Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom
(*) Vos données sont traitées conformément à notre Déclaration de Protection des Données Vous disposez d’un droit de rectification, de limitation du traitement, d’opposition et de portabilité.

Cession d’actions : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04046

·

·

Cession d’actions : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04046

N° RG 19/04046 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MNHU

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 04 avril 2019

( chambre 3 cab 03 C)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 17 Novembre 2022

APPELANTE :

MUTUAL LOGISTICS ENF en sa qualité d’ayant cause universel de MUTUAL LOGISTICS TRS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier VOLPE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2234

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, toque : B18

INTIMEE :

SCI C.E.E. – IMMO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475

Et ayant pour avocat plaidant Me Caroline JOYARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1356

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 15 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 17 Novembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Anne WYON, président

– Françoise CLEMENT, conseiller

– Julien SEITZ, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Selon acte sous seing privé du premier mars 2005, la société civile immobilière Cee Immo a donné à bail à la société Cee Trans, des locaux commerciaux d’une surface de 1.788 mètres carrés sis [Adresse 3]), pour une durée de 9 ans.

Par acte sous seing privé du premier septembre 2007, annulant et remplaçant le précédent, la société Cee Immo a donné à bail à la société Cee Trans, des locaux commerciaux d’une surface déclarée de 3.950 mètres carrés, sis [Adresse 3]), pour une durée de 9 ans à compter du premier avril 2008, contre paiement d’un loyer mensuel révisable de 23.000 euros hors taxes et hors charges, payable d’avance.

Les sociétés Cee Immo et Cee Trans entretenaient alors des liens étroits et partageaient les mêmes associés principaux.

Par avenant du 19 juin 2009, bailleresse et preneuse ont prorogé le terme du bail au 28 février 2020, en précisant que les locaux s’étendaient sur une surface de 6.450 mètres carrés, composée de 350 mètres carrés de bureaux, 3.100 mètres carrés de quais et de mezzanine et 3.000 mètres carrés de parkings.

Selon avenant sous seing privé du 30 décembre 2009, les parties au contrat ont modifié les dispositions afférentes aux loyer, charges et frais d’entretien, en fixant « l’indemnité d’occupation » à la somme de 26.7010 euros HT par mois et en ramenant l’avance sur charge à 300 euros par mois.

Selon acte du 21 février 2013, les associés de la société Cee Trans ont cédé leurs parts à la société Denis Gaci Acquisitions. Ce changement capitalistique s’est accompagné d’un constat d’huissier de l’état des locaux, réalisé le 12 avril 2013, et d’une renégociation des dispositions du bail commercial, matérialisée par la souscription d’un avenant.

Aux termes de cet avenant du 16 avril 2013, les parties ont notamment précisé que la surface de quais et mezzanine louée était de « 2.800 mètres carrés environ », en indiquant ne pas vouloir modifier les dispositions relatives au loyer, le preneur s’engageant au contraire à ne pas contester le loyer en raison de cette précision sur les surfaces louées.

Ensuite de la prise de contrôle par la société Denis Gaci Acquisitions, la société Cee Trans a cessé d’acquitter régulièrement son loyer, en arguant de l’inexactitude des surfaces portées au contrat de bail. Elle a également contesté le prix de cession des parts sociales.

Par ordonnance du 04 novembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Cee Trans à payer à la société civile immobilière Cee Immo la somme provisionnelle de 80.000 euros au titre du dépôt de garantie et commis Monsieur [P] [O] en qualité d’expert, avec mission de déterminer si la preneuse disposait bien d’une surface de 2.800 mètres carrés de quais et mezzanine.

L’expert a déposé son rapport le 06 novembre 2014.

Par ordonnance du 27 octobre 2014, ce magistrat a condamné la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme provisionnelle de 235.877,28 euros HT au titre des loyers dus pour la période du premier novembre 2013 au 30 juin 2014, en disant n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes principales et reconventionnelles.

Par assignation signifiée le 17 février 2015, la société Cee Trans a fait citer la société Cee Immo devant le tribunal de grande instance de Lyon, en résiliation du bail et remboursement des sommes payées en loyer et charges.

Par ordonnance du 18 janvier 2016, le juge de la mise en état près le tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme provisionnelle de 805.231,93 euros TTC au titre des loyers impayés jusqu’au 31 décembre 2015 et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par ordonnance du 06 mars 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme provisionnelle de 487.945,85 euros au titre des loyers impayés au 31 janvier 2017 et rejeté les demandes reconventionnelles de la preneuse, tendant notamment à la répétition d’un trop versé de loyer et charges.

Par jugement en date du 04 avril 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

– rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la société Cee Trans,

– débouté la société Cee Trans de sa demande de condamnation de la société Cee Immo à lui payer la somme de 85.986 euros en réparation de son préjudice lié à la survenance d’un redressement fiscal,

– débouté la société Cee Trans de sa demande visant à entendre prononcer la résiliation de bail,

– rejeté la demande en paiement de la société Cee Trans à l’encontre de la société civile immobilière Cee Immo à hauteur de la somme de 1.095.233,94 euros TTC au titre des loyers et taxes foncières indus,

– rejeté la demande en paiement de la société Cee Trans à l’encontre de la société civile immobilière Cee Immo à hauteur de la somme de 254.639,99 euros TTC au titre des charges réglées en trop,

– ordonné à la société Cee Immo d’établir un décompte de charges pour la période du premier juillet 2008 au 30 avril 2016, à charge pour la société Cee Trans de lui communiquer les documents nécessaires et en particulier ses factures, son contrat EDF et les contrats d’entretien des niveleurs et des portes de quais,

– condamné la société Cee Trans aux dépens,

– autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 12 juin 2019, la société Cee Trans a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il a :

– débouté la société Cee Trans de sa demande de condamnation de la société Cee Immo à lui payer la somme de 85.986 euros en réparation de son préjudice lié à la survenance d’un redressement fiscal,

– débouté la société Cee Trans de sa demande de résiliation de bail,

– rejeté la demande en paiement de la société Cee Trans à l’encontre de la société civile immobilière Cee Immo à hauteur de la somme de 1.095.233,94 euros TTC au titre des loyers et taxes foncières indus,

– rejeté la demande formée par la société Cee Trans au titre de l’article 700 du coide de procédure civile,

– condamné la société Cee Trans aux dépens,

– condamné la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 19 mai 2020.

Dans l’intervalle, la société Mutual Logistics Enf, venant aux droits de la société Cee Trans, a notifié son congé par exploit du 10 juillet 2019 et quitté les lieux le 20 février 2020.

Par arrêt du 23 septembre 2021, la cour a rabattu l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats, après avoir relevé que l’appelante semblait avoir changé de dénomination, en prélude à son absorption par une société tierce.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 14 octobre 2021, la société Mutual Logistics Enf (ci-après la bailleresse), agissant en qualité d’ayant cause universel de la société Mutual Logistics Trs, anciennement dénommée Cee Trans, en suite d’une fusion absorption survenue le 07 juin 2021, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1315 anciens du code civil, ainsi que des articles 270 et suivants du code de procédure civile, de :

– homologuer purement et simplement le rapport d’expertise judiciaire déposé le 6 novembre 2014,

– dire et juger que la mezzanine ne doit en aucun cas être décomptée comme surface occupée en sus de la surface au sol,

– dire et juger, conformément au rapport d’expertise judiciaire, qu’en violation de l’obligation de délivrance, le bailleur a retiré de la surface occupée contractuellement 584m²,

– constater qu’au 16 avril 2016, le montant des loyers réglés en trop par la société Cee Trans est de 609.361,31 euros TTC,

– condamner la société Cee Immo à payer à la société Cee Trans, la somme de 1.569.036,11 euros au titre des loyers et charges indus, sauf à parfaire, selon arrêté au 29 février 2020,

– condamner la société civile immobilière Cee Immo à payer à la société Cee Trans la somme de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société civile immobilière Cee Immo aux entiers dépens.

La société preneuse soutient, sur la foi du rapport d’expertise, qu’il existerait une différence de 584 mètres carrés entre la surface de 2.800 mètres carrés prévue à l’avenant du 16 avril 2013 et la surface véritable des locaux, en affirmant que la surface annoncée au contrat n’aurait jamais eu vocation à inclure celle de la mezzanine, dans la mesure où celle-ci constituerait une installation de nature provisoire réalisée par la société locataire.

Elle ajoute qu’il conviendrait d’interpréter l’avenant du 16 avril 2013 à la lumière de celui du 16 juin 2009, dont elle observe qu’il mentionne la mezzanine sans l’intégrer dans la computation des surfaces louées.

Elle fait grief à la bailleresse d’avoir intentionnellement inclus la mezzanine dans l’appréciation des surfaces louées, à dessein de lui dénier une surface au sol équivalente et de la mettre à la disposition d’une société s’ur.

Elle explique que la société Cee Immo a obtenu, par cette man’uvre, qu’elle accepte que le loyer initialement fixé pour une surface de 3.100 mètres carrés de quais soit maintenu pour une surface annoncée de 2.800 mètres carré, en lui louant en réalité une surface de 2.216 mètres carrés.

Elle reproche au tribunal judiciaire de Lyon d’avoir « estimé qu’il ne résultait pas des dispositions du bail signé le 1er septembre 2007, que le montant du loyer était fixé en fonction de la surface effectivement louée », et d’avoir ce faisant dénaturé l’accord des parties et validé les man’uvres de sa contradictrice.

L’appelante explique également que le constat d’huissier du 12 avril 2013 ne constitue pas un état des lieux appelé à régir les relations entretenues entre la société preneuse et la bailleresse, mais une diligence accomplie dans le cadre de la vente des parts sociales de la société locataire, afin de fixer la consistance des outils d’exploitation entrant dans le périmètre de la cession. Elle considère en conséquence que la société bailleresse ne saurait tirer aucun enseignement ni aucune conséquence juridique de cet acte relativement aux rapports locatifs débattus en la présente instance.

Elle considère que la mise à disposition d’une surface inférieure de 20 % à celle annoncée caractérise un manquement du bailleur à l’obligation de délivrance, justifiant que les sommes réglées au titre du loyer pour des surfaces n’ayant pas été mises à disposition soit remboursées par la société bailleresse.

La société Mutual Logistics Enf fait valoir en second lieu que la société Cee Immo avait pris l’habitude de faire avancer une partie des charges locatives par la société Cee Trans, compte tenu de leur appartenance au même groupe. Elle ajoute que la bailleresse a laissé cette situation perdurer ensuite de la cession des parts sociales de Cee Trans, en méconnaissance des engagements contractés à l’occasion de celle-ci. Elle affirme en conséquence avoir réglé l’intégralité de la consommation électrique générée par l’occupation du site industriel, alors qu’il avait été convenu d’une répartition entre les sociétés occupantes au prorata de leurs consommations personnelles. Elle considère qu’en l’absence de régularisation, il convient de condamner la société Cee Immo à l’indemniser de l’ensemble des sommes réglées directement par ses soins au titre des charges.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 14 octobre 2021, la société civile immobilière Cee Immo demande à la cour, au visa de 1’article 1134 ancien du code civil et des articles 1728 et 1719 du même code, de :

– déclarer irrecevables les demandes de réformation de la société Mutual Logistics Enf contre les chefs de jugement non visés dans sa déclaration d’appel,

statuant sur l’appel incident formé par la société Cee Immo à l’encontre du chef de la décision rendue le 4 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Lyon :

– le déclarer recevable et bien fondé,

y faisant droit :

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société Cee Immo et tenant à la prescription de l’action de la société Mutual Logistics Enf,

statuant à nouveau et réformant de ce chef :

– juger que toutes les demandes de la société Mutual Logistics Enf portant sur la restitution de sommes antérieures à la date du 7 octobre 2008 sont prescrites,

y ajoutant :

– condamner la société Mutual Logistics Enf à payer à la société Cee Immo la somme de 976.709,69 euros TTC, assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2018, correspondant aux loyers impayés, aux charges impayées et à la taxe foncière impayée à la date du 1er mars 2020,

– condamner la société Mutual Logistics Enf à payer à la société Cee Immo la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La bailleresse fait valoir que la mezzanine se trouve mentionnée dans la désignation des lieux loués depuis l’avenant du 19 juin 2009 et figure en tant qu’espace pris à bail dans le constat d’huissier du 12 avril 2013, constitutif d’un état des lieux. Elle ajoute que ce document comporte en annexe un plan des locaux pris à bail intégrant expressément les espaces en mezzanine. Elle fait observer que l’avenant du 16 avril 2013 incorpore expressément les surfaces en mezzanine au titre de la superficie de 2.800 mètres carrés qui y est indiquée. Elle estime en conséquence qu’il avait toujours été dans l’intention des parties d’inclure la superficie de la mezzanine dans celle des locaux loués.

Elle fait observer que la différence entre la surface annoncée dans l’avenant du 16 avril 2013 et celle mesurée par l’expert judiciaire s’établit à 149 mètres carrés, pouvant s’expliquer par l’application de modes de calculs différents. Elle estime qu’une différence aussi minime ne caractérise pas le manquement du bailleur à son obligation de délivrance, les locaux étant parfaitement conformes à leur destination.

La société Cee Immo affirme en second lieu que la demande en remboursement de loyers est prescrite pour la période antérieure au 07 octobre 2008 et sollicite la réformation du jugement entrepris sur ce point.

Elle soutient en troisième lieu que les parties étaient convenues de fixer un loyer forfaitaire, sans référence à la surface louée, en relevant qu’elles s’étaient abstenues de stipuler les clauses d’usage prévoyant une réduction proportionnelle du loyer dans l’hypothèse d’une différence entre les surfaces mentionnées au bail et les surfaces mises à disposition.

Elle estime que la clause portée à l’avenant du 16 avril 2013, selon laquelle « le preneur s’engage à ne pas contester le loyer en raison de cette précision sur les surfaces louées » se trouve dépourvue d’ambiguïté et interdirait au preneur d’agir en diminution du loyer, du chef de la différence constatée entre la surface de 2.800 mètres carrés mentionnée dans l’avenant et celle de 2.651 mètres carrés mesurée par l’expert.

Elle se prévaut en quatrième lieu de ce que le coefficient de réduction appliqué par l’appelante est erroné, comme ne tenant pas compte des surfaces de bureaux et parkings louées.

Elle affirme en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé, sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription partielle de l’action.

La bailleresse conclut en sixième lieu au caractère irrecevable et infondé de la demande en remboursement de charges locatives. Elle oppose la prescription de l’action pour les charges échues avant le 07 octobre 2008. Elle ajoute que la preneuse a fait obstacle à ce qu’elle puisse installer un sous-compteur électrique pour individualiser la consommation de l’appelante et qu’elle s’est opposée à tout projet de répartition des charges entre les sociétés occupantes. Elle lui reproche encore de n’avoir pas déféré à la condamnation à produire ses factures EDF et son contrat. Elle soutient en conséquence que l’intéressée porte la responsabilité de son propre dommage.

Elle fait valoir en septième lieu que l’appelante s’est abstenue de régler son loyer et de rembourser la taxe foncière durant la procédure judiciaire. Elle réclame en conséquence la délivrance d’un titre judiciaire à concurrence de la somme de 976.709,69 euros.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture par ordonnance du 15 octobre 2021 et l’affaire a été appelée à l’audience du 29 septembre 2022, à laquelle elle a été mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOTIFS

La cour relève à titre liminaire que la société Mutual Logistics Enf, qui a quitté les locaux pris à bail, ne querelle plus le rejet de sa demande de condamnation de la société Cee Immo à lui payer la somme de 85.986 euros en réparation de son préjudice lié à la survenance d’un redressement fiscal, non plus que le rejet de sa demande de résiliation de bail.

La critique de ces chefs de jugement n’étant plus soutenue, la cour les confirme.

En outre, il n’appartient pas à la cour d’homologuer le rapport d’expertise, comme le demande la société Mutual Logistics Enf, ce rapport n’étant que l’un des éléments de preuve soumis à la discussion des parties et à l’appréciation de la juridiction.

Sur la prescription des demandes formées par la société Mutual Logistic Enf au titre d’un trop versé de loyer et de charges :

Vu l’article 2262 ancien du code civil ;

Vu l’article 2277 ancien du code civil ;

Vu l’article 2254 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008;

La société Mutual Logistic Enf sollicite que la société Cee Immo soit condamnée à lui verser le montant de 1.569.036,11 euros au titre des loyers, taxes foncières et charges locatives indûment réglés, ou de sommes avancées pour le compte de la bailleresse, dont celle-ci n’a pas assuré le remboursement.

Cette demande se fonde sur le manquement allégué de la bailleresse à son obligation de délivrance s’agissant des loyers et taxes foncières réglées depuis 2007, ainsi que sur l’absence de régularisation annuelle s’agissant des avances sur charges réglées depuis l’année 2008.

Sa demande consiste en :

– une action en responsabilité contractuelle en tant qu’elle vise l’allocation d’une indemnité égale à une fraction des loyers versés, sur le fondement du manquement allégué à l’obligation de délivrance,

– une action en répétition de l’indû en tant qu’elle vise le remboursement des avances sur charges et taxes foncières,

– une action en paiement exercée sur le terrain conrtactuel en tant qu’elle vise l’indemnisation de sommes payées pour le compte de la bailleresse au titre de factures d’électricité et dépenses diverses.

Il convient de les examiner successivement, en débutant par l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de délivrance.

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008, une telle action se prescrivait par 10 ans, sur le fondement de l’article L 110-4 du code de commerce. Elle se prescrit depuis le 19 juin 2008 par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La société Cee Trans avait les moyens d’apercevoir de l’erreur commise sur les surfaces indiquées au contrat de bail (3.100 mètres carrés de quais et mezzanine indiqués pour 2.651 mètres carrés mis à disposition) dès sa prise de possession.

Elle ne justifie d’aucun acte interruptif de prescription avant l’assignation en référé expertise du 02 août 2013.

Toutefois, l’obligation de délivrance est continue et perdure tout au long du contrat de bail.

La demande d’indemnisation du manquement allégué à l’obligation de délivrance par l’octroi de dommages et intérêts n’est donc irrecevable comme prescrite que pour la période antérieure au 02 août 2008. Elle est recevable pour le surplus.

S’agissant de l’action en répétition de charges indument versées :

Cette action se prescrivait, antérieurement au 19 juin 2008, par 5 ans à compter du jour de l’évènement ayant fait naître l’indû, savoir la date à laquelle aurait dû intervenir chacune des régularisations annuelles, sans lesquelles les avances réglées l’année précédente se trouvent privées de cause.

Elle se prescrit désormais par 5 ans, à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, constitué de la date à laquelle aurait dû intervenir chacune des régularisations annuelles.

La première régularisation annuelle de charges pour la période 2007-2020 aurait dû intervenir au plus tard le 31 mars 2008, le bail prévoyant une régularisation annuelle dans le premier trimestre de l’année suivante. Si l’assignation portant demande de répétition de l’indû a été signifiée le 17 février 2015, la cour observe qu’une demande similaire a été formée à titre reconventionnel par conclusions du 22 septembre 2014 en l’instance de référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 27 octobre 2014.

Cette demande a interrompu la prescription pour les avances sur charges opérées de 2009 à 2013, mais n’a pu l’interrompre pour les avances réglées en 2007 et 2008, prescrites depuis les 31 mars 2013 et 31 mars 2014.

La demande de la société Mutual Logistics Enf est donc irrecevable en tant que visant la répétition d’avances sur charges versées en 2008 et les refacturations des taxes foncières 2007 et 2008.

La demande en paiement de sommes avancées par la locataire pour le compte de la bailleresse porte sur des factures d’électricité réglées à compter de décembre 2014 et des dépenses effectuées en août 2013. Elle n’était donc pas prescrite à la date de l’assignation devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et, statuant à nouveau :

– de déclarer la demande prescrite en tant que portant sur l’indemisation du manquement allégué de la société Cee Immo à son obligation de délivrance pour la période antérieure au 02 aout 2008,

– de la déclarer prescrite en tant que portant sur les avances sur charges et refacturations des taxes foncières 2007 et 2008,

– de la déclarer recevable pour le surplus.

Sur le manquement de la bailleresse à l’obligation de délivrance :

Vu l’article 1719 du code civil ;

Conformément à l’article 1719 susvisé, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée.

La société Mutual Logistics Enf conclut en l’espèce au manquement de la société Cee Immo à son obligation de délivrance, aux motifs :

– qu’il n’aurait jamais été dans la commune intention des parties d’inclure les surfaces en mezzanine dans la computation de la superficie des locaux pris à bail,

– que le bail du premier septembre 2007 et l’avenant du 19 juin 2009 disposent que la surface de quais prise à bail s’élève à 3.100 mètres carrés, les surfaces en mezzanine devant être écartées de cette computation,

– que l’avenant du 16 avril 2013 dispose que la surface de quais prise à bail s’élève à 2.800 mètres carrés environ, les surfaces en mezzanine devant être écartées de cette computation,

– que l’expertise judiciaire a démontré que la surface de quais effectivement mise à disposition s’établissait à 2.216 mètres carrés, soit une superficie sensiblement inférieure à celle prévue par les avenants des 19 juin 2009 et 16 avril 2013.

Le contrat de bail du premier septembre 2017 précise effectivement que la surface de quais prise à bail s’établit à 3.100 mètres carrés.

L’avenant du 19 juin 2009 reprend cette indication, avec cette précision que ces 3.100 mètres carrés sont composés de quais (entrepôts) et d’une mezzanine.

Aux termes de l’avenant du 16 avril 2013, ‘les parties reconnaissent… que la surface de quais et mezzanine louée est de 2.800 m2 environ et décident à ce titre de modifier le bail sur ce point. Les parties décident toutefois de ne pas modifier les dispositions du bail commercial relatives au loyer ; le preneur s’engageant à ne pas contester ledit loyer en raison de cette précision sur les surfaces louées’. Cette nouvelle évaluation de la surface de stockage louée résulte des travaux de l’architecte [E], chargé de mesurer les locaux pris à bail et d’en dresser le plan.

Il en résulte sans la moindre ambiguïté que les avenants du 19 juin 2009 et 16 avril 2013 incorporent la mezzanine dans les surfaces prises à bail mentionnées au contrat. Le plan sommaire de M. [E], annexé à l’avenant du 16 avril 2013, représente d’ailleurs la mezzanine au nombre des espaces donnés en location à Cee Trans.

Le fait que la mezzanine ait été construite par le preneur et qu’elle ait été démontée par celui-ci postérieurement à la régularisation de l’avenant du 16 avril 2013 n’a aucune incidence sur l’interprétation de la clause litigieuse, les parties pouvant parfaitement convenir d’incorporer ces surfaces provisoire dans la désignation des locaux pris à bail.

En outre, les allégations de la société Mutual Logistics Enf selon lesquelles la bailleresse tenterait d’inclure la mezzanine dans la surface exprimée de ‘2.800 mètres carrés environ’ à dessein de la priver de 600 mètres carrés de surface au sol au profit d’autres sociétés ne résistent pas l’examen. La superficie de mezzanine se trouvait déja incluse dans la computation des surfaces louées dans l’avenant du 19 juin 2009, alors qu’à cette époque, bailleresse et preneuse constituaient des sociétés soeurs n’ayant aucun intérêt à minorer les surfaces données en location à la seconde.

Il convient en conséquence de juger que la mezzanine fait partie intégrante, depuis la souscription du bail, des superficies de 3.100 mètres carrés puis 2.800 mètres carrés successivement mentionnées dans le contrat du premier septembre 2007 et ses avenants, comme représentant la surface de stockage prise à bail.

Or, l’expert judiciaire [O] a mesuré que la surface de quais louée à la société Mutual Logistics Enf s’établissait à 2.216 mètres carrés, alors que la surface de mezzanine s’établissait à 435 mètres carrés, pour un total de 2.651 mètres carrés.

Ces éléments commandent d’envisager le manquement allégué à l’obligation de délivrance selon deux périodes distinctes.

S’agissant de la période antérieure au 16 avril 2013, il est acquis que la locataire, expressément informée de ce que la surface de 3.100 mètres carrés exprimée au contrat de bail puis à l’avenant du 19 juin 2009 s’avérait sensiblement supérieure aux 2.800 mètres carrés mesurés par M. [E], a expressément accepté que le bail soit ‘modifié’ sur ce point, sans réclamer la moindre rétrocession des loyers échus. Elle a consenti au contraire à ce que le loyer conventionnel soit intégralement maintenu pour l’avenir, en s’engageant ‘à ne pas contester ledit loyer en raison de cette précision sur les surfaces louées’. Un tel accord caractérise la reconnaissance implicite mais certaine de ce qu’il a été satisfait à l’obligation de délivrance jusqu’au 16 avril 2013, nonobstant la surévaluation de la superficie portée au contrat de bail.

Le fait que la superficie effectivement mise à disposition s’établisse en définitive à 2.651 mètres carrés, soit 5,33 % de moins que la surface corrigée portée à l’avenant du 16 avril 2013, est sans incidence sur ce point, l’emploi du terme ‘environ’ dans l’indication des surfaces louées impliquant la tolérance d’une marge d’erreur complémentaire, sous réserve que l’erreur ne soit pas d’une ampleur significative.

S’agissant de la période postérieure au 16 avril 2013, l’obligation de délivrance pesant sur la société Cee Immo a porté sur la mise à disposition de ‘2.800 mètres carrés environ’ de quais et mezzanine, abstraction faite du surplus des installations prises à bail, en bureaux et emplacements de stationnement extérieurs, qui ne donnent pas lieu à contestation.

L’emploi du terme ‘environ’ et l’engagement de la société Cee Trans ‘à ne pas contester ledit loyer en raison de cette précision sur les surfaces louées’ s’interprètent en ce sens qu’une éventuelle différence entre la surface de 2.800 mètres carrés indiquée au contrat et la surface réelle de quais et mezzanine mise à disposition ne sera pas de nature à caractériser le manquement du bailleur à l’obligation de délivrance, sous réserve de ne pas revêtir un caractère significatif.

Force est de constater que l’erreur effectivement commise dans l’indication des surfaces louées s’élève à 5,33 % des surfaces exprimées, soit à un niveau entrant largement dans le seuil de tolérance résultant implicitement des dispositions contractuelles adoptées par les parties.

Il n’y a donc pas manquement de la société Cee Immo à son obligation de délivrance et c’est à bon droit que le tribunal judiciaire de Lyon a rejeté la demande formée au titre d’un trop versé de loyers.

Sur le compte locatif :

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016;

En vertu de l’article 1134 ancien susvisé, les conventions légalement formées tiennent loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 11 du bail du premier septembre 2007, ‘le preneur s’engage à assumer l’intégralité de la consommation d’eau, d’électricité, gaz et autres services afférents aux locaux et, plus généralement, à assumer en plus des travaux d’entretien et de réparations l’intégralité des charges dites locatives concernant l’immeuble loué qui ne seraient pas incluses dans l’énumération qui précède’.

L’article 4 de ce contrat ajoute que le preneur s’oblige à ‘payer les consommations d’eau et d’électricité suivant les indications des compteurs divisionnaires, s’il en existe, ainsi que la location desdits compteurs’, ainsi qu’à ‘rembourser au bailleur la quote-part récupérable des charges afférentes aux locaux loués’ et ‘la quote-part des impôts et taxes relatifs aux biens loués, et en particulier la quote-part de l’impôt foncier y afférent’.

Aux termes de l’article 9 du contrat ‘une avance sur charges locatives est fixée à 4.000 euros par mois, payable dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que le loyer… Une régularisation du montant de ces charges interviendra au cours du premier trimestre de chaque année pour l’année précédente au vu de leur montant exact ‘.

Par avenant du 30 décembre 2009, l’avance mensuelle sur charge a été ramenée à 300 euros.

En dépit de ces dispositions contractuelles, le contrat de fourniture d’énergie a été souscrit par la locataire Cee Trans pour l’ensemble du site, et l’intéressée s’est acquittée des factures correspondantes.

Conscients de la nécessité de pouvoir distinguer les charges répercutables sur la société Cee Trans de celles répercutables sur les autres occupantes, compte tenu de la disparition de la proximité capitalistique entre Cee Trans et Cee Immo, les rédacteurs de l’acte de cession d’actions du 21 février 2013 ont indiqué qu’il conviendrait de ‘clarifier la répartition des frais et charges entre lesdites sociétés pour tenir compte de la location commune de locaux par les sociétés Cee Trans et Cee Inter. Il sera notamment convenu une répartition proportionnelle de la taxe foncière au prorata de la surface au sol louée par les sociétés Cee Inter et Cee Trans. Sera annexé à l’acte de cession définitif le plan de l’entrepôt précisant la répartition des surfaces louées par ces deux sociétés’.

Telle est la raison pour laquelle l’avenant au contrat de bail conclu le 16 avril 2013 précise que ‘les charges seront calculées au prorata de la surface au sol louée’ et modifie en ce sens les dispositions de l’article 4 en ajoutant que la quote-part de charges, impôts et taxes répercutée sur la société locataire sera calculée selon ce prorata.

L’acte de cession du 21 février 2013 dispose pour finir qu’aux fins de ‘déterminer la consommation d’électricité des sociétés Cee Trans et Cee Inter, les fondateurs et le cessionnaire s’engagent à poser un sous-compteur EDF au plus tard le premier juin 2013, aux frais de Cee Immo’.

En exécution de cet engagement, la société Cee Immo a fait établir le 27 mai 2013 un devis pour l’installation de sous-compteurs électriques. Pour procéder à cette installation, la société Cee Immo a sollicité de la société Cee Trans, la transmission du contrat de fourniture d’énergie, ainsi que son attestation Q18, ainsi qu’il ressort d’un courrier du 06 août 2015. Elle lui a également demandé la transmission du contrat d’entretien des niveleurs et des portes de quai.

La société Mutual Logistics Enf, venant aux droits de la société Cee Trans, ne justifie pas avoir satisfait ces demandes, dont elle estime qu’elles ne s’imposaient pas en vue de l’installation de sous-compteurs électriques.

Elle n’a pas donné suite en outre aux invitations de la société Cee Immo à discuter des modalités pratiques de la répartition des charges entre les occupantes, non plus qu’elle n’a transmis les contrats d’entretien des niveleurs et des portes de quai.

Le tribunal judiciaire de Lyon en a tiré la conséquence que la société Mutual Logistics Enf était ‘mal fondée à reprocher à sa bailleresse de ne pas respecter le calcul de répartition des charges’.

Or, la société Cee Immo n’établit pas que la production du contrat de fourniture EDF et de l’attestation Q18 se soit imposée pour l’installation de sous-compteurs électriques. Pour la période antérieure au 16 avril 2013, la proximité capitalistique entre Cee Trans et Cee Immo et le partage d’une direction commune permettait à la bailleresse de se procurer les factures d’électricité réglées par la locataire, pour en répartir le montant entre les différents occupants. Il est certain pour finir que l’absence de transmission des contrats d’entretien des niveleurs et des portes de quai n’empêchait pas la société bailleresse de procéder chaque année à la répartition du reste des charges locatives entre les différentes sociétés occupantes puis d’adresser à chacune un décompte de régularisation annuel, éventuellement expurgé des frais d’entretien des niveleurs et portes de quai.

La société Mutual Logistics Enf soutient par conséquent à bon droit que l’absence de régularisation annuelle des charges locatives rend les avances correspondantes dépourvues de cause. Ces avances sur charges s’établissent à la somme de 102.578,40 euros pour la période du premier trimestre 2009 au mois de février 2020 inclus (étant rappelé que la demande est irrecevable pour la période antérieure).

S’agissant plus spécifiquement des taxes foncières, dont le remboursement est sollicité de manière distincte de celui du reste des charges, il n’est justifié d’aucune régularisation annuelle pour la période comprise entre 2009 et 2015 inclus (la période antérieure étant prescrite). En l’absence de production des factures de régularisation annuelle, il est impossible de vérifier la manière dont cette taxe a été répartie entre les sociétés locataires, ni de s’assurer du bien-fondé des sommes réclamées et payées à ce titre. Les sommes mises en compte par la bailleresse au titre des taxes foncière correspondant aux années 2009 à 2015, d’un montant de 146.695,53 euros, se trouvent en conséquence dépourvues de cause.

Les factures annuelles de régularisation afférentes à la taxe foncière sont produites pour les années 2016 à 2020. Il en ressort que la société Cee Immo a imputé une fraction de 71,76 % de ces taxes à la société Mutual Logistics Enf. Cette imputation est réputée tenir compte des surfaces de quais et mezzanine données en location, mais également des surfaces de bureaux et des surfaces de parkings. Le fait qu’une erreur de 5,33 % ait été commise sur la surface de quais et mezzanine dans l’avenant du 16 avril 2013 a nécessairement eu pour effet de fausser la répartition opérée par la bailleresse, mais pas dans les proportions évoquées par l’appelante. La répartition de la taxe foncière a en effet vocation à s’opérer non point au prorata des surfaces de quais et mezzanine, mais à proportion de l’ensemble des ‘surfaces au sol’, tous types de surface confondus. Au vu du rapport d’expertise de Monsieur [O], la différence entre les surfaces indiquées au bail et celles effectivement mises à disposition s’élève à 54 mètres carrés tout type de surfaces confondues, pour une superficie totale de 6.096 mètres carrés, soit 0.88 %. Les sommes appelées à tort au titre de la taxe foncière s’établissent donc à 0,88 % des sommes refacturées soit 814,85 euros pour la période écoulée entre 2016 et 2020.

La société Mutual Logistics Enf justifie avoir réglé l’intégralité des factures d’électricité du site, au-delà donc de sa quote-part. Faute de régularisation annuelle du compte de charges dûment justifiée par Cee Immo, l’ensemble de ces sommes, avancées pour le compte de la bailleresse, se trouve dépourvu de cause.

La société société Mutual Logistics réclame enfin la somme de 36.757,54 euros au titre ‘d’autres dépenses payées pour le compte du bailleur’, dont elle n’explicite pas la nature et dont elle ne justifie pas.

Le montant des sommes avancées pour le compte de la bailleresse et dépourvues de cause s’élève en conséquence au montant des factures d’électricité 2014 à 2020, soit 127.397,62 euros.

Au vu des développements qui précèdent, le montant global des sommes appelées ou avancées sans cause valable s’élève au total de 377.486,40 euros.

La société Cee Immo allègue cependant d’une créance locative d’un montant total de 976.709,69 euros en loyer et charges, sur la foi d’un décompte arrêté au premier mars 2020. Ce décompte, établi pour la période du 28 février 2017 au premier mars 2020, ne fait pas apparaître le paiement de 141.526,38 euros survenu le 13 avril 2018, dont la réalité est pourtant établie par le précédent décompte du 23 octobre 2019.

En outre, les sommes appelées sans cause et les sommes avancées par la locataire pour le compte de la bailleresse ont vocation à être déduites du montant total de cette créance. Le solde résiduel du compte locatif s’établit alors au montant de 457.696,91 euros au profit de la société Cee Immo :

créance locative portée au décompte : 976.709,69 euros

montant du paiement survenu le 13 avril 2018 – 141.526,38 euros

avances sur charges privées de cause – 102.578,40 euros

taxes foncières 2009 à 2015 privées de cause – 146.695,53 euros

fraction indue des taxes foncières 2016 à 2020 – 814,85 euros

sommes avancées pour le compte de la bailleresse – 127.397,62 euros

somme restant dues : 457.696,91 euros

Il convient en conséquence :

– d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a ordonné à la société Cee Immo d’établir un décompte de charges pour la période du premier juillet 2008 au 30 avril 2016, à charge pour la société Cee Trans de lui communiquer les documents nécessaires et en particulier ses factures, son contrat EDF et les contrats d’entretien des niveleurs et des portes de quais, cette démarche n’étant plus nécessaire, compte tenu du départ de la locataire et du règlement du solde locatif opéré par le présent arrêt,

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande en répétition d’un trop versé de charges locatives formée par la société Mutual Logistics Enf,

– y ajoutant, de condamner la société Mutual Logistics Enf à payer à la société Cee Immo la somme de 457.696,91 euros au titre de l’arriéré de loyer et charges pour la période du 28 février 2017 au premier mars 2020, déduction faites des sommes acquittées sans cause pour lesquelles l’action en répétition n’est pas prescrite.

Sur les frais irrépétibles et les dépens de l’instance :

La société Mutual Logistics Enf succombe, pour l’essentiel, à l’instance et il convient de confirmer le jugement du 04 avril 2019 en ce qu’il l’a condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ajoutant à ce jugement, il y a lieu de la condamner en sus aux dépens de la procédure d’appel. L’équité commande en revanche de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort, dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement prononcé le 04 avril 2019 entre les parties par le tribunal de grande instance de Lyon, en ce qu’il a :

– rejeté les demande en paiement de la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, formées du chef ‘des loyers et taxes foncières indus’ et des ‘charges réglées en trop’,

– condamné la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, aux dépens, ainsi qu’à payer la somme de 3.000 euros à la société Cee Immo, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, de sa demande de condamnation de la société Cee Immo à lui payer la somme de 85.986 euros en réparation de son préjudice lié à la survenance d’un redressement fiscal,

– débouté la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, de sa demande visant à entendre prononcer la résiliation de bail ;

L’infirme en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et en ce qu’il a ordonné à la société Cee Immo d’établir un décompte de charges pour la période du premier juillet 2008 au 30 avril 2016, à charge pour la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, de lui communiquer les documents nécessaires et en particulier ses factures, son contrat EDF et les contrats d’entretien des niveleurs et des portes de quais ;

statuant à nouveau :

Déclare la demande de la société Mutual Logistics Enf, venant aux droits de la société Cee Trans, aux droits de laquelle vient Mutual Logistics Enf, prescrite en tant que portant sur l’indemisation du manquement allégué de la société Cee Immo à son obligation de délivrance pour la période antérieure au 02 aout 2008, ainsi que sur les avances sur charges et refacturations des taxes foncières 2007 et 2008 ;

La déclare recevable pour le surplus ;

Condamne la société Mutual Logistics Enf, venant aux droits de la société Cee Trans à payer à la société Cee Immo la somme de 457.696,91 euros au titre de l’arriéré de loyer et charges pour la période du 28 février 2017 au premier mars 2020, déduction faites des sommes acquittées sans cause pour lesquelles l’action en répétition n’est pas prescrite ;

Condamne la société Mutual Logistics Enf, venant aux droits de la société Cee Trans aux dépens du procès d’appel ;

Rejette les demanees indemnitaires formées au titre des frais non répétibles exposés à hauteur de cour.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x