connaissance de toutes les pièces saisies par l’officier ministériel comme demandé par la société Algorel. Il y a lieu, par contre, de faire interdiction à cette dernière d’utiliser, à quelque fin que ce soit, le procès-verbal de constat dressé en application de l’ordonnance sur requête, ainsi que l’un quelconque des documents obtenus dans le cadre des opérations du 30 juin 2021, tant que le délai prévu par l’article R153-1 du code de commerce ne sera pas expiré, calculé selon les modalités spécifiées ci-dessus. L’ordonnance déférée sera ainsi confirmée en ce qu’elle a rejeté tous autres moyens, fins et conclusions, ces prétentions ayant été formées devant le premier juge et rejetées par lui.

66.En équité, il n’y a pas lieu d’allouer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par défaut et mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 81, 145 et 493 du code de procédure civile, L213-6 du code des procédures civiles d’exécution, L153-1 et suivants, R153-2 et suivants du code de commerce’;

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a’:

– invité la société J2A Distrib’ à se pourvoir devant la juridiction compétente’;

– ordonné la levée du séquestre des éléments recueillis dans le cadre des opérations de saisie du 30 juin 2021′;

– autorisé la remise par l’huissier instrumentaire à la société Algorel de la copie des éléments tels que définis saisis au cours des opérations de constat’;

– condamné la société J2A Distrib’ à payer à la société Algorel la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné la société J2A Distrib’ aux dépens, incluant les frais et honoraires de la saisie’;

Confirme l’ordonnance déférée en ses autres dispositions soumises à la cour;

statuant à nouveau’;

Renvoie les parties devant le juge de l’exécution de Vienne afin qu’il statue sur la régularité des opérations de saisie réalisées le 30 juin 2021 s’agissant de la compétence des sociétés A3 Juris et Aurajuris, huissiers de justice, pour y procéder’;

Complète l’ordonnance rendue sur requête le 22 juin 2021, et dit que l’huissier de justice devra remettre une copie des documents et fichiers appréhendés lors de ses opérations réalisées le 30 juin 2021 à la société J2A Distrib’, afin de lui permettre d’exercer éventuellement le recours prévus aux articles L153-1 et R153-1 et suivants du code de commerce’;

Dit que dans l’attente de la communication de ces documents et fichiers, il appartiendra à l’officier ministériel de les conserver sous séquestre jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours exercé éventuellement par l’appelante en application de ces textes, sinon jusqu’à l’expiration du délai d’un mois imparti à la société J2A Distrib’ par l’article R153-1 du code de commerce pour l’exercice de ce recours, délai courant à partir de la communication de ces documents et fichiers à la société J2A Distrib”;

Fait interdiction à la société Algorel d’utiliser, à quelque fin que ce soit, le procès-verbal de constat dressé en application de l’ordonnance rendue sur requête, ainsi que l’un quelconque des documents obtenus dans le cadre des opérations qui se sont déroulées le 30 juin 2021, tant que le délai prévu par l’article R153-1 du code de commerce ne sera pas expiré, calculé selon les modalités spécifiées ci-dessus’;

Dit n’y avoir lieu à allouer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Alogorel aux dépens de première instance et d’appel’;

Signé par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


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