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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00672

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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00672

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 15/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/00672 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TNOC

Jugement (N°2020001705) rendu le 03 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Boulogne- sur-Mer

APPELANT

Monsieur [X] [F]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Raphaël Tachon, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [K] [Y]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 6] – Algérie, de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sophie Graux, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2022 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d’instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 avril 2022

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte du 12 juin 2019, M. [X] [F] a cédé à M. [K] [Y] la pleine propriété de cent actions composant l’intégralité du capital social de la société ‘Le Sleeping’ qui exploitait un fonds de commerce d’hôtel, café, restaurant, bar, brasserie et sandwicherie, dont M. [F] était gérant, moyennant le prix de 70 000 euros. Les parties sont convenues que le prix serait réglé au moyen trois chèques (un chèque de 50 000 euros et deux chèques 10 0000 euros) remis au cédant lors de la signature de l’acte.

Arguant de la révélation d’un passif après la cession et de paiements effectués avec la carte bancaire de la société mais étrangers à son activité, M. [Y] a, par acte du 19 juin 2020, assigné le vendeur devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer aux fins de voir annuler la cession de parts sociales sur le fondement du dol.

Par jugement réputé contradictoire du 3 novembre 2020, le tribunal a :

– prononcé l’annulation de la cession d’actions de la société Le Sleeping intervenue le 12 juin 2019 entre M. [F] et M. [Y],

– condamné M. [F] à payer à M. [Y] la somme de 50 000 euros,

– débouté M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts,

– condamné M. [F] à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil et aux dépens de l’instance, liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 janvier 2021 M. [F] a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 avril 2022 M. [F] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1130, 1137 du code civil et L. 131-31 et L. 131-35 du code monétaire et financier, de :

– réformer le jugement dont appel,

– juger n’y avoir lieu à annulation de la cession de parts,

– condamner M. [Y] au paiement de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

– le condamner au paiement de la somme de 3 600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [F] soutient que l’acheteur est de mauvaise foi dans la mesure où il a fait opposition de manière frauduleuse aux trois chèques, et ce, immédiatement après la cession de sorte que cette opposition ne peut être en lien avec la découverte d’un passif, où il l’a assigné volontairement à son ancienne adresse et où il a procédé à la cession du fonds de commerce, empêchant la restitution des parts sociales, tout en réclamant par ailleurs l’annulation de la vente. Il conclut à l’absence de dol expliquant que l’acheteur a été informé de la situation de l’entreprise, notamment sur le plan fiscal, subsidiairement, parce qu’il estime qu’il appartenait à ce dernier de faire preuve de prudence en procédant à une analyse de la situation de l’entreprise avant l’acquisition de l’intégralité des parts sociales. Il explique enfin qu’il a remis la carte bancaire de la société le 13 juin 2019 de sorte qu’il n’y a pu y avoir utilisation frauduleuse après la vente.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 avril 2022 M. [Y] demande à la cour, au visa des articles 1130, 1137 et 1178 du code civil, de :

– dire recevable mais non fondé l’appel interjeté,

– confirmer le jugement,

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses prétentions,

– le condamner à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de son avocat.

M. [Y] conteste les comportements frauduleux qui lui sont reprochés par l’appelant. Il conclut à la confirmation du jugement expliquant qu’il ne lui a été remis lors de la vente qu’un exemplaire des statuts de la société et un extrait des inscriptions au RCS, qu’il a découvert ensuite l’existence de nombreuses dettes antérieures à la cession et d’un redressement fiscal consécutif à une vérification de comptabilité, qu’il a en outre constaté des règlements effectués avec la carte bancaire de la société pour des dépenses étrangères à son activité. Il soutient que le silence du vendeur sur le passif et le contrôle fiscal constituent des manoeuvres dolosives relatives à des éléments déterminant de son consentement. Il fait valoir que le cocontractant est tenu à un devoir de bonne foi l’obligeant à révéler tous les éléments relatifs à la valeur des parts sociales cédée, et que l’absence de prétendue demande de sa part d’une situation comptable intermédiaire ne dispensait pas le vendeur de révéler le passif dont il avait connaissance. Il fait valoir en outre qu’il a été induit en erreur par une clause du contrat qui, au vu du seul passif révélé lors de la cession, laissait croire qu’aucune autre dette n’était transmise. Il conteste être signataire de deux documents communiqués par l’appelant pour justifier des conditions financières de la vente et de la remise de la carte bancaire. Il explique enfin qu’il n’a pas vendu les parts sociales de la société Le Sleeping mais seulement son fonds de commerce.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé du surplus de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 avril 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 11 mai 2022 reportée au 25 mai en raison de problèmes de santé d’un magistrat.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de la vente

En application de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantielles différentes ; leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Selon l’article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges ; constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ; néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Le premier juge, constatant qu’il n’avait été remis à l’acquéreur que les statuts et un extrait des inscriptions au RCS et qu’il n’en résultait pas qu’il avait disposé de l’ensemble des éléments nécessaires pour apprécier la réelle substance de la société cédée, qu’il apparaissait que certaines informations essentielles sur la situation financière de la société avaient été dissimulées lors de la cession, et que M. [Y] n’aurait probablement pas contracté s’il avait eu connaissance du passif, les informations dissimulées ayant un caractère déterminant de décision de contracter, et tirant ‘toutes conséquences de droit’ du fait que M. [F] n’avait pas comparu alors qu’il ne pouvait ignorer le passif de la société dont il était l’unique associé et dirigeant, a retenu le dol du vendeur.

Il ressort des éléments du dossier que l’acquéreur a reçu avant la cession un exemplaire des statuts de la société à jour et certifiés conformes par la gérance et un extrait des inscriptions au RCS ayant moins de trois mois et il a pris connaissance d’un bordereau de situation fiscale daté du 24 mai 2019 faisant état d’un ‘reste à payer’ de 24 520 euros, document que l’acquéreur a signé après avoir apposé la mention manuscrite ‘je reconnais avoir pris la connaissance de la somme de 21 000 de TVA le 12/06/2019’.

La pièce n° 3 de l’appelant, intitulée de manière imprécise ‘justificatif de passif révélé à M. [Y]’, est composée de nombreuses pièces dont certaines permettent d’identifier des dettes de la société exigibles antérieurement à la cession (notamment une dette relative à des cotisations salariales de 7 000 euros environ, une dette URSSAF de plus de 8 000 euros) et il est justifié de contrats en cours liant la société et dont l’acquéreur indique ne pas avoir eu connaissance (notamment des contrats de leasing, un prêt bancaire avec un capital restant dû lors de la cessions supérieur à 13 000 euros). Il n’est pas démontré que ce passif aurait été porté à la connaissance de l’acheteur mais il pesait sur celui-ci, alors qu’il prenait le contrôle de la société et compte tenu de son expérience dans la gestion de sociétés pour avoir été antérieurement gérant d’une société ‘Sold’s Cars’, une obligation renforcée de se renseigner sur la situation de la société et il n’apparaît pas qu’il aurait été dans l’impossibilité d’avoir accès aux éléments comptables. Dans une attestation établie le 28 avril 2021, M. [O] [L], expert comptable de la société Le Sleeping, explique que ‘le 11 juin 2019, M. [F] et M. [Y] [l]’ont contacté pour effectuer une cession d’actions de SAS très rapidement, ainsi qu’un compte de résultat prévisionnel. Ces travaux ont été réalisés pour le 12 juin 2019. Les parties étant pressées (…) l’acquéreur n’a pas jugé bon de faire établir une situation intermédiaire pour avoir le détail de la situation financière de la société’. Quand bien même ce compte de résultat prévisionnel n’aurait pas été remis à l’acheteur comme il le soutient, il lui appartenait de prendre toutes mesures nécessaires pour prendre connaissance des comptes sociaux, étant relevé qu’il n’est pas soutenu qu’il y aurait eu une dissimulation de passif dans les comptes de la société.

M. [Y] explique qu’au regard de la formulation de la clause ‘Propriété – jouissance’ de l’acte il a pu se convaincre qu’aucune autre dette qu’une dette de TVA (pour un montant de 21 000 euros) n’était transmise avec la cession ; ladite clause stipule que ‘les bénéfices de l’exercice en cours seront acquis au cessionnaire, lequel sera tenu des pertes à compter de ce jour. En conséquence, il aura, seul, droit à toute répartition de bénéfices ou de réserves qui sera décidée postérieurement à ce jour. Il aura à compter de la même date seule vocation aux bénéfices rattachés aux parts. Il sera tenu des dettes à compter de ce jour’ mais elle ne laisse pas entendre que seules les dettes nées après la cession seront à la charge de l’acheteur ; celui-ci ne pouvait ignorer que les parts sociales dont il faisait acquisition sont un titre de propriété sur le patrimoine de l’entreprise comprenant l’actif et le passif. Il ne peut donc être considéré qu’il aurait été ‘trompé’ par l’acheteur du fait de cette clause.

En l’absence de toutes démarches de l’acheteur pour se renseigner sur la situation financière de l’entreprise, le silence du vendeur sur l’existence des dettes ou des contrats liant la société avec des tiers ne constitue pas une dissimulation volontaire de la situation financière de l’entreprise pouvant caractériser un dol.

Par ailleurs, M. [Y] verse aux débats une proposition de rectification de l’administration fiscale adressée le 28 mai 2019 à la société Le Sleeping, suite à une vérification de comptabilité dans le cadre d’un contrôle sur l’ensemble des déclarations fiscales sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2018 (intervention entre le 11 octobre 2018 et le 7 mars 2019 en présence de M. [F]), dont copie lui a été remise le 15 octobre 2019 (selon mention apposée sur la copie et signée par le chef de service comptable des finances publiques). Il est communiqué un avis de mise en recouvrement en date du 31 janvier 2020 (uniquement les pages 1/4 et 2/4) faisant état d’une créance de 242 euros (pénalités de retard) et il n’est produit aucun autre élément concernant les suites données à la proposition de rectification. Il est en outre communiqué un bordereau de situation fiscale du 15 octobre 2019, qui reprend en partie les sommes restant à payer (notamment au titre de la TVA) mentionnées sur le bordereau du mois de mai, dont l’acquéreur a eu connaissance, et qui ne fait apparaître au titre d’un contrôle fiscal, qu’une somme restant à payer de 2 588 euros. Ces montants, au regard du prix de la cession des parts sociales, ne sont pas de nature à influer sur le consentement de l’acquéreur à la cession des parts sociales.

Il ne résulte pas de ces éléments la preuve d’une réticence dolosive portant sur un élément déterminant du consentement de l’acquéreur.

Enfin, il y a lieu de relever que l’intimé ne communique aucun élément tendant à démontrer qu’il aurait été fait usage par le vendeur (postérieurement ou antérieurement à la vente) de la carte bancaire de la société pour des dépenses n’entrant pas dans le cadre de son activité, la plainte communiquée par M. [Y] n’apportant pas d’élément probant.

A défaut pour M. [Y] de rapporter la preuve d’un dol ayant vicié son consentement, il convient d’infirmer le jugement et de rejeter les demandes tendant à voir annuler la vente et obtenir restitution des sommes versées en paiement du prix.

Sur la demande de dommages-intérêts

Il n’est pas justifié d’un préjudice moral résultant des agissements de M. [Y] lors de la vente ou dans le cadre de cette procédure, étant relevé qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait été engagée en fraude des droits de M. [F] (l’huissier de justice ayant eu confirmation de la certitude du domicile lors de la signification).

Il convient dès lors de débouter l’intimé de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, de mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de M. [Y] et d’allouer à M. [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [K] [Y] de sa demande tendant à voir annuler la cession des parts de la société ‘Hôtel Le Sleeping’ intervenue le 12 juin 2019 entre M. [X] [F] et M. [K] [Y] et de sa demande en restitution de la somme de 50 000 euros ;

Déboute M. [X] [F] de sa demande de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [Y] aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne M. [K] [Y] à payer à M. [X] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffierLe président

Valérie RoelofsDominiques Gilles

 


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