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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07898

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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07898

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07898 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRQO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2021 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019049422

APPELANT ATTENTION : ORIGINAL CONTRAT AU DP !!

Monsieur [S] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représenté par Me Julia SOURD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. JECHANGE.FR

N° SIRET : 493 542 880

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant

Représentée par Me Geoffroy LACROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : R154, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Le groupe [R] a été créé en 1996 par M. [S] [R], principal actionnaire et animateur du groupe, ayant pour activité le courtage en financement spécialisé dans le rachat de crédit aux particuliers. Ce groupe est composée de différentes sociétés dont la société Agence Cabinet [R], holding du groupe détenue à 100% par M. [R], laquelle détenait notamment l’intégralité du capital social de la société Cabinet [R] Crédit Unique et 99,92% du capital de la société Cabinet [R] Assurance, le reliquat étant détenu par M. [R] directement.

La société JeChange.fr, dirigée par MM. [L] [Y] (directeur général) et [J] [N] (président), a une activité de comparaison entre les offres de divers fournisseurs, afin d’aider les particuliers ou les entreprises à diminuer leurs coûts.

Par une lettre d’intention du 19 juillet 2017, la société JeChange.fr a indiqué souhaiter acquérir 51% du capital social et des droits de vote de la société Agence Cabinet [R] dans un premier temps, puis, ‘sous réserve de l’exercice des promesses’, 24,5% du capital de la holding l’année suivante, et les 24% du capital restant de la holding la seconde année suivante.

Un protocole était signé le 16 novembre 2017 par les parties, qui prévoyait l’acquisition de :

– 100% du capital social de la société Cabinet [R] Assurance au prix de 170 000 euros,

– 51% des titres de la société Agence Cabinet [R] au prix de 870 000 euros.

M. [J] [N] était nommé président de la société Cabinet [R] Crédit Unique. M. [R] était nommé directeur délégué général de la société Cabinet [R] Crédit Unique et embauché en qualité de directeur administratif et financier de ladite société.

Par lettre du 11 juin 2019, la direction du groupe [R] a notifié à M. [R] son licenciement pour faute grave. Il a été révoqué de ses fonctions de directeur général délégué par décision de l’associé unique du 30 octobre 2019. La cause grave du licenciement n’a pas été reconnue par le conseil des prud’hommes de Bordeaux dans son jugement du 21 mai 2021.

La phase n° 2 de la cession n’ayant pas été réalisée, M. [R] a saisi, le 10 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris aux fins d’ordonner l’exécution forcée du protocole de cession.

Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société JeChange.fr de sa demande de dommages et intérêts et condamné M. [R] à payer à la société JeChange.fr la somme de 3 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 avril 2021, M. [R] a interjeté appel de cette décision.

*****

Dans ses conclusions d’appelant signifiées par voie électronique le 8 juin 2022, M. [S] [R] demande à la Cour de’:

DÉCLARER RECEVABLE ET FONDE son appel et y faisant droit,

INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle :

– l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

– l’a condamné à payer à la SAS JECHANGE.FR la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu’il le déboute de ses demandes ;

– a ordonné l’exécution provisoire ;

– l’a condamné aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Et statuant à nouveau,

A titre principal

JUGER que la vente des 24,5 % des parts de la société Agences Cabinet [R] est parfaite, correspondant au closing 2,

JUGER que la vente des 24,5 % des parts de la société Agences Cabinet [R] est parfaite, correspondant au closing 3,

CONDAMNER la société SAS JECHANGE.FR à procéder à la finalisation de l’acquisition des titres et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

CONDAMNER en conséquence la société SAS JECHANGE.FR payer à M. [R] à titre principal la somme de 190 000 euros en numéraire et l’équivalent en action jechange.fr de la somme complémentaire de 190 0000 euros ; A titre subsidiaire, Condamner la société SAS JECHANGE.FR payer à M. [R] la somme de 190 000 euros X2 soit 380 000 euros pour le paiement desdites actions conformément au closing 2.

Y ajoutant,

CONDAMNER en conséquence la société SAS JECHANGE.FR payer à M. [R] à titre principal la somme de 190 000 euros en numéraire et l’équivalent en action jechange.frde la somme complémentaire de 190 0000 euros ;

A titre subsidiaire, Condamner la société SAS JECHANGE.FR payer à M. [R] la somme de 190 000 euros X2 soit 380 000 euros pour le paiement desdites actions conformément au closing 3.

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR au paiement des intérêts de droit sur cette somme à compter de la mise en demeure du 6 mars 2019.

A titre subsidiaire,

JUGER que la société JE CHANGE.FR a commis une faute,

En conséquence,

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, au paiement à M. [R] de la somme de

250 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non réalisation du closing 2 et de la perte de valeur des actions de M. [R], sauf à parfaire.

Y ajoutant,

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, au paiement à M. [R] de la somme de

250 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non réalisation du closing 3 et de la perte de valeur des actions de M. [R], sauf à parfaire.

En tout état de cause,

DEBOUTER la société JE CHANGE. FR de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions

JUGER la demande de remboursement de compte courant d’associé recevable.

DEBOUTER la société JE CHANGE.FR de sa demande de condamnation au titre de la procédure abusive.

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, au paiement à M. [R] de la somme de

80 000 euros en réparation du préjudice subi du fait d’un préjudice moral, d’une perte d’image quant aux professionnels du crédit sur la région bordelaise, sauf à parfaire.

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, à la communication des bilans de la société crédit unique sous astreinte de 100 euros par jour de retard

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, au paiement à M. [R] de la somme de

20 000 euros pour résistance abusive.

CONDAMNER la société JE CHANGE.FR, au paiement à M. [R] de la somme de 15000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

*****

Dans ses conclusions d’intimée signifiées par voie électronique le 9 juin 2022, la société JeChange.fr demande à la Cour de’:

La DECLARER recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

DECLARER irrecevable la demande nouvelle formulée par M. [S] [R] visant à obtenir le remboursement du compte courant d’associé d’un montant de 57 000 euros en application de l’article 564 du code de procédure civile,

En conséquence,

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 25 mars 2021 en ce qu’il a débouté M. [S] [R] de l’ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

DEBOUTER M. [S] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

CONDAMNER M. [S] [R] au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’au paiement d’une amende civile qu’il lui appartiendra de déterminer ;

CONDAMNER M. [S] [R] au paiement de la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes de M. [R]

La société JeChange.fr soulève l’irrecevabilité de la demande de M. [R] tendant au remboursement de son compte courant d’associé à hauteur de 57 000 euros car elle n’a pas été soulevée devant les premiers juges.

Le dispositif des dernières conclusions de l’appelant ne présente aucune demande de remboursement de la somme de 57 000 euros, simplement une demande de juger recevable sa ‘demande de remboursement de compte courant d’associé’. Le conseil de l’appelant a confirmé à l’audience de plaidoirie que cette demande avait été abandonnée.

Sur l’engagement contractuel des parties sur la cession des 49% complémentaires des parts de M. [R]

M. [R] reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu la qualification du tout indivisible que formaient les annexes avec la première partie du protocole d’acquisition et de ne pas avoir fait droit à sa demande d’exécution forcée du protocole sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

La société JeChange.fr demande à la cour de confirmer le jugement qui a, par une motivation détaillée, fait une exacte analyse des documents contractuels et des échanges entre les parties.

– Sur le rejet de la pièce n° 21 produite par M. [R]

M. [R] produit une attestation de M. [X], qui était le responsable administratif et comptable de la société JeChange.fr.

Cependant cette attestation ne respecte pas, selon la société, les exigences de l’article 202 du code de procédure civile puisqu’il manque la mention selon laquelle son auteur est informé qu’elle sera produite en justice et qu’il a pris connaissance des dispositions de l’article 441-7 du code pénal sanctionnant l’établissement d’attestation faisant état de faits matériellement inexacts et la copie du document d’identité de l’auteur, ainsi que la précision du lien l’unissant à M. [R]. La société JeChange.fr fait enfin valoir que M. [X] ayant été licencié par M. [N], ce témoignage ne reflète aucune objectivité et n’a aucune valeur probante.

M. [R] demande à ce que cette attestation même non conforme aux dispositions du code de procédure civile soit considérée comme un commencement de preuve.

Une attestation ne respectant pas les exigences de l’article 202 du code de procédure civile a valeur de commencement de preuve par écrit . Il n’y a donc pas lieu d’écarter l’attestation en litige mais de la considérer comme un commencement de preuve par écrit.

– Sur l’engagement ferme des closing 2 et 3 dans le protocole d’acquisition du 16 novembre 2017

M. [R] fait valoir que les parties étaient d’accord sur la chose et le prix, que la seule condition suspensive tenait à une restructuration préalable qu’il a effectuée et qu’il a toujours été de la commune intention des parties que la société JeChange.fr acquiert l’intégralité du capital de ses sociétés.

Il souligne le lien de confiance qu’il entretenait avec M. [Y] expliquant qu’il n’ait pas été assisté d’un conseil au moment de la signature de protocole d’acquisition, et que c’est après le départ de M. [Y] que les engagements écrits n’ont plus été respectés.

Il souligne que le prix a toujours été négocié de manière globale et que les échanges entre les parties démontrent cette intention d’acquisition de l’intégralité du capital. Il fait valoir que l’acte lui-même mentionne l’existence d’un prêt accordé pour financer la totalité des actions et que le closing 2 devait intervenir en N+1, soit en décembre 2018.

Il ajoute qu’il lui a été expliqué que le cordon bleu entourant le protocole et les annexes permettait de faire un tout indivisible et que les promesses des closings 2 et 3 seraient signées ultérieurement.

Il précise qu’il demande l’exécution forcée du protocole et le paiement de la somme de

190 000 euros en numéraire et 190 000 euros en actions jeChange.fr, et à titre subsidiaire le paiement de la somme de 380 000 euros en numéraire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

La société JeChange.fr réplique que la lettre d’intention a été parfaitement apprécié par les premiers juges, qu’elle ne contient aucune obligation d’achat mais simplement une manifestation d’intérêt, et que le protocole d’acquisition ne concerne que l’acquisition de 100% des titres de la société [R] Assurances et l’acquisition de 51% des titres de la société Agences Cabinet [R].

Elle explique que la cession additionnelle des 49% du capital social de la société Agences Cabinet [R] devait être réalisée par l’exercice de promesses unilatérales à régulariser, qui sont analysé par le code civil comme des contrats préparatoires devant être suivis d’une levée d’option dans le cadre de laquelle les volontés se rencontrent et la vente devient parfaite. Elle observe que M. [R] ne produit ni les promesses unilatérales ni la preuve de la levée des options.

Il ressort du protocole de cession d’actions en litige que la première partie concerne les définitions que donnent les parties à certains termes, et notamment :

– au terme ‘Financement’ défini comme désignant ‘un prêt à terme consenti par la Caisse d’Epargne d’une durée de 84 mois et d’un montant maximum en principal de 1 420 000 euros divisé en trois branches comme suit :

* 1 040 000 au titre de la première tranche à l’effet de financer la cession des Actions [R] Assurances et la cession des Actions Holding, au taux fixe annuel de 0,97% ;

* 190 000 euros au titre d’une seconde tranche au taux fixe annuel de 1,10% ;

* 190 000 euros au titre d’une troisième tranche au taux fixe annuel de 1,35%’.

– au terme ‘Promesses’, définies comme ‘la Promesse 1 et la Promesse 2 ‘, soit pour la promesse 1 ‘la promesse unilatérale de vente conclue entre M. [R] en qualité de promettant et le cessionnaire en qualité de bénéficiaire et portant sur 49% du capital, les options d’achat en résultant pouvant être exercées suivant la signature de l’Acte de cession Holding’ dont le modèle figure en annexe, et pour la promesse 2 ‘la promesse unilatérale d’achat conclue entre le cessionnaire, en qualité de promettant et M. [R] en qualité de bénéficiaire portant sur 49% du capital, les options de vente en résultant pouvant être exercées suivant la date de signature de l’Acte de cession Holding’ dont le modèle figure en annexe.

Il y est ensuite convenu la cession des actions de la société [R] Assurances, pour le prix de 170 000 euros, cession non contestée par les parties, puis la cession, à compter du point 1.3, des actions de la Holding, point en litige.

Une condition suspensive spécifique relative à la restructuration du groupe y est mentionnée, au point 1.3.4, qui a été réalisée conformément au protocole et sur laquelle les parties ne débattent pas.

Le point 1.3.1 intitulé ‘Modalités de la cession des Actions Holding’ prévoit la cession de 51% des titres, moyennant la somme de 870 000 euros (point 1.3.2 ‘Prix de cession’).

Le point suivant, numéroté 1.3.3, prévoit l’engagement ‘ferme et irrévocable’ de M. [R] à signer les Promesses (ce qui renvoie aux promesses de vente et d’achat des 49% restants dont la définition est rappelée ci-dessus) ‘concomitamment à la cession des Actions Holding’, soit au plus tard le 8 décembre 2017, date que les parties appellent la ‘Date de Closing 2″ (la date de closing 1 concernant la cession des actions de la société [R] Assurances).

Il est ensuite prévu la remise de certains documents à la date de closing 2, soit le 8 décembre 2017 , comme notamment la copie de l’acte de cession des 51% signé, les statuts à jour de la holding, le registre des procès-verbaux des décisions de l’associé unique, l’imprimé Cerfa formalisant la cession, et une copie des promesses signées par M. [R].

Il en résulte que cet acte ne procède qu’à la cession de 51% du capital de la Holding, et que seul M. [R] a pris des engagements quant à la cession des 49% restants : celui de signer les promesses d’achats et de vente et de les remettre à la société JeChange.fr le 8 décembre 2017 au plus tard. La société JeChange.fr ne prend, au terme de cet acte, aucun engagement à ce titre, ce que conforte la rédaction du point 1.7 de l’acte, relatif au complément de prix, qui stipule que ‘Dans l’hypothèse où le cessionnaire détiendra 100% du capital de la holding d’ici la fin de l’année 2019, le cessionnaire versera à M. [R] un complément de prix éventuel (…)’, formation qui souligne bien le caractère hypothétique de la cession des 49% du capital restant.

S’il est vrai que l’existence d’une cession ultérieure est évoquée dans l’acte, dans la définition du terme ‘Financement’ et dans le fait que des modèles de promesses que M. [R] s’engage à signer sont annexés à l’acte, il en ressort qu’il ne s’agit que d’une simple possibilité, la société JeChange.fr ne prenant aucun engagement pour la cession des 49% restants.

Ainsi, et malgré la présence d’un cordon bleu entourant l’acte de cession et les modèles de promesses 1 et 2, il en ressort très clairement et de manière parfaitement compréhensible pour quiconque, même non assisté d’un conseil, que l’engagement de signer lesdites promesses ne pèse que sur M. [R] et que la société JeChange.fr ne s’est engagée à rien quant à l’acquisition des 49% restants, dont le prix n’est d’ailleurs même pas évoqué.

Il ne peut donc être soutenu que la société JeChange.fr a pris à cette occasion un engagement ferme, que les parties avaient trouvé un accord sur la chose et le prix et qu’il existait une indivisibilité entre la cession de 51% du capital de la Holding et la cession des 49% restants.

En outre, si les échanges de courriels entre les parties courant mars 2017 révèlent qu’une cession de la totalité du capital de la Holding a été envisagée, avec une première cession de 51%, et une cession des 49% restants sur les 2 ans à venir (pièces n° 15 et n° 24 produites par M. [R]), volonté que l’on retrouve exprimée dans les échanges de juillet 2017 concernant la rédaction de la lettre d’offre indicative, il s’avère que la clause discutée en juillet 2017 prévoyant l’engagement irrévocable de la société JeChange.fr d’acquérir les 49% restants au delà de la réalisation d’un certain chiffre d’affaires (pièce n° 25 produite par M. [R]), ne se retrouve pas dans l’acte de cession.

Au contraire, il ressort du courriel rédigé par M. [Y] à l’attention de M. [R] le 13 juillet 2017, par lequel le premier transfère au second l’analyse fiscale réalisée par le cabinet d’avocats Orrick sur le projet de cession (pièce n° 22 produite par M. [R]), que le montage soumis à l’analyse fiscale du cabinet ne contient plus que la cession de l’intégralité des titres de [R] Assurance et la cession 51% de Cabinet [R]. Le périmètre y est ainsi clairement défini, et M. [R] ne démontre pas qu’il ait contesté les contours de ce périmètre alors défini.

– Subsidiairement, sur la qualification de la lettre d’offre indicative comme promesse unilatérale d’achat sous conditions suspensives, acceptée par M. [R]

M. [R] fait valoir que cette lettre ne constituait pas une simple manifestation d’intérêt sans obligation juridique mais un acte comprenant tous les éléments essentiels de la cession, devenue définitive dès la réalisation des conditions suspensives.

La société JeChange.fr réplique que la lettre d’intention précise qu’elle est non engageante.

Il ressort de la lecture de cette lettre d’offre indicative qu’elle n’entraîne aucune contrainte ou engagement pour la société JeChange.fr mais constitue une simple manifestation d’intérêt, comme le rappelle très clairement le document, notamment dans le premier paragraphe de son article 9 intitulé ‘Portée juridique de l’Offre Indicative’.

Ce document ne peut donc pas être qualifié de promesse unilatérale d’achat sous conditions suspensives.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement quant à l’analyse qui a été faite de la lettre d’offre indicative du 19 juillet 2017 et du protocole de cession du 16 novembre 2017, analyse qui a conduit les premiers juges à rejeter les demandes d’exécution forcée et d’indemnisation du préjudice résultant de cette absence de cession formées par M. [R].

Subsidiairement, sur le dol commis par la société Jechange.fr

M. [R] fait valoir que la société JeChange.fr a commis un dol en lui faisant croire qu’elle s’engageait à un achat global afin de l’inciter à vendre 51% de ses parts, cession partielle qu’il n’aurait jamais accepté sans la promesse d’une cession globale. Il ajoute que la société JeChange.fr a été la seule rédactrice de l’acte et l’a induit en erreur, comme le démontrent les courriels échangés entre les parties.

Il met notamment en avant le témoignage de l’ancien responsable administratif et comptable de la société JeChange.fr, M. [X], révélant que M. [N] avait l’intention de ne pas honorer la phase 2 du protocole.

Par ailleurs, il souligne que le conseil des prud’hommes a reconnu le caractère abusif de son licenciement et le harcèlement moral dont il a été l’objet.

La société JeChange.fr demande le rejet du témoignage de M. [X], rappelant qu’il a été licencié par M. [N], impliquant une absence d’objectivité et une volonté de nuire de M. [X]. Elle souligne le lien amical entre l’appelant et M. [X]. Elle fait valoir que les allégations de M. [X] sont erronées et diffamatoires.

La société JeChange.fr souligne que les accusations de tromperie de l’appelant ne sont étayées d’aucun élément probant et que les échanges mentionnés par M. [R] sont reproduits de manière partielle, omettant les passages sur les conditions suspensives ou les modalités à prévoir. Elle indique que l’absence de conseil aux côtés de M. [R] relève de sa négligence et souligne qu’il a été dirigeant d’entreprise pendant plus de 20 ans.

La société JeChange.fr rappelle que pour invoquer le dol, l’appelant doit prouver que le rachat des 49% restants du capital social était ferme, non-conditionné et que ce rachat n’a pas eu lieu en raison de man’uvres ou mensonges de sa part, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque :

– la cession des 49% restants n’était pas ferme,

– elle n’a jamais fait croire à M. [R] que ce rachat était ferme et n’a réalisé aucune manoeuvre.

Elle souligne que l’appelant n’apporte aucun élément justificatif au soutien de sa demande indemnitaire au titre du dol comme l’a relevé le jugement entrepris. Par ailleurs, elle fait valoir que le jugement du conseil des prud’hommes du 21 mai 2021 n’a jamais retenu un harcèlement moral sur M. [R].

Il ressort des courriels échangés entre les parties que la cession de la totalité du capital en 3 étapes a bien été envisagée, mais que la société JeChange.fr n’a pas promis à M. [R] de procéder à l’acquisition complémentaire de 49% du capital, et que M. [R] n’a jamais précisé à la société JeChange.fr que cette acquisition complémentaire était un élément déterminant de son consentement de céder d’abord 51% dudit capital.

Par suite, ces échanges, qui s’inscrivent dans un cadre de négociations et d’échanges préalables à une opération de cession classique, ne révèlent aucune manoeuvre frauduleuse de la part de la société JeChange.fr, la circonstance que M. [R] n’ait pas été assisté d’un conseil ne pouvant être imputée à la société JeChange.fr.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui n’a pas retenu l’existence d’un dol.

A défaut, sur la rupture abusive des engagements contractuels de la société Jechange.fr

M. [R] considère que la société JeChange.fr n’a pas négocié de bonne foi et n’a pas été loyale, ayant ainsi commis une faute caractérisant une rupture abusive des pourparlers.

M. [R] rappelle le climat de confiance des négociations, son absence de conseil, et la mauvaise foi de l’intimée qui ne considère pas le protocole et les annexes comme un tout indivisible malgré le cordon bleu et l’assurance qui lui a été faite qu’il n’y avait pas besoin de signer les promesses des closings 2 et 3 qui se trouvaient en annexe. Il mentionne à nouveau le témoignage de M. [X].

S’agissant des préjudices, il fait valoir un préjudice d’atteinte à l’honneur en raison de la rupture brutale et sans motif des pourparlers, un préjudice de perte de chance en raison de la perte de valeur des 49% de parts restantes et des difficultés à les revendre à un tiers et un préjudice personnel et moral considérant qu’il a dû prendre des antidépresseurs et remonter une société LP Financement qui ne génère aucun profit.

S’agissant du lien de causalité, M. [R] considère que les préjudices invoqués résultent bien de la rupture abusive des pourparlers, voir même du dol dont il a été victime.

Il demande 250 000 euros pour la non-réalisation du closing 2 et 250 000 euros pour la non-réalisation du closing 3.

La société JeChange.fr rappelle que M. [R] est un professionnel du secteur, qu’il a choisi de ne pas se faire assister par un conseil pendant les négociations, et n’était pas en situation de faiblesse. Elle constate qu’il n’apporte pas la preuve d’une rupture abusive des négociations. Elle considère que M. [R] a choisi de ne pas exercer l’option de vente de ses actions. Elle souligne que les demandes indemnitaires de l’appelant ne sont supportées par aucune preuve.

Il ressort des documents contractuels et des échanges entre les parties que l’acquisition des 49% du capital restant a été envisagée et discutée ; que M. [R] a indiqué, dans un courriel du 17 décembre 2018, qu’il souhaitait toujours lever la promesse de vente mais il ne produit aucun élément tendant à la reprise des discussions sur ce point et à la signature des promesses comme il s’y était engagé.

Par suite, il ne peut être reproché à la société JeChange.fr d’avoir rompu des pourparlers qui n’étaient plus en cours depuis l’été 2017. Il sera en outre à nouveau rappelé que l’absence de conseil de M. [R] ne peut être imputée à la société JeChange.fr.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande d’indemnisation au titre de la rupture abusive des pourparlers, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres chefs d’indemnisation présentés par M. [R] au titre de son préjudice moral, de la résistance abusive et de la communication des bilans de la société sous astreinte.

Sur la demande reconventionnelle de la société JeChange pour procédure abusive

La société JeChange.fr considère que l’appelant la poursuit en pleine connaissance du caractère infondé et injustifié de son action. Elle fait valoir que ces agissements constituent un abus de droit d’agir et caractérise la mauvaise foi de M. [R] et demande 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et au paiement d’une amende civile.

M. [R] demande le rejet de la condamnation au titre de la procédure abusive, rappelant que les bilans des filiales n’ont toujours pas été produits. Il demande 20 000 euros pour résistance abusive.

Chacun pouvant se méprendre sur l’étendue de ses droits, l’appel interjeté par M. [R] ne révèle aucun abus de son droit d’agir en justice. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

M. [R] demande la condamnation de la société JeChange.fr à payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société JeChange.fr demande 15 000 euros.

Il y a lieu de condamner M. [R], qui succombe en ses demandes, à payer la somme de 2 500 euros à la société JeChange.fr sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Constate l’abandon de la prétention relative au remboursement de son compte courant d’associé formée par M.[S] [R],

Rejette la demande de la société JeChange.fr visant à écarter la pièce n° 21 produite par M. [S] [R] des débats,

Confirme le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Déboute la société JeChange.fr de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute M. [S] [R] de ses autres demandes,

Condamne M. [S] [R] à payer à la société JeChange.fr la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] [R] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

La greffière La présidente

 


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